. . . "Deux grands \u00E9l\u00E9ments aujourd'hui s\u00E9par\u00E9s proviennent d'un dos de chasuble, qui comportait \u00E0 l'origine des galons le long de l'encolure et des c\u00F4t\u00E9s. Ces galons sont encore visibles sur les photographies de la pi\u00E8ce avant la Seconde Guerre mondiale. La partie senestre est compos\u00E9e d'un assemblage de onze pi\u00E8ces, la partie dextre, de sept pi\u00E8ces, toutes taill\u00E9es dans la m\u00EAme \u00E9toffe, un somptueux velours fa\u00E7onn\u00E9 coup\u00E9, triple corps, lanc\u00E9 et broch\u00E9 d'or. Trois morceaux \u00E0 dextre ont conserv\u00E9 une lisi\u00E8re, un seul\u00A0sur la partie\u00A0senestre, mais\u00A0cette derni\u00E8re\u00A0comporte \u00E9galement une bordure de d\u00E9part.\u00A0Lisi\u00E8res et bordure\u00A0sont repli\u00E9es sur l'envers de la pi\u00E8ce. Sur les deux pans de la chasuble, les diff\u00E9rentes pi\u00E8ces ont \u00E9t\u00E9 assembl\u00E9es de mani\u00E8re \u00E0 respecter au mieux\u00A0la coh\u00E9rence\u00A0du d\u00E9cor, sauf sur les \u00E9paules du v\u00EAtement.\nLe d\u00E9cor est organis\u00E9 en registres horizontaux r\u00E9p\u00E9t\u00E9s, le rapport de dessin mesurant deux cent quatre-vingt-dix-sept millim\u00E8tres de haut pour deux cents millim\u00E8tres de large. Il comprend deux registres ornementaux, s\u00E9par\u00E9s par une plage de velours uni (environ soixante millim\u00E8tres) de couleur cramoisi. Le premier registre, d'une hauteur de cent quarante \u00E0 cent cinquante millim\u00E8tres, pr\u00E9sente un fond de velours cramoisi lanc\u00E9 d'or, sur lequel se d\u00E9tache le collier de l'ordre de la Cosse de gen\u00EAt. Il est form\u00E9 de cosses de gen\u00EAt accoupl\u00E9es, auxquelles sont suspendues alternativement une cosse et une fleur de gen\u00EAt. Des d\u00E9tails en velours bleu rehaussaient cette \u00AB devise \u00BB. Le second registre, d'une hauteur de trente-cinq \u00E0 quarante millim\u00E8tres,\u00A0pr\u00E9sente un fond de velours rouge m\u00E9tallis\u00E9 d'or broch\u00E9, sur lequel s'enl\u00E8ve la Ceinture d'esp\u00E9rance. La ceinture est en velours bleu, avec les lettres formant le mot \u00AB esperance \u00BB accost\u00E9 de deux croisettes\u00A0en velours cr\u00E8me, les boucles et les ardillons broch\u00E9s d'or.\nLa Ceinture d'esp\u00E9rance, de couleur bleue, avait \u00E9t\u00E9 institu\u00E9e par le duc Louis II de Bourbon vers 1366-1370. Elle fut conserv\u00E9e, durant tout le XVe si\u00E8cle, par la famille ducale de Bourbon, tandis que le roi Charles VI, de son c\u00F4t\u00E9, en faisait une de ses \u00AB devises \u00BB pr\u00E9f\u00E9r\u00E9es, probablement en hommage \u00E0 son oncle. La Cosse de gen\u00EAt,\u00A0autre \u00AB devise \u00BB de Charles VI et probablement la plus importante de son r\u00E8gne, est mentionn\u00E9e \u00E0 partir de 1387 ; son association avec la pr\u00E9c\u00E9dente est connue entre\u00A0cette date et 1394. Les comptes de son brodeur Robert de Varennes, notamment, mentionnent plusieurs habits rehauss\u00E9s soit de la \u00AB ceinture et lettres qui disent Esp\u00E9rance \u00BB, soit de \u00AB la branche ou tige de geneste \u00BB, soit de ces deux \u00AB devises \u00BB r\u00E9unies, comme sur le velours du mus\u00E9e des Tissus.\nLa persistance de la Ceinture d'esp\u00E9rance parmi les embl\u00E8mes des ducs de Bourbon au XVe si\u00E8cle a cependant\u00A0\u00E9tay\u00E9 une tradition lyonnaise \u00E9tonnamment durable \u00E0 propos de cette chasuble. D\u00E8s 1900, en effet, Raymond Cox\u00A0l'attribue \u00E0 Charles II, cardinal de Bourbon, archev\u00EAque de Lyon de 1446 \u00E0 1488. Il redit cette appartenance suppos\u00E9e de la chasuble au primat dans le premier Catalogue sommaire des collections du mus\u00E9e publi\u00E9 en 1902, et attribue l'ex\u00E9cution du velours \u00E0 la ville de Venise. Henri d'Hennezel conteste cependant\u00A0en 1929 l'attribution de l'\u00E9toffe \u00E0 Charles II, cardinal de Bourbon, et indique\u00A0: \u00AB il est plus probable que ce tissu ait \u00E9t\u00E9 fabriqu\u00E9 sur le mod\u00E8le de nombreuses broderies faites pour Charles VI, qui reproduisent soit ensemble, soit s\u00E9par\u00E9ment, des attributs identiques, dont on peut contr\u00F4ler la description sur les comptes de la Maison du\u00A0roi, publi\u00E9s par Douet d'Arcq. \u00BB Jean Tricou, en 1932, dans sa publication sur les Documents h\u00E9raldiques du mus\u00E9e des Tissus de Lyon rappelle que le cardinal de Bourbon n'a jamais employ\u00E9 les embl\u00E8mes de l'Esp\u00E9rance et du Gen\u00EAt. Il\u00A0\u00E9voque aussi l'origine de cette l\u00E9gende persistante : en 1816, le s\u00E9pulcre du cardinal de Bourbon fut red\u00E9couvert \u00E0 la\u00A0primatiale Saint-Jean et son cercueil ouvert. On y\u00A0examina le corps du pr\u00E9lat, rev\u00EAtu de ses ornements liturgiques. On imagina ensuite que la chasuble avait pu \u00EAtre soustraite \u00E0 cette occasion.\u00A0\nLe proc\u00E8s-verbal de l'ouverture du tombeau du cardinal de Bourbon est conserv\u00E9 aux archives dioc\u00E9saines. Il a aussi \u00E9t\u00E9 publi\u00E9 \u00E0 plusieurs occasions. Il indique : \u00AB En juillet & ao\u00FBt 1816, M. Courbon fit r\u00E9parer la chapelle des Bourbons qui est la premi\u00E8re de la nef \u00E0 droite [...]. On put y faire une station le jour de la f\u00EAte de saint Louis, & elle porte le nom du saint Roi. Le vendredi 27 septembre 1816, on travaillait \u00E0 la d\u00E9paver pour y mettre une mosa\u00EFque, lorsqu'\u00E0 neuf heures du matin on d\u00E9couvrit un caveau long de 12 pieds 3 pouces, large de 8 pieds 6 pouces, haut de 6 pieds, parfaitement propre, dans lequel on est descendu \u00E0 l'aide d'un escalier en pierre, & on a trouv\u00E9, apr\u00E8s 328 ans de cl\u00F4ture, un cercueil long de 6 pieds et large vers la t\u00EAte de 2 pieds, en bois de ch\u00EAne rev\u00EAtu de plomb, enfermant le corps du Cardinal de Bourbon qui avait fond\u00E9 & dot\u00E9 cette chapelle & qui y fut inhum\u00E9. [...] Au pied du cercueil sont grav\u00E9s sur le plomb les armes du Cardinal, le chapeau, la croix, trois fleurs de lys, avec la devise N'espoir ne peur. Sur le cercueil est une plaque en cuivre sur laquelle on lit : Carolus Cardinalis ex Borboniorum ducum regia familia, sanctitatis et munificenti\u00E6 exemplum, pontifex Lugdunensis, summo sui desiderio omnibus mortalibus relicto, corporis ergastulum dimisit in terris anno ab exorta salute MCCCCLXXXVIII primo idus sept. Heu quo lumine orbis orbatus est. Les pieds sont fermes, la t\u00EAte a encore quelques cheveux, les mains sont sur la poitrine, les bras sont d\u00E9tach\u00E9s, le cordon qui ceint le corps tient bien, on n'a pu l'arracher, il est de soie gr\u00E9s\u00E9 rouge, bien conserv\u00E9, la chasuble est d'\u00E9toffe rouge \u00E0 fleurs. Le cercueil est support\u00E9 par deux traverses en fer soutenues au milieu de deux pieds aussi en fer, l'un \u00E0 la t\u00EAte, l'autre au pied du cercueil, les deux traverses sont \u00E0 environ 2 pieds d'\u00E9l\u00E9vation au-dessus du sol. \u00BB Jean Tricou, qui avait connaissance de ce proc\u00E8s-verbal, de conclure : \u00AB \u00E0 lire [...] le proc\u00E8s-verbal dress\u00E9 par l'autorit\u00E9 religieuse lors de la d\u00E9couverte [...], il semble bien que ce v\u00EAtement fun\u00E9raire ait \u00E9t\u00E9 laiss\u00E9 intact dans le cercueil o\u00F9 il doit se trouver encore, mais o\u00F9 des difficult\u00E9s bien facile \u00E0 comprendre nous ont emp\u00EAch\u00E9 d'aller poursuivre cette enqu\u00EAte h\u00E9raldique. \u00BB\u00A0Notons\u00A0que la description de la chasuble qui rev\u00EAt la d\u00E9pouille, \u00AB\u00A0d'\u00E9toffe rouge \u00E0 fleurs\u00A0\u00BB,\u00A0ne correspond pas au d\u00E9cor du velours\u00A0\u00AB \u00E0 la devise \u00BB conserv\u00E9 au mus\u00E9e des Tissus de Lyon.\u00A0Ce velours\u00A0ne comporte par ailleurs aucune des d\u00E9gradations qui sont caract\u00E9ristiques d'un s\u00E9jour prolong\u00E9 au contact d'un cadavre, m\u00EAme si ce dernier est rest\u00E9 dans un \u00E9tat de conservation remarquable.\u00A0La chasuble ne peut donc pas provenir de l'ouverture du tombeau. \nPourtant, un historien local, en 1983, a voulu donner une nouvelle actualit\u00E9 \u00E0 la l\u00E9gende du cardinal de Bourbon, en l'enrichissant d'un \u00E9pisode suppl\u00E9mentaire et totalement apocryphe, celui du vol de la fameuse chasuble \u00E0 l'ouverture du s\u00E9pulcre, en 1816, et de son acquisition, \u00E0 la fin du si\u00E8cle, par le mus\u00E9e. Par ailleurs,\u00A0\u00E0 l'automne\u00A01982, une partie du dallage de la chapelle de Bourbon, pos\u00E9 sans doute vers 1935,\u00A0avait c\u00E9d\u00E9 \u00E0 l'emplacement des poutres pos\u00E9es en 1816 et destin\u00E9es \u00E0 couvrir l'entr\u00E9e du\u00A0caveau.\u00A0Un examen attentif du caveau, ainsi qu'une campagne photographique,\u00A0ont pu \u00EAtre r\u00E9alis\u00E9s \u00E0 cette occasion. Le cercueil n'a malheureusement pas \u00E9t\u00E9 ouvert. Mais son excellent \u00E9tat de conservation, et la conformit\u00E9 exacte de sa disposition avec le r\u00E9cit du proc\u00E8s-verbal de 1816 interdisent de penser que le d\u00E9funt\u00A0ait \u00E9t\u00E9 d\u00E9pouill\u00E9 de ses ornements lors de la reconnaissance de ses restes.\u00A0\u00A0\u00A0\u00A0\u00A0\u00A0\u00A0\nC'est donc bien au nom de Charles VI et \u00E0 son r\u00E8gne qu'il convient d'attacher cette chasuble, m\u00EAme si ni les comptes de la Maison du roi ni les inventaires ne recensent de velours de ce type. L'analyse des sources historiques mais aussi iconographiques contemporaines confirme, en revanche,\u00A0l'importance\u00A0des v\u00EAtements d'apparat \u00AB \u00E0 la devise \u00BB. L'un des exemples figur\u00E9s les plus fameux est peut-\u00EAtre le diptyque de Wilton, peint \u00E0 la d\u00E9trempe sur bois vers 1395-1397\u00A0et conserv\u00E9 \u00E0 la National Gallery de Londres (NG4451). Il a d'ailleurs souvent \u00E9t\u00E9 rapproch\u00E9 de la chasuble lyonnaise. La Vierge \u00E0 l'Enfant y appara\u00EEt entour\u00E9e d'une\u00A0cour ang\u00E9lique sur le panneau de droite, tandis que le panneau de gauche r\u00E9unit saint Jean-Baptiste, saint \u00C9douard le Confesseur et le martyr saint Edmond qui introduisent le roi d'Angleterre Richard II, agenouill\u00E9 devant la Reine du Ciel. Le souverain, couronn\u00E9, porte autour du cou un collier de cosses de gen\u00EAt, ainsi qu'un pendentif en forme de cerf blanc qu'il avait choisi pour embl\u00E8me. Il porte un lourd manteau cramoisi et or, doubl\u00E9 de fourrure, orn\u00E9 de grands m\u00E9daillons tangents, form\u00E9s par des cosses de gen\u00EAt, enfermant un cerf, tandis qu'un aigle occupe les \u00E9coin\u00E7ons.\u00A0Les anges autour de la Vierge portent aussi un collier de cosses de gen\u00EAt, plus simple. On sait que le motif de la cosse de gen\u00EAt, qui \u00E9voque le nom de la famille Plantagen\u00EAt, trouva une nouvelle actualit\u00E9 d\u00E8s\u00A0f\u00E9vrier 1395 \u00E0 la cour d'Angleterre quand commenc\u00E8rent les n\u00E9gociations relatives\u00A0au mariage de Richard II, veuf d'Anne de Boh\u00E8me,\u00A0avec Isabelle, fille de Charles VI, \u00E2g\u00E9e de seulement six ans. Le mariage par procuration fut c\u00E9l\u00E9br\u00E9 en mars 1396.\u00A0Il scellait la fin des hostilit\u00E9s en la France et l'Angleterre.\u00A0En 1397, \u00E0 l'occasion du couronnement d'Isabelle, Richard II payait la confection de robes pour vingt dames et d'habits pour vingt hommes arm\u00E9s, dessin\u00E9s par le peintre de la cour, Thomas Lytlington, et orn\u00E9s, sur un fond rouge, de d\u00E9cors or et argent \u00AB \u00E0 la devise \u00BB, comportant le cerf blanc de Richard II, des couronnes, des cha\u00EEnes et des gen\u00EAts.\nLa fin du XIVe si\u00E8cle et le premier quart du XVe si\u00E8cle peuvent \u00EAtre pr\u00E9cis\u00E9ment identifi\u00E9s comme la p\u00E9riode durant laquelle sont r\u00E9alis\u00E9s les premiers velours de soie broch\u00E9s de fils m\u00E9talliques. La chasuble du mus\u00E9e des Tissus, de ce point de vue, est particuli\u00E8rement remarquable, puisqu'elle pr\u00E9sente un tissage complexe qui n\u00E9cessitait une \u00E9tonnante ma\u00EEtrise du m\u00E9tier.\u00A0La structure\u00A0de base est un velours coup\u00E9, fond taffetas, qui forme les plages unies rouges. Dans le registre aux cosses de gen\u00EAt, la trame or lanc\u00E9e est dissimul\u00E9e par les effets de velours dans le fond, mais constitue le d\u00E9cor, par ailleurs parsem\u00E9 de d\u00E9tails r\u00E9alis\u00E9s gr\u00E2ce au deuxi\u00E8me corps du velours, de couleur bleue. Dans le registre \u00E0 la Ceinture d'esp\u00E9rance, le fond rouge m\u00E9tallis\u00E9 est r\u00E9alis\u00E9 par une trame\u00A0or broch\u00E9e, dissimul\u00E9e dans les poils du velours, la boucle et l'ardillon de la ceinture\u00A0\u00E9tant broch\u00E9s de mani\u00E8re a \u00EAtre visibles, comme le cosses de gen\u00EAt du pr\u00E9c\u00E9dent registre. La ceinture elle-m\u00EAme est r\u00E9alis\u00E9e au moyen du deuxi\u00E8me corps, bleu, du velours, et l'inscription se d\u00E9tache en employant le troisi\u00E8me corps, cr\u00E8me.\nLes tisserands ont ici cherch\u00E9, pour ex\u00E9cuter ce d\u00E9cor complexe et particuli\u00E8rement raffin\u00E9, \u00E0\u00A0rationnaliser le\u00A0 montage du m\u00E9tier. C'est la raison pour laquelle les fils d'or travaillent en lanc\u00E9, dissimul\u00E9s par les poils du velours pour le fond, dans le registre aux cosses de gen\u00EAt, plut\u00F4t que d'\u00EAtre broch\u00E9s ou rejet\u00E9s sur l'envers, ce qui, dans un cas comme dans l'autre, aurait pr\u00E9sent\u00E9 de nombreux inconv\u00E9nients techniques. La m\u00EAme solution a \u00E9t\u00E9 adopt\u00E9e pour le dessin de la boucle de la Ceinture d'esp\u00E9rance, mais limit\u00E9e \u00E0 une zone plus restreinte : au sein de la zone broch\u00E9e, le fond sur lequel se d\u00E9tache la boucle est dissimul\u00E9 dans les poils du velours rouge.\u00A0\n\u00C0 la fin du XIVe si\u00E8cle, seuls les ateliers italiens \u00E9taient susceptibles de mettre en \u0153uvre une telle ma\u00EEtrise technique. Il est malheureusement impossible de d\u00E9terminer avec plus de pr\u00E9cision le centre de production, Lucques, Florence ou Venise. \u00C9tonnamment, \u00C9lisabeth Taburet-Delahaye, reprenant la question du lieu de fabrication de cette \u00E9toffe, indiquait : \u00AB alors que les broderies [sous le r\u00E8gne de Charles VI] \u00E9taient r\u00E9alis\u00E9es \u00E0 Paris, la plupart des textiles \u00E9taient achet\u00E9s \u00E0 des marchands, \u00E0 une \u00E9poque o\u00F9 la Toscane occupait une place primordiale dans la production et l'exportation des \u00E9toffes. Il est, certes, possible qu'un mod\u00E8le ait \u00E9t\u00E9 confi\u00E9 \u00E0 un interm\u00E9diaire. Mais un tel proc\u00E9d\u00E9 s'accorde mal avec les livraisons pr\u00E9cises et rapides exig\u00E9es par les commandes royales. Or des lettres patentes de Charles VI en 1408 attestent l'existence, \u00E0 Paris et en la banlieue, des activit\u00E9s de teindre et filer la soie tandis que les statuts des tisseurs de soie parisiens, qui dateraient de 1404, furent confirm\u00E9s par Henri VI en 1425. Le tissu de Lyon pourrait \u00EAtre l'un des plus anciens t\u00E9moignages de l'activit\u00E9 de ces ateliers parisiens. \u00BB\nPar la complexit\u00E9 de sa mise en \u0153uvre, mais aussi par la qualit\u00E9 du fil\u00E9 or couvert, enroul\u00E9 en S sur une \u00E2me de soie jaune, par la nature de ses lisi\u00E8res en soie beige ros\u00E9, de torsion Z, identique \u00E0 celle utilis\u00E9e pour les fils pi\u00E8ce et liage de la cha\u00EEne, et par les caract\u00E9ristiques de sa bordure de d\u00E9part,\u00A0l'\u00E9toffe qui constitue la chasuble est bien une production italienne. Ces caract\u00E9ristiques confirment encore la date pr\u00E9coce de la pi\u00E8ce, vers la fin du XIVe si\u00E8cle.\nLa chasuble du mus\u00E9e des Tissus est apparue dans la litt\u00E9rature, pour la premi\u00E8re fois, \u00E0 l'occasion de l'Exposition r\u00E9trospective qui se tient \u00E0 Lyon, au Palais du Commerce, en 1877. Elle appartenait alors \u00E0 la maison Tassinari et Chatel, cr\u00E9\u00E9e en 1868 sous la raison commerciale Tassinari, Chatel et Viennois. Deux ans plus tard, la jeune maison faisait l'acquisition de l'extraordinaire fonds de la maison Grand, successeurs de Camille Pernon, qui comprenait, outre les archives des fabricants, de nombreux sp\u00E9cimens de textiles anciens. La chasuble faisait peut-\u00EAtre partie de ce fonds historique.\u00A0Elle est directement acquise par le mus\u00E9e des Tissus aux fabricants, qui travaillaient alors sous la raison commerciale Chatel et Tassinari,\u00A0en 1895, avec un \u00AB devant de chasuble velours clout\u00E9 or rouge \u00BB et un \u00AB fragment chasuble velours gothique rouge \u00BB (inv. MT 25689 et MT 25690). Elle est imm\u00E9diatement pr\u00E9sent\u00E9e dans le parcours permanent du premier mus\u00E9e, install\u00E9 au second \u00E9tage du Palais du Commerce. En 1909, elle est class\u00E9e au titre des Monuments historiques.\nDeux\u00A0autres fragments de cette m\u00EAme chasuble, correspondant \u00E0 la partie avant (premier fragment compos\u00E9 de huit morceaux assembl\u00E9s, 84 cm x 23 cm ; second fragment compos\u00E9 de onze pi\u00E8ces assembl\u00E9es, 80 cm x 35 cm), avaient \u00E9t\u00E9 acquis par Jean-Baptiste Carrand (1792-1871), fils d\u2019un fabricant de bas, tr\u00E8s t\u00F4t passionn\u00E9 par le Moyen \u00C2ge et la Renaissance, archiviste de la Ville de Lyon, qui constitua une exceptionnelle collection d\u2019\u00E9maux, de peintures, d\u2019\u00E9toffes, de majoliques, de m\u00E9dailles, d\u2019armes, de vitraux, de bijoux et d\u2019ivoires. \n\u00C0 sa mort, son fils naturel, Louis Carrand (1827-1888), h\u00E9rite de la collection qu'il fait \u00E9voluer et qu'il enrichit. En 1880,\u00A0il quitte Lyon, s'installe \u00E0\u00A0Nice, puis \u00E0 Pise, en 1881, et \u00E0 Florence, en 1886,\u00A0puisqu'il est hostile\u00A0aux id\u00E9es r\u00E9publicaines. Le 28 septembre 1887, il r\u00E9dige un testament en faveur de la Ville de Florence pour le Mus\u00E9e national du Bargello. Il meurt le 21 septembre 1888 et le don est effectif en 1889 apr\u00E8s l\u2019acceptation des autorit\u00E9s italiennes et un accord avec ses h\u00E9ritiers naturels. Le fragment de chasuble \u00AB \u00E0 la devise \u00BB\u00A0de Charles VI est donc aujourd'hui conserv\u00E9 au Bargello (inv. 2328).\nMaximilien Durand"@fr .