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  • Jules Reybaud, élève de Pierre Révoil et d'Augustin Thierriat à l'École des Beaux-Arts de Lyon, est dessinateur de fabrique et metteur en carte. Il travaille, notamment, pour la maison Champagne et Rougier, distinguée, à l'Exposition universelle de Paris en 1855 d'une médaille d'honneur pour ses « beaux tissus de soie façonnés ou brochés à disposition » et pour le « développement considérable de la fabrication d'étoffes pour robes pour la grande consommation ». Joseph Gérard, le sévère auteur des Lettres d'un marchand de Paris sur l'exposition universelle des soieries suivies de nouvelles lettres sur la fabrique de Lyon, publiées en 1855, souligne d'ailleurs surtout ce dernier aspect lorsqu'il aborde la production de la maison. Mais quand il évoque les portraits que Jules Reybaud présente sous son propre nom, c'est pour les opposer au Portrait du Pape Pie IX de Michel-Marie Carquillat, dont le musée des Tissus possède une édition originale de 1848 (inv. DET 438) et un retissage de 1865 (inv. MT 24579), non plus seulement avec le cynisme qu'il réserve à Champagne et Rougier, mais avec un franc mépris : « M. Carquillat, ce lauréat de la gravure à la Jacquard, a effectivement fait le portrait de Sa Sainteté Pie IX. Cette œuvre a déjà été exposée à Londres ; elle est remarquable par la simplicité avec laquelle elle est exécutée. C'est un trait, pour ainsi dire ; les ombres sont indiquées avec une sobriété de ton qui m'avait déjà frappé, et qui m'a de nouveau étonné. Les portraits de M. Reybaud sont moins heureusement traités. L'emploi du liseré et le mélange du broché couleur rappellent le genre de l'ombrelle d'exportation, sur laquelle s'épanouissent un berger enrubanné et Perrette avec son pot au lait obligé. » Ces portraits, des taffetas façonnés double-chaîne, à décor par flottés de chaîne, liseré et lancé, n'ont rien de commun avec la complexité des velours ciselés quadruple corps présentés par la maison Furnion père et fils à cette même Exposition (inv. MT 42745, Portrait de Napoléon Ier ; MT 42746, Portrait de Napoléon III ; MT 34320, Portrait de Joseph-Marie Jacquard d'après Jean-Claude Bonnefond). Pourtant, ils marquent aussi une étape dans l'histoire du portrait tissé de la Fabrique lyonnaise. Le premier représente Philippe de Lasalle. Une inscription dans l'angle inférieur droit indique « LYON/ 18JR54 », c'est-à-dire « Fait à Lyon en 1854 par Jules Reybaud ». Dans l'angle inférieur gauche, on lit : « A-LA MEMOIRE/ DE/ PHPE-DE-LA-SALLE/ DESSINATEUR/ XVIIIE-Siècle ». Lasalle est figuré en buste, sur un fond légèrement ombré, tourné de trois-quarts vers la droite. Il porte en écharpe le ruban de l'Ordre de Saint-Michel. De la main droite, il tient un porte-mine au moyen duquel il note des indications sur une mise en carte. Le portrait est inscrit dans un entour de fleurs qui soutient, à gauche, près du coude de l'artiste, un carnet ouvert, et à droite, près de sa main, deux perdrix, allusion à la célèbre tenture dite « aux perdrix » réalisée pour Catherine II de Russie (inv. MT 2882, MT 22035 et MT 32812). Sur le deuxième (inv. MT 7910), l'inscription « LYON/ 18JR54 » est située dans l'angle inférieur gauche, le droit portant : « A/ BERJON/ DESSINATEUR/ ET/ PROFESSEUR/ XVIIIE-ET-XIXE/ Siècle ». Antoine Berjon est figuré en buste, sur un fond uni sombre, tourné de trois-quarts vers la gauche, le visage presque de face. Une palette et des pinceaux reposent au centre de l'entour de fleurs, où sont suspendus des rangs de perles. Les raisins et le panier empli de fleurs qui complètent la guirlande sont des allusions à ses natures mortes peintes à l'huile. Le dernier portrait représente Jean-François Bony (inv. MT 7911). Dans l'angle inférieur gauche apparaît l'inscription « LYON/ 18JR55 » ; à droite, on lit : « A/ J.-F. BONY/ DESSINATEUR/ AU/ XVIII-et-XIX/ Siècle ». L'artiste est figuré sur un fond de paysage, avec un muret supportant une vasque fleurie, et un jardin arboré auquel on accède par une porte ouverte en ferronnerie. Bony, en buste, tourné vers la gauche, le visage de trois-quarts, porte un haut couvre-chef, une cravate nouée et une redingote. Il appuie son bras gauche sur une margelle où est posée une feuille de papier. L'entour de fleurs, plus léger que dans les compositions précédentes, est soutenu par un espalier en treillage. Depuis l'origine du portrait tissé, les dessinateurs s'inspirent d'œuvres largement diffusées. Le modèle étant connu de tous, le sujet en est immédiatement reconnu et il contribue à la promotion des images tissées. Mais les gravures choisies pour les portraits d'au moins deux des dessinateurs de la Fabrique lyonnaise connaissent une audience bien locale : Philippe de Lasalle est exécuté d'après un dessin de Jean-Jacques de Boissieu, aujourd'hui conservé au musée des Arts décoratifs de Lyon (inv. MAD 2308), gravé par Joseph-Paul-Marius Soumy pour le concours de la Société des Amis des Arts de Lyon dont il fut lauréat en 1850 ; Antoine Berjon est réalisé d'après son autoportrait gravé par Auguste Lehmann, lauréat du concours de 1851. Aucun portrait de Jean-François Bony n'étant alors disponible, il semble qu'on forgea une iconographie rétrospective, imaginée pour l'occasion d'après l'autoportrait gravé de Jean-Jacques de Boissieu, autre Lyonnais célèbre et auteur du portrait de Lasalle. Cette particularité s'explique par l'identité même des sujets. La maison Didier-Petit et Cie avait célébré l'invention de Jacquard en exécutant son portrait en 1839 (inv. MT 445 pour le dessin préparatoire de Bonnefond et MT 2264, MT 28362.6, MT 33396, MT 42157 pour les exemplaires tissés en 1839 de ce portrait). Mais Jacquard, dont on avait fait un héros national après sa mort, méritait bien qu'on lui consacrât ces honneurs. Il était le seul Français illustre, cependant, qui, sans être une personnalité du régime en place, avait été figuré par les fabricants de Lyon. Voici qu'avec la série de Reybaud trois nouvelles personnalités rejoignent Jacquard au sanctuaire des grands hommes dignes d'être portraiturés dans la soie. On aurait tort de penser, avec certains auteurs, que « la soierie lyonnaise s'autocélèbre » avec cette série. Elle fait bien plus, en réalité. Elle proclame le dessinateur comme un artiste à part entière et revient, pour l'affirmer, à la formule de l'entour de fleurs inaugurée par Philippe de Lasalle en 1771 (inv. MT 1701, MT 2869, MT 45306 et MT 45307). Comme sur leurs modèles, les guirlandes sont traitées avec davantage de couleurs cependant que le sujet principal est figuré en camaïeu. S'ils ne reprennent pas la formule du profil traité à l'antique, c'est parce qu'ils sont tous expressément qualifiés de « dessinateurs » et figurés dans la plus pure tradition du portrait d'artiste, arborant les attributs des beaux-arts, porte-mine, carnet de croquis, palette et pinceaux, feuille de papier à dessin. Lorsque se clôture l'Exposition universelle de 1855, le portrait tissé, né moins de quatre-vingt-cinq ans auparavant, s'est érigé en véritable « genre ». Il a fixé les caractéristiques qui le définissent et structuré sa propre rhétorique. Reybaud, par ailleurs grand collectionneur d'étoffes et de modèles de fabrique, est donc en mesure de proposer trois œuvres qui maîtrisent pleinement les références académiques. Lasalle avait démontré que le tissage pouvait imiter la peinture, sinon l'égaler. Il avait instauré le modèle du portrait monarchique, un profil de médaille exalté par un entour de fleurs traitées au naturel. C'est lui aussi qui établit la tradition de la signature, le plus souvent apposée en latin – fecit pour Lasalle, dessinateur, ingénieur et fabricant, texuit pour Carquillat, tisseur, delineauit pour Malpertuy, dessinateur –. Sous le Consulat et l'Empire, le portrait tissé s'emparait de nouveaux symboles du pouvoir, et il intégrait de nouvelles formules, inspirées par les estampes en circulation qui reproduisaient les dessins faits d'après nature, avec le modèle en buste, posant de trois-quarts. Il était légitime que cet intérêt pour la gravure conduisît à imiter la technique de la taille-douce. Grâce au procédé d'Étienne Maisiat, l'imitation était parfaite. Elle est popularisée par le succès du Portrait de Joseph-Marie Jacquard réalisé par Michel-Marie Carquillat pour la maison Didier-Petit et Cie. Carquillat invente en 1844 le portrait collectif, avec La Visite du duc d'Aumale à la Croix-Rousse dans l'atelier de M. Carquillat à Lyon (inv. MT 24735). Jules Reybaud introduit, lors de l'Exposition universelle de 1855, le portrait rétrospectif avec sa série, techniquement moins remarquable que les portraits brochés de Philippe de Lasalle, mais érigeant le dessinateur de fabrique comme un artiste à part entière, digne de figurer aux côtés des grands hommes immortalisés, de leur vivant, par la fabrique lyonnaise. Dans une lettre adressée par Jules Reybaud au Préfet du département du Rhône en 1864, dans laquelle l'artiste rappelle les principales étapes de sa carrière, ce dernier rappelle les circonstances qui ont présidé à la création des trois portraits : « Mû par un sentiment patriotique qui, chez moi, ne s'éteindra jamais, je reproduisis en étoffe les portraits des grands artistes lyonnais qui, au 18me siècle, donnèrent par leurs œuvres cette réputation universelle à nos produits. Leurs noms étaient presque inconnus comme le sont encore les noms de ceux qui leur ont succédés, et je voulais réparer un oubli injuste en représentant ces faces ennoblies par le talent et les services qu'ils ont rendus à l'industrie de leur pays. J'obtins une médaille de 2me classe à l'Exposition universelle, et une lettre très aimable de la Chambre de Commerce. L'année suivante, je fis le portrait d'Alexandre de Humboldt, de qui je reçus une lettre de remerciement des plus flatteuses. Le Roi de Prusse m'envoya la Grande Médaille d'or » (archives du musée des Tissus). Maximilien Durand (fr)
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