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| - Dos de chasuble taillé dans un velours « à la devise » de la Ceinture d'Espérance et de la Cosse de Genêt (fr)
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| - Deux grands éléments aujourd'hui séparés proviennent d'un dos de chasuble, qui comportait à l'origine des galons le long de l'encolure et des côtés. Ces galons sont encore visibles sur les photographies de la pièce avant la Seconde Guerre mondiale. La partie senestre est composée d'un assemblage de onze pièces, la partie dextre, de sept pièces, toutes taillées dans la même étoffe, un somptueux velours façonné coupé, triple corps, lancé et broché d'or. Trois morceaux à dextre ont conservé une lisière, un seul sur la partie senestre, mais cette dernière comporte également une bordure de départ. Lisières et bordure sont repliées sur l'envers de la pièce. Sur les deux pans de la chasuble, les différentes pièces ont été assemblées de manière à respecter au mieux la cohérence du décor, sauf sur les épaules du vêtement.
Le décor est organisé en registres horizontaux répétés, le rapport de dessin mesurant deux cent quatre-vingt-dix-sept millimètres de haut pour deux cents millimètres de large. Il comprend deux registres ornementaux, séparés par une plage de velours uni (environ soixante millimètres) de couleur cramoisi. Le premier registre, d'une hauteur de cent quarante à cent cinquante millimètres, présente un fond de velours cramoisi lancé d'or, sur lequel se détache le collier de l'ordre de la Cosse de genêt. Il est formé de cosses de genêt accouplées, auxquelles sont suspendues alternativement une cosse et une fleur de genêt. Des détails en velours bleu rehaussaient cette « devise ». Le second registre, d'une hauteur de trente-cinq à quarante millimètres, présente un fond de velours rouge métallisé d'or broché, sur lequel s'enlève la Ceinture d'espérance. La ceinture est en velours bleu, avec les lettres formant le mot « esperance » accosté de deux croisettes en velours crème, les boucles et les ardillons brochés d'or.
La Ceinture d'espérance, de couleur bleue, avait été instituée par le duc Louis II de Bourbon vers 1366-1370. Elle fut conservée, durant tout le XVe siècle, par la famille ducale de Bourbon, tandis que le roi Charles VI, de son côté, en faisait une de ses « devises » préférées, probablement en hommage à son oncle. La Cosse de genêt, autre « devise » de Charles VI et probablement la plus importante de son règne, est mentionnée à partir de 1387 ; son association avec la précédente est connue entre cette date et 1394. Les comptes de son brodeur Robert de Varennes, notamment, mentionnent plusieurs habits rehaussés soit de la « ceinture et lettres qui disent Espérance », soit de « la branche ou tige de geneste », soit de ces deux « devises » réunies, comme sur le velours du musée des Tissus.
La persistance de la Ceinture d'espérance parmi les emblèmes des ducs de Bourbon au XVe siècle a cependant étayé une tradition lyonnaise étonnamment durable à propos de cette chasuble. Dès 1900, en effet, Raymond Cox l'attribue à Charles II, cardinal de Bourbon, archevêque de Lyon de 1446 à 1488. Il redit cette appartenance supposée de la chasuble au primat dans le premier Catalogue sommaire des collections du musée publié en 1902, et attribue l'exécution du velours à la ville de Venise. Henri d'Hennezel conteste cependant en 1929 l'attribution de l'étoffe à Charles II, cardinal de Bourbon, et indique : « il est plus probable que ce tissu ait été fabriqué sur le modèle de nombreuses broderies faites pour Charles VI, qui reproduisent soit ensemble, soit séparément, des attributs identiques, dont on peut contrôler la description sur les comptes de la Maison du roi, publiés par Douet d'Arcq. » Jean Tricou, en 1932, dans sa publication sur les Documents héraldiques du musée des Tissus de Lyon rappelle que le cardinal de Bourbon n'a jamais employé les emblèmes de l'Espérance et du Genêt. Il évoque aussi l'origine de cette légende persistante : en 1816, le sépulcre du cardinal de Bourbon fut redécouvert à la primatiale Saint-Jean et son cercueil ouvert. On y examina le corps du prélat, revêtu de ses ornements liturgiques. On imagina ensuite que la chasuble avait pu être soustraite à cette occasion.
Le procès-verbal de l'ouverture du tombeau du cardinal de Bourbon est conservé aux archives diocésaines. Il a aussi été publié à plusieurs occasions. Il indique : « En juillet & août 1816, M. Courbon fit réparer la chapelle des Bourbons qui est la première de la nef à droite [...]. On put y faire une station le jour de la fête de saint Louis, & elle porte le nom du saint Roi. Le vendredi 27 septembre 1816, on travaillait à la dépaver pour y mettre une mosaïque, lorsqu'à neuf heures du matin on découvrit un caveau long de 12 pieds 3 pouces, large de 8 pieds 6 pouces, haut de 6 pieds, parfaitement propre, dans lequel on est descendu à l'aide d'un escalier en pierre, & on a trouvé, après 328 ans de clôture, un cercueil long de 6 pieds et large vers la tête de 2 pieds, en bois de chêne revêtu de plomb, enfermant le corps du Cardinal de Bourbon qui avait fondé & doté cette chapelle & qui y fut inhumé. [...] Au pied du cercueil sont gravés sur le plomb les armes du Cardinal, le chapeau, la croix, trois fleurs de lys, avec la devise N'espoir ne peur. Sur le cercueil est une plaque en cuivre sur laquelle on lit : Carolus Cardinalis ex Borboniorum ducum regia familia, sanctitatis et munificentiæ exemplum, pontifex Lugdunensis, summo sui desiderio omnibus mortalibus relicto, corporis ergastulum dimisit in terris anno ab exorta salute MCCCCLXXXVIII primo idus sept. Heu quo lumine orbis orbatus est. Les pieds sont fermes, la tête a encore quelques cheveux, les mains sont sur la poitrine, les bras sont détachés, le cordon qui ceint le corps tient bien, on n'a pu l'arracher, il est de soie grésé rouge, bien conservé, la chasuble est d'étoffe rouge à fleurs. Le cercueil est supporté par deux traverses en fer soutenues au milieu de deux pieds aussi en fer, l'un à la tête, l'autre au pied du cercueil, les deux traverses sont à environ 2 pieds d'élévation au-dessus du sol. » Jean Tricou, qui avait connaissance de ce procès-verbal, de conclure : « à lire [...] le procès-verbal dressé par l'autorité religieuse lors de la découverte [...], il semble bien que ce vêtement funéraire ait été laissé intact dans le cercueil où il doit se trouver encore, mais où des difficultés bien facile à comprendre nous ont empêché d'aller poursuivre cette enquête héraldique. » Notons que la description de la chasuble qui revêt la dépouille, « d'étoffe rouge à fleurs », ne correspond pas au décor du velours « à la devise » conservé au musée des Tissus de Lyon. Ce velours ne comporte par ailleurs aucune des dégradations qui sont caractéristiques d'un séjour prolongé au contact d'un cadavre, même si ce dernier est resté dans un état de conservation remarquable. La chasuble ne peut donc pas provenir de l'ouverture du tombeau.
Pourtant, un historien local, en 1983, a voulu donner une nouvelle actualité à la légende du cardinal de Bourbon, en l'enrichissant d'un épisode supplémentaire et totalement apocryphe, celui du vol de la fameuse chasuble à l'ouverture du sépulcre, en 1816, et de son acquisition, à la fin du siècle, par le musée. Par ailleurs, à l'automne 1982, une partie du dallage de la chapelle de Bourbon, posé sans doute vers 1935, avait cédé à l'emplacement des poutres posées en 1816 et destinées à couvrir l'entrée du caveau. Un examen attentif du caveau, ainsi qu'une campagne photographique, ont pu être réalisés à cette occasion. Le cercueil n'a malheureusement pas été ouvert. Mais son excellent état de conservation, et la conformité exacte de sa disposition avec le récit du procès-verbal de 1816 interdisent de penser que le défunt ait été dépouillé de ses ornements lors de la reconnaissance de ses restes.
C'est donc bien au nom de Charles VI et à son règne qu'il convient d'attacher cette chasuble, même si ni les comptes de la Maison du roi ni les inventaires ne recensent de velours de ce type. L'analyse des sources historiques mais aussi iconographiques contemporaines confirme, en revanche, l'importance des vêtements d'apparat « à la devise ». L'un des exemples figurés les plus fameux est peut-être le diptyque de Wilton, peint à la détrempe sur bois vers 1395-1397 et conservé à la National Gallery de Londres (NG4451). Il a d'ailleurs souvent été rapproché de la chasuble lyonnaise. La Vierge à l'Enfant y apparaît entourée d'une cour angélique sur le panneau de droite, tandis que le panneau de gauche réunit saint Jean-Baptiste, saint Édouard le Confesseur et le martyr saint Edmond qui introduisent le roi d'Angleterre Richard II, agenouillé devant la Reine du Ciel. Le souverain, couronné, porte autour du cou un collier de cosses de genêt, ainsi qu'un pendentif en forme de cerf blanc qu'il avait choisi pour emblème. Il porte un lourd manteau cramoisi et or, doublé de fourrure, orné de grands médaillons tangents, formés par des cosses de genêt, enfermant un cerf, tandis qu'un aigle occupe les écoinçons. Les anges autour de la Vierge portent aussi un collier de cosses de genêt, plus simple. On sait que le motif de la cosse de genêt, qui évoque le nom de la famille Plantagenêt, trouva une nouvelle actualité dès février 1395 à la cour d'Angleterre quand commencèrent les négociations relatives au mariage de Richard II, veuf d'Anne de Bohème, avec Isabelle, fille de Charles VI, âgée de seulement six ans. Le mariage par procuration fut célébré en mars 1396. Il scellait la fin des hostilités en la France et l'Angleterre. En 1397, à l'occasion du couronnement d'Isabelle, Richard II payait la confection de robes pour vingt dames et d'habits pour vingt hommes armés, dessinés par le peintre de la cour, Thomas Lytlington, et ornés, sur un fond rouge, de décors or et argent « à la devise », comportant le cerf blanc de Richard II, des couronnes, des chaînes et des genêts.
La fin du XIVe siècle et le premier quart du XVe siècle peuvent être précisément identifiés comme la période durant laquelle sont réalisés les premiers velours de soie brochés de fils métalliques. La chasuble du musée des Tissus, de ce point de vue, est particulièrement remarquable, puisqu'elle présente un tissage complexe qui nécessitait une étonnante maîtrise du métier. La structure de base est un velours coupé, fond taffetas, qui forme les plages unies rouges. Dans le registre aux cosses de genêt, la trame or lancée est dissimulée par les effets de velours dans le fond, mais constitue le décor, par ailleurs parsemé de détails réalisés grâce au deuxième corps du velours, de couleur bleue. Dans le registre à la Ceinture d'espérance, le fond rouge métallisé est réalisé par une trame or brochée, dissimulée dans les poils du velours, la boucle et l'ardillon de la ceinture étant brochés de manière a être visibles, comme le cosses de genêt du précédent registre. La ceinture elle-même est réalisée au moyen du deuxième corps, bleu, du velours, et l'inscription se détache en employant le troisième corps, crème.
Les tisserands ont ici cherché, pour exécuter ce décor complexe et particulièrement raffiné, à rationnaliser le montage du métier. C'est la raison pour laquelle les fils d'or travaillent en lancé, dissimulés par les poils du velours pour le fond, dans le registre aux cosses de genêt, plutôt que d'être brochés ou rejetés sur l'envers, ce qui, dans un cas comme dans l'autre, aurait présenté de nombreux inconvénients techniques. La même solution a été adoptée pour le dessin de la boucle de la Ceinture d'espérance, mais limitée à une zone plus restreinte : au sein de la zone brochée, le fond sur lequel se détache la boucle est dissimulé dans les poils du velours rouge.
À la fin du XIVe siècle, seuls les ateliers italiens étaient susceptibles de mettre en œuvre une telle maîtrise technique. Il est malheureusement impossible de déterminer avec plus de précision le centre de production, Lucques, Florence ou Venise. Étonnamment, Élisabeth Taburet-Delahaye, reprenant la question du lieu de fabrication de cette étoffe, indiquait : « alors que les broderies [sous le règne de Charles VI] étaient réalisées à Paris, la plupart des textiles étaient achetés à des marchands, à une époque où la Toscane occupait une place primordiale dans la production et l'exportation des étoffes. Il est, certes, possible qu'un modèle ait été confié à un intermédiaire. Mais un tel procédé s'accorde mal avec les livraisons précises et rapides exigées par les commandes royales. Or des lettres patentes de Charles VI en 1408 attestent l'existence, à Paris et en la banlieue, des activités de teindre et filer la soie tandis que les statuts des tisseurs de soie parisiens, qui dateraient de 1404, furent confirmés par Henri VI en 1425. Le tissu de Lyon pourrait être l'un des plus anciens témoignages de l'activité de ces ateliers parisiens. »
Par la complexité de sa mise en œuvre, mais aussi par la qualité du filé or couvert, enroulé en S sur une âme de soie jaune, par la nature de ses lisières en soie beige rosé, de torsion Z, identique à celle utilisée pour les fils pièce et liage de la chaîne, et par les caractéristiques de sa bordure de départ, l'étoffe qui constitue la chasuble est bien une production italienne. Ces caractéristiques confirment encore la date précoce de la pièce, vers la fin du XIVe siècle.
La chasuble du musée des Tissus est apparue dans la littérature, pour la première fois, à l'occasion de l'Exposition rétrospective qui se tient à Lyon, au Palais du Commerce, en 1877. Elle appartenait alors à la maison Tassinari et Chatel, créée en 1868 sous la raison commerciale Tassinari, Chatel et Viennois. Deux ans plus tard, la jeune maison faisait l'acquisition de l'extraordinaire fonds de la maison Grand, successeurs de Camille Pernon, qui comprenait, outre les archives des fabricants, de nombreux spécimens de textiles anciens. La chasuble faisait peut-être partie de ce fonds historique. Elle est directement acquise par le musée des Tissus aux fabricants, qui travaillaient alors sous la raison commerciale Chatel et Tassinari, en 1895, avec un « devant de chasuble velours clouté or rouge » et un « fragment chasuble velours gothique rouge » (inv. MT 25689 et MT 25690). Elle est immédiatement présentée dans le parcours permanent du premier musée, installé au second étage du Palais du Commerce. En 1909, elle est classée au titre des Monuments historiques.
Deux autres fragments de cette même chasuble, correspondant à la partie avant (premier fragment composé de huit morceaux assemblés, 84 cm x 23 cm ; second fragment composé de onze pièces assemblées, 80 cm x 35 cm), avaient été acquis par Jean-Baptiste Carrand (1792-1871), fils d’un fabricant de bas, très tôt passionné par le Moyen Âge et la Renaissance, archiviste de la Ville de Lyon, qui constitua une exceptionnelle collection d’émaux, de peintures, d’étoffes, de majoliques, de médailles, d’armes, de vitraux, de bijoux et d’ivoires.
À sa mort, son fils naturel, Louis Carrand (1827-1888), hérite de la collection qu'il fait évoluer et qu'il enrichit. En 1880, il quitte Lyon, s'installe à Nice, puis à Pise, en 1881, et à Florence, en 1886, puisqu'il est hostile aux idées républicaines. Le 28 septembre 1887, il rédige un testament en faveur de la Ville de Florence pour le Musée national du Bargello. Il meurt le 21 septembre 1888 et le don est effectif en 1889 après l’acceptation des autorités italiennes et un accord avec ses héritiers naturels. Le fragment de chasuble « à la devise » de Charles VI est donc aujourd'hui conservé au Bargello (inv. 2328).
Maximilien Durand (fr)
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| - Deux grands éléments aujourd'hui séparés proviennent d'un dos de chasuble, qui comportait à l'origine des galons le long de l'encolure et des côtés. Ces galons sont encore visibles sur les photographies de la pièce avant la Seconde Guerre mondiale. La partie senestre est composée d'un assemblage de onze pièces, la partie dextre, de sept pièces, toutes taillées dans la même étoffe, un somptueux velours façonné coupé, triple corps, lancé et broché d'or. Trois morceaux à dextre ont conservé une lisière, un seul sur la partie senestre, mais cette dernière comporte également une bordure de départ. Lisières et bordure sont repliées sur l'envers de la pièce. Sur les deux pans de la chasuble, les différentes pièces ont été assemblées de manière à respecter au mieux la cohérence du décor, sauf sur les épaules du vêtement.
Le décor est organisé en registres horizontaux répétés, le rapport de dessin mesurant deux cent quatre-vingt-dix-sept millimètres de haut pour deux cents millimètres de large. Il comprend deux registres ornementaux, séparés par une plage de velours uni (environ soixante millimètres) de couleur cramoisi. Le premier registre, d'une hauteur de cent quarante à cent cinquante millimètres, présente un fond de velours cramoisi lancé d'or, sur lequel se détache le collier de l'ordre de la Cosse de genêt. Il est formé de cosses de genêt accouplées, auxquelles sont suspendues alternativement une cosse et une fleur de genêt. Des détails en velours bleu rehaussaient cette « devise ». Le second registre, d'une hauteur de trente-cinq à quarante millimètres, présente un fond de velours rouge métallisé d'or broché, sur lequel s'enlève la Ceinture d'espérance. La ceinture est en velours bleu, avec les lettres formant le mot « esperance » accosté de deux croisettes en velours crème, les boucles et les ardillons brochés d'or.
La Ceinture d'espérance, de couleur bleue, avait été instituée par le duc Louis II de Bourbon vers 1366-1370. Elle fut conservée, durant tout le XVe siècle, par la famille ducale de Bourbon, tandis que le roi Charles VI, de son côté, en faisait une de ses « devises » préférées, probablement en hommage à son oncle. La Cosse de genêt, autre « devise » de Charles VI et probablement la plus importante de son règne, est mentionnée à partir de 1387 ; son association avec la précédente est connue entre cette date et 1394. Les comptes de son brodeur Robert de Varennes, notamment, mentionnent plusieurs habits rehaussés soit de la « ceinture et lettres qui disent Espérance », soit de « la branche ou tige de geneste », soit de ces deux « devises » réunies, comme sur le velours du musée des Tissus.
La persistance de la Ceinture d'espérance parmi les emblèmes des ducs de Bourbon au XVe siècle a cependant étayé une tradition lyonnaise étonnamment durable à propos de cette chasuble. Dès 1900, en effet, Raymond Cox l'attribue à Charles II, cardinal de Bourbon, archevêque de Lyon de 1446 à 1488. Il redit cette appartenance supposée de la chasuble au primat dans le premier Catalogue sommaire des collections du musée publié en 1902, et attribue l'exécution du velours à la ville de Venise. Henri d'Hennezel conteste cependant en 1929 l'attribution de l'étoffe à Charles II, cardinal de Bourbon, et indique : « il est plus probable que ce tissu ait été fabriqué sur le modèle de nombreuses broderies faites pour Charles VI, qui reproduisent soit ensemble, soit séparément, des attributs identiques, dont on peut contrôler la description sur les comptes de la Maison du roi, publiés par Douet d'Arcq. » Jean Tricou, en 1932, dans sa publication sur les Documents héraldiques du musée des Tissus de Lyon rappelle que le cardinal de Bourbon n'a jamais employé les emblèmes de l'Espérance et du Genêt. Il évoque aussi l'origine de cette légende persistante : en 1816, le sépulcre du cardinal de Bourbon fut redécouvert à la primatiale Saint-Jean et son cercueil ouvert. On y examina le corps du prélat, revêtu de ses ornements liturgiques. On imagina ensuite que la chasuble avait pu être soustraite à cette occasion.
Le procès-verbal de l'ouverture du tombeau du cardinal de Bourbon est conservé aux archives diocésaines. Il a aussi été publié à plusieurs occasions. Il indique : « En juillet & août 1816, M. Courbon fit réparer la chapelle des Bourbons qui est la première de la nef à droite [...]. On put y faire une station le jour de la fête de saint Louis, & elle porte le nom du saint Roi. Le vendredi 27 septembre 1816, on travaillait à la dépaver pour y mettre une mosaïque, lorsqu'à neuf heures du matin on découvrit un caveau long de 12 pieds 3 pouces, large de 8 pieds 6 pouces, haut de 6 pieds, parfaitement propre, dans lequel on est descendu à l'aide d'un escalier en pierre, & on a trouvé, après 328 ans de clôture, un cercueil long de 6 pieds et large vers la tête de 2 pieds, en bois de chêne revêtu de plomb, enfermant le corps du Cardinal de Bourbon qui avait fondé & doté cette chapelle & qui y fut inhumé. [...] Au pied du cercueil sont gravés sur le plomb les armes du Cardinal, le chapeau, la croix, trois fleurs de lys, avec la devise N'espoir ne peur. Sur le cercueil est une plaque en cuivre sur laquelle on lit : Carolus Cardinalis ex Borboniorum ducum regia familia, sanctitatis et munificentiæ exemplum, pontifex Lugdunensis, summo sui desiderio omnibus mortalibus relicto, corporis ergastulum dimisit in terris anno ab exorta salute MCCCCLXXXVIII primo idus sept. Heu quo lumine orbis orbatus est. Les pieds sont fermes, la tête a encore quelques cheveux, les mains sont sur la poitrine, les bras sont détachés, le cordon qui ceint le corps tient bien, on n'a pu l'arracher, il est de soie grésé rouge, bien conservé, la chasuble est d'étoffe rouge à fleurs. Le cercueil est supporté par deux traverses en fer soutenues au milieu de deux pieds aussi en fer, l'un à la tête, l'autre au pied du cercueil, les deux traverses sont à environ 2 pieds d'élévation au-dessus du sol. » Jean Tricou, qui avait connaissance de ce procès-verbal, de conclure : « à lire [...] le procès-verbal dressé par l'autorité religieuse lors de la découverte [...], il semble bien que ce vêtement funéraire ait été laissé intact dans le cercueil où il doit se trouver encore, mais où des difficultés bien facile à comprendre nous ont empêché d'aller poursuivre cette enquête héraldique. » Notons que la description de la chasuble qui revêt la dépouille, « d'étoffe rouge à fleurs », ne correspond pas au décor du velours « à la devise » conservé au musée des Tissus de Lyon. Ce velours ne comporte par ailleurs aucune des dégradations qui sont caractéristiques d'un séjour prolongé au contact d'un cadavre, même si ce dernier est resté dans un état de conservation remarquable. La chasuble ne peut donc pas provenir de l'ouverture du tombeau.
Pourtant, un historien local, en 1983, a voulu donner une nouvelle actualité à la légende du cardinal de Bourbon, en l'enrichissant d'un épisode supplémentaire et totalement apocryphe, celui du vol de la fameuse chasuble à l'ouverture du sépulcre, en 1816, et de son acquisition, à la fin du siècle, par le musée. Par ailleurs, à l'automne 1982, une partie du dallage de la chapelle de Bourbon, posé sans doute vers 1935, avait cédé à l'emplacement des poutres posées en 1816 et destinées à couvrir l'entrée du caveau. Un examen attentif du caveau, ainsi qu'une campagne photographique, ont pu être réalisés à cette occasion. Le cercueil n'a malheureusement pas été ouvert. Mais son excellent état de conservation, et la conformité exacte de sa disposition avec le récit du procès-verbal de 1816 interdisent de penser que le défunt ait été dépouillé de ses ornements lors de la reconnaissance de ses restes.
C'est donc bien au nom de Charles VI et à son règne qu'il convient d'attacher cette chasuble, même si ni les comptes de la Maison du roi ni les inventaires ne recensent de velours de ce type. L'analyse des sources historiques mais aussi iconographiques contemporaines confirme, en revanche, l'importance des vêtements d'apparat « à la devise ». L'un des exemples figurés les plus fameux est peut-être le diptyque de Wilton, peint à la détrempe sur bois vers 1395-1397 et conservé à la National Gallery de Londres (NG4451). Il a d'ailleurs souvent été rapproché de la chasuble lyonnaise. La Vierge à l'Enfant y apparaît entourée d'une cour angélique sur le panneau de droite, tandis que le panneau de gauche réunit saint Jean-Baptiste, saint Édouard le Confesseur et le martyr saint Edmond qui introduisent le roi d'Angleterre Richard II, agenouillé devant la Reine du Ciel. Le souverain, couronné, porte autour du cou un collier de cosses de genêt, ainsi qu'un pendentif en forme de cerf blanc qu'il avait choisi pour emblème. Il porte un lourd manteau cramoisi et or, doublé de fourrure, orné de grands médaillons tangents, formés par des cosses de genêt, enfermant un cerf, tandis qu'un aigle occupe les écoinçons. Les anges autour de la Vierge portent aussi un collier de cosses de genêt, plus simple. On sait que le motif de la cosse de genêt, qui évoque le nom de la famille Plantagenêt, trouva une nouvelle actualité dès février 1395 à la cour d'Angleterre quand commencèrent les négociations relatives au mariage de Richard II, veuf d'Anne de Bohème, avec Isabelle, fille de Charles VI, âgée de seulement six ans. Le mariage par procuration fut célébré en mars 1396. Il scellait la fin des hostilités en la France et l'Angleterre. En 1397, à l'occasion du couronnement d'Isabelle, Richard II payait la confection de robes pour vingt dames et d'habits pour vingt hommes armés, dessinés par le peintre de la cour, Thomas Lytlington, et ornés, sur un fond rouge, de décors or et argent « à la devise », comportant le cerf blanc de Richard II, des couronnes, des chaînes et des genêts.
La fin du XIVe siècle et le premier quart du XVe siècle peuvent être précisément identifiés comme la période durant laquelle sont réalisés les premiers velours de soie brochés de fils métalliques. La chasuble du musée des Tissus, de ce point de vue, est particulièrement remarquable, puisqu'elle présente un tissage complexe qui nécessitait une étonnante maîtrise du métier. La structure de base est un velours coupé, fond taffetas, qui forme les plages unies rouges. Dans le registre aux cosses de genêt, la trame or lancée est dissimulée par les effets de velours dans le fond, mais constitue le décor, par ailleurs parsemé de détails réalisés grâce au deuxième corps du velours, de couleur bleue. Dans le registre à la Ceinture d'espérance, le fond rouge métallisé est réalisé par une trame or brochée, dissimulée dans les poils du velours, la boucle et l'ardillon de la ceinture étant brochés de manière a être visibles, comme le cosses de genêt du précédent registre. La ceinture elle-même est réalisée au moyen du deuxième corps, bleu, du velours, et l'inscription se détache en employant le troisième corps, crème.
Les tisserands ont ici cherché, pour exécuter ce décor complexe et particulièrement raffiné, à rationnaliser le montage du métier. C'est la raison pour laquelle les fils d'or travaillent en lancé, dissimulés par les poils du velours pour le fond, dans le registre aux cosses de genêt, plutôt que d'être brochés ou rejetés sur l'envers, ce qui, dans un cas comme dans l'autre, aurait présenté de nombreux inconvénients techniques. La même solution a été adoptée pour le dessin de la boucle de la Ceinture d'espérance, mais limitée à une zone plus restreinte : au sein de la zone brochée, le fond sur lequel se détache la boucle est dissimulé dans les poils du velours rouge.
À la fin du XIVe siècle, seuls les ateliers italiens étaient susceptibles de mettre en œuvre une telle maîtrise technique. Il est malheureusement impossible de déterminer avec plus de précision le centre de production, Lucques, Florence ou Venise. Étonnamment, Élisabeth Taburet-Delahaye, reprenant la question du lieu de fabrication de cette étoffe, indiquait : « alors que les broderies [sous le règne de Charles VI] étaient réalisées à Paris, la plupart des textiles étaient achetés à des marchands, à une époque où la Toscane occupait une place primordiale dans la production et l'exportation des étoffes. Il est, certes, possible qu'un modèle ait été confié à un intermédiaire. Mais un tel procédé s'accorde mal avec les livraisons précises et rapides exigées par les commandes royales. Or des lettres patentes de Charles VI en 1408 attestent l'existence, à Paris et en la banlieue, des activités de teindre et filer la soie tandis que les statuts des tisseurs de soie parisiens, qui dateraient de 1404, furent confirmés par Henri VI en 1425. Le tissu de Lyon pourrait être l'un des plus anciens témoignages de l'activité de ces ateliers parisiens. »
Par la complexité de sa mise en œuvre, mais aussi par la qualité du filé or couvert, enroulé en S sur une âme de soie jaune, par la nature de ses lisières en soie beige rosé, de torsion Z, identique à celle utilisée pour les fils pièce et liage de la chaîne, et par les caractéristiques de sa bordure de départ, l'étoffe qui constitue la chasuble est bien une production italienne. Ces caractéristiques confirment encore la date précoce de la pièce, vers la fin du XIVe siècle.
La chasuble du musée des Tissus est apparue dans la littérature, pour la première fois, à l'occasion de l'Exposition rétrospective qui se tient à Lyon, au Palais du Commerce, en 1877. Elle appartenait alors à la maison Tassinari et Chatel, créée en 1868 sous la raison commerciale Tassinari, Chatel et Viennois. Deux ans plus tard, la jeune maison faisait l'acquisition de l'extraordinaire fonds de la maison Grand, successeurs de Camille Pernon, qui comprenait, outre les archives des fabricants, de nombreux spécimens de textiles anciens. La chasuble faisait peut-être partie de ce fonds historique. Elle est directement acquise par le musée des Tissus aux fabricants, qui travaillaient alors sous la raison commerciale Chatel et Tassinari, en 1895, avec un « devant de chasuble velours clouté or rouge » et un « fragment chasuble velours gothique rouge » (inv. MT 25689 et MT 25690). Elle est immédiatement présentée dans le parcours permanent du premier musée, installé au second étage du Palais du Commerce. En 1909, elle est classée au titre des Monuments historiques.
Deux autres fragments de cette même chasuble, correspondant à la partie avant (premier fragment composé de huit morceaux assemblés, 84 cm x 23 cm ; second fragment composé de onze pièces assemblées, 80 cm x 35 cm), avaient été acquis par Jean-Baptiste Carrand (1792-1871), fils d’un fabricant de bas, très tôt passionné par le Moyen Âge et la Renaissance, archiviste de la Ville de Lyon, qui constitua une exceptionnelle collection d’émaux, de peintures, d’étoffes, de majoliques, de médailles, d’armes, de vitraux, de bijoux et d’ivoires.
À sa mort, son fils naturel, Louis Carrand (1827-1888), hérite de la collection qu'il fait évoluer et qu'il enrichit. En 1880, il quitte Lyon, s'installe à Nice, puis à Pise, en 1881, et à Florence, en 1886, puisqu'il est hostile aux idées républicaines. Le 28 septembre 1887, il rédige un testament en faveur de la Ville de Florence pour le Musée national du Bargello. Il meurt le 21 septembre 1888 et le don est effectif en 1889 après l’acceptation des autorités italiennes et un accord avec ses héritiers naturels. Le fragment de chasuble « à la devise » de Charles VI est donc aujourd'hui conservé au Bargello (inv. 2328).
Maximilien Durand (fr)
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