. . "La bordure pr\u00E9sente un d\u00E9cor compris entre une bande de velours coup\u00E9 simple corps uni beige (c\u00F4t\u00E9 lisi\u00E8re) et une bande de velours\u00A0coup\u00E9 uni\u00A0beige, puis\u00A0de velours coup\u00E9 uni noir, suivies d'une fine bande de trame liser\u00E9e (c\u00F4t\u00E9 d\u00E9coup\u00E9). La bordure elle-m\u00EAme est tiss\u00E9e\u00A0couch\u00E9e (le sens de lecture du d\u00E9cor \u00E9tant perpendiculaire \u00E0 la cha\u00EEne), en velours\u00A0coup\u00E9 simple corps uni noir, sur fond satin ciel. Le d\u00E9cor est enrichi d'un lat de liser\u00E9 en soie blanche. Le fond satin\u00A0ciel est ponctu\u00E9 de culots d'acanthe en velours coup\u00E9, qui donnent naissance \u00E0 des fleurettes, \u00E9panouies ou en boutons, alternant avec des fleurs de lys stylis\u00E9es et de larges palmettes.\u00A0En partie inf\u00E9rieure court une frise de festons contenant des fleurs,\u00A0elles-m\u00EAmes enferm\u00E9es dans des tigelles feuillues formant un\u00A0m\u00E9daillon.\nLes caract\u00E9ristiques techniques du tissage, un velours\u00A0simple corps coup\u00E9, sur fond satin de 8, cha\u00EEne, d\u00E9cochement 5, rehauss\u00E9 d'un lat de liser\u00E9 et de bandes de velours uni coup\u00E9 simple corps nuanc\u00E9 (beige et noir), ainsi que la nature de la lisi\u00E8re (compos\u00E9e de quatre cordelines form\u00E9es chacune de\u00A0un ou\u00A0deux cordonnets de soie, retors S de\u00A0deux bouts Z, beige ros\u00E9 ou blanc, puis d'une mignonnette en satin de 5, cha\u00EEne, d\u00E9cochement 2), le rapprochent d'autres bordures conserv\u00E9es au mus\u00E9e des Tissus qui pr\u00E9sentent des constructions similaires. Ces bordures montrent aussi un r\u00E9pertoire d\u00E9coratif tr\u00E8s comparable, si bien qu'il est possible de les attribuer toutes \u00E0 la production d'une m\u00EAme maison.\u00A0Certaines\u00A0proviennent\u00A0d'une acquisition\u00A0r\u00E9alis\u00E9e par le mus\u00E9e des Tissus aupr\u00E8s d'\u00C9douard Lamy \u00E0 l'issue de\u00A0l'Exposition universelle de 1900. Dans le lot qui a rejoint les collections dans ces circonstances, plusieurs \u00E9toffes avaient \u00E9t\u00E9 r\u00E9alis\u00E9es par la maison Bissardon, Cousin et Bony ou par la maison Chuard et\u00A0Cie sous l'Empire et les premi\u00E8res ann\u00E9es de la Restauration. On sait que Pierre-Toussaint D\u00E9chazelle avait c\u00E9d\u00E9 son fonds, \u00E0 une date inconnue, \u00E0 Charles Corderier qui s'associa sous l'Empire \u00E0 Marie-Jacques Lemire. Entre 1829 et 1834, Corderier et Lemire reprirent la fabrique de Chuard, qui lui-m\u00EAme avait repris le fonds Bissardon, enrichi des archives de Marie-Olivier Desfarges. Lemire poursuivit son activit\u00E9 sous la raison sociale Lemire et Cie, puis Lemire p\u00E8re et fils. En 1865, la manufacture connaissant des difficult\u00E9s, elle fut vendue, avec tout son fonds d'archives, \u00E0 Antoine Lamy et Auguste Giraud. En 1900, \u00C9douard Lamy, fils d'Antoine, s'associait \u00E0 Romain Gautier. Or certaines bordures en velours acquises \u00E0 \u00C9douard Lamy ont pu \u00EAtre attribu\u00E9es avec certitude \u00E0 la maison Bissardon, Cousin et Bony (inv. MT 26956.1, MT 26956.8, MT 26956.10 et MT 26956.15) gr\u00E2ce aux esquisses contenues dans un carnet de dessin de Jean-Fran\u00E7ois Bony (1754-1825), c\u00E9l\u00E8bre dessinateur de fabrique, brodeur, fabricant d'\u00E9toffes et occasionnellement peintre de fleurs, conserv\u00E9 au mus\u00E9e des Tissus (inv. MT 27638). \nC'est probablement\u00A0le cas aussi de cette bordure, acquise en 1862 avec une grande partie de la collection de Jules Reybaud (1807-1872), dessinateur de fabrique, auteur des portraits tiss\u00E9s de Philippe de Lasalle (MT 7912), d'Antoine Berjon (inv. MT 7910) et de Jean-Fran\u00E7ois Bony (inv. MT 7911) qui ont \u00E9t\u00E9 pr\u00E9sent\u00E9s \u00E0 l'Exposition universelle de 1855, et du portrait d'Alexandre de Humboldt, tiss\u00E9 l'ann\u00E9e suivante. Ce dernier ayant valu \u00E0 l'artiste une lettre flatteuse du mod\u00E8le lui-m\u00EAme et une m\u00E9daille d'or du roi de Prusse Fr\u00E9d\u00E9ric-Guillaume IV. \nJules Reybaud avait constitu\u00E9 un cabinet, dans lequel il avait r\u00E9uni une collection remarquable qui comprenait des \u0153uvres appartenant au domaine des beaux-arts (peintures, gravures, lithographies), des arts appliqu\u00E9s \u00E0 l'industrie (peintures, dessins), des c\u00E9ramiques europ\u00E9ennes, chinoises et japonaises, des \u00E9toffes, du Moyen \u00C2ge jusqu'au Second Empire, des papiers peints et des objets d'art. La renomm\u00E9e, \u00E0 Lyon, de ce cabinet \u00E9tait grande : il fut visit\u00E9 par le mar\u00E9chal de Castellane, par le cardinal de Bonald et par le s\u00E9nateur Va\u00EFsse qui y accompagna le roi de Bavi\u00E8re, Maximilien II. La collection de Jules Reybaud a \u00E9t\u00E9 acquise par la Chambre de Commerce de Lyon, en 1862, pour son mus\u00E9e d'Art et d'Industrie fond\u00E9 en 1856. Elle constitue, encore aujourd'hui, l'un des apports majeurs de la collection du mus\u00E9e, puisqu'elle avait \u00E9t\u00E9 r\u00E9unie par un connaisseur \u00E9clair\u00E9.\nElle comprend beaucoup de chefs-d'\u0153uvre des grandes figures de la Fabrique lyonnaise sous l'Ancien R\u00E9gime et dans la premi\u00E8re moiti\u00E9 du XIXe si\u00E8cle, comme Philippe de Lasalle (1723-1804) ou Jean-Fran\u00E7ois Bony. C'est aux ann\u00E9es de collaboration de ce dernier avec les cousins Bissardon, Andr\u00E9 et Jean-Pierre, dit \u00AB Bissardon-L\u00E8ques \u00BB, du nom de son \u00E9pouse Jeanne-Catherine L\u00E8ques, entre 1811 et 1815, qu'on peut attribuer cette bordure. Jean-Fran\u00E7ois Bony renouvelle alors la br\u00E8ve association qui l'avait uni aux Bissardon entre 1808 et 1809, pour fournir le satin jaune \u00E0 sem\u00E9 de fleurs \u00E9parses, pr\u00E9vu pour la Chambre \u00E0 coucher de l'Empereur au Palais de Meudon, initialement pr\u00E9vu pour \u00EAtre command\u00E9 \u00E0 Camille Pernon, juste d\u00E9c\u00E9d\u00E9 \u00E0 cette date, et le damas ponceau \u00E0 losanges et pavots pour la Chambre \u00E0 coucher de l'Empereur au Palais des Tuileries. En d\u00E9cembre 1810, Napol\u00E9on\u00A0Ier annon\u00E7ait son d\u00E9sir de reprendre le projet d'am\u00E9nagement du Palais de Versailles et sa volont\u00E9 de venir en aide, par les importantes commandes que cela susciterait, \u00E0 la Fabrique \u00E9prouv\u00E9e par la crise. Jean-Fran\u00E7ois Bony s'associa alors\u00A0aux cousins Bissardon, qui s'\u00E9taient fait une sp\u00E9cialit\u00E9 du tissage des velours, souvent rehauss\u00E9s de m\u00E9tal pr\u00E9cieux, dans la perspective de ces commandes.\nLe carnet conserv\u00E9 au mus\u00E9e des Tissus contient plusieurs esquisses pr\u00E9paratoires pour des meubles destin\u00E9es au Premier Consul, d'abord (1802), puis \u00E0 l'Empereur (apr\u00E8s 1811). Les derniers dessins dat\u00E9s ont \u00E9t\u00E9 r\u00E9alis\u00E9s dans les premiers temps de la Restauration, \u00E0 l'occasion, notamment, du s\u00E9jour \u00E0 Lyon de Marie-Caroline de Bourbon-Siciles, duchesse de Berry (1816). L'essentiel des esquisses concerne les ann\u00E9es d'activit\u00E9 de la maison Bissardon, Cousin et Bony. \nC'est le cas des folios 71, 73 et 75, enti\u00E8rement consacr\u00E9s \u00E0 des motifs de bordures, rehauss\u00E9s de gouache et accompagn\u00E9s d'inscriptions qui apportent des pr\u00E9cisions sur la nature des \u00E9toffes envisag\u00E9e. La plupart des projets contenus dans ces trois folios concernent des bordures \u00AB fond\u00A0satin \u00BB, \u00AB sujet velours coup\u00E9 et fris\u00E9 \u00BB, certains comprenant \u00E9galement un \u00AB liser\u00E9 \u00BB.\nLes dessins gouach\u00E9s ne pr\u00E9sentent pas exactement le motif de la bordure du mus\u00E9e des Tissus. On retrouve cependant la frise festonn\u00E9e contenant des fleurs sur le projet de bordure \u00AB fond satin ombr\u00E9 et velours coup\u00E9 et fris\u00E9 \u00BB du folio 75, par ailleurs orn\u00E9e d'une suite de larges palmettes ; les m\u00EAmes palmettes apparaissent encore au folio 73, sur le projet de bordure\u00A0\u00AB fond\u00A0vert et sujet velours coup\u00E9 et fris\u00E9/ en y ajoutant un liser\u00E9\u00A0\u00BB ; au folio 71, ce sont les fleurs contenues dans des m\u00E9daillons form\u00E9s par une tigelle feuillue qui ornent le projet de bordure \u00AB fond satin vert et sujet velours coup\u00E9 et fris\u00E9 \u00BB. On peut donc reconna\u00EEtre sans h\u00E9sitation un dessin de Jean-Fran\u00E7ois Bony, et une production de la maison Bissardon, Cousin et Bony des ann\u00E9es 1811-1815 dans cet \u00E9l\u00E9ment.\u00A0\nMaximilien Durand"@fr . "2021-02-10T00:00:00"^^ .