"Marie-Anne Haug est n\u00E9e \u00E0 Belfort en 1838. Ses parents s'\u00E9tablirent \u00E0 Lyon alors qu'elle \u00E9tait encore enfant. Elle fut envoy\u00E9e \u00E0 l'\u00E9cole des S\u0153urs Saint-Charles des Brotteaux, o\u00F9 elle se fit remarquer pour son intelligence vive et son aptitude aux travaux d'aiguille. Elle compl\u00E9ta son apprentissage chez une brodeuse. En 1862, elle \u00E9pousait le dessinateur Jean Leroudier, qui fournit de nombreux mod\u00E8les pour les maisons Lamy et Giraud ou Joseph-Alphonse Henry, notamment. Il est l'auteur, par exemple, avec Raton, de la mise en carte des portraits de Charles Frederick Worth offerts par la maison Chatel et Tassinari au c\u00E9l\u00E8bre couturier parisien vers 1875 (inv. MT 28347 et MT 2013.1.2). Gr\u00E2ce \u00E0 lui, elle commen\u00E7a \u00E0 r\u00E9unir une belle collection d'\u00E9toffes anciennes qui servirent son inspiration. Elle se fit inscrire au cours municipal de dessin dirig\u00E9 par Clotilde Ailliod. Deux ans apr\u00E8s son mariage, elle monta un atelier de broderie, sp\u00E9cialis\u00E9, entre autres, dans la restauration des pi\u00E8ces anciennes, assurant sa r\u00E9putation aupr\u00E8s des collectionneurs de Lyon, de Paris et de l'\u00E9tranger. Mais sa nature la poussait \u00E0 cr\u00E9er elle-m\u00EAme. L'une de ses premi\u00E8res \u0153uvres fut un portrait de son \u00E9poux Jean Leroudier, en m\u00E9daillon. D\u00E8s 1867, elle participe \u00E0 toutes les grandes manifestations internationales. Cette ann\u00E9e-l\u00E0, \u00E0 l'Exposition universelle de Paris, Marie-Anne Leroudier est gratifi\u00E9e d'une Mention honorable comme collaborateur de la maison Lamy et Giraud. \u00C0 l'Exposition universelle de Lyon, en 1872, elle obtient une M\u00E9daille de bronze comme collaborateur de la maison Joseph-Alphonse Henry, et deux autres M\u00E9dailles de bronze \u00E0 Paris, en 1878, la premi\u00E8re comme exposante et la seconde comme collaborateur de la maison Chatelet et Tassinari. \u00C0 l'Exposition des Arts d\u00E9coratifs de Lyon, en 1884, elle obtient une M\u00E9daille d'or. L'ann\u00E9e suivante, c'est une autre M\u00E9daille d'or, qui fut la plus haute r\u00E9compense accord\u00E9e \u00E0 la broderie, qui lui est d\u00E9cern\u00E9e \u00E0 l'Exposition universelle d'Anvers. En 1887, \u00E0 la neuvi\u00E8me Exposition de l'Union centrale des Arts d\u00E9coratifs, \u00E0 Paris, elle obtient une M\u00E9daille d'excellence, seule m\u00E9daille accord\u00E9e pour le groupe \u00AB Broderies, dentelles et passementeries \u00BB. Elle triomphe \u00E0 nouveau \u00E0 l'Exposition universelle de Paris en 1889 avec la s\u00E9rie des panneaux inspir\u00E9s par Les douze mois grotesques de Claude III Audran, pour lesquels elle obtient une M\u00E9daille d'or dans la section des Arts lib\u00E9raux. L'auteur du compte rendu de l'Exposition universelle de 1889 publi\u00E9 par Adrien Storck et Henri Martin d\u00E9crit ainsi l'artiste : \u00AB Toute menue, figure expressive \u00E9clair\u00E9e par des yeux vifs qui p\u00E9tillent lorsqu'on parle avec elle de son art, sourcils noirs et cheveux l\u00E9gers que semble recouvrir la poudre du XIXe si\u00E8cle, voil\u00E0 notre brodeuse au physique. Une femme vaillante, la voil\u00E0 au moral. \u00BB En 1892, elle faisait partie du comit\u00E9 d'organisation de l'Exposition des Arts de la femme qui se tint au Palais de l'Industrie. Elle fut aussi membre des comit\u00E9s d'admission \u00E0 l'Exposition universelle de 1900. En 1888, la municipalit\u00E9 lyonnaise d\u00E9cidait de cr\u00E9er un cours municipal de broderie. La direction en fut confi\u00E9e \u00E0 Marie-Anne Leroudier, \u00E0 laquelle fut adjointe sa fille a\u00EEn\u00E9e, Jeanne-Marie-Catherine, \u00E9pouse Guillermet. Parmi les productions les plus remarquables de Marie-Anne Leroudier, on compte, en ameublement, les tentures de l'Op\u00E9ra de Paris et diff\u00E9rents ameublements tr\u00E8s riches pour les maisons de Paris \u2014 Fourdinois ou Krieger, par exemple \u2014 ou de Marseille \u2014 Blanqui \u2014 ; en v\u00EAtement, des costumes artistiques et arch\u00E9ologiques pour la maison Worth, et des robes et manteaux de cour pour la reine de Gr\u00E8ce et l'imp\u00E9ratrice de Russie ; en ornement d'\u00C9glise, la chasuble offerte par les Lyonnais au pape Pie IX, en 1869, la banni\u00E8re des d\u00E9put\u00E9s pour Paray-le-Monial, un ornement complet pour Notre-Dame-de-la-D\u00E9livrande \u00E0 Douvres-la-D\u00E9livrande, une banni\u00E8re pour l'archev\u00EAch\u00E9 de Lyon, la chasuble offerte par les catholiques de Lyon pour le jubil\u00E9 du pape L\u00E9on XIII, un devant d'autel pour la m\u00E9tropole de Ia\u0219i (ou Jassy) en Roumanie ; plusieurs tableaux brod\u00E9s reproduisant des peintures c\u00E9l\u00E8bres, dont un Christ en croix d'apr\u00E8s Van Dyck achet\u00E9 par la Chambre de Commerce pour son mus\u00E9e (inv. MT 23954). Les panneaux r\u00E9alis\u00E9s d'apr\u00E8s Les douze mois grotesques restent le chef-d'\u0153uvre de l'artiste. Ils furent commenc\u00E9s en 1876. En 1885, ils \u00E9taient partiellement pr\u00E9sent\u00E9s \u00E0 l'Exposition universelle d'Anvers mais suscitaient d\u00E9j\u00E0 l'admiration des commentateurs. Dix panneaux sont pr\u00E9sent\u00E9s au public parisien lors de la neuvi\u00E8me Exposition de l'Union centrale des Arts d\u00E9coratifs, en 1887. Les douze panneaux sont achev\u00E9s en 1889. R\u00E9alis\u00E9s sur des laizes de satin cr\u00E8me de trois m\u00E8tres \u00E0 trois m\u00E8tres soixante de haut sur environ soixante-dix centim\u00E8tres de large, ils s'inspirent de gravures de la tenture des Douze mois grotesques commenc\u00E9e en 1709 dans les ateliers des Gobelins, sur des dessins de Claude III Audran, pour l'appartement du Dauphin \u00E0 Meudon. Sur chaque panneau figure une divinit\u00E9 de l'Olympe, sous un \u00E9dicule, encadr\u00E9 par le signe du zodiaque correspondant \u00E0 chaque mois de l'ann\u00E9e, en partie sup\u00E9rieure, et des animaux symboliques ou des troph\u00E9es all\u00E9goriques, en partie inf\u00E9rieure. Le Mois de\u00A0juin. Signe du Cancer\u00A0pr\u00E9sente le dieu Mercure, le genou sur un nuage, prenant son envol, le caduc\u00E9e dans la main droite. Une draperie est tendue aux colonnettes du baldaquin, sur le toit duquel se tient un coq entre deux sph\u00E8res. Au-dessus, des raquettes et des balles, des masques, des trompettes et des casques ail\u00E9s forment un troph\u00E9e et des chutes. Un m\u00E9daillon avec le signe du Cancer orne la partie sup\u00E9rieure. En partie basse se tient une ch\u00E8vre de profil au-dessus de balles de marchandises portant des marques de commerce. Le rapporteur de Lyon \u00E0 l'Exposition universelle de 1889 indique : \u00AB Il a fallu douze ann\u00E9es pour mener \u00E0 bien, d'apr\u00E8s les gravures d'Audran, les douze panneaux de trois m\u00E8tres soixante dont se compose cette \u0153uvre \u00E9norme. Mais n'admirez pas seulement la patience de leur unique ouvri\u00E8re, approchez-vous, et devant ces arabesques sans fin o\u00F9, sans maquette colori\u00E9e, Mme Leroudier a mari\u00E9 au jour le jour les teintes les plus vari\u00E9es et les plus d\u00E9licates avec les tons les plus vifs, sans rompre la douce harmonie qu'elle avait r\u00EAv\u00E9e, vous oublierez bient\u00F4t le temps pass\u00E9 par l'artiste pour ne plus songer qu'au talent mis en \u0153uvre. Vous vous int\u00E9resserez alors aux proc\u00E9d\u00E9s ing\u00E9nieux, infiniment vari\u00E9s, avec lesquels son aiguille a rendu diff\u00E9remment tour \u00E0 tour les eaux, les oiseaux, les personnages, les draperies, les ornements, les feuillages et les fleurs ; vous admirerez la vari\u00E9t\u00E9 des combinaisons de points retrouv\u00E9s ou invent\u00E9s en face de chaque difficult\u00E9 nouvelle pour raconter diversement tous les objets repr\u00E9sent\u00E9s. Mais encore faut-il voir ces panneaux sous leur vrai jour, pour juger ainsi de leur vraie richesse, les reflets miroitants de leur fond soyeux qui, tour \u00E0 tour d'aurore, d'or ou d'argent laiteux, suivant les ondulations de l'\u00E9toffe, crisp\u00E9e par la broderie, donne \u00E0 tout l'ensemble la chaleur et la vie en faisant ressortir tant\u00F4t en clair, tant\u00F4t en vigueur, les milliers de nuances qui la recouvrent. Tous les effets piquants et inattendus qui font la gloire de l'\u00E9toffe brod\u00E9e et la mettent bien au-dessus des plus riches tissus disparaissent en partie lorsque la lumi\u00E8re n'accroche pas ses paillettes lumineuses sur les saillies du travail et ne les souligne pas de ses ombres. \u00BB Marie-Anne Leroudier mourut en 1908. Auguste Bleton l'a d\u00E9crite ainsi : \u00AB Elle \u00E9tait exquise \u00E0 voir montrant quelques-unes de ses \u0153uvres et sachant recevoir les compliments \u2014 lorsque ces compliments portaient juste \u2014 avec la noblesse de l'artiste et la gr\u00E2ce de la femme. \u00BB\nMaximilien Durand"@fr . . . .