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  • « Le dais est le plus ostensible des objets du culte. C'est la tente mobile qui abrite le Saint-Sacrement hors des murs de l'église. Il a donc paru naturel que son ornementation exaltât le sentiment chrétien en mettant sous les yeux l'œuvre si étonnante, si grande, si glorieuse du christianisme dans notre pays » (Henry J.-A., ancienne maison A. Henry & Jouve, fabricant, 3, rue du Garet, à Lyon. Dais artistique tissé à Lyon au point des Gobelins 1874-1876, Lyon, 1876, p. 4). Ainsi s'expliquait en 1876 le fabricant Joseph-Alphonse Henry (1836-1913), justifiant son idée d'amener autour de la Pietà et du pape Pie IX, qui symbolise alors une Église forte et souveraine, les personnages remarquables de l'histoire de la France chrétienne. Destiné au sanctuaire marial de La Salette, en Isère, le dais venait compléter le mobilier liturgique de la toute nouvelle église érigée entre 1852 et 1867 sur les lieux de l'apparition, en 1846, de la Vierge Marie à deux bergers. Très vite, les dons avaient afflué de toutes parts et permis l'enrichissement des décors et de son trésor : on y trouve notamment un autel absidial offert en 1855-1856 par le comte de Chambord et deux pièces remarquables d'orfèvrerie de Thomas-Joseph Armand-Caillat (1822-1901) : un calice en or massif incrusté de diamants et un ostensoir dessiné par Pierre Bossan (1814-1888). Le dais lui-même, extrêmement coûteux, fut en partie offert par le fabricant, le reste étant financé à la discrétion de très nombreux pèlerins (« Monsieur Henry affirme avoir dépensé 25.000 francs pour la confection de ce chef-d'œuvre dont la copie figure avec honneur au Palais de l'Industrie de Lyon », dans Souvenir du pèlerinage de Notre-Dame de La Salette, Nancy, 1900, p. 46 ; les livres de cartons de la maison Henry, conservés dans les archives de la maison Prelle, à Lyon, indiquent, sous le numéro de patron 1067 correspondant au dais : « dessin : 1500 francs ; mis en carte par Leroudier : 2400 francs ; lisage à 3 francs le 100 en 600 tout compris corrections : 500 francs... » et le coût détaillé des cartons de chacune des pentes, pour un total de 11780, 11 francs, auxquels doivent s'ajouter les sommes des matières premières et de toute la mise en œuvre du tissage). Le dais fut inauguré lors de la procession solennelle de la Fête-Dieu, le 15 juin 1876 (« Le dais de Notre-Dame de La Salette », Annales de Notre-Dame de La Salette, 1876-1877, p. 597-598). L'ambitieux programme iconographique, qui illustre la Gesta Dei per Francos (vocation divine de la France), selon les propres termes de Joseph-Alphonse Henry, traduit la dévotion nouvelle et fortifiée des fidèles de Notre-Dame, tout en insistant sur l'importance de l'Église de France alors ébranlée par la diminution du pouvoir temporel du pape et la progression de la pensée libérale et laïque. Ainsi défilent les premiers évêques, les martyrs, les souverains chrétiens, les fondateurs des grands ordres monastiques, certains opposants aux hérésiarques, les protagonistes des croisades, des Guerres de Cent Ans et de Religion, puis quelques hautes figures des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, Louis XVI et Madame Élisabeth, enfin, martyrs de la Révolution, venant illustrer l'espoir d'un retour à une royauté de droit divin. Le dais, de forme rectangulaire, est frangé d'or et de violet au bas des quatre côtés, que le fabricant intitule pentes « d'Orient, d'Occident, du Nord et du Sud. » Quatre-vingt-dix personnages, tissés en polychromie, cheminent vers la Pietà et vers Pie IX situés respectivement au centre des pentes d'Orient et d'Occident. Les processionnaires sont guidés sur les pentes Nord et Sud par quatre anges portant des offrandes bénites ou « eulogies », selon les termes du fabricant, qui symbolisent ici l'eucharistie. On note aussi la présence de deux très jeunes enfants sur les pentes d'Occident et Nord. L'ensemble forme une frise de plus de sept mètres de long, au bas de laquelle sont tissés dans un listel en accolades tous les noms des processionnaires. La scène est limitée en haut et en bas par deux frises d'acanthe et couronnée, en lettres d'or de goût gothique sur fond gris perle, par les versets du Magnificat, le chant de louange que Marie prononça lors de sa visite à sa cousine Élisabeth. Marie retient son fils déposé au pied de la Croix et présente de la main gauche la Couronne d'épines. Sur la face opposée, Pie IX siège sous un portique néogothique finement ouvragé qui repose sur d'étroites colonnettes rappelant l'architecture métallique alors en pleine expansion. Revêtu pontificalement et coiffé de la tiare à trois couronnes, il bénit de la main droite et tient de l'autre le volume de la bulle Ineffabilis qui avait défini en 1854 le dogme de l'Immaculée Conception. On peut s'interroger sur le sens de la lecture de cette longue procession car les versets du Magnificat ne sont pas présentés dans leur ordre initial. Pour une lecture pertinente, on adoptera le sens proposé par Joseph-Alphonse Henry lui-même dans son opuscule de 1876. La pente d'Orient (inv. MT 49287.4) est dominée, au centre, par la Vierge de Douleurs, accompagnée de l'inscription : Pro peccatis suae gentis vidit Jesum in tormentis, c'est-à-dire « Pour les péchés de son peuple, elle vit Jésus dans les souffrances », tirée du Stabat Mater (strophe 7). Le dessinateur, Théodore-Nicolas-Pierre Maillot, propose une figure de Pietà originale, qui sera reprise par Joseph-Alphonse Henry sur la face antérieure de la chasuble Salvatoris tissée en 1897 au « point de Gobelins. » À droite de la Croix, huit personnages illustrent la période du haut Moyen Âge et le règne des premiers rois chrétiens. En partie supérieure apparaît l'inscription : fecit + mihi + magna + qui + potens + est, c'est-à-dire « le Puissant fit pour moi des merveilles » (Magnificat, strophe 1). De gauche à droite se tiennent les hautes figures de l'époque mérovingienne : sainte Geneviève de Nanterre (420-vers 500/510), Clovis Ier (vers 466-511), sainte Clotilde (vers 474-vers 545), saint Rémi (vers 437-533) et saint Cloud (522-560). Nimbée, les pieds nus et en costume de bergère, Geneviève (S. GENOVEFA), patronne de Paris, est suivie de Clovis (CLODOVEVS), couronné et à genoux, « en tenue consulaire, tenant de la main gauche l'aigle romaine » (Dais artistique..., op. cit., p. 7 ; ces attributs rappellent l'alliance de Clovis avec les Romains après la victoire sur les Wisigoths en 508 et la remise que lui fit, à cette occasion, Anastase Ier, empereur d'Orient, des attributs consulaires). Par son baptême avec ses guerriers de la main de l'évêque de Reims saint Rémi vers 499, Clovis était devenu le premier roi chrétien du royaume des Francs et un puissant prince catholique. En convoquant le premier concile d'Orléans en 511, il posait les bases religieuses de la royauté franque. Debout derrière lui se tient son épouse sainte Clotilde (SANCTA CLOTILDIS) : princesse burgonde et première reine chrétienne, elle restaura notamment l'abbaye de Saint-Germain d'Auxerre. Elle est nimbée, les mains jointes, en « costume de princesse byzantine qu'adoptaient les femmes des Barbares devenus souverains des pays conquis » (Dais artistique..., op. cit., p. 7). Faisant un geste de bénédiction, saint Rémi (SANCTVS REMIGIVS) sépare Clovis de son petit-fils saint Cloud (S. CLODOALDVS), le premier prince royal à avoir accédé à la vie monacale et érémitique, puis à la prêtrise. Ayant utilisé ses biens familiaux dans la construction d'un monastère à l'emplacement de la future ville de Saint-Cloud, il y fut inhumé et vénéré comme saint à la suite de miracles accomplis auprès de son tombeau. Ici en habit de moine et nimbé, il est suivi de saint Grégoire de Tours (539-594), évêque et historien du Royaume et de l'Église, auteur des Dix Livres d'Histoire et du Livre des Miracles, qui retrace des hagiographies de saints. Nimbé et mitré, revêtu d'un riche pluvial et tenant un manuscrit, Grégoire de Tours (S. GREGORIVS TVRONICVS) est décrit par Henry comme « la plus grande figure de son temps et l'historien le plus autorisé de cette époque » (Dais artistique..., op. cit., p. 7). Suivent enfin Charlemagne (742-814) et son neveu légendaire Roland de Roncevaux (736-778). Le premier, protecteur fidèle de l'Église, avait pris part aux débats théologiques sur les sujets sensibles du moment comme celui de l'iconoclasme byzantin ou de la querelle du Filioque. Sacré empereur en 800 par le pape à Rome, Charlemagne (S. CAROLVS MAGNVS), il s'appuya sur le christianisme pour pacifier et unifier son Empire. Sa canonisation, intervenue dans un contexte conflictuel par l'antipape Pascal III en 1165, reste contestée. Il est néanmoins représenté nimbé, en costume impérial, « d'après d'anciens manuscrits »  (Dais artistique..., op. cit., p. 8). Quant à Roland (ROLANDVS), resté célèbre par la Chanson éponyme qui fit de lui un héros et un symbole de l'affrontement entre chrétiens et musulmans, il ferme la marche de cette partie droite de la pente, en tenue de chevalier, protégé par « l'écu des douze pairs » (Dais artistique..., op. cit., p. 8 ; notons que la mort du personnage est antérieure à l'apparition de l'héraldique... Cet écu est une invention du dessinateur). À gauche de la Croix, la procession, dominée par l'inscription Magnificat + anima + mea + Dominum, c'est-à-dire « Mon âme exalte le Seigneur » (Magnificat, strophe 1), symbolise le temps des premières croisades et de l'expansion du monachisme médiéval. Au plus près de la Croix se tient Pierre l'Ermite (1053-1115), religieux français et prédicateur de la première croisade en 1096. Il aurait disparu lors de la prise de Jérusalem en 1099 mais serait réapparu vers 1100 à Huy où il fonda l'abbaye de Neufmoustier dans laquelle il mourut. Représenté ici en prédicateur enthousiaste, Pierre l'Ermite (PETRVS EREMITA) brandit un crucifix de la main droite. Près de lui se trouve Philippe-Auguste (1165-1223), qui avait entrepris en 1191 la troisième croisade et, en 1208, celle contre les Albigeois. Sa victoire à Bouvines en 1214 posait les premières bases de l'unité française. Premier souverain à se donner officiellement le titre de roi de France, Philippe-Auguste (PHILIPPVS AVGVSTVS) est ici le seul personnage à genoux avec Clovis qui lui fait face, de l'autre côté de la Vierge de Douleurs. Armé, l'écu à son côté, les mains jointes en direction de Marie, il est revêtu du manteau bleu royal fleurdelisé doublé d'hermine. Il est dessiné « d’après des documents de la Bibliothèque Richelieu » (Dais artistique..., op. cit., p. 8), comme saint Dominique (1170-1221), Suger de Saint-Denis (1080/1081-1151) et saint Bernard de Clairvaux (1090-1153) qui le suivent. Saint Dominique (S. DOMINICVS), fondateur de l'ordre des Dominicains, est nimbé, revêtu du costume blanc de l’ordre et de la chape monacale grise. Il tient de la main gauche un livre ouvert et de l'autre une plume. Suger (SVGERIVS), dont on ne voit que le visage et le haut du costume, fut l’historien officiel de la monarchie (Grandes Chroniques de France). Également abbé de Saint-Denis depuis 1122 jusqu’à sa mort, il s’était opposé à saint Bernard de Clairvaux, réformateur cistercien qui réprouvait toute solennité et toute richesse dans le déroulement des cérémonies religieuses. Tonsuré et nimbé, saint Bernard (S. BERNARDVS) est revêtu de la coule cistercienne blanche, et tient, serrée sur la poitrine, la règle bénédictine des Cisterciens réformés. Le fondateur de Clairvaux, déclaré docteur de l’Église en 1830, aspirait à une vie simple et retirée du monde, mais ses fonctions l’obligèrent à prendre des positions officielles contre les ingérences du pouvoir civil dans l’Église, contre le schisme initié par l’antipape Anaclet II, et aussi à prêcher la seconde croisade. Il est séparé de saint Dominique par une haute branche de lys, symbole de leur abandon à la volonté divine. À leur suite se tient un groupe de quatre personnages : Blanche de Castille (1188-1252), son fils Louis IX ou saint Louis (1214-1270), Jean de Joinville (vers 1224-1317) et la Bienheureuse Isabelle de France (1225-1270). Mère de Louis IX et d’Isabelle de France, Blanche de Castille (S. BLANCA A CASTILIA) bénéficia tout au long de sa vie d'une réputation de sainteté. Elle fonda les abbayes de Royaumont, du Lys et de Maubuisson où elle est inhumée, et, bien qu’elle ne fût pas même béatifiée, Maillot la représente nimbée et couronnée, dans son vêtement bleu royal doublé d’hermine (la source de la représentation n'est pas mentionnée par Joseph-Alphonse Henry). Son fils, Louis IX (S. LVDOVICVS IX) , voulait faire de la France « la fille aînée de l’Église » et ériger Paris en haut lieu de la chrétienté. Ayant acquis en 1235 la Couronne d’épines puis d’autres reliques de la Passion, il fit construire la Sainte-Chapelle pour les abriter. D'une foi inébranlable et soutenant l’Église de Rome de façon indéfectible, saint Louis fut le premier roi de France à avoir été canonisé en 1297. Nimbé et couronné, revêtu du costume de croisé, l’épée au côté, et enveloppé dans son manteau bleu royal fleurdelisé doublé d’hermine, il présente devant lui la Couronne d’épines déposée sur un linge immaculé (« portrait du temps, d'après des documents de la Sainte-Chapelle » ; Dais artistique..., op. cit., p. 8). Son biographe, Joinville (JOINVILLA), conseiller et ami, qui l'avait suivi et soutenu en Égypte lors de la septième croisade et durant son séjour en Terre Sainte, devint un témoin essentiel dans l’enquête de sa canonisation. Soucieux d’idéaliser son roi, Joinville le montrera dans son Livre des saintes paroles et des bons faiz de nostre saint roy Louÿ (vers 1309) fort pieux et paré de toutes les qualités humaines que l’on peut attendre d’un souverain. Joinville, qui porte ici épée et crucifix « d’après sa statue » (Dais artistique..., op. cit., p. 8 ; il s'agit de la statue par Jean-Esprit Marcellin, datée de 1857, sur l'aile Henri IV de la cour Napoléon, au musée du Louvre), sépare saint Louis de sa sœur cadette Isabelle de France (S. ISABELLA A FRANCIA) qui ferme la marche. Morte sans postérité et fondatrice du monastère des Clarisses urbanistes de Longchamp dont elle partagea la vie sans être consacrée, Isabelle, béatifiée en 1521, est nimbée, couronnée et revêtue d’un vêtement fleurdelisé d’après « un manuscrit du temps » (Dais artistique..., op. cit., p. 8). La pente Nord (inv. MT 49287.1) présente deux anges portant la grappe de Canaan (l'inscription dans le listel inférieur indique VVAE VITIS CHANAAN, c'est-à-dire « le raisin de la vigne de Canaan ») et deux processions couvrant les XIe-XVe siècles puis les XVIe-XVIIe siècles. À gauche et précédant les anges se tiennent treize personnages, des ordres contemplatifs et mendiants, du Royaume de Jérusalem ou évoquant le Grand Schisme d’Occident et la Guerre de Cent Ans. En couronne, on lit : Fecit + potentiam + in + brachio + suo + dispersit + superbos + mente + cordis + sui. Deposuit + potentes + de + sede + et + exaltavit + humiles, c'est-à-dire « Déployant la force de son bras, il disperse les superbes » (Magnificat, strophes 4 ; 5) « Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles » (Magnificat, strophe 6). Saint Bruno (vers 1030-1101) et saint Hugues (1053-1132), évêque de Grenoble, ouvrent le cortège à gauche. Le premier fondait en 1084 l’ordre des Chartreux grâce au don du Désert que lui avait fait en Chartreuse Hugues de Grenoble. Retiré en Calabre, il y mourut au sein d'une nouvelle communauté qu'il avait fondée. Saint Bruno (S. BRVNO) est ici nimbé et revêtu du costume blanc de l’ordre « tenant à sa main une branche d’olivier en forme de croix, car une antienne de son Office Bréviaire des Chartreux le compare à l’olivier » (Dais artistique..., op. cit., p. 9 ; la source utilisée est l'ouvrage du père Charles Cahier, Caractéristiques des saints dans l'art populaire, volume 1, Paris, 1867, p. 146). Derrière lui, saint Hugues (S. HVGO), qui resta un fidèle soutien aux ordres monastiques, Bénédictins et Chartreux notamment, fut canonisé en 1134. La châsse d’argent qui abritait sa dépouille mortelle fut brûlée en 1562 par les troupes du baron des Adrets. Il est ici nimbé et mitré tenant la crosse épiscopale. Vient ensuite Godefroy de Bouillon (vers 1058-1100). Chevalier originaire de Basse Lotharingie, il avait très vite répondu à l’appel d’Urbain II en 1095 et aux prêches de Pierre l’Ermite pour participer à la première croisade. Par la suite, il refusa la couronne de Jérusalem, la jugeant trop précieuse et se jugeant lui-même indigne de la porter à l’égard du Christ. Il accepta cependant le titre d’Avoué du Saint Sépulcre qui lui conférait tout de même la souveraineté de la Ville sainte dont il porte ici le drapeau. Vêtu en croisé, Godefroy de Bouillon (GODOFRIDVS . REX . HIER/OSOLIMAE) tient de la main gauche son écu aux armes qui furent données au royaume de Jérusalem en 1100 par le pape Pascal II : d'argent, à la croix potencée et contre potencée d'or, cantonnée de quatre croisettes de même, et non celles de la Maison de Boulogne dont Godefroy de Bouillon était issu (« [...] Premier roi de Jérusalem [...]. Les portraits qu'on a de lui sont mauvais et ingrats. Les plus anciens le représentent avec une couronne d'épines, une croix d'or sur son casque et cinq croix sur sa cotte hardie ou sur l'écu. Son costume est copié sur celui d'un personnage mort en 1109 » ; Dais artistique..., op. cit., p. 9). Par ailleurs, Henry lui donne le titre de roi de Jérusalem de façon inexacte. Puis vient Pierre de Montboissier (1092-1156) dit « Pierre le Vénérable » (PETRVS . VENERABILIS). Fidèle à la primitive observance de la Règle, il fut l’un des derniers grands abbés de Cluny et lutta activement contre le courant vaudois. Ici, son visage et le haut du buste laissent deviner une coule à capuche blanche (il est représenté  « d'après les données du père Cahier, p. 283 » ; Dais artistique..., op. cit., p. 9). À sa suite, on trouve saint Jean de Matha (S. JOANNES . A . MATHA ; 1160-1213), religieux d’origine provençale, qui fut le cofondateur avec saint Félix de Valois de l’ordre des Trinitaires dont la charge consistait à racheter aux Barbaresques les captifs destinés à l’esclavage. Il est ici nimbé et en costume de l’ordre « exact, mais figure de fantaisie, aucun portrait n’existant de lui » (Dais artistique..., op. cit., p. 10). Suivent des personnages dont la plupart évoquent la Guerre de Cent Ans (1337-1388 et 1411-1453) : Eustache de Saint-Pierre (EVSTACHIVS . A . S . PETRO ; vers 1287-1371), le plus connu des « Six Bourgeois de Calais », vieillard présentant les clés de la ville et vêtu « d’un costume de 1364 » selon le fabricant (Dais artistique..., op. cit., p. 10) ; puis le pape Jean XXII (JOANNES . XXII . P . M . ; 1244-1334), chronologiquement antérieur à la Guerre de Cent Ans, premier souverain pontife à résider en Avignon au cours d’un long et prospère pontificat (sa dépouille mortelle repose en l’église Notre-Dame-des-Doms qu’il avait fait agrandir et restaurer), revêtu du costume pontifical, coiffé de la tiare à deux couronnes (Joseph-Alphonse Henry précise : « d'après le livre du père Cahier, la tiare n'a que deux couronnes », Dais artistique..., op. cit., p. 10 ; l'usage de la tiare à trois couronnes, la troisième symbolisant l'autorité morale sur les souverains civils, a pu s'imposer sous le règne de Jean XXII ou peut-être seulement à partir de 1342 avec le règne de Benoît XII) ; enfin Bertrand Du Guesclin (1320/1330-1380), Charles V dit Charles le Sage (1338-1380), Jean Charlier de Gerson (1363-Lyon 1429), Jeanne d'Arc (1412-1431), Arthur III de Richemont (1393-1458) et Charles VII (1403-1461). Tous, excepté Jeanne d’Arc, sont dessinés d’après des portraits conservés dans le fonds Roger de Gaignières (1642-1715) de la Bibliothèque Richelieu (Dais artistique..., op. cit., p. 10 et 11). Le connétable Du Guesclin (BERTRAM/MVS . DE . CLIKINO) s’était illustré en réussissant à expulser les Anglais de l’Ouest de la France. Maillot, fidèle à l’original de Saint-Denis, le représente en chevalier, armé d’une épée fleurdelisée et d’un écu armorié, d’après le gisant de son tombeau dans la chapelle royale de Charles V décrit par Gaignières. Derrière lui, Charles V (CAROLVS . V), souverain victorieux des Anglais, avait obtenu en 1360 la libération de son père Jean le Bon. Son autorité et sa politique avaient ravivé en France un réel sentiment national. Puis Gerson (GERSONIVS), chancelier de l’Université, était aussi chanoine de Notre-Dame de Paris. Homme d’État et « docteur très chrétien », il avait dénoncé et fait condamner les hérésiarques Jean Hus et Jérôme de Prague lors du Concile de Constance (1414-1418) qui mettait un terme au Grand Schisme d’Occident. À sa gauche, Jeanne d'Arc (JOHANNA . DARCIA), brûlée comme sorcière et relapse, puis réhabilitée en 1456, fut déclarée « Vénérable » en 1894, béatifiée en 1909 et canonisée en 1920. En 1922, Pie XI la proclama « seconde patronne de la Fille première née de l’Église romaine ». Joseph-Alphonse Henry précise, à son propos : « ses portraits tous de fantaisie sont souvent ridicules, l'historien André Thévet en donne un qui ne semble pas plus exact que les autres. "Le pourtraict de laquelle, monsieur notre maistre, Hilaire Hilaret, docteur de Paris, prédicateur ordinaire de la ville d'Orléans, & l'un des sçavants hommes aux langues de notre aage, m'a envoyé de la dite ville tel que je vous la représente & comme jadis il était au trésor de ville. Le corps de cuirasse de laquelle, très-vertueux prince Charles de Lorraine, duc d'Aumale, m'estant venu visiter en mon logis le quinzième janvier mil cinq cents octante-deux, me dit avoir en son chasteau d'Annet où il la conserve entre ses autres plus rares singularités, etc., etc." (Portraits et Vies des Hommes illustres, par André Thévet, 1584). La figure que nous donnons de notre héroïne est donc idéale ; il n'y a d'exact que le costume. Nous savons qu'elle était belle, bien prise et d'une nature vigoureuse » (Dais artistique..., op. cit., p. 10 et 11). Elle est ici en armure, l’épée dans la main droite, l’étendard royal fleurdelisé dans l’autre et non nimbée, n’ayant été béatifiée puis canonisée qu’au XXe siècle. Devançant Charles VII, Arthur de Richemont (ARTHVRVS DE RICOMONT) est un autre connétable de France. Moins célèbre que son prédécesseur Du Guesclin, il avait pourtant repris Paris sous le règne de Charles VII. Ce dernier enfin (CAROLVS . VII), ayant définitivement bouté les Anglais hors de France, s’attacha à redresser avec Jacques Cœur l’économie du Royaume. Maillot nous propose de lui un portrait officiel, conforme à celui d’une miniature conservée par Gaignières. À droite, suivant les anges porteurs de la grappe de Canaan, se succèdent onze grandes figures des ordres contemplatifs, charitables et enseignants entre le XVIe et le XIXe siècle, auxquels s'ajoutent un vieillard et un nourrisson. Les deux premiers sont saint François de Sales (1567-1622) et sainte Jeanne-Françoise de Chantal (1572-1641). Évêque de Genève, François de Sales (S. FRANCISCVS SALESIVS) fonda l’ordre de la Visitation Sainte-Marie en 1610 avec Jeanne de Chantal et Charlotte Bréchard. Son esprit doux et œcuménique suscita de nombreuses conversions, et ses ouvrages, Introduction à la vie dévote et Traité de l’Amour de Dieu, publiés respectivement en 1608 et 1615, connurent un grand succès de son vivant comme après sa mort. Béatifié en 1661, canonisé en 1665, il demeure une figure marquante de la renaissance catholique et fut reconnu docteur de l’Église en 1877. En tête de la procession, il est représenté les mains jointes « d’après un portrait du livre du père Cahier » (Dais artistique..., op. cit., p. 12 ; Charles Cahier, op. cit., p. 450) et précède sainte Jeanne de Chantal (S. J. F. DE CHANTAL) qui créa dans les vingt années qui suivirent soixante-quatorze maisons de la Visitation et en dirigea treize. Après la mort de François de Sales, Jeanne de Chantal s’attacha à accélérer son procès en canonisation. Elle fut elle-même béatifiée en 1751 et canonisée en 1767. Son corps repose auprès de François de Sales dans la basilique de la Visitation à Annecy. Nimbée ici, en costume de Visitandine, les bras croisés sur la poitrine, elle tient un crucifix « d’après les portraits de la Bibliothèque Richelieu » (Dais artistique..., op. cit., p. 12). Puis saint Jean-François Régis (S. F. REGIS ; 1597-1640), jésuite missionnaire des campagnes, surnommé « l'Apôtre du Velay et du Vivarais », dessiné d’après l'ouvrage du père Cahier (op. cit., p. 144), est revêtu du manteau romain sans manches, « le manteau de pèlerin, souvent porté par les missionnaires jésuites » (Dais artistique..., op. cit., p. 12) et tient le bourdon du pèlerin en haut duquel on devine un gourde en peau. Il est nimbé, ayant été canonisé en 1737, et ses reliques sont vénérées dans la basilique de La Louvesc bâtie et achevée par Pierre Bossan en 1877. Le groupe qui suit est constitué de trois personnages autour de la figure de saint Vincent de Paul (1581-1660) : un nourrisson, Louise de Marillac, veuve Le Gras (1591-1660) et un vieillard. Aumônier général des galères en 1619, Vincent de Paul (S. VINCENTIVS A PAULO) fondait en 1625 l’ordre des Prêtres de la Mission (Lazaristes) et, en 1633, la Société de vie apostolique des Filles de la Charité ou Sœurs de Saint Vincent de Paul. Béatifié en 1729 et canonisé en 1737, il représente le renouveau spirituel et apostolique du XVIIIe siècle français. Il est en costume clérical « d’après un bon portrait gravé en 1660 (Bibliothèque Richelieu) » (Dais artistique..., op. cit., p. 12 ; il s'agit du portrait publié dans les Hommes illustres de Charles Perrault), portant la soutane noire, le col blanc et la calotte noire. Il présente un jeune enfant à Louise de Marillac en référence à l'Hospice des Treize Maisons, le futur Hôpital des Enfants Trouvés qu’il avait créé en 1645 et dont il avait confié la gestion aux Filles de la Charité. Louise de Marillac, épouse d’Antoine Le Gras (LEGRAS), était devenue après son veuvage la première supérieure de la Société de vie apostolique des Filles de la Charité. Ici non nimbée (elle ne sera béatifiée qu'en 1920 et canonisée en 1934), elle est revêtue du costume de sœur Saint-Vincent de Paul avec la cornette blanche caractéristique, ce qui est inhabituel car la sainte est le plus souvent représentée en veuve de la noblesse voilée de noir. Le vieillard enfin devrait plutôt faire référence à l’ouverture en 1653 de l’Hospice du Saint-Nom de Jésus par Louise de Marillac et non à celle des Quinze-Vingts que mentionne Henry (Dais artistique..., op. cit., p. 12 : «Mlle GRAS - Première supérieure des Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, suivie d'un vieillard, rappelant la fondation de l'Hospice des Quinze-Vingt »). Derrière lui, sainte Marguerite-Marie Alacoque (1647-1690), visitandine mystique de Paray-Le Monial, avait fait la demande à Louis XIV de consacrer la France au Sacré-Cœur après les apparitions qu’elle avait eues du Cœur supplicié du Christ. Un culte qui fut finalement institué en 1765 à la demande de la reine Marie Leszczynska et étendu à toute l’Église par Pie IX en 1856. À Paris, la basilique du Sacré-Cœur dite du « Vœu national », érigée après la guerre de 1870, allait confirmer la dimension qu’avait prise cette dévotion. Béatifiée en 1864 et canonisée en 1920, Marguerite-Marie Alacoque (S. M. MARIA ALACOQUE) est ici en costume de l’ordre et nimbée d’après un portrait « donné par sa famille et reconnu authentique par l’évêché d’Autun. Lithographie unique de la Bibliothèque Richelieu » (Dais artistique..., op. cit., p. 12 : il s'agit de l'estampe gravée par Sébastien Leclerc [1637-1714] intitulée « Le vray portrait de la vénérable sœur Marguerite-Marie de Paroy âgée de 42 ans, en pied, agenouillée » dans la collection Michel Hennin). Des cinq personnages qui ferment la marche de la pente Nord, on identifie Armand-Jean Le Bouthillier de Rancé (1626-1700), Louis-Marie Grignion de Montfort (1673-1716), Jean-Baptiste de La Salle (1651-1719), le Révérend Père Jacques Bridaine (1701-1767) et dom Abbé Charles-Michel de l’Épée (1712-1789), tous représentés d’après des documents conservés à la Bibliothèque Richelieu. Rancé (D . ABBAS . B . RANCÆVS), seigneur libertin devenu religieux cistercien, réforma l’abbaye de Notre-Dame de la Trappe en proposant aux moines une vie plus proche de la règle initiale de saint Benoît : son Étroite observance puis la Stricte observance, qui furent largement suivies, préludèrent à l’ordre des cisterciens réformés de Notre-Dame de la Trappe créé en 1892. Ici, il est en costume blanc de Trappiste. Grignion de Montfort (D . GRINIO DE MONTEFORTI), non nimbé ayant été béatifié en 1888 et canonisé en 1947, et dont on ne voit que le buste et le haut de soutane claire, avait fondé trois compagnies enseignantes pour jeunes gens et jeunes filles dont celle des Frères de l’instruction chrétienne de saint Gabriel. Vient ensuite Jean-Baptiste de La Salle (J . B . DE LA SALLE), chanoine de Reims, et fondateur de l’Institut des Frères des Écoles chrétiennes. Son œuvre est à l’origine de douze Congrégations enseignantes de Frères français entre 1816 et 1842. Revêtu ici d’un costume clérical clair à rabat blanc et du manteau romain, il n’est pas nimbé, ayant été béatifié en 1888 et canonisé en 1900. Il tient une plume de la main droite et de l’autre, un manuscrit. Le Révérend Père Bridaine (D . P . BRIDAINE), prédicateur inlassable, auteur de cinq volumes de sermons édités en 1821, fut le « missionnaire le plus éloquent et le plus ardent prédicateur du XVIIIe siècle » (Dais artistique..., op. cit., p. 13 ; le fabricant ajoute : « d'après un véritable portrait de M. Jacques Bridaine, prêtre missionnaire royal, né à Chuzelan, diocèse d'Uzès, 30 mars 1701, dessiné lorsqu'il finissait son sermon à Avignon dans l'église Saint-Didier en avril 1734. [Bibl. Richelieu]»). Il est ici en action de prêche, le bras droit levé et un crucifix dans la main gauche. L’abbé de l’Épée (D . A . DE L'ESPEE), enfin, proclamé en 1791 « bienfaiteur de l’humanité » pour avoir élaboré une méthode de communication et d’enseignement pour les malentendants, est ici à demi caché par le geste ample du révérend Bridaine, mais on reconnaît son costume clérical à rabat et calot noirs. Il tient un rouleau ouvert sur lequel sont inscrits des signes de la main. Il a été dessiné « d'après un portrait de Jacob (Bibl. Richelieu) » (Dais artistique..., op. cit., p. 13).  Sur la pente Sud (inv. MT 49287.2), ce sont deux anges portant les « eulogies » (deux pains) qui conduisent la procession. Ils sont accompagnés de l'inscription ECCE + PANIS + ANGELORVM, c'est-à-dire « Voici le pain des anges » ; en couronne, on lit : et + exultavit + spiritus + meus + in + Deo + salutari + meo + et + misericordia + ejus + a + progenie + in + progenies + timentibus + eum, c'est-à-dire « Exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! » (Magnificat, strophe 1) et « Sa miséricorde s'étend d'âge en âge sur ceux qui le craignent » (Magnificat, strophe 4). La procession compte quatorze personnages, du XVe au XVIIIe siècle, issus de l'entourage de Louis XI ou ayant été actifs dans la défense du cathjolicisme au moment des Guerres de Religion. De droite à gauche, précédant les anges, on trouve Louis XI (1423-1483) lui-même suivi de ses proches, sainte Jeanne de Valois ou de France (1464 -1505), Philippe de Commynes (1447-1511), Anne de France dite aussi Anne de Beaujeu (1461-1522), Louis II de La Trémoille (1460-1525), Anne de Bretagne (1477-1514), Louis XII (1462-1515) et le cardinal Georges d’Amboise (1460-1510). Réputé fourbe et cruel, Louis XI (LVDOVICVS XI) se montra toutefois un monarque essentiel dans l’œuvre de centralisation de la France. Roi très pieux, il s’était rendu, lors d’un passage à Lyon en 1476, en la chapelle de Fourvière afin de prier Notre-Dame du Bon Conseil. En tête de cortège, il est tissé « d’après une miniature copiée sur un portrait original peint de son temps dans le cabinet de M. de Gaignières (Gaignières, Bibl. Richelieu) » (Dais artistique..., op. cit., p. 14 : Portrait de Louis XI à la gouache sur parchemin, « copié sur son portrait original peint de son temps dans le cabinet de Mr. de Gaignières », Gaig. 704). Il est suivi de sa seconde fille, sainte Jeanne de France (S. JOHANNA VALESIA) qui, après l’annulation de son mariage avec Louis XII, fondait à Bourges l’ordre contemplatif des Annonciades. Béatifiée en 1742 et canonisée en 1950, elle est nimbée, couronnée et revêtue du costume de son ordre, tenant un crucifix « d’après une bonne et ancienne gravure de la Bibl. Richelieu. Portrait unique » précise Henry (Dais artistique..., op. cit., p. 14). On identifie ensuite, copié sur un portrait d’André Thévet (1504-1592) (Dais artistique..., op. cit., p. 14 : « J'ayme par trop mieux icy vous représenter le pourtraict de seigneur d'Argentan tel qu'il est en bosse, tiré de son vivant deux ans avant sa mort en sa chapelle qu'il a faict faire & bastir en l'église des Augustins de cette ville de Paris » [Bibl. Richelieu]), le haut du buste de Philippe de Commynes (COMINÆVS), diplomate flamand qui, après l’entrevue de Péronne en 1468, avait quitté Charles le Téméraire pour se rallier à Louis XI dont il devint l’ami et le conseiller. Entouré d’honneurs, il dut accepter la relégation après la mort de Louis XI en raison de ses choix politiques. Bien qu’amnistié, il resta sur ses terres où il mourut après avoir servi trois souverains et rédigé les mémoires des règnes de Louis XI et de Charles VIII. Sa vision d’une Europe soudée et unie par la chrétienté justifie sans doute ici sa place. À sa droite, Anne de Beaujeu (ANNA . BELLOJOVIENCIS), fille aînée de Louis XI, fut régente de France à la mort de son père pendant la minorité royale de son frère Charles VIII : « La bibliothèque ne possède qu’un mauvais portrait moderne ; le costume est exactement du temps » selon Henry (Dais artistique..., op. cit., p. 14). Puis vient Louis II de La Trémoille (D . DE TREMOLIO), grand Commis de l’État, qui servit successivement Charles VIII, Louis XII, et François Ier et mourut à la bataille de Pavie. Tissé d’après Thévet, il porte une tunique aux armes de la maison de La Trémoille à chevron d’or et aigrettes becquées et membrées d’or sur fond azur (les teintes sont ici fantaisistes). Anne de Bretagne (ANNA A BRITAN :) qui suit fut l’une des princesses les plus titrées du temps, étant devenue notamment reine de France par ses mariages avec Charles VIII puis Louis XII. Elle fit toujours preuve, dans ses nombreuses fonctions, de force, de tempérance et de justice. Son profil, tissé d’après « Erlinger dans son médaillon du temps », est très proche de celui d’une médaille frappée à Lyon lors de son passage avec Louis XII dans cette ville en 1499 (les consuls de Lyon avaient chargé Nicolas Leclerc et Jean de Saint-Priest, maîtres tailleurs d'images, d'en faire les modèles d'après Jean Perréal, et les joaillers Jean et Colin Lepère, aidés par un fondeur, de l'exécuter). À côté d’elle, son époux Louis XII (LVDOVICVS XII), qui manifesta également toujours une grande modération, régna en s’appuyant sur le débat parlementaire plutôt qu’en monarque absolu. On reconnaît son portrait officiel tissé ici « d’après son médaillon du temps (Gaignières) » (Dais artistique..., op. cit., p. 15). Quant au cardinal d’Amboise (G . CARDINALIS . DE/ AMBACIA), premier ministre de Louis XII, il avait obtenu l’annulation du mariage de ce dernier avec Jeanne de Valois afin que le roi puisse épouser Anne de Bretagne. Amboise, qui fut candidat à la papauté en face de Jules II, possédait une bibliothèque riche de plus de deux cent cinquante manuscrits. Son corps repose en la cathédrale de Rouen dont il occupa la cathèdre. À la suite de son décès survenu à Lyon, son cœur avait été conservé au couvent des Célestins jusqu’à la destruction du bâtiment en 1785. Il chemine ici, revêtu du costume cardinalice : soutane, mozette et barrette pourpres « d’après une ancienne gravure de la Bibliothèque Nationale » (Dais artistique..., op. cit., p. 15). On note ensuite la présence de deux hommes de guerre : Gaston de Foix (1489-1512) et Pierre Terrail, chevalier Bayard (1476-1524). Gaston de Foix (GASTO A FUXIO), neveu de Louis XII, comte d’Étampes, duc de Nemours et gouverneur du Dauphiné, qui mourut à Ravenne après avoir remporté la victoire, est tissé « d’après une miniature prise sur une tapisserie qui représente son histoire. (Gaignières) » (Dais artistique..., op. cit., p. 15 : « Gaston de Foix, duc de Nemours, pris sur une tapisserie qui représente son histoire, tué à la bataille de Ravenne », Gaig. 805). Il est suivi du dauphinois Bayard (BAYARDVS), qui devait s’illustrer durant les guerres d’Italie et symboliser les valeurs de la chevalerie médiévale française. Son portrait serait inspiré d’un portrait de Palma l’Ancien et « l'armure a été copiée au Musée d’artillerie » (Dais artistique..., op. cit., p. 15). Les quatre personnages qui clôturent ce groupe résument les Guerres de Religion : François Ier de Lorraine, deuxième duc de Guise (1520-1563), Michel de L'Hospital (vers 1505-1573), Marie Stuart (1542-1587) et Henri IV (1553-1610). Principal chef catholique, François de Guise (FRANCISCVS GVISIVS) avait fait réprimer dans le sang la conjuration d’Amboise organisée par des gentilshommes protestants et le Prince de Condé, ce qui provoqua en 1562 le massacre des Protestants champenois et marqua les débuts des Guerres de Religion (1562-1598). Assassiné en 1563, François de Guise figure sur ce dais comme porte-drapeau de la foi catholique. Henry indique que l'image a été élaborée « d'après son portrait par Jacob (musée du Louvre) » (Dais artistique..., op. cit., p. 15). Le Chancelier de France d’origine huguenote, Michel de L’Hospital (M. HOSPITALIVS), grand Commis de l’État et ambassadeur au Concile de Trente (1545-1563), reste un symbole de tolérance civile et religieuse. Il figure ici « d’après une miniature de Gaignières selon un portrait du temps (Bibl. Richelieu) » (Dais artistique..., op. cit., p. 15 : Gaig. 1012). Marie Stuart (MARIA . STVARDA), reine d’Écosse puis reine de France (1559-1560) par son mariage avec le futur François II, était d’origine et d’éducation catholiques du côté maternel, mais elle dut affronter, après son veuvage et son retour en Écosse, sa cousine Elisabeth Ière qui la fit emprisonner et exécuter alors qu’elle ne cessait de proclamer sa foi catholique. Sa dépouille mortelle repose depuis 1612 en l’abbaye de Westminster. Pour représenter la Souveraine, Maillot a pu s’inspirer de différents portraits, Henry disant simplement qu'elle est représentée d'après un « portrait du temps ». Henri IV (HENRICVS IV), enfin, signataire en 1598 de l’Édit de Nantes qui mit fin à vingt années de conflit religieux, est présent sur ce dais par cet acte et par celui d’avoir abandonné le protestantisme pour adhérer au catholicisme afin d’accéder au trône de France. Revêtu de son armure et portant la croix du Saint-Esprit, il est tissé « d’après un médaillon en bois sculpté du temps » (Dais artistique..., op. cit., p. 15). À gauche, après les anges porteurs de pains, la suite de la procession compte quatorze personnages personnages, hautes figures des XVIIe et XVIIIe siècles et deux martyrs emblématiques de la Révolution. En ouverture du cortège se tiennent Louis XIII (1601-1643) et Armand-Jean du Plessis de Richelieu (1585-1642). Surnommé le « Juste », Louis XIII (LVDOVICVS . XIII) s’était montré au début de son règne tolérant à l’égard des Huguenots. Fervent catholique et très pieux, il plaça la France sous la protection de la Vierge et ne cessa de soutenir les fondateurs de congrégations comme celle de saint Vincent de Paul venue au secours des plus pauvres. Il réussit à s’adjoindre la fidélité du clergé tout en tentant des rapprochements politiques avec des puissances protestantes. Son ministre Richelieu (ARMANDVS . PLESSÆVS), qui essaya de concilier l’évolution d’une France moderne tout en privilégiant le pouvoir royal, était aussi évêque de Luchon. Il tenta à ce titre d’influencer Louis XIII sur la conduite à tenir envers les Protestants : face à la menace de plus en plus prégnante de certaines cités huguenotes, il organisa en 1627 le Siège de la Rochelle, haut lieu de la religion réformée. L’un des premiers à suivre les prescriptions du Concile de Trente, il célébra, en soutien aux Jésuites, la première messe en leur église Saint-Louis à Paris. Henry précise que les deux portraits sont tissés d’après ceux de Philippe de Champaigne (1602-1674) « conservés au Louvre » (Dais artistique..., op. cit., p. 15 et 16 : Paris, musée du Louvre, département des Peintures, Louis XIII couronné par la Victoire, 1635, inv. 1135, et Le cardinal de Richelieu, inv. 1136). À leur suite se tiennent Eustache Le Sueur (1616-1655), Pierre Corneille (1606-1684) et dom Jean Mabillon (1632-1707). Le peintre Lesueur (LESVEVR), l'un des fondateurs du classicisme français, est l’auteur de la Vie de Saint Bruno dont les vingt-deux tableaux destinés à la Chartreuse de Paris, visibles aujourd’hui au Louvre, étaient entrés en 1776 dans les collections royales. Lesueur est représenté ici d’après une des tapisseries des Gobelins, sur un dessin de Victor Biennoury (1823-1893), appartenant à une suite réalisée dans les années 1850 pour la Galerie d’Apollon du Louvre en l’honneur des grands hommes qui avaient œuvré pour ce palais (Dais artistique..., op. cit., p. 16). Quant à Corneille (CORNEILLE), tissé d’après « son médaillon » (Dais artistique..., op. cit., p. 16 : c'est-à-dire d'après la médaille en bronze à l'effigie de Pierre Corneille par Alfred Borel [1836-1927], gravée en 1873 à l'occasion du bicentenaire de la mort del'artiste d'après les estampes du XVIIe siècle), il porte le bonnet rond, la moustache et la pointe à la Richelieu. Il avait fait en 1656 une traduction à grand succès de L’Imitation de Jésus-Christ, œuvre anonyme de la fin du XIVe siècleou du début XVe. Mabillon (il n'est pas nommé dans la frise inférieure...) qui le suit, historien et moine bénédictin réformé, donna un nouvel élan à l’exégèse en étudiant et éditant d’une manière critique et rigoureuse les textes des Pères de l’Église. Le dessinateur l’aurait représenté « d’après un portrait du temps » (Dais artistique..., op. cit., p. 16). Viennent ensuite Henri de La Tour d'Auvergne-Bouillon dit Turenne (1611-1675), Jacques-Bénigne Bossuet (1627-1704), Sébastien Le Prestre, marquis de Vauban (1633-1707), François de Salignac de La Mothe-Fénelon dit Fénelon (1651-1715) et Jean Racine (1639-1699). Turenne (TVRENNIVS), maréchal de France, dont la dépouille mortelle repose aujourd’hui aux Invalides, est copié « d’après un pastel de Robert Nanteuil (Louvre) » (Dais artistique..., op. cit., p. 16 : Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, Portrait de Turenne en buste, portant une cuirasse par Robert Nanteuil [1623-1678], inv. 31368). À côté de lui, on reconnaît Bossuet (BOSSVETIVS), prélat et écrivain, qui, outre sa réputation d’orateur exceptionnel, se rendit célèbre pour ses violentes prises de position antisémites et celles de considérer, dans le courant gallican, la suprématie de l'Assemblée des évêques de France sur le pape en matière d'autorité et d'enseignement. Bossuet prêcha en l’Eglise Saint-Louis des Jésuites à Paris inaugurée quelques décennies auparavant par Richelieu. Son portrait est réalisé « d’après une terre cuite de Pajou » (Dais artistique..., op. cit., p. 16 : Paris, musée du Louvre, département des Sculptures, Jacques-Bénigne Bossuet par Augustin Pajou [1730-1809], inv. L 93474). Vauban (VAVBAN), ingénieur, essayiste, et maréchal de France, s’était élevé contre Louis XIV lors de la Révocation de l’Édit de Nantes en 1685 dont il entrevoyait de graves conséquences sur le commerce et les manufactures. Représenté avec la cicatrice ronde sur la joue gauche due à une blessure au siège de Douai, il est tissé ici « d’après un portrait du temps » (Dais artistique..., op. cit., p. 16). Fénelon (FENELON), archevêque de Cambrai et académicien, est resté célèbre pour ses Sermons, ses Lettres spirituelles et ses Traités sur la vie des saints (1697) ou sur l’existence de Dieu (1712). Il est tissé ici d’après une gravure de Alexandre-Denis-Joseph Pujol de Mortry (1737-1816) d’après un tableau de Joseph-Marie Vien (1716-1809) (Dais artistique..., op. cit., p. 16). Racine (RACINE), enfin, qui avait été éduqué dans le courant janséniste par les Solitaires de Port-Royal, écrivit à la demande de Madame de Maintenon deux tragédies à sujet biblique pour les jeunes filles de Saint-Cyr : Esther (1689) et Athalie (1691). En partie caché par la silhouette de Marie Leszczynska, le dramaturge ne montre que son visage de profil qui aurait été tissé d’après son buste sculpté (Dais artistique..., op. cit., p. 16 : Louis Boizot [1743-1809], Jean Racine, buste en marbre dans le Foyer de la Comédie Française). Ferment la marche Marie Leszczynska (1703-1768) et l’évêque Henri-François-Xavier de Belsunce de Castelmoron (1671-1755) qui œuvrèrent en faveur du culte du Sacré-Cœur, puis Louis XVI (1754-1793) et Élisabeth de France (1764-1794). La reine Marie Leszczynska (MARIA ./ LEZINZKA) avait reçu une fervente éducation religieuse à Varsovie et notamment été initiée à la dévotion au Sacré-Cœur qu’elle instaura en France dès 1765 par une lettre qu’elle adressa à tous les évêques. Elle est représentée ici couronnée, dans une robe d’apparat et à demi enveloppée dans le manteau bleu royal fleurdelisé doublé d’hermine « d’après une gravure de la Bibliothèque Richelieu » (Dais artistique..., op. cit., p. 16). À sa suite, on aperçoit Belsunce (BELZVNCIVS) dont le portrait serait tissé « d’après une gravure de Pilau » (Dais artistique..., op. cit., p. 16). Protestant converti à seize ans au catholicisme, Belsunce avait choisi la voie ecclésiastique. Devenu évêque de Marseille en 1710, charge qu’il occupa durant quarante-cinq ans, il s’illustra dans la lutte contre la grande peste de 1720 en consacrant la ville au Sacré-Cœur et dans ses querelles avec les jansénistes d’Aix-en-Provence. Louis XVI (LVDOVICVS XVI), enfin,est revêtu du costume du sacre et paré du collier de l’Ordre du Saint-Esprit et de celui de la Toison d’or, d’après le portrait officiel d’Antoine-François Callet en 1779 (ou celui d’une réplique gravée, comme semble le suggérer Henry : « d'après une bonne gravure du temps »). La composition, empruntée à celle de Hyacinthe Rigaud (1659-1743) pour Louis XIV en costume de sacre (1701), pérennise la représentation idéale de la fonction régalienne. Louis XVI, accompagné de sa sœur, Madame Élisabeth (ELISABETH), tient de la main droite la palme du martyre. Élisabeth à demi cachée par le roi est revêtue d’une sombre redingote à pèlerine et coiffée d’une « charlotte » selon la mode de la dernière décennie du XVIIIe siècle. Elle est figurée d'après un « portrait du temps, sans signature, "Élisabeth-Marie-Hélène Capet" (sic). (Bibl. Richelieu) » (Dais artistique..., op. cit., p. 16). La pente d’Occident (inv. MT 49287.3), enfin, est organisée autour de la figure centrale du pape Pie IX (1792-1878). Elle présente l’Église primitive, du IIe au VIe siècle, avec les premiers évêques héritiers de l'autorité pontificale et les martyrs de la Gaule. La partie inférieure, en dessous du listel, est timbrée du blason aux armes de Pie IX : écartelé, au premier et au quatrième d’azur à un lion d’or ; au deuxième et troisième d’argent à deux barres de gueules. En 1874, au moment du tissage du dais, Pie IX était dans la vingt-septième année de son pontificat qui deviendra, en 1878 à sa mort, le plus long de l’histoire. Le souverain pontife avait promulgué en 1854, dans la bulle Ineffabilis, le dogme de l’Immaculée Conception de Marie et, en 1870, l’infaillibilité du pape en terme de doctrine et de dogme. En partie supérieure, on lit l'inscription : respexit . humilitatem . ancillæ . suæ . ecce . enim . ex . hoc . beatam . me . dicent . omnes . generationes, c'est-à-dire « Il s'est penché sur son humble servante ; désormais, tous les âges me diront bienheureuse » (Magnificat, strophe 2). À la gauche du trône pontifical se tiennent dix personnages, avec, de gauche à droite, en tête, trois figures essentielles des racines chrétiennes lyonnaises : saint Pothin premier évêque de Lyon (+ 177), saint Irénée, deuxième évêque de Lyon (vers 130-vers 208) et sainte Blandine (+ 177) vierge et martyre. L’évêque de Lyon Pothin (S. POTHINVS) mourut sur la colline de Fourvière à plus de quatre-vingt-dix ans à la suite de maltraitances en prison lors de la grande persécution des chrétiens de Lyon sous Marc-Aurèle en 177. Premier évêque des Gaules, il eut pour successeur Irénée (S. IRENÆVS), qui était arrivé en Gaule vers 157 et qui poursuivit l’œuvre théologique de Pothin. Irénée lutta notamment contre les hérésies d’origine moyen-orientale prônées par les gnostiques et les valentiniens en proposant de nouveaux critères d’interprétation des Écritures et en s’appuyant sur leur inspiration divine et sur l’Église, garante de la vérité et de la foi des apôtres. Père de l’Église, il fut aussi le créateur des diocèses de Besançon et de Valence et serait mort vers 208 pendant la persécution de Septime Sévère. Ses reliques sont déposées depuis le Ve siècle dans l’église Saint-Irénée de Lyon. Théodore Maillot dessine ici Pothin en homme d’âge mur à barbe blanche et Irénée, à barbe brune. Tous deux sont vêtus pontificalement avec un long pallium, mitrés et crossés. Irénée porte un flambeau dans la main droite. Sainte Blandine (S. BLANDINA), membre de la première communauté chrétienne lyonnaise, fut martyrisée en 177 avec quarante-sept chrétiens dont Pothin. D’abord incarcérée, elle fut, livrée aux bêtes qui l’ignorèrent dans l’amphithéâtre des Trois Gaules. Elle fut ensuite torturée et dut assister à la mort de ses compagnons, puis flagellée, placée sur un siège incandescent, livrée dans un filet à un taureau, elle survécut et fut finalement achevée par le glaive. Patronne de la ville de Lyon, elle est aussi, avec sainte Marthe, patronne des servantes. Ici, pieds nus et vêtue d’une tunique blanche, elle est debout sur un gril en flamme, ce qui n’est pas tout à fait conforme au récit de sa persécution : une confusion du dessinateur qui pourrait être due à la traduction même de la lettre d’Eusèbe de Césarée : « Après les fouets, après les bêtes, après le gril (en réalité une chaise de fer brûlante), on finit par la jeter dans un filet et l’exposer ainsi à un taureau. […] On l’égorgea, elle aussi, et les païens eux-mêmes reconnaissaient que jamais chez eux une femme n’avait supporté autant de pareils tourments. » À leur suite se tiennent saint Sidoine Apollinaire évêque de Clermont (431-486/489), saint Mamert (selon la publication de Henry, Dais artistique..., op. cit., p. 17) archevêque de Vienne (+ 475) [ou saint Paul-Serge premier évêque de Narbonne au IIIe siècle selon l’inscription sur le dais], saint Victor de Marseille (+ 290), saint Eucher évêque de Lyon (370-449), saint Trophime, sans doute le premier évêque d’Arles (IIIe siècle ?), saint Césaire, évêque d’Arles (vers 470/471-543), saint Symphorien d'Autun (+ vers 178-180). Saint Sidoine Apollinaire (S. SIDONIVS APOLLINARIS), homme de lettres, né à Lyon d’une famille patricienne gallo-romaine, devint préfet de Rome avant d’être nommé évêque d’Auvergne en 471. Il participa à la défense de Clermont face aux Wisigoths mais fut emprisonné après la chute de la ville. À sa libération deux ans plus tard, il vécut saintement et discrètement, loin de la politique, et fut à l’origine d’un ou plusieurs miracles. Il est ici vêtu pontificalement, et figuré d'après l'ouvrage du père Cahier (Dais artistique..., op. cit., p. 17 : « D'après le père Cahier, page 60 »). Derrière lui, on aperçoit saint Mamert ou saint Paul-Serge (S. PAVLVS SERGIVS). Le premier fut archevêque de Vienne en 452 et son corps, retrouvé au XIXe siècle dans un sarcophage, est conservé dans l’ancienne église Saint-Pierre de Vienne, aujourd’hui musée archéologique. Le second, Paul-Serge fut au IIIe siècle le premier évêque de Narbonne qu’il évangélisa après les persécutions de Dèce. Sur le dais, le personnage représenté est barbu, nimbé et enveloppé dans un manteau de pèlerin. Puis saint Victor (S. VICTOR), en costume d’officier romain le bras droit levé. Il aurait subi le martyre pour avoir refusé de sacrifier aux dieux et détruit d’un coup de pied un autel païen. Après sa mort survenue à la suite de nombreux sévices, les Marseillais cachèrent son corps pour l’ensevelir à l’emplacement de la future abbaye de Saint-Victor de Marseille qui devint alors un haut lieu du catholicisme. Ici en « tribun militaire, il renverse l’autel de Jupiter devant l’empereur Maximien » (Dais artistique..., op. cit., p. 17). Saint Eucher (S. EVCHERIVS), issu d'une famille patricienne gallo-romaine, se fit moine à Lérins puis ermite dans le Luberon. Nommé contre son gré évêque de Lyon, il conserva cette fonction jusqu’à sa mort. Exégète et père de l’Église de grande influence, il poussa sa femme sainte Tulle et ses enfants sainte Consorce et saint Véran à adopter une vie sainte et recluse. Leur vénération sera à l’origine de différents toponymes. On n’aperçoit ici que la tête nimbée et mitrée du saint évêque. Par ailleurs on constate dans la notice de Henry une confusion entre Eucher de Lyon, qui vécut au IVe siècle, et Eucher, évêque d’Orléans au VIIIe (Dais artistique..., op. cit., p. 17 : « D'après son image au tombeau de Charles-Martel [père Cahier, p. 742] »). Saint Trophime (S. TROPHIMVS) aurait été le premier évêque d’Arles au IIIe siècle, l’un des sept missionnaires, d’après saint Grégoire de Tours, envoyés par Rome pour évangéliser la Gaule durant les persécutions de Dèce en 250. « Évêque d’Arles, disciple de saint Paul » d’après Henry, Trophime est assis sur une base de colonne en pierre et revêtu d’un ample manteau, le cou ceint du pallium. Il montre son pied gauche bandé en référence à ses dons de guérisseur de la goutte. Saint Césaire (S. CESARIVS), évêque d’Arles durant quarante ans et père de l’Église, fut moine à Lérins avant d’être nommé évêque, contre son gré, au début du VIe siècle. Il participa aux différents conciles et débats théologiques dans une période particulièrement troublée (il vécut trois invasions barbares et connut la prison et l’exil). Il est ici vêtu pontificalement. Saint Symphorien (S. SYMPHORIANUS), enfin, originaire d’une famille chrétienne, subit le martyre à vingt ans, ayant refusé de sacrifier aux dieux pendant la persécution de Marc-Aurèle vers 180. On érigea au Ve siècle sur le lieu de son martyre l’abbaye Saint-Symphorien d’Autun où il fut vénéré comme un saint national. Henry indique que son image est inspirée du célèbre tableau de Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867), Le martyre de saint Symphorien, conservé à la cathédrale d'Autun. À la droite de Pie IX figurent dix personnages nimbés et un jeune enfant. De droite à gauche, en tête, se trouvent saint Denis, premier évêque de Paris (IIIe siècle), saint Germain évêque d’Auxerre (vers 380-448), et saint Martin, évêque de Tours (vers 335-397). Saint Denis (S. DYONISIVS [sic]), qui mourut décapité vers 258, aurait, selon la légende, ramassé sa tête avant de s’effondrer sur le lieu où s'élève aujourd’hui la nécropole royale de Saint-Denis. Saint céphalophore, Denis est vêtu ici pontificalement et nimbé d’un halo vide (rare représentation) car il tient sa tête devant lui de la main gauche. Saint Germain (S. GERMANVS), évêque d’Auxerre depuis 418, remplit durant quarante ans ses fonctions et mourut dans la capitale impériale d’Occident, Ravenne, où il était venu plaider la cause des Bretons secoués par le pélagianisme. Son corps, ramené à Auxerre, fut inhumé dans l’oratoire de l’abbaye qu’il avait créée. Vêtu pontificalement, selon le dessin que reproduit Cahier (p. 31), il présente ici la médaille qu’il avait remise à la jeune sainte Geneviève, future patronne de Paris. Saint Martin (S. MARTINVS), ancien tribun militaire romain, fut choisi contre son gré comme évêque de Tours en 371. Ayant fondé auparavant, le premier monastère des Gaules à Ligugé, il s’était attaché à développer la vie monastique en formant de nombreux clercs qui eux-mêmes essaimèrent. Ici, il est revêtu pontificalement et accompagné d’une oie : « La pratique populaire lui attribue une oie bien que l’on ne sache au juste ce qu’était l’oiseau de saint Martin » (Dais artistique..., op. cit., p. 18 ; Cahier, op. cit., vol. 2, p. 580 : « On place près de lui une oie prétendant que le cri de ces oiseaux le trahirent lorsqu'il se cacha pour ne pas être élevé à l'épiscopat. D'autres pensent qu'il a pu faire obéir des oiseaux pêcheurs représentant le démon : d'où l'appellation de martin-pêcheur. À moins que ce ne soit tout simplement une référence à la saison de la chasse : Martin est fêté le 11 novembre»). Vient ensuite, symétriquement par rapport à Pie IX et Blandine, sainte Colombe de Sens (S. COLVMBA), vierge et martyre (+ vers 273-274). Réfugiée en Bourgogne pour fuir les persécutions en Espagne dont elle était originaire, elle subit le martyre en 274 après avoir refusé de renoncer à sa foi et à sa virginité. Placée sur un bûcher dont les flammes furent éteintes par la pluie, elle fut décapitée. À l’emplacement de son tombeau, on érigea au VIIe siècle l’abbaye Sainte-Colombe de Saint-Denis-lès-Sens qui devint un haut lieu de pèlerinage. Vêtue à l’antique, ligotée à un pieu, elle est ici debout pieds nus sur un bûcher fumant. Suivent deux évêques : saint Martial, premier évêque de Limoges (IIIe siècle), et saint Hilaire, évêque de Poitiers (vers 315-367/368). Martial (S. MARTIALIS), mentionné par saint Sidoine Apollinaire et saint Grégoire de Tours comme le premier évangélisateur du Limousin, aurait été l’un des sept évêques envoyés de Rome en Gaule vers les années 250. Il est vêtu pontificalement et porte une haute croix (symbole de rédemption) au lieu d’une crosse « d’après une vieille estampe » écrit Henry (Dais artistique..., op. cit., p. 18). Saint Hilaire combattit en Orient l’arianisme et le sabellianisme avant d’être nommé évêque de Poitiers en 350 où il favorisa l’instauration du monachisme en soutenant notamment saint Martin à Ligugé. Élevé au rang de docteur de l’Église par Pie IX en 1851, il est ici vêtu pontificalement. Selon la tradition, un serpent entoure la base de sa crosse pour symboliser les forces du mal, basses et obscures, contre lesquelles le saint a lutté. Saint Quentin (S. QVINTINVS ; 285-305), chevalier romain converti, participa à l’évangélisation du Beauvaisis et de la Picardie. Les Romains l’arrêtèrent à Soissons et le supplicièrent alors qu’il avait vingt ans. La ville de Saint-Quentin s’élève sur le lieu de son martyre. Puis saint Honorat (S. HONORATVS), évêque d’Arles (+ vers 429-430), saint Didier de Langres (S. DESIDERIVS), premier évêque de Langres et martyr (+ 407), et saint Claude (S. CLAVDIVS), évêque de Besançon au VIe siècle, ferment la marche. Honorat dont la sainteté et la vigueur dans la défense de la foi avaient ému jusqu’au monde romain environnant, fonda le monastère de l’île de Lérins qui devint un important centre spirituel et une pépinière d’évêques et de saints. Il est vêtu pontificalement, et, selon une représentation traditionnelle, accompagné d’un palmier qui symbolise ici l’immortalité de l’âme. Didier dont la présence est attestée au concile de Sardique (actuelle Sofia) en 343 destiné à apaiser les conflits entre l’Église d’Occident et celle d’Orient notamment touchée par l’arianisme, mourut égorgé en défendant son diocèse contre les envahisseurs Vandales. Il est vêtu pontificalement, Henry ajoutant : « Nous n’avons osé lui mettre, ce qui se fait souvent comme à saint Denis, la tête dans les mains » (Dais artistique..., op. cit., p. 19). Claude enfin, évêque de Besançon, assista au concile de Lyon en 529. Retiré dans son monastère de Condat où il mourut, il serait à l’origine de plusieurs miracles, et son corps, parfaitement conservé cinq cents ans après sa mort, suscita l’empressement des pèlerins. Il est vêtu pontificalement, un enfant à ses pieds, puisqu’il aurait sauvé une mère infanticide du démon et « ressuscité son enfant retiré d’un puits (père Cahier, p. 154) » (Dais artistique..., op. cit., p. 19). Le dessin de Maillot est inspiré de celui de Cahier qui reproduit, dit-il, une « peinture sur bois néerlandaise dont des fragments seraient visibles à Douai ». Maillot a pu également s’inspirer de l’effigie du saint avec l’enfant à ses pieds, gravée sur la Croix pectorale des premiers chanoines de Saint-Claude au XVIIIe siècle. En regard de Marie pleurant sur les péchés et les violences du monde, Pie IX illustre la défense de l’autorité universelle de l’Église catholique et témoigne des relations entre la République française et le Saint-Siège. Le souverain pontife, alors en lutte contre la franc-maçonnerie et le gallicanisme, ouvrait en 1869 le premier Concile œcuménique au Vatican au cours duquel il proclamait en 1870 son infaillibilité en terme de dogme. Dans le courant conservateur, il renouvelait aussi son refus d’un monde moderne, entraîné dans des « erreurs » qu’il avait déjà dénoncées en 1864 dans la bulle Syllabus ou « Catalogue des erreurs du siècle ». Afin de réaffirmer les principes mêmes de la société française, catholique et monarchique, Joseph-Alphonse Henry représente les grandes figures des dynasties qui ont fait le royaume : mérovingiens, carolingiens et capétiens se succèdent, tel Charlemagne, couronné à Rome en 800 en signe d’allégeance au pape, ou Charles VII, admettant du Saint-Siège une primauté spirituelle mais se réservant la mainmise sur le clergé français, tandis qu’en contrepoint, sur la face du dais consacrée au XVIIe siècle, Bossuet représente la défense du gallicanisme. Le dais du sanctuaire de Notre-Dame de La Salette, tout en demeurant, par son programme et par sa richesse d’exécution le témoignage précieux d’une chrétienté forte et rayonnante, transmet aussi, à travers certains personnages et dans une vision cohérente des événements replacés dans leur contexte, l’idée d’une Église fermement campée sur ses convictions : violences des croisades (Saint-Louis n’affirmait-il pas que la foi ne peut-être défendue « qu'avec l'épée, et [que] l’on doit donner de l'épée dans le ventre autant qu'elle peut y entrer » !), violence des Guerres de Religion, intolérance à l’égard des communautés et confessions non catholiques… Dans un registre plus pacifique, Henry insiste aussi sur l’influence et le rayonnement des grands fondateurs d’ordres religieux, mettant en avant l’importance des écoles congrégationistes auxquelles s’opposaient les vues humanitaires de la Troisième République dont l’éducation et l’enseignement laïcs devaient rivaliser avec la morale et les principes religieux.    Pour porter ce discours fortement engagé, il s'adresse à Théodore-Pierre-Nicolas Maillot (1826-1888), peintre parisien d’histoire et de sujets religieux, nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1870. Élève à l’École des Beaux-Arts de Paris dans la classe de François-Édouard Picot (1786-1868), il fut aussi l’élève de Léon Cogniet (1794-1880). Second prix de Rome en 1850, il exposa aux Salons de 1852 à 1876. Il reçut le Premier prix de Rome en 1854 avec Abraham lavant les pieds des trois anges (Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, inv. PRP 101 ; n° d'entrée MU 2988) et resta pensionnaire de l’École française à la Villa Médicis à Rome entre 1855 et 1858. Dans le registre religieux, on connaît de lui notamment plusieurs compositions à l’huile sur toile marouflée : L’incrédulité de saint Thomas (1851-1852), tableau de l’église de Méré dans les Yvelines, Le Christ mort (1856), dans l’église Saint-Nicolas de Meaux, Saint Remi fait distribuer aux pauvres après une fête les restes du festin au lieu de les abandonner aux baladins et aux jongleurs qui étaient présents, comme c'était la coutume en ce temps-là (1859-1860), au musée Ingres de Montauban (inv. MID 862.1), Le Christ et la Samaritaine (1860-1862), visible dans la chapelle de la Présentation de la cathédrale Saint-Louis de Versailles, puis, entre 1875 et 1885, quatre panneaux du cycle des Miracles de sainte Geneviève dont seuls les deux premiers furent installés avant le décès de l’artiste dans l’église Sainte-Geneviève à Paris (actuel Panthéon), alors rendue au culte catholique. Le carton pour La Procession de la châsse de Sainte Geneviève à Paris en 1496 fut exposé au Salon de 1876. On connaît également de Maillot quelques œuvres profanes, et le musée des Tissus de Lyon conserve quatre mises en carte dessinées par lui pour un dossier de canapé de la maison Henry J.-A., où les scènes de danse et une scène galante illustrent tout à fait le goût néo-renaissance alors en vogue dans la seconde moitié du XIXe siècle (inv. MT 49272.1 à MT 49272.4). Afin de satisfaire au programme à la fois politique et religieux projeté par Joseph-Alphonse Henry, l’artiste aurait puisé la plupart de ses sources iconographiques à la Bibliothèque Richelieu (Bibliothèque nationale de France) : manuscrits, cahiers de dessins et d’estampes, en particulier ceux du fonds rassemblé par le collectionneur Roger de Gaignières, ou, pour la vie des saints, dans l’ouvrage très consulté au XIXe siècle du père Charles Cahier (1807-1882), de la Compagnie de Jésus. À ceux-ci s’ajoutent quelques portraits célèbres ou officiels, peints ou sculptés. Le choix des personnages n’est pas justifié par le fabricant mais celui-ci précise très succinctement dans son opuscule de 1876 les sources qui ont conduit à leur représentation. Celles-ci ont été, dans la mesure du possible, identifiées. Quant à la composition, une longue théorie autour de la Pietà et de Pie IX, elle trouve son origine dans la litanie des saints mais aussi dans l’idée d’un programme iconographique ambitieux où s’illustre une vision idéalisée de l’Homme. Une composition fréquente au XIXe siècle tant en art civil que religieux. Maillot, de retour de Rome est imprégné de l’Italie mais aussi instruit de l’esprit de l’École lyonnaise dans la veine catholique initiée notamment par Hippolyte Flandrin (1809-1864), une veine « quelque peu onirique […], un idéalisme général, une vision personnelle et la référence italienne […] qui sont quelques unes des caractéristiques de cette école de Lyon », selon Gilles Chomer (Gilles Chomer, « Quelques traits de la vie artistique », Le Rhône, naissance d'un département, Archives départementales du Rhône, 1990, p. 267-280). Enfin, le cadre ornemental que propose Maillot, fait de rinceaux d’acanthes et de culots de végétaux d’inspiration gothique, renforce ce souci d’un idéal religieux médiéval trop souvent oublié ou perdu en cette Troisième République. Dans le même esprit et à la suite de Flandrin, le peintre breton Alphonse-François le Hénaff (1821-1884) réalisait à la peinture à la cire entre 1871 et 1876 la fresque de La procession des saints de Bretagne pour le déambulatoire du chœur de la cathédrale Saint-Pierre de Rennes. À Lyon, quelques années plus tard, Gaspard Poncet (1820-1892), qui apporta d’ailleurs brillamment sa collaboration à partir de 1889 à la manufacture Henry J.-A. avec les dessins de l'ornement angélique, livrera les cartons des mosaïques du cachot de saint Pothin à l’Antiquaille et de la crypte de Saint-Nizier où cheminent de la même manière, palmes à la main, les saints martyrs de 177. Sur le plan de la réalisation, Joseph-Alphonse Henry innovait, en produisant le dais de La Salette, avec l’utilisation de ce qu’il appelait le « point des Gobelins », pour la « première fois, disait-il, en usage dans la fabrique lyonnaise » (Dais artistique..., op. cit., p. 6). Un procédé de façonné qu’il aurait « déposé à Lyon pour quinze ans » autour de 1870 dans les premières années de la direction de la manufacture (J. A. H. Livre des Patrons n° 1 ; années 1871-1875, Pon 1001, Lyon, archives de la manufacture Prelle) : un tissu à fond taffetas dont les trames complémentaires dominent en couvrant entièrement la chaîne, comme dans la technique de la tapisserie, alors que la réduction chaîne est très peu élevée. On relève, outre des effets de hachures et de relais, un effet de relief qui se rapproche esthétiquement des décors historiés brodés d’or, tels qu’il s’en fit à la Renaissance dans l’art des tissus de luxe. Ici, les fils d’or et d’argent, les fils de soie et de soie chinée, leur finesse et la multiplication des nuances subtilement agencées dans une technique parfaitement maîtrisée, confèrent à l’œuvre, construite avec une minutie archéologique et un souci figuratif proche de l’art du portrait, une qualité exceptionnelle, servie par l’excellence des mises en carte de Jean Leroudier (1837-1916) notamment. L’entreprise lyonnaise, Henry J.-A., puis Truchot J. et Grassis, puis Truchot J. et Cie, fabricant de dorures et d’étoffes pour ornements d’Église et tissus d’ameublement, connut entre 1870 et 1940 une période particulièrement prospère. Elle fut régulièrement récompensée lors des Expositions nationales et internationales. Ce dais n’a été réalisé qu’en deux exemplaires : celui que le fabricant tissa pour le sanctuaire de La Salette dont la présence est attestée dans la presse locale et dans les récits illustrés des processions qui se sont déroulées sur le site même des apparitions. On peut lire notamment que le dais, inauguré lors de la Fête-Dieu le 15 juin 1876, aurait comporté à l’intérieur (non accessible aujourd’hui), inscrites en lettres néogothiques, les paroles de Marie aux enfants de La Salette (« Le dais de Notre-Dame de La Salette», op. cit., p. 597). Par ailleurs les archives Henry nous apprennent la présence d’un ciel de dais et d’une bordure intermédiaire qui semblent, à ce jour, avoir disparu (J. A. H. Livre des Patrons n° 1 ; années 1871-1875, Pon 1146, Lyon, archives de la manufacture Prelle : « 10 février 1876. Bordure brochée du dais Pon 1067 : la bordure est lue en 400 ; le ciel de dais est lu en 632. Dessinateur (non renseigné) ; liseur Lespinasse ; tisseur maître Folliet »). On reconnaît aussi la pièce, photographiée en 1900 sur l’un des opuscules édités en souvenir d'un pèlerinage à Notre-Dame de La Salette, montée sur des hampes sculptées, lancéolées et empanachées, en souvenir de l'établissement de la Fête-Dieu. L’auteur de l’article précise que, dans le courant de l’année, les panneaux démontés étaient exposés au fond des basses nefs de la basilique du site (Souvenir du pèlerinage, op. cit., p. 45 : « Quatre énormes lances, surmontées chacune d'un riche panache, soutiennent les quatre pentes en souvenir des riches draperies que le roi Philippe le Bel et les principaux seigneurs de sa cour tinrent suspendues au bout de leurs hallebardes [...] »). Aujourd’hui les quatre pentes aux teintes passablement ternies, encadrées de bois noirci, figurent au musée du Sanctuaire. L’exemplaire de Lyon, identique à celui de La Salette hormis quelques rares variantes de coloris, avait été acquis par la Chambre de Commerce de Lyon en 1879, à l’état neuf, après l’Exposition universelle de 1878 où il avait figuré et permis à Henry d’obtenir la Médaille d’Or (« Lettre du Président de la Chambre de Commerce de Lyon au conservateur du musée d'Art et d'Industrie en date du 8 février 1879 », archives du musée des Tissus). Le musée des Tissus conserve également les vingt-deux mises en carte de l’œuvre, ce qui la préservait depuis sa création de toute forme de copie ou de pastiche ultérieurs (inv. MT 49271.1 à MT 49271.22). Naguère, enfin, le musée des Tissus a obtenu en don de la famille Truchot un tissage de la pente d’Orient (inv. MT 2015.5.10), spécimen de « présentation » qui a figuré, notamment, au Salon des Arts décoratifs de Lyon en 1884. L’art religieux qui s’était épanoui et exalté dans les rêves humanitaires de la première moitié du XIXe siècle, se teinte dans les années 1870 des ambitions légitimistes du comte de Chambord et s’oppose à l’anticléricalisme militant qui sévit depuis les dernières années du Second Empire. Le Dais de Notre-Dame de La Salette illustre parfaitement le souci de la manufacture Henry J.-A. de mettre généreusement au service d’un programme iconographique particulièrement riche de sens un savoir-faire exceptionnel. L’œuvre, sur laquelle se déroule la longue théorie qui exalte le culte de la Vierge et des saints incarnés, modèles de foi et de dévotion, met en relief l’importance chez les chrétiens catholiques de ces « intercesseurs » entre l’Homme et le Créateur et celle de rendre visible, dans une vision éclectique et idéale, le sens ultime de la destinée humaine. Dans la poursuite de cette démarche de foi qui s’inscrit dans la matière au service de la liturgie, et au-delà de l’aspect commercial évident, l’art de la paramentique connut à Lyon au XIXe siècle un âge d’or inégalé. Marie Bouzard (fr)
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