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  • Gaspard Grégoire (1751-1846) est l'inventeur d'un procédé permettant de réaliser des tableaux tissés, en velours de soie peint sur chaîne avant tissage à l'imitation de la peinture. Il obtient en 1788 un privilège exclusif de quinze années pour la fabrication de ses tableaux. Le procédé peut être ainsi décrit : il s'agit d'un velours uni, de structure uniforme, simple corps. C'est la chaîne poil qui porte la couleur. La préparation de cette chaîne avant tissage nécessite une grande maîtrise des opérations. Tout d'abord, on réalise un « premier tissé », c'est-à-dire un taffetas très peu serré en trame (cinq à six coups par centimètres) avec la chaîne poil, de forte densité, et une trame de fond non définitive. Puisqu'il s'agit d'un velours, la longueur de la chaîne poil est prévue cinq à sept fois plus longue que celle de la chaîne de fond, qui servira à tisser le corps du tissu selon une armure simple. En multipliant les fils de la chaîne poil qui recevront le décor, et en les groupant par quatre ou six, Gaspard Grégoire peut préparer quatre à six exemplaires du même tableau. Le premier tissé est ensuite tendu sur un châssis. Puis le peintre fait des repérages du contour du dessin sur les fils de chaîne en plaçant son esquisse initiale à l'arrière, comme un carton de tapisserie. Sur la chaîne poil, les tons sont alors peints, du plus foncé au plus clair. Le pinceau doit être assez mouillé pour répartir la couleur de façon homogène. Le velours, une fois coupé, fera apparaître la coupe transversale de la fibre à la surface du tissu, créant un blanchiment de la couleur. Les fils de soie étaient probablement préparés pour s'imprégner plus facilement de la couleur. La peinture était aussi probablement fixée, mais on ignore au moyen de quel procédé. L'embuvage de la chaîne poil, au cours du tissage, nécessite de prévoir le motif en anamorphose, sur la longueur de la chaîne. Le velours peut ensuite être tissé. Le fond est généralement réalisé en taffetas ou en sergé de 3 lie 1, chaîne, direction Z, par un et deux coups. La proportion des chaînes est de deux ou quatre fils pièce pour un fil poil multiple. Dans la production de Gaspard Grégoire, il s'agit essentiellement de velours coupés, qui confèrent à l'image des tons fondus et une extrême délicatesse. Le musée des Tissus conserve, semble-t-il, le seul exemplaire en velours frisé, un portrait de jeune femme dite « Marie-Antoinette » (inv. MT 25424). Les « velours Grégoire » se caractérisent par une forte densité du poil (entre dix-huit et vingt-et-un fers velours au centimètre). Grégoire devait utiliser des fers particulièrement fins pour pouvoir être insérés en si grand nombre. Ils étaient aussi peu élevés pour éviter un trop grand embuvage de la chaîne poil. La réalisation des tableaux en velours peints sur chaîne par Gaspard Grégoire est donc une véritable prouesse technique. Pourtant, Grégoire doit attendre 1806 pour obtenir les distinctions qu'il espère pour son procédé. Ses velours, présentés à la Société d'encouragement pour l'industrie nationale, font alors l'objet d'un rapport élogieux. Le ministre de l'Intérieur, Jean-Antoine Chaptal, adresse même à Grégoire une lettre flatteuse dans laquelle il lui fait part de son intérêt pour son invention. En juillet 1807, la Société d'encouragement pour l'industrie nationale lui décerne une médaille d'argent de première classe parce qu'il est « parvenu à tisser des tableaux en velours avec une correction et une perfection qu'il ne paraissait pas possible d'atteindre ; l'imitation est plus parfaite que dans aucun autre tissu. » Gaspard Grégoire reçoit en 1813 la commande des garnitures de quatre fauteuils et deux sièges pour la galerie du Pavillon du Roi de Rome à Rambouillet. Les contraintes liées à la technique limitent la production à des laizes de très petites dimensions, adaptées à la réalisation d'un mobilier d'enfant. C'est la seule commande du Garde-Meuble impérial passée à Grégoire. Livrée en septembre et décembre 1816, après la chute de l'Empire, elle ne sera jamais utilisée. Le musée des Tissus conserve la garniture d'un des fauteuils, déposée par le Mobilier national (inv. GMMP 773). Gaspard Grégoire obtient une nouvelle médaille d'argent à l'Exposition des produits de l'industrie française de 1819, pour un tableau de velours reproduisant une peinture à l'huile célèbre, signée de Jan Van Huysum, la Corbeille de fleurs avec papillon acquise par Louis XVI en 1784 après avoir fait partie des collections Julienne et Montuley (Paris, musée du Louvre, inv. 1385). Dans cette œuvre, Grégoire s'est appliqué à rendre avec la plus grande minutie la variété des fleurs contenues dans la corbeille d'osier, roses, anémones, œillets, narcisses, auriculaires, calendules, convolvulus, tout en supprimant les papillons et les autres insectes de la composition originale. La Société pour l'encouragement à l'industrie nationale juge, le 18 avril 1821, le tableau de fleurs « d'une rare perfection. » Grégoire le présente à nouveau à l'Exposition de 1823 et obtient un rappel de médaille d'argent. Malgré les commentaires élogieux que reçoivent ses productions, Grégoire ne saura pas obtenir de distinction plus éminente, ni de commande officielle. Ses tableaux, considérés comme des chefs-d'œuvre relevant plus du champ des beaux-arts, ne pouvaient que difficilement trouver une application industrielle, au vu des diffcultés inhérentes à leur procédé de fabrication et des délais imposés par la technique. Le choix des sujets traités par Gaspard Grégoire dans ses tableaux en velours montre donc la nécessité de séduire une clientèle. Les inspirations de l'artiste se laissent facilement cerner : elles correspondent aux images en vogue sous l'Empire et la Restauration. Toutes étaient largement diffusées par le biais de la gravure. Les dimensions de ses velours cantonnaient le créateur à des sujets anecdotiques, empruntés à Greuze (inv. MT 44237 et MT 44238), à des petits tableaux religieux d'après Raphaël (inv. MT 1142, MT 27114 et MT 30221), Giovanni Battista Salvi (Il Sassoferrato) (inv. MT 1141) ou Philippe de Champaigne (inv. MT 27095 et MT 30021), ou à des natures mortes d'après Jan Van Huysum ou Antoine Berjon (inv. MT 2899). Grégoire traita aussi de nombreux sujets dans le goût pompéien (inv. MT 14601, MT 14602, MT 30220 et MT 50694). La Marchande d'Amours (inv. MT 1147 et MT 30979) fut exécutée d'après une fresque découverte à Stabies en 1759, qui inspira le célèbre tableau de Joseph-Marie Vien en 1763. La gracieuse série des Heures d'après Raphaël (inv. MT 27392, MT 26270.2, MT 26270.1, MT 1144, MAD 2303.2, MT 1143, MT 30004, MAD 2303.1, MT 30219 et MT 29981), pastiche néoclassique des compositions de Raphaël ou de son école et de motifs archéologiques, a probablement été exécutée d'après les gravures en couleur de Philibert-Louis Debucourt, publiées en 1804. Enfin, il s'illustre tout particulièrement dans le genre du portrait, et il s'adapte à l'actualité politique. S'il est aisé de reconnaître les modèles traités par Grégoire, il est plus difficile d'établir avec certitude la chronologie des velours. Seules la commande pour Rambouillet, passée en 1813 et livrée en 1816, et la Corbeille de fleurs présentée à l'Exposition de 1819 sont précisément datées. La série des portraits — Louis XVI (inv. MT 24584), Napoléon Bonaparte puis Napoléon Ier (inv. MT 27993, MT 25713, MT 30978, MT 23189 et MT 26982), Pie VII (inv. MT 26623), la duchesse (inv. MT 2074) et le duc d'Angoulême (inv. MT 26983), Louis XVIII (inv. MT 25687) — fournit pourtant quelques jalons dans sa production. Maximilien Durand (fr)
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