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  • Les quatre bandes ont été découpées dans une même étoffe précieuse, un samit façonné de soie, puis bordées de replis de couture afin d'être appliquées, probablement sur un vêtement. Elles conservent les vestiges d'un décor traité en blanc, vert, bleu foncé, bleu gris et jaune sur fond rouge. De grands médaillons, qui mesuraient à l'origine environ vingt-huit centimètres de diamètre, y étaient juxtaposés, unis, à leurs points de tangence, par une petite roue de forme ovale. La couronne des grands médaillons est décorée d'une guirlande de fleurs de lotus stylisées comprise entre deux rangées de perles et de cabochons. Sur les deux plus grandes bandes, les espaces situés entre les médaillons présentent un fond blanc. Il est rouge sur les deux autres fragments. Il existait probablement une alternance entre les deux couleurs de fond pour ces espaces. Ils étaient occupés, par ailleurs, par des motifs fleuronnés dont ne subsistent plus que d'infimes parties. À l'intérieur des médaillons prenait place une scène de chasse, alternativement tournée vers la gauche ou vers la droite. Un cavalier, armé d'un arc, se retournait pour pouvoir décocher sa flèche à un félin bondissant sur la croupe du cheval, tandis qu'un autre félin courait entre les jambes de l'animal. Le pelage des animaux suggère qu'il s'agissait de tigres. Le cheval était richement caparaçonné, et un ruban flottant était noué autour de sa queue. Le samit a été exécuté sur des fils de chaîne en soie rouge, non teinte à cœur, tordus en Z, avec une proportion de un fil de chaîne pièce pour un fil de liage, et une réduction d'environ dix-sept à vingt-deux fils pièce au centimètre. Les trames, par un coup de chaque, sont en soie sans torsion appréciable, liées en sergé de 2 lie 1, en S. La réduction est de trente passées au centimètre. Ces caractéristiques techniques, qui révèlent une étoffe de grande qualité, appartiennent aussi à plusieurs autres tissus façonnés exécutés sur une chaîne teinte en rouge, ce qui modifie le ton des trames avec lesquelles ils sont tissés, le fond rouge devenant plus intense et le lat jaune prenant un ton mordoré. Ils ont été réalisés avec un minimum de quatre lats et jusqu'à sept lats pour les pièces les plus prestigieuses. Ces lats sont introduits selon une séquence régulière et liés avec un sergé de direction S, mais sans irrégularité entre fond et motifs qui caractérise, par exemple, les soieries polychromes découvertes dans les nécropoles d'Antinoé. Ils sont ornés de scènes traitées en blanc, vert, bleu et jaune sur fond rouge, et beaucoup présentent un décor organisé en grands médaillons (entre vingt-cinq et trente centimètres en moyenne) tangents. La comparaison entre ces étoffes révèle une grande homogénéité des inspirations, mais aussi des savoir-faire, des matériaux employés et des métiers à tisser, qui permet de penser que les auteurs de ces samits appartenaient à une tradition textile commune, voire étaient installés dans une même région géographique de la Méditerranée orientale. La qualité du tissage et le raffinement des scènes, inspirées par la mythologie ou la culture gréco-romaines — fragment avec l'Enlèvement d'Europe, Nancy, Musée historique lorrain (inv. 54.1.11) ; soierie avec des couples de danseuses de la casula du pape saint Marc, Sienne, abbaye d'Abbadia di San Salvatore (sans numéro) ; soierie aux Dioscures du reliquaire de saint Servais, Lyon, musée des Tissus (inv. MT 22627) —, l'Histoire Sainte — soieries du Sancta Sanctorum, au Vatican, avec les scènes de l'Annonciation (inv. 61231) et de la Nativité (inv. 61258), ou de l'église de Baume-les-Messieurs, avec l'Annonciation (sans numéro) — ou l'iconographie impériale — les fragments de Lyon avec des chasseurs et autres étoffes apparentées — les ont fait attribuer aux ateliers d'Alexandrie, d'Égypte, de Syrie puis de Constantinople. Aujourd'hui, on les situe avec prudence dans l'Empire romain d'Orient (Byzance), en attendant que d'autres indices permettent de préciser davantage leur origine. Quelques-unes de ces soieries proviennent de découvertes archéologiques faites en Égypte, mais la majorité est issue des reliquaires occidentaux où ils servaient à envelopper les restes des saints. Elles avaient donc fait l'objet d'exportations vers l'Occident carolingien. Les exemplaires lyonnais partagent de nombreux traits avec d'autres bandes, probablement aussi découpées pour être appliquées sur un vêtement, qui proviennent de la châsse de sainte Madelberte dans la cathédrale de Liège. Elles sont aujourd'hui conservées au musée d'Art religieux et d'Art mosan de cette ville (inv. 2421). L'étoffe d'origine présentait de grands médaillons à la couronne ornée de fleurs de lotus stylisées entre deux filets de perles et de cabochons, unis à leurs points de tangence par des roues ovales. Les espaces intermédiaires, entre les médaillons, enfermaient de grandes palmettes. Dans les médaillons se déroulait une scène de chasse, opposant un cavalier et des lions. Les détails des chevaux ou des bêtes fauves sont très comparables à ceux qui apparaissent sur les fragments lyonnais, même si les cavaliers étaient tous tournés dans le même sens sur le tissu de Liège. L'aspect moins dynamique de la composition, sur ce dernier, permet peut-être de supposer que le cavalier était armé d'une lance, et non d'un arc l'obligeant à se retourner complètement, comme à Lyon. Deux carrés de samit appartenant au même groupe et présentant une scène de chasse, probablement découverts en Égypte, sont conservés au Victoria & Albert Museum, à Londres : le premier oppose un lion à un cavalier armé d'une lance (inv. 559-1893), l'autre, une lionne à un cavalier archer (inv. 560-1893). La figure du cavalier armé d'une lance et combattant un lion apparaît encore sur les manchettes de soie qui étaient appliquées sur une même tunique, aujourd'hui dispersées entre le Victoria & Albert Museum (inv. 2200-1900) et le musée des Tissus de Lyon (inv. MT 29223). La composition est différente sur ces exemplaires, puisque le décor, compris entre deux bandes décoratives ornées de lotus stylisés, comprend un médaillon central enfermant un aigle encadré de deux cavaliers. Les archers sur les fragments lyonnais, par le dynamisme de leur position, et les fonds blancs des espaces intermédiaires entre les médaillons renvoient aussi au tissu découvert dans le reliquaire de l'abbaye de Faremoutiers, conservé au musée Bossuet de Meaux (sans numéro), dit « aux Amazones », attribué à Byzance et au VIIIe-IXe siècle. À ce même groupe d'étoffes remarquables appartiennent aussi des scènes de chasse qui opposent, cette fois, des fantassins et des fauves. Le premier de ces tissus est dispersé entre le trésor de la cathédrale d'Aix-la-Chapelle (inv. T 00103), celui de la cathédrale Saint-Servais de Maastricht (inv. 1-5) et le musée national du Moyen Âge-Thermes et hôtel de Cluny, à Paris (inv. Cl. 13274 a et b). Il présente la traditionnelle disposition en médaillons, enfermant la double représentation d'un soldat, vêtu de la cuirasse à lambrequins et du manteau militaire, dégainant un glaive pour tuer un lion. Le second, provenant du trésor de la cathédrale de Coire qui en possède toujours un morceau (inv. 66.89), est essentiellement dispersé entre le musée des Tissus de Lyon (inv. MT 22628), le Victoria & Albert Museum de Londres (inv. 7036-1860 et 8558-1863), le Germanisches Nationalmuseum de Nuremberg (inv. 346), le Museum für Angewandte Kunst de Vienne (inv. T.724), le musée national du Moyen Âge-Thermes et hôtel de Cluny, à Paris (inv. Cl. 3055), le musée national du Bargello à Florence (inv. 2294), ainsi que la collection Dumbarton Oaks, à Washington (inv. 34.1) et le Kunstgewerbemuseum de Berlin (inv. 86.673). Traditionnellement désigné comme « tissu au Samson », il présente la lutte à mains nues d'un homme et d'un lion, répétée sous une série d'arcatures. Les chefs de file de ce groupe de samits à fond rouge sont aussi de véritables chefs-d'œuvre du tissage. Il s'agit des précieuses soieries du Sancta Sanctorum du Vatican, la première ornée de la scène de l'Annonciation (inv. 61231), la seconde, de celle de la Nativité (inv. 61258). Elles présentent les mêmes caractéristiques techniques que l'ensemble du groupe, mais elles ont été tissées au moyen de sept lats. On s'accorde aujourd'hui pour situer leur production au VIIIe siècle ou dans la première moitié du IXe siècle, et pour attribuer cette fourchette chronologique à l'ensemble du groupe. Les quatre bandes lyonnaises ont été léguées en 1971 au musée des Tissus par Jean Pozzi, avec une importante part de sa collection orientale. Une inscription manuscrite qui les accompagnait indiquait qu'elles avaient appartenu, auparavant, au collectionneur Hassan Chabestari, grand amateur d'art oriental, vice-président de la Chambre de Commerce franco-iranienne de Paris et donateur de plusieurs musées européens. Maximilien Durand (fr)
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