. "Portrait de Catherine II"@fr . "0.7726"^^ . "Portrait de Catherine II"@fr . . "0.9654"^^ . "Philippe de Lasalle na\u00EEt en 1723 \u00E0 Seyssel, d'un p\u00E8re receveur g\u00E9n\u00E9ral des fermes de Savoie qui dispara\u00EEt alors que son fils est \u00E2g\u00E9 d'un an. Pris en charge par son oncle maternel, \u00C9tienne Beno\u00EEt, il arrive \u00E0 Lyon vers l'\u00E2ge de quatorze ans. Il suit la formation des futurs dessinateurs de soieries, qu'il compl\u00E8te \u00E0 Paris. En 1744, il est de retour \u00E0 Lyon comme apprenti chez Jean Mazamieu, \u00AB ma\u00EEtre fabricant d'\u00E9toffes d'or, d'argent et de soye \u00BB. Il acc\u00E8de \u00E0 la ma\u00EEtrise \u00AB par franchise \u00BB apr\u00E8s son mariage, en 1749, avec la fille de Fran\u00E7ois Charri\u00E9, ma\u00EEtre depuis 1719. Il s'installe chez son beau-p\u00E8re rue Sainte-Catherine, et il est associ\u00E9 de la maison Charri\u00E9 p\u00E8re et fils comme marchand-fabricant et premier dessinateur. Il dirige son propre commerce en 1751. D\u00E8s lors, il commence \u00E0 d\u00E9montrer ses divers talents. \u00C0 partir de 1758, il s'affirme comme inventeur et re\u00E7oit des soutiens du gouvernement. Il commence, en 1760, \u00E0 travailler \u00E0 un nouveau m\u00E9tier. Cette m\u00EAme ann\u00E9e, dans une lettre que Jean-Baptiste-Fran\u00E7ois de La Michodi\u00E8re, intendant de Lyon, adresse \u00E0 Daniel-Charles Trudaine, directeur du Commerce, Philippe de Lasalle est pr\u00E9sent\u00E9 \u00AB comme le premier dessinateur de Lyon \u00BB. Durant une trentaine d'ann\u00E9es, il vise \u00E0 am\u00E9liorer la rentabilit\u00E9 des manufactures tout en permettant l'ex\u00E9cution de dessins tr\u00E8s aboutis. Il est \u00E0 l'origine d'importantes innovations techniques et pour cela obtient, au cours de sa carri\u00E8re, des r\u00E9compenses peu communes pour les progr\u00E8s qu'il g\u00E9n\u00E8re dans le d\u00E9veloppement des manufactures et pour les am\u00E9liorations qu'il apporte au m\u00E9tier. Il est finalement anobli en 1775 et re\u00E7oit le cordon de l'Ordre de Saint-Michel, ordre de chevalerie qui gratifie les savants, les \u00E9crivains et les artistes. L'Acad\u00E9mie des sciences consacre, en 1779, ses recherches en lui d\u00E9cernant le prix d'honneur. En 1783, il obtient la grande m\u00E9daille d'or destin\u00E9e aux travaux les plus utiles au commerce. Les archives et les documents qui le citent avant la R\u00E9volution le d\u00E9signent tout \u00E0 la fois comme \u00AB\u00A0marchand \u00BB, \u00AB n\u00E9gociant\u00A0\u00BB, \u00AB m\u00E9canicien \u00BB, \u00AB inventeur \u00BB, \u00AB fabricant \u00BB ou \u00AB dessinateur \u00BB, et sa production a \u00E9t\u00E9 abondante. Mais Philippe de Lasalle perd beaucoup au Si\u00E8ge de Lyon en 1793. Sous le Directoire, sa situation est pr\u00E9caire. Il refuse cependant le poste de professeur de dessin \u00E0 Lyon qui lui est propos\u00E9 par le ministre de l'Int\u00E9rieur, mais accepte de s'installer dans les b\u00E2timents du Grand Coll\u00E8ge, puis au Palais Saint-Pierre, o\u00F9 il transporte ses m\u00E9tiers dont le Conseil municipal a fait l'acquisition. Il y meurt en 1804. Avant la R\u00E9volution, plusieurs sources le citent comme \u00AB artiste \u00BB ; un peu plus d'un si\u00E8cle apr\u00E8s sa mort, on se souvient de lui comme du \u00AB Rapha\u00EBl du dessin de fabrique\u00A0\u00BB. C'est en inaugurant un genre nouveau, celui du portrait tiss\u00E9, qu'il affirma tout \u00E0 la fois son talent pour le dessin, sa connaissance de l'art de mettre en carte et sa parfaite ma\u00EEtrise du m\u00E9tier. Les portraits tiss\u00E9s dont il fut le cr\u00E9ateur allaient \u00EAtre promis \u00E0 une grande post\u00E9rit\u00E9 et constituer une sp\u00E9cificit\u00E9 de la Fabrique lyonnaise. Un portrait de l'imp\u00E9ratrice de toutes les Russies Catherine II tiss\u00E9 par Philippe de Lasalle est mentionn\u00E9 pour la premi\u00E8re fois dans une lettre envoy\u00E9e par Voltaire \u00E0 la tsarine, le 15 mai 1771. Il y relate la visite que la princesse Dachkova, Ekaterina Romanovna Vorontsova, vient de lui rendre \u00E0 Ferney. \u00AB D\u00E8s qu'elle est entr\u00E9e dans le salon, elle a reconnu votre portrait en mezzo tinto fait \u00E0 la navette sur un satin, entour\u00E9 d'une guirlande de fleurs. Votre Majest\u00E9 imp\u00E9riale l'a d\u00FB recevoir du s[ieur] de La Salle. C'est un chef-d'\u0153uvre des Arts que l'on exerce dans la ville de Lyon, et qu'on cultivera bient\u00F4t \u00E0 Petersbourg, ou dans Andrinople, ou dans Stamboul, si les choses vont du m\u00EAme train. Il faut qu'il y ait quelque vertu secr\u00E8te dans votre image, car je vis les yeux de Madame la princesse Daschkoff fort humides en regardant cette \u00E9toffe.\u00A0\u00BB La r\u00E9ponse de l'imp\u00E9ratrice, le 10 juin 1771, montre que Catherine II entend le nom de Philippe de Lasalle pour la premi\u00E8re fois : \u00AB Je ne connais les ouvrages du sieur Lasalle que par ce que vous venez de m'en dire. Si mon portrait qui est dans votre salon me ressemble, il doit vous exprimer ma sensibilit\u00E9 pour l'amiti\u00E9 que vous voulez bien me marquer. \u00BB Ce portrait, toujours conserv\u00E9 \u00E0 Ferney-Voltaire (inv. FER1999000123), porte l'inscription brod\u00E9e : \u00AB LASALLE INVEN(it) ET FECIT\u00BB, \u00AB Lasalle l'a con\u00E7u et fait \u00BB, accompagn\u00E9e de la pr\u00E9cision : \u00AB PRESENTE A MONSIEUR DE VOLTAIRE PAR L'AUTEUR \u00BB. Peu de temps apr\u00E8s sa r\u00E9ponse, l'imp\u00E9ratrice dut recevoir l'exemplaire conserv\u00E9 au mus\u00E9e de l'Ermitage, \u00E0 Saint-P\u00E9tersbourg (inv. T-6920), qui porte en broderie la signature du ma\u00EEtre, \u00AB LASALLE FECIT \u00BB, et des vers compos\u00E9s par Voltaire lui-m\u00EAme : \u00AB DU NIL AU BOSPHORE, L'OTTOMAN FREMIT./ SON PEUPLE L'ADORE, LA TERRE APPLAUDIT. V[oltaire]. \u00BB On y reconna\u00EEt les lignes d'ouverture d'une lettre dat\u00E9e du 24 mars 1771, adress\u00E9e \u00E0 Jean-Fran\u00E7ois-Ren\u00E9 Tabareau, directeur g\u00E9n\u00E9ral des postes \u00E0 Lyon, que l'auteur accompagne de ces quelques mots : \u00AB Voil\u00E0, Monsieur, ce que j'ai pu faire de plus court pour votre prot\u00E9g\u00E9 ; et le plus court, en pareil cas, est toujours le moins mauvais. \u00BB Le r\u00E9cipiendaire, probablement, ajouta cette note manuscrite : \u00AB Vers destin\u00E9s \u00E0 \u00EAtre mis au bas d'un portrait de l'imp\u00E9ratrice de Russie, ex\u00E9cut\u00E9 \u00E0 Lyon sur le m\u00E9tier, par les soins de M. de La Salle, fabricant tr\u00E8s habile. \u00BB Elle re\u00E7ut \u00E9galement une sc\u00E8ne tiss\u00E9e, agr\u00E9ment\u00E9e du m\u00EAme entour de fleurs, comm\u00E9morant la victoire de ses arm\u00E9es sur la flotte turque\u00A0\u00E0 Tchesm\u00E9, en 1770. Catherine II, sous les traits de Minerve, y d\u00E9core de l'ordre de Saint-Georges le comte Alexe\u00EF Grigorievitch Orlov-Chesmensky. La signature de Lasalle, \u00AB LASALLE FECIT \u00BB, y est \u00E9galement brod\u00E9e, avec d'autres vers compos\u00E9s par Voltaire : \u00AB RE\u00C7OIS DE CETTE AMAZONE/ LE NOBLE PRIX DE TES COMBATS./ C'EST VENUS QUI TE LE DONNE/ SOUS LA FIGURE DE PALLAS. V[oltaire]. \u00BB Deux autres exemplaires du Portrait de Catherine II sont aujourd'hui conserv\u00E9s : le premier, au Metropolitan Museum de New York (inv. 41.78), porte les m\u00EAmes inscriptions brod\u00E9es que l'exemplaire de Saint-P\u00E9tersbourg ; le second, au mus\u00E9e des Tissus, en est \u00E9tonnamment d\u00E9pourvu. L'imp\u00E9ratrice fut apparemment tr\u00E8s satisfaite de son portrait et de l'all\u00E9gorie c\u00E9l\u00E9brant la victoire de Tchesm\u00E9. Il en r\u00E9sulta plusieurs commandes pass\u00E9es \u00E0 Philippe de Lasalle pour d\u00E9corer les r\u00E9sidences de la tsarine. L'effigie de Catherine II introduit la s\u00E9rie des portraits tiss\u00E9s par Philippe de Lasalle, que le mus\u00E9e des Tissus est seul \u00E0 conserver au grand complet (inv. MT 45306, MT 45307, MT 2856 et MT 2857). Le mus\u00E9e des Tissus est riche aussi de quatre mises en carte originales qui servirent \u00E0 r\u00E9aliser ces premiers portraits tiss\u00E9s : deux pour le Portrait de Catherine II (inv. MT 42162 et sans num\u00E9ro), la mise en carte du Portrait du comte d'Artois (inv. MT 25081) et celle de l'entour de fleurs des effigies de la tsarine, de Louis XV et de la comtesse de Provence (inv. MT 1701). Elles permettent de mesurer toute l'innovation du proc\u00E9d\u00E9 invent\u00E9 par Philippe de Lasalle. Le m\u00E9daillon a \u00E9t\u00E9 tiss\u00E9 ind\u00E9pendamment du fond avec l'entour de fleurs. Puis il \u00E9tait rapport\u00E9 par broderie. Enfin, les inscriptions \u00E9taient elles aussi brod\u00E9es. La m\u00E9thode comporte plusieurs avantages. La diff\u00E9rence de brillance entre la contexture du m\u00E9daillon \u2014 un taffetas broch\u00E9 sur fond taffetas, dans le cas du Portrait de Catherine II \u2014 et celle du fond, un lampas broch\u00E9 sur fond satin, magnifie le portrait par le simple jeu de r\u00E9flexion de la lumi\u00E8re. Par ailleurs, tandis que le m\u00E9daillon peut varier en fonction\u00A0du sujet repr\u00E9sent\u00E9, l'\u00E9toffe de fond reste inchang\u00E9e. Elle peut donc \u00EAtre tiss\u00E9e de mani\u00E8re rationnelle, en r\u00E9alisant plusieurs exemplaires sur la longueur d'une seule laize pour r\u00E9duire les co\u00FBts de production : le m\u00EAme entour de fleurs accompagne les diff\u00E9rents portraits conserv\u00E9s et l'all\u00E9gorie en l'honneur des victoires de Catherine II. Et puisque la mise en carte conserv\u00E9e au mus\u00E9e des Tissus pr\u00E9sente en son centre des oiseaux et un buisson de roses, elle pouvait \u00EAtre utilis\u00E9e pour tisser des \u00E9toffes qui n'\u00E9taient pas destin\u00E9es \u00E0 recevoir un m\u00E9daillon rapport\u00E9. La signature de Philippe de Lasalle, sur les exemplaires de Ferney-Voltaire, de Saint-P\u00E9tersbourg et de New York, montre qu'il consid\u00E9rait ces r\u00E9alisations comme des chefs-d'\u0153uvre. La mise en carte n'est d'ailleurs pas l'imitation servile d'un mod\u00E8le pr\u00E9existant. Le dessinateur s'inspire probablement d'un m\u00E9daillon sculpt\u00E9 par Jean-Baptiste Nini pour le profil de Catherine II, conserv\u00E9 au Metropolitan Museum de New York (inv. 52.189.11 et 52.189.12). Mais le mod\u00E8le mis en carte rel\u00E8ve de la v\u00E9ritable cr\u00E9ation artistique par la disposition des cama\u00EFeux que doivent former les trames color\u00E9es pour donner l'illusion du relief. Sur la mise en carte de l'entour de fleurs, c'est la vari\u00E9t\u00E9 des essences repr\u00E9sent\u00E9es qui force l'admiration : oreilles d'ours, pens\u00E9es, roses, renoncules, myosotis, pivoines, boules de neige, volubilis, tulipes perroquets ouvertes ou ferm\u00E9es, lilas, cam\u00E9lias, saponaires, pieds d'alouette, jasmin, cerisier, bleuets et \u0153illets. En signant au moyen de la broderie plut\u00F4t que du tissage, Lasalle se pr\u00E9sente comme un artiste intervenant directement sur son \u0153uvre et non comme un simple manufacturier. Philippe de\u00A0Lasalle n'aura finalement cr\u00E9\u00E9 qu'un petit nombre de portraits tiss\u00E9s. Il ne commercialisa sans doute jamais cette production. Celle-ci s'ouvre avec le Portrait de Catherine II, cr\u00E9\u00E9 entre le 24 mars (date de la lettre de Voltaire \u00E0 Tabareau) et le 15 mai 1771 (visite \u00E0 Ferney de la princesse Dachkova), se poursuit avec ceux de Louis XV (inv. MT 45306) et du comte de Provence (inv. MT 2856), offerts \u00E0 Lyon \u00E0 la princesse Marie-Jos\u00E9phine de Savoie le 3 mai 1771, puis avec celui de la comtesse de Provence (inv. MT 45307), remis \u00E0 Versailles au comte de Provence le 27 novembre 1771. Elle se conclut avec le Portrait du comte d'Artois (inv. MT 2857), r\u00E9alis\u00E9 avant son mariage avec la princesse Marie-Th\u00E9r\u00E8se de Savoie c\u00E9l\u00E9br\u00E9 le 16 novembre 1773. Le statut des tapissiers de haute lisse de la Manufacture royale des Gobelins comme Pierre-Fran\u00E7ois Cozette et les portraits produits \u00E0 l'imitation de la peinture ou du pastel dans leurs ateliers, r\u00E9guli\u00E8rement pr\u00E9sent\u00E9s aux expositions de l'Acad\u00E9mie royale de peinture et de sculpture entre 1763 et 1773, inspir\u00E8rent probablement son invention \u00E0 Philippe de Lasalle. Les portraits tiss\u00E9s t\u00E9moignent de la virtuosit\u00E9 du dessinateur et constituent une prouesse technique. Ils sont intimement li\u00E9s aux d\u00E9veloppements technologiques. Mais ils n'ont d'autre fonction que celle d'objet d'art. En imitant la peinture, en s'appliquant \u00E0 transcrire les traits des souverains, les r\u00E9alisations de Philippe de Lasalle d\u00E9tournent la production\u00A0des grands fa\u00E7onn\u00E9s de soie de la Fabrique lyonnaise de leur usage en tentures ou pour l'ameublement. Les portraits qu'il produit, d\u00E9sign\u00E9s par la signature de leur auteur comme des \u0153uvres rares et ex\u00E9cut\u00E9s en petite s\u00E9rie, allaient fonder un genre appel\u00E9 \u00E0 conna\u00EEtre un d\u00E9veloppement exceptionnel et en fixer durablement les codes.\nMaximilien Durand"@fr . . "Philippe de Lasalle na\u00EEt en 1723 \u00E0 Seyssel, d'un p\u00E8re receveur g\u00E9n\u00E9ral des fermes de Savoie qui dispara\u00EEt alors que son fils est \u00E2g\u00E9 d'un an. Pris en charge par son oncle maternel, \u00C9tienne Beno\u00EEt, il arrive \u00E0 Lyon vers l'\u00E2ge de quatorze ans. Il suit la formation des futurs dessinateurs de soieries, qu'il compl\u00E8te \u00E0 Paris. En 1744, il est de retour \u00E0 Lyon comme apprenti chez Jean Mazamieu, \u00AB ma\u00EEtre fabricant d'\u00E9toffes d'or, d'argent et de soye \u00BB. Il acc\u00E8de \u00E0 la ma\u00EEtrise \u00AB par franchise \u00BB apr\u00E8s son mariage, en 1749, avec la fille de Fran\u00E7ois Charri\u00E9, ma\u00EEtre depuis 1719. Il s'installe chez son beau-p\u00E8re rue Sainte-Catherine, et il est associ\u00E9 de la maison Charri\u00E9 p\u00E8re et fils comme marchand-fabricant et premier dessinateur. Il dirige son propre commerce en 1751. D\u00E8s lors, il commence \u00E0 d\u00E9montrer ses divers talents. \u00C0 partir de 1758, il s'affirme comme inventeur et re\u00E7oit des soutiens du gouvernement. Il commence, en 1760, \u00E0 travailler \u00E0 un nouveau m\u00E9tier. Cette m\u00EAme ann\u00E9e, dans une lettre que Jean-Baptiste-Fran\u00E7ois de La Michodi\u00E8re, intendant de Lyon, adresse \u00E0 Daniel-Charles Trudaine, directeur du Commerce, Philippe de Lasalle est pr\u00E9sent\u00E9 \u00AB comme le premier dessinateur de Lyon \u00BB. Durant une trentaine d'ann\u00E9es, il vise \u00E0 am\u00E9liorer la rentabilit\u00E9 des manufactures tout en permettant l'ex\u00E9cution de dessins tr\u00E8s aboutis. Il est \u00E0 l'origine d'importantes innovations techniques et pour cela obtient, au cours de sa carri\u00E8re, des r\u00E9compenses peu communes pour les progr\u00E8s qu'il g\u00E9n\u00E8re dans le d\u00E9veloppement des manufactures et pour les am\u00E9liorations qu'il apporte au m\u00E9tier. Il est finalement anobli en 1775 et re\u00E7oit le cordon de l'Ordre de Saint-Michel, ordre de chevalerie qui gratifie les savants, les \u00E9crivains et les artistes. L'Acad\u00E9mie des sciences consacre, en 1779, ses recherches en lui d\u00E9cernant le prix d'honneur. En 1783, il obtient la grande m\u00E9daille d'or destin\u00E9e aux travaux les plus utiles au commerce. Les archives et les documents qui le citent avant la R\u00E9volution le d\u00E9signent tout \u00E0 la fois comme \u00AB\u00A0marchand \u00BB, \u00AB n\u00E9gociant\u00A0\u00BB, \u00AB m\u00E9canicien \u00BB, \u00AB inventeur \u00BB, \u00AB fabricant \u00BB ou \u00AB dessinateur \u00BB, et sa production a \u00E9t\u00E9 abondante. Mais Philippe de Lasalle perd beaucoup au Si\u00E8ge de Lyon en 1793. Sous le Directoire, sa situation est pr\u00E9caire. Il refuse cependant le poste de professeur de dessin \u00E0 Lyon qui lui est propos\u00E9 par le ministre de l'Int\u00E9rieur, mais accepte de s'installer dans les b\u00E2timents du Grand Coll\u00E8ge, puis au Palais Saint-Pierre, o\u00F9 il transporte ses m\u00E9tiers dont le Conseil municipal a fait l'acquisition. Il y meurt en 1804. Avant la R\u00E9volution, plusieurs sources le citent comme \u00AB artiste \u00BB ; un peu plus d'un si\u00E8cle apr\u00E8s sa mort, on se souvient de lui comme du \u00AB Rapha\u00EBl du dessin de fabrique\u00A0\u00BB. C'est en inaugurant un genre nouveau, celui du portrait tiss\u00E9, qu'il affirma tout \u00E0 la fois son talent pour le dessin, sa connaissance de l'art de mettre en carte et sa parfaite ma\u00EEtrise du m\u00E9tier. Les portraits tiss\u00E9s dont il fut le cr\u00E9ateur allaient \u00EAtre promis \u00E0 une grande post\u00E9rit\u00E9 et constituer une sp\u00E9cificit\u00E9 de la Fabrique lyonnaise. Un portrait de l'imp\u00E9ratrice de toutes les Russies Catherine II tiss\u00E9 par Philippe de Lasalle est mentionn\u00E9 pour la premi\u00E8re fois dans une lettre envoy\u00E9e par Voltaire \u00E0 la tsarine, le 15 mai 1771. Il y relate la visite que la princesse Dachkova, Ekaterina Romanovna Vorontsova, vient de lui rendre \u00E0 Ferney. \u00AB D\u00E8s qu'elle est entr\u00E9e dans le salon, elle a reconnu votre portrait en mezzo tinto fait \u00E0 la navette sur un satin, entour\u00E9 d'une guirlande de fleurs. Votre Majest\u00E9 imp\u00E9riale l'a d\u00FB recevoir du s[ieur] de La Salle. C'est un chef-d'\u0153uvre des Arts que l'on exerce dans la ville de Lyon, et qu'on cultivera bient\u00F4t \u00E0 Petersbourg, ou dans Andrinople, ou dans Stamboul, si les choses vont du m\u00EAme train. Il faut qu'il y ait quelque vertu secr\u00E8te dans votre image, car je vis les yeux de Madame la princesse Daschkoff fort humides en regardant cette \u00E9toffe.\u00A0\u00BB La r\u00E9ponse de l'imp\u00E9ratrice, le 10 juin 1771, montre que Catherine II entend le nom de Philippe de Lasalle pour la premi\u00E8re fois : \u00AB Je ne connais les ouvrages du sieur Lasalle que par ce que vous venez de m'en dire. Si mon portrait qui est dans votre salon me ressemble, il doit vous exprimer ma sensibilit\u00E9 pour l'amiti\u00E9 que vous voulez bien me marquer. \u00BB Ce portrait, toujours conserv\u00E9 \u00E0 Ferney-Voltaire (inv. FER1999000123), porte l'inscription brod\u00E9e : \u00AB LASALLE INVEN(it) ET FECIT\u00BB, \u00AB Lasalle l'a con\u00E7u et fait \u00BB, accompagn\u00E9e de la pr\u00E9cision : \u00AB PRESENTE A MONSIEUR DE VOLTAIRE PAR L'AUTEUR \u00BB. Peu de temps apr\u00E8s sa r\u00E9ponse, l'imp\u00E9ratrice dut recevoir l'exemplaire conserv\u00E9 au mus\u00E9e de l'Ermitage, \u00E0 Saint-P\u00E9tersbourg (inv. T-6920), qui porte en broderie la signature du ma\u00EEtre, \u00AB LASALLE FECIT \u00BB, et des vers compos\u00E9s par Voltaire lui-m\u00EAme : \u00AB DU NIL AU BOSPHORE, L'OTTOMAN FREMIT./ SON PEUPLE L'ADORE, LA TERRE APPLAUDIT. V[oltaire]. \u00BB On y reconna\u00EEt les lignes d'ouverture d'une lettre dat\u00E9e du 24 mars 1771, adress\u00E9e \u00E0 Jean-Fran\u00E7ois-Ren\u00E9 Tabareau, directeur g\u00E9n\u00E9ral des postes \u00E0 Lyon, que l'auteur accompagne de ces quelques mots : \u00AB Voil\u00E0, Monsieur, ce que j'ai pu faire de plus court pour votre prot\u00E9g\u00E9 ; et le plus court, en pareil cas, est toujours le moins mauvais. \u00BB Le r\u00E9cipiendaire, probablement, ajouta cette note manuscrite : \u00AB Vers destin\u00E9s \u00E0 \u00EAtre mis au bas d'un portrait de l'imp\u00E9ratrice de Russie, ex\u00E9cut\u00E9 \u00E0 Lyon sur le m\u00E9tier, par les soins de M. de La Salle, fabricant tr\u00E8s habile. \u00BB Elle re\u00E7ut \u00E9galement une sc\u00E8ne tiss\u00E9e, agr\u00E9ment\u00E9e du m\u00EAme entour de fleurs, comm\u00E9morant la victoire de ses arm\u00E9es sur la flotte turque\u00A0\u00E0 Tchesm\u00E9, en 1770. Catherine II, sous les traits de Minerve, y d\u00E9core de l'ordre de Saint-Georges le comte Alexe\u00EF Grigorievitch Orlov-Chesmensky. La signature de Lasalle, \u00AB LASALLE FECIT \u00BB, y est \u00E9galement brod\u00E9e, avec d'autres vers compos\u00E9s par Voltaire : \u00AB RE\u00C7OIS DE CETTE AMAZONE/ LE NOBLE PRIX DE TES COMBATS./ C'EST VENUS QUI TE LE DONNE/ SOUS LA FIGURE DE PALLAS. V[oltaire]. \u00BB Deux autres exemplaires du Portrait de Catherine II sont aujourd'hui conserv\u00E9s : le premier, au Metropolitan Museum de New York (inv. 41.78), porte les m\u00EAmes inscriptions brod\u00E9es que l'exemplaire de Saint-P\u00E9tersbourg ; le second, au mus\u00E9e des Tissus, en est \u00E9tonnamment d\u00E9pourvu. L'imp\u00E9ratrice fut apparemment tr\u00E8s satisfaite de son portrait et de l'all\u00E9gorie c\u00E9l\u00E9brant la victoire de Tchesm\u00E9. Il en r\u00E9sulta plusieurs commandes pass\u00E9es \u00E0 Philippe de Lasalle pour d\u00E9corer les r\u00E9sidences de la tsarine. L'effigie de Catherine II introduit la s\u00E9rie des portraits tiss\u00E9s par Philippe de Lasalle, que le mus\u00E9e des Tissus est seul \u00E0 conserver au grand complet (inv. MT 45306, MT 45307, MT 2856 et MT 2857). Le mus\u00E9e des Tissus est riche aussi de quatre mises en carte originales qui servirent \u00E0 r\u00E9aliser ces premiers portraits tiss\u00E9s : deux pour le Portrait de Catherine II (inv. MT 42162 et sans num\u00E9ro), la mise en carte du Portrait du comte d'Artois (inv. MT 25081) et celle de l'entour de fleurs des effigies de la tsarine, de Louis XV et de la comtesse de Provence (inv. MT 1701). Elles permettent de mesurer toute l'innovation du proc\u00E9d\u00E9 invent\u00E9 par Philippe de Lasalle. Le m\u00E9daillon a \u00E9t\u00E9 tiss\u00E9 ind\u00E9pendamment du fond avec l'entour de fleurs. Puis il \u00E9tait rapport\u00E9 par broderie. Enfin, les inscriptions \u00E9taient elles aussi brod\u00E9es. La m\u00E9thode comporte plusieurs avantages. La diff\u00E9rence de brillance entre la contexture du m\u00E9daillon \u2014 un taffetas broch\u00E9 sur fond taffetas, dans le cas du Portrait de Catherine II \u2014 et celle du fond, un lampas broch\u00E9 sur fond satin, magnifie le portrait par le simple jeu de r\u00E9flexion de la lumi\u00E8re. Par ailleurs, tandis que le m\u00E9daillon peut varier en fonction\u00A0du sujet repr\u00E9sent\u00E9, l'\u00E9toffe de fond reste inchang\u00E9e. Elle peut donc \u00EAtre tiss\u00E9e de mani\u00E8re rationnelle, en r\u00E9alisant plusieurs exemplaires sur la longueur d'une seule laize pour r\u00E9duire les co\u00FBts de production : le m\u00EAme entour de fleurs accompagne les diff\u00E9rents portraits conserv\u00E9s et l'all\u00E9gorie en l'honneur des victoires de Catherine II. Et puisque la mise en carte conserv\u00E9e au mus\u00E9e des Tissus pr\u00E9sente en son centre des oiseaux et un buisson de roses, elle pouvait \u00EAtre utilis\u00E9e pour tisser des \u00E9toffes qui n'\u00E9taient pas destin\u00E9es \u00E0 recevoir un m\u00E9daillon rapport\u00E9. La signature de Philippe de Lasalle, sur les exemplaires de Ferney-Voltaire, de Saint-P\u00E9tersbourg et de New York, montre qu'il consid\u00E9rait ces r\u00E9alisations comme des chefs-d'\u0153uvre. La mise en carte n'est d'ailleurs pas l'imitation servile d'un mod\u00E8le pr\u00E9existant. Le dessinateur s'inspire probablement d'un m\u00E9daillon sculpt\u00E9 par Jean-Baptiste Nini pour le profil de Catherine II, conserv\u00E9 au Metropolitan Museum de New York (inv. 52.189.11 et 52.189.12). Mais le mod\u00E8le mis en carte rel\u00E8ve de la v\u00E9ritable cr\u00E9ation artistique par la disposition des cama\u00EFeux que doivent former les trames color\u00E9es pour donner l'illusion du relief. Sur la mise en carte de l'entour de fleurs, c'est la vari\u00E9t\u00E9 des essences repr\u00E9sent\u00E9es qui force l'admiration : oreilles d'ours, pens\u00E9es, roses, renoncules, myosotis, pivoines, boules de neige, volubilis, tulipes perroquets ouvertes ou ferm\u00E9es, lilas, cam\u00E9lias, saponaires, pieds d'alouette, jasmin, cerisier, bleuets et \u0153illets. En signant au moyen de la broderie plut\u00F4t que du tissage, Lasalle se pr\u00E9sente comme un artiste intervenant directement sur son \u0153uvre et non comme un simple manufacturier. Philippe de\u00A0Lasalle n'aura finalement cr\u00E9\u00E9 qu'un petit nombre de portraits tiss\u00E9s. Il ne commercialisa sans doute jamais cette production. Celle-ci s'ouvre avec le Portrait de Catherine II, cr\u00E9\u00E9 entre le 24 mars (date de la lettre de Voltaire \u00E0 Tabareau) et le 15 mai 1771 (visite \u00E0 Ferney de la princesse Dachkova), se poursuit avec ceux de Louis XV (inv. MT 45306) et du comte de Provence (inv. MT 2856), offerts \u00E0 Lyon \u00E0 la princesse Marie-Jos\u00E9phine de Savoie le 3 mai 1771, puis avec celui de la comtesse de Provence (inv. MT 45307), remis \u00E0 Versailles au comte de Provence le 27 novembre 1771. Elle se conclut avec le Portrait du comte d'Artois (inv. MT 2857), r\u00E9alis\u00E9 avant son mariage avec la princesse Marie-Th\u00E9r\u00E8se de Savoie c\u00E9l\u00E9br\u00E9 le 16 novembre 1773. Le statut des tapissiers de haute lisse de la Manufacture royale des Gobelins comme Pierre-Fran\u00E7ois Cozette et les portraits produits \u00E0 l'imitation de la peinture ou du pastel dans leurs ateliers, r\u00E9guli\u00E8rement pr\u00E9sent\u00E9s aux expositions de l'Acad\u00E9mie royale de peinture et de sculpture entre 1763 et 1773, inspir\u00E8rent probablement son invention \u00E0 Philippe de Lasalle. Les portraits tiss\u00E9s t\u00E9moignent de la virtuosit\u00E9 du dessinateur et constituent une prouesse technique. Ils sont intimement li\u00E9s aux d\u00E9veloppements technologiques. Mais ils n'ont d'autre fonction que celle d'objet d'art. En imitant la peinture, en s'appliquant \u00E0 transcrire les traits des souverains, les r\u00E9alisations de Philippe de Lasalle d\u00E9tournent la production\u00A0des grands fa\u00E7onn\u00E9s de soie de la Fabrique lyonnaise de leur usage en tentures ou pour l'ameublement. Les portraits qu'il produit, d\u00E9sign\u00E9s par la signature de leur auteur comme des \u0153uvres rares et ex\u00E9cut\u00E9s en petite s\u00E9rie, allaient fonder un genre appel\u00E9 \u00E0 conna\u00EEtre un d\u00E9veloppement exceptionnel et en fixer durablement les codes.\nMaximilien Durand"@fr . . . . . . . "0.9328"^^ . . . . . "19810" . . . . . . . . . . . . . . . . . . "0.9741"^^ . . . . . "0.9322"^^ . .