"14876" . . . . . . . "L'\u00E9chantillon de broderie pour bas de robe provient d'un grand\u00A0livre de patrons, reli\u00E9\u00A0in folio, acquis par la Chambre de Commerce\u00A0de Lyon pour son jeune mus\u00E9e d'Art et d'Industrie en avril 1866 aupr\u00E8s du \u00AB S(ieu)r Gallot, passage des Terreaux \u00BB, qui contenait \u00AB cent trente-trois \u00E9chantillons de broderies soie nuanc\u00E9e, paillettes, dorures et pierreries pour v\u00EAtements, d'une belle conservation. [...] Travail du commencement du XIXe si\u00E8cle. \u00BB\nLe livre d'inventaire ne mentionne pas le nom de la maison d'o\u00F9 proviennent ces \u00E9chantillons. Cependant, la plupart des mod\u00E8les sont attribuables \u00E0 Jean-Fran\u00E7ois Bony (1754-1825), c\u00E9l\u00E8bre dessinateur de fabrique, brodeur, fabricant et occasionnellement peintre de fleurs. C'est le cas, notamment des \u00E9chantillons de broderie pour robes de cour (inv. MT 18514, MT 18614 et MT 18620, par exemple).\u00A0Il est tr\u00E8s probable, d'ailleurs, que le mod\u00E8le de broderie or sur drap d'argent de la robe command\u00E9e \u00E0 Jean-Fran\u00E7ois Bony par le Conseil municipal de Lyon en avril 1810 pour l'imp\u00E9ratrice Marie-Louise (inv. MT 18797.2) provienne de ce livre de patrons, qui a \u00E9t\u00E9 d\u00E9mont\u00E9 \u00E0 son entr\u00E9e dans les collections. Cet \u00E9chantillon de broderie, en effet, a perdu son num\u00E9ro d'inventaire d'origine et il a \u00E9t\u00E9 r\u00E9inventori\u00E9 a posteriori sous le num\u00E9ro 18797.2 qui ne correspond \u00E0 aucune\u00A0entr\u00E9e du livre d'inventaire. On a seulement d\u00E9doubl\u00E9 le num\u00E9ro MT 18797 correspondant au projet gouach\u00E9 de la robe, acquis cette m\u00EAme ann\u00E9e 1866 de Paul Desq, fabricant de soieries lyonnais, avec dix-huit autres projets de robes (inv. MT 18794 \u00E0\u00A0MT 18812) de la main de Jean-Fran\u00E7ois Bony. Le mus\u00E9e des Tissus conserve par ailleurs plusieurs autres documents relatifs \u00E0 cette commande pour l'imp\u00E9ratrice Marie-Louise (inv. MT 2014.0.1, MT 2014.0.2, MT 2014.0.3 et MT 2014.0.4) pr\u00E9parant la\u00A0broderie.\nDu livre de patrons d'origine, le mus\u00E9e des Tissus a peut-\u00EAtre conserv\u00E9 une double page, elle aussi r\u00E9inventori\u00E9e a posteriori,\u00A0contenant un \u00E9chantillon de broderie d'argent et soie,\u00A0et, sur la page en regard, des indications \u00E0 l'encre comme le num\u00E9ro de patron\u00A0et\u00A0le nom du mod\u00E8le de\u00A0robe, intitul\u00E9\u00A0La Pr\u00EAtresse (inv. MT 35142). Le mus\u00E9e des Tissus conserve plusieurs documents manuscrits de Jean-Fran\u00E7ois Bony, et notamment un carnet de dessins qu'il a utilis\u00E9 entre 1802 et 1816 (inv. MT 27638). C'est bien son \u00E9criture qui figure sur la double page contenant l'\u00E9chantillon de La Pr\u00EAtresse.\nL'\u00E9chantillon de broderie pour robe de cour, ex\u00E9cut\u00E9 sur un fond de tulle de soie double, fond dentelle, \u00E0 mailles fixes, pr\u00E9sente, en partie inf\u00E9rieure, une rang\u00E9e de franges simul\u00E9es en broderie, provenant d'une suite de motifs en forme de gouttes. Au-dessus de cette bordure court un rinceau sinueux, form\u00E9 de palmes charg\u00E9es, le long de leur nervure m\u00E9diane, de fruits, et de touffes de feuilles dispos\u00E9es en \u00E9ventail autour d'un gros fruit central grenu. Entre la suite de gouttes et le rinceau, des motifs de zigzags occupent le fond, tandis que le reste de la robe \u00E9tait sem\u00E9 de petits motifs. La broderie est r\u00E9alis\u00E9e en lame m\u00E9tallique dor\u00E9e simples ou gaufr\u00E9es et en cannetille fris\u00E9e dor\u00E9e.\nLe dessin des touffes de feuilles courant en partie inf\u00E9rieure de la robe rappelle celui des broderies d'or figur\u00E9es sur le fond de satin blanc de l'imp\u00E9ratrice Marie-Louise sur le portrait \u00E0 la gouache sur ivoire peint en 1810 par Jean-Baptiste Isabey (1767-1855), conserv\u00E9 au Kunsthistorischesmuseum de Vienne (inv. Nr. SK_WS_XIV_149). On sait que les ateliers de Jean-Fran\u00E7ois Bony \u00E9taient particuli\u00E8rement r\u00E9put\u00E9s pour les broderies m\u00E9talliques. Les brodeurs lyonnais s'\u00E9taient fait\u00A0aussi une sp\u00E9cialit\u00E9, sous l'Empire, des broderies sur tulle de soie. La production du tulle\u00A0\u00E9tait une des nouvelles branches de l'industrie textile largement d\u00E9velopp\u00E9e \u00E0 Lyon au lendemain de la R\u00E9volution. \nLe m\u00E9canisme qui donna naissance au m\u00E9tier \u00E0 tulle \u00E9tait celui du m\u00E9tier \u00E0 bas, perfectionn\u00E9 par les Anglais au milieu du XVIIIe si\u00E8cle. En France, les recherches parall\u00E8les du parisien Joseph-Camille Sarrazin (1735-1794), associ\u00E9 \u00E0 Lyon aux fabricants Chaix, d'abord, puis Jolivet, et du lyonnais Ganton, associ\u00E9 \u00E0 Paris au fabricant de bas Philippe Germain, permirent le tissage de tricots de soie \u00E0 mailles fixes tellement arr\u00EAt\u00E9es que l'une pouvait s'\u00E9chapper sans que les autres se d\u00E9fassent, ainsi que la fabrication d'autres articles de bonneterie, et notamment l'\u00E9toffe fond dentelle, couramment appel\u00E9e \u00AB tulle. \u00BB En 1791, Jolivet, associ\u00E9 d\u00E9sormais avec Joseph-Marie Cochet, fabricant de tricot \u00E0 Lyon, d\u00E9posa \u00AB un brevet d'invention de quinze ans pour la fabrication de bas ond\u00E9s, brillants comme le satin, et d'un tricot-dentelle, \u00E0 mailles fixes, qu'on peut couper sans qu'il s'effile. \u00BB\u00A0Jolivet et Cochet\u00A0obtinrent, le 9 flor\u00E9al an VII (28 avril 1799), un arr\u00EAt\u00E9 du Directoire ex\u00E9cutif leur accordant un brevet de perfectionnement de quinze ans \u00AB pour des am\u00E9liorations apport\u00E9es dans la fabrication du tricot \u00E0 doubles mailles fixes\u00BB, et un certificat d'addition. Jusqu'en l'an VIII (1800), les fabricants ne firent pas publicit\u00E9 de leur brevet et plusieurs m\u00E9tiers \u00E0 tulle \u00E9taient en activit\u00E9 \u00E0 Lyon. Mais ils accus\u00E8rent soudain un autre fabricant, Antoine-Marie Derussy, l'inventeur des aiguilles pour la m\u00E9canique dont ils esp\u00E9raient jouir de mani\u00E8re exclusive, de fabriquer l'\u00E9toffe fond dentelle qu'ils pr\u00E9tendaient seuls avoir le droit de fabriquer et de d\u00E9biter. Ils cherch\u00E8rent \u00E0 le ruiner par une confiscation des m\u00E9tiers et des \u00E9toffes de son atelier, une amende et des dommage et int\u00E9r\u00EAts. Mais le proc\u00E8s tourna \u00E0 leur d\u00E9savantage puisqu'ils furent convaincus de s'\u00EAtre empar\u00E9s des recherches de Ganton, \u00E0 Paris, et il fut d\u00E9montr\u00E9 que Derussy fabriquait le tulle par d'autres moyens qu'eux. Leur brevet fut r\u00E9form\u00E9 et Jolivet et Cochet furent condamn\u00E9s \u00E0 verser des dommages et int\u00E9r\u00EAts \u00E0 Derussy.\nD\u00E8s l'an VIII, donc, le tulle ordinaire\u00A0pouvait \u00EAtre fabriqu\u00E9 librement sur les m\u00E9tiers de bas de la manufacture de Lyon, et le commerce et la vente de cette \u00E9toffe pouvaient \u00EAtre pratiqu\u00E9s sans emp\u00EAchement. En l'an IX, le fabricant Claude Bonnard, demeurant au 164, rue Touret, chercha \u00E0 imiter le tulle double, fond dentelle, nou\u00E9, des Anglais, et \u00E0 le surpasser. Plusieurs m\u00E9tiers de ses ateliers se trouvaient en activit\u00E9 lorsque le ministre de l'Int\u00E9rieur Jean-Antoine Chaptal accompagna Napol\u00E9on Bonaparte aux Comices de Lyon au mois de niv\u00F4se an X. Claude Bonnard soumit au ministre un M\u00E9moire, pr\u00E9sent\u00E9 au bureau des Arts et M\u00E9tiers de Lyon le 5 pluvi\u00F4se an X, dans lequel il d\u00E9taillait les avantages de son invention. Mais les \u00E9chantillons de tulle de Bonnard pr\u00E9sentaient le d\u00E9faut des mauvaises filatures et pour atteindre \u00E0 plus de finesse et de blancheur de la maille, il s'associa aux fr\u00E8res Gensoul, d'abord, \u00E0 Bagnols (Gard), puis aux\u00A0filatures Rocheblave, \u00E0 Alais (Gard) et Savin et Salle, \u00E0 Anduze (Gard), et enfin Jourdan, \u00E0 Ganges (H\u00E9rault). C'est \u00E0 Ganges \u00E9galement qu'il fit forger et fabriquer ses m\u00E9tiers \u00E0 bas pour obtenir le degr\u00E9 de finesse qu'il esp\u00E9rait.\u00A0\u00C0 aucun moment, Claude Bonnard n'avait song\u00E9 \u00E0 d\u00E9poser un brevet, car il souhaitait faire profiter l'industrie nationale de ses am\u00E9liorations et de ses d\u00E9couvertes.\nMais Jolivet et Cochet esp\u00E9raient recouvrir le privil\u00E8ge de la fabrication des tulles que leur conf\u00E9rait le brevet. Demander un brevet sous leur nom \u00E9tait impossible apr\u00E8s leurs d\u00E9boires. Ils convainquirent donc les fabricants Jourdan p\u00E8re et fils de se pr\u00E9senter comme les inventeurs de l'\u00E9toffe fond dentelle nou\u00E9, ainsi que des moyens d'ex\u00E9cution de Ganton, avec quelques changements. Le 27 messidor an X, la maison obtint un brevet d'invention, et par suite le privil\u00E8ge exclusif de fabriquer et de d\u00E9biter l'\u00E9toffe fond dentelle en soie, ou tulle, sans expliquer si elle \u00E9tait \u00E0 maille fixe ou \u00E0 maille nou\u00E9e. Le 10 prairial an X, ils obtenaient un brevet pour la fabrication des tulles mailles fixes, copi\u00E9s des anglais. Forts de ces deux brevets, ils cherch\u00E8rent \u00E0 pr\u00E9senter les autres fabricants de tulle comme des contrefacteurs.\nClaude Bonnard r\u00E9agit en adressant un rapport au ministre de l'Int\u00E9rieur Jean-Baptiste Nomp\u00E8re de Champagny. Il l'accompagna d'un acte de notori\u00E9t\u00E9, enregistr\u00E9\u00A0par le notaire Jean-Baptiste Masson le 26 avril 1806 et au Tribunal civil le 3 mai\u00A0suivant, sign\u00E9 par la plupart des marchands brodeurs de Lyon. Les autres fabricants de bas enregistr\u00E8rent \u00E9galement un acte de notori\u00E9t\u00E9 aupr\u00E8s de Masson le 28 avril de la m\u00EAme ann\u00E9e. Comme celui des marchands brodeurs, cet acte\u00A0affirmait que le tulle fond dentelle nou\u00E9 invent\u00E9 par Bonnard \u00E9tait fabriqu\u00E9 librement depuis six ans \u00E0 Lyon.\n\u00C0 l'Exposition des produits de l'industrie fran\u00E7aise, deux fabricants de tulle lyonnais ont \u00E9t\u00E9\u00A0distingu\u00E9s par le jury pour la section IV \u00AB Tulle et cr\u00EApe \u00BB : il s'agissait de Claude Bonnard et de ses rivaux, Jolivet, Cochet et Jourdan. \u00AB M. Bonnard. Il a pr\u00E9sent\u00E9 des tulles \u00E0 double n\u0153ud et \u00E0 maille fixe qui ne coule ni \u00E0 sec ni au blanchissage ; ils peuvent \u00EAtre lav\u00E9s sans se gonfler, et deviennent m\u00EAme plus beaux que du premier blanc. M. Bonnard peut faire dans le tissu des variations susceptibles de produire des dessins agr\u00E9ables : les qualit\u00E9s de son tulle tiennent aussi \u00E0 une perfection qu'il a introduite dans la pr\u00E9paration de la soie. Le jury lui d\u00E9cerne une m\u00E9daille d'argent de premi\u00E8re classe. \nLe jury arr\u00EAte de faire mention honorable de MM. Jolivet, Cochet et Jourdan qui ont expos\u00E9 du beau tulle \u00E0 double n\u0153ud. \u00BB\nLe 19 d\u00E9cembre 1806, Claude Bonnard obtint un brevet d'invention de quinze ans \u00AB pour des perfectionnements apport\u00E9s au m\u00E9tier \u00E0 bas, qui le rendent propre \u00E0 fabriquer le tulle uni et fa\u00E7onn\u00E9, dont la maille est nou\u00E9e comme dans le tulle anglais. \u00BB\nApr\u00E8s la r\u00E9compense \u00E0 l'Exposition des produits de l'industrie fran\u00E7aise de 1806, Claude Bonnard s'est appliqu\u00E9 \u00E0 perfectionner la qualit\u00E9 de ses tulles. Il participe \u00E0 l'Exposition suivante, en 1819. Le Rapport du jury central\u00A0souligne le r\u00F4le qu'il a jou\u00E9 dans le d\u00E9veloppement de l'industrie du tulle \u00E0 Lyon (p. 57-58)\u00A0: \u00AB Section IV. Cr\u00EApes et Tulles. \u00C0 l'\u00E9poque de l'exposition qui eut lieu en l'an 10 (1802), on ne fabriquait encore en France que du tulle \u00E0 mailles coulantes. M. Bonnard, de Lyon, exposa, en 1806, des tulles \u00E0 double n\u0153ud, \u00E0 mailles fixes, fabriqu\u00E9s sur un m\u00E9tier que lui-m\u00EAme avait imagin\u00E9 en perfectionnant le m\u00E9canisme du m\u00E9tier \u00E0 faire le tricot \u00E0 mailles fixes.\nOn a \u00E9t\u00E9 longtemps sans pouvoir \u00E9galer les tulles fabriqu\u00E9s \u00E0 l'\u00E9tranger, parce que le m\u00E9tier dont on vient de parler n'\u00E9tait pas connu, et parce qu'on n'avait pas la soie de Chine convenable sous le rapport de la blancheur, de la finesse et de l'\u00E9galit\u00E9 du brin. On doit au m\u00EAme artiste d'avoir surmont\u00E9 cette seconde difficult\u00E9, en perfectionnant la filature de la soie sina. Pour \u00EAtre employ\u00E9e \u00E0 la fabrication du tulle, cette soie n'a besoin que d'\u00EAtre mont\u00E9e ; M. Bonnard est parvenu \u00E0 lui donner cet appr\u00EAt par la m\u00EAme op\u00E9ration qui la tire du cocon. On a d\u00E9j\u00E0 eu occasion de dire jusqu'\u00E0 quel degr\u00E9 de finesse il est parvenu \u00E0 la filer. Ses travaux ont eu tout le succ\u00E8s qu'on pouvait d\u00E9sirer ; la fabrication du tulle est actuellement \u00E9tablie \u00E0 Lyon avec une grande sup\u00E9riorit\u00E9. La ville de Lyon et ses environs, dit le jury d\u00E9partemental, qui r\u00E9unissent plus de deux mille m\u00E9tiers de tulle en activit\u00E9, sont devenus le lieu presque exclusif de la fabrication de ce tissu, soit pour la perfection du travail, soit pour la modicit\u00E9 du prix. C'est pour avoir rendu ces services que M. Bonnard a \u00E9t\u00E9 pr\u00E9sent\u00E9, en vertu de l'ordonnance du 9 avril 1819, comme l'un des artistes qui ont le plus contribu\u00E9 aux prog\u00E8s de l'industrie. (...) MM. Bonnard p\u00E8re et fils, de Lyon. Leur fabrique fut distingu\u00E9e \u00E0 l'exposition de 1806, o\u00F9 elle obtint une m\u00E9daille d'argent. Elle a\u00A0pr\u00E9sent\u00E9, en 1819, des cr\u00EApes et des tulles. Ces tissus sont faits avec le plus grand art : le tulle a \u00E9t\u00E9 l'objet de l'admiration du public, par la r\u00E9gularit\u00E9 de ses mailles et par sa finesse presque a\u00E9rienne. Le jury se fait un devoir de d\u00E9clarer que la fabrique de MM. Bonnard p\u00E8re et fils est toujours tr\u00E8s digne de la m\u00E9daille d'argent qui lui fut d\u00E9cern\u00E9e en 1806.\u00A0\u00BB\u00A0Cette m\u00EAme ann\u00E9e\u00A01819, Nicolas Tissier, dans son Discours d'inauguration du cours de chimie de l'\u00C9cole royale des Beaux-Arts de Lyon, lu dans la salle de chimie le 1er mai 1819, suivi du Discours d'ouverture du cours de chimie, lu le 2 mai\u00A0m\u00EAme ann\u00E9e, publi\u00E9 \u00E0 Lyon (p. 86-89), r\u00E9sume ainsi l'introduction du tissage du tulle \u00E0 Lyon, ses d\u00E9veloppements rapides dans la ville et le r\u00F4le jou\u00E9 par Claude Bonnard\u00A0: \u00AB Le tulle est une dentelle fil ou soie qui n'est point recouverte d'entoilage ou de broderie et ne pr\u00E9sentant \u00E0 l'\u0153il que le filet pur et simple. Le tulle se fabriquant sur le m\u00E9tier \u00E0 bas nous vient d'Angleterre (English las [sic]), en fran\u00E7ais filoche ou filet, \u00E0 Lyon, filoche ou tulle de Lyon. Ce tulle n'est point nou\u00E9, mais simplement maill\u00E9, et la maille est susceptible de couler. M. Tholosan Amarante, introducteur des Ambassadeurs \u00E0 la Cour de France, envoy\u00E9 en mission en Angleterre, introduisit ce tulle en France, et Mgr. le duc\u00A0d'Orl\u00E9ans en fit d\u00E9poser des \u00E9chantillons dans son Conservatoire d'arts et m\u00E9tiers en 1787. Ce tissu fut ensuite ex\u00E9cut\u00E9 par un Lyonnais nomm\u00E9 Ganton, artiste tr\u00E8s distingu\u00E9 qui se trouvait alors \u00E0 Paris, et cette \u00E9toffe sortit de ses mains plus perfectionn\u00E9e (celle d'Angleterre \u00E9tait alors tr\u00E8s grossi\u00E8re). Le prince r\u00E9compensa M. Ganton, et cette nouveaut\u00E9 fut rendue publique. Cependant, personne n'appr\u00E9ciant ce genre, ne songeait \u00E0 en tirer parti. Une visite que fit au Conservatoire du Duc, M. Jolivet, marchand bonnetier de Lyon, tira cet art de l'oubli ; muni des plans et des mod\u00E8les n\u00E9cessaires pour la r\u00E9ussite qui fut compl\u00E8te, il prit fort adroitement en 1791 un brevet d'invention qui lui fut, en l'an 7, contest\u00E9 par M. Joseph Derussy ; le brevet fut annul\u00E9. Depuis cette \u00E9poque, cette esp\u00E8ce de tulle s'est tellement naturalis\u00E9e dans notre ville, et l'industrie lyonnaise a \u00E9t\u00E9 pouss\u00E9e si loin, qu'aucune ville de France, ni m\u00EAme de l'Europe, n'a pu entrer en concurrence avec elle. Le premier tulle qui s'est fait \u00E0 Lyon a \u00E9t\u00E9 vendu 80 francs l'aune quarr\u00E9e ; mais la fabrication une fois r\u00E9pandue a trouv\u00E9 tant de facilit\u00E9 qu'un ouvrier qui, dans les premiers temps, ne pouvait faire qu'une demi-aune par jour, est parvenu \u00E0 en achever trois aunes. Le prix actuel est de trois francs et au-dessous. Depuis son importation, cette branche d'industrie a procur\u00E9 \u00E0 des familles des fortunes consid\u00E9rables, et aucun article n'a tant valu \u00E0 Lyon. Il est actuellement en souffrance. Pendant que nous ne faisions que du tulle \u00E0 maille coulante, les anglais fabriquaient le tulle \u00E0 maille fixe ou nou\u00E9e ; on le crut d'abord le m\u00EAme ; mais en l'an 7, Mme Granger arrivant de Londres avait apport\u00E9 un voile de tulle anglais qu'elle e\u00FBt la complaisance de pr\u00EAter \u00E0 M.\u00A0Bonnard, pour l'examiner ; cet artiste exerc\u00E9 reconnut bient\u00F4t la diff\u00E9rence, s'aida des instruments d'optique pour d\u00E9couvrir l'entrelacement du n\u0153ud et mettant sur le champ la main \u00E0 l'\u0153uvre, le 5 pluvi\u00F4se an 10, il pr\u00E9senta au ministre de l'int\u00E9rieur la premi\u00E8re pi\u00E8ce de tulle nou\u00E9 qui \u00E9tait faite en France ; et constamment occup\u00E9 de son perfectionnement jusqu'\u00E0 ce jour, il vient de pousser la fabrication\u00A0de cette \u00E9toffe \u00E0 un tel degr\u00E9 de finesse que personne ne peut le surpasser. C'est ce qu'on certifi\u00E9 le jury central de France, et la r\u00E9compense du Gouvernement. Bien plus, la finesse de ce m\u00EAme tulle faisait douter de la possibilit\u00E9 de supporter la broderie ; un dessin \u00E0 l'aiguille sur ce tissu, expos\u00E9 \u00E0 la Chambre de Commerce de Lyon, l\u00E8ve tous les doutes. Le nombre des m\u00E9tiers de tulle a \u00E9t\u00E9 port\u00E9 \u00E0 huit mille, et ils occupent trente mille individus, tant pour la pr\u00E9paration des mati\u00E8res premi\u00E8res, que pour la fabrication, broderie et autres accessoires.\u00A0\u00BB\nParall\u00E8lement au d\u00E9veloppement de l'industrie du tulle \u00E0 Lyon, on assiste \u00E0 la renaissance des ateliers de broderie dans la ville. L'activit\u00E9 des brodeurs avait \u00E9t\u00E9 particuli\u00E8rement \u00E9prouv\u00E9e par la R\u00E9volution fran\u00E7aise, et elle avait presque enti\u00E8rement disparue avec le Si\u00E8ge de la ville en 1793. Encourag\u00E9e par la Chambre de Commerce de Lyon et par le gouvernement, cette activit\u00E9\u00A0conna\u00EEt un\u00A0renouveau consid\u00E9rable \u00E0 partir de 1800. L'Indicateur de Lyon, en 1810, mentionne pr\u00E8s de cinquante marchands brodeurs\u00A0dans la ville. Parmi les maisons les plus c\u00E9l\u00E8bres figurent Placy et Cie. Le mus\u00E9e des Tissus conserve un livre de patrons de\u00A0cette maison (inv. MT 2015.0.1), ainsi que des \u00E9chantillons de broderie, l'un pour une robe ex\u00E9cut\u00E9e pour l'imp\u00E9ratrice de Russie Marie Feodorovna en 1801 (inv. MT 20852), et l'autre, pour bas d'une robe brod\u00E9e pour la cour, r\u00E9alis\u00E9e en 1807 (MT 20853). L'atelier de Jean-Fran\u00E7ois Bony est aussi\u00A0l'un des plus r\u00E9put\u00E9. \u00C0 l'Exposition des produits de l'industrie fran\u00E7aise\u00A0de 1806, il obtient une m\u00E9daille d'argent de seconde classe pour \u00AB des broderies remarquables par leur beaut\u00E9 \u00BB, tandis qu'une autre Lyonnaise, la veuve Vitte, re\u00E7oit la m\u00EAme distinction\u00A0pour avoir\u00A0\u00AB imagin\u00E9 un nouveau point de broderie propre \u00E0 donner plus de correction \u00E0 ce genre de travail. \u00BB\nJean-Fran\u00E7ois Bony ex\u00E9cute plusieurs robes de cour pour l'imp\u00E9ratrice et son entourage, comme en t\u00E9moigne, par exemple, le projet d'une robe brod\u00E9e pour Caroline Murat contenu au folio 11\u00A0du carnet de dessins conserv\u00E9 au mus\u00E9e des Tissus (inv. MT 27638). Apr\u00E8s 1814, il est toujours sollicit\u00E9 par le nouveau gouvernement. \u00C0 l'occasion de la r\u00E9ception \u00E0 Lyon de la duchesse d'Angoul\u00EAme, Jean-Fran\u00E7ois Bony est honor\u00E9 par Madame Royale d'une visite \u00E0 son atelier. Il s'engage \u00E0 lui remettre dans un d\u00E9lai de six semaines \u00AB une robe de cour \u00E0 grande queue sur une belle Levantine rose brod\u00E9e argent sur le dessin compos\u00E9 de fleurs naturelles li\u00E9es par des ornements recherch\u00E9s \u00BB et \u00AB une robe ronde sur tulle ray\u00E9 dont le dessin sera compos\u00E9 de roses, de renoncules et autres fleurs ex\u00E9cut\u00E9es dans les couleurs naturelles en soie unie, le fond de la robe sera \u00E0 colonnes et petits bouquets brod\u00E9s argent fin ; au bas de la robe sera un falbala brod\u00E9 aussi en argent. Prix convenu : 3000 francs. \u00BB\nLors du s\u00E9jour \u00E0 Lyon, en 1816, de Marie-Caroline de Bourbon-Siciles, \u00E0 l'occasion de son mariage avec Charles-Ferdinand d'Artois, duc de Berry, Jean-Fran\u00E7ois Bony est encore sollicit\u00E9 puisqu'il r\u00E9alise une \u00AB robe longue sur satin blanc, brod\u00E9e richement en or fin \u00BB, tandis que la maison Placy et Cie ex\u00E9cute deux robes qui sont remises \u00E0 la duchesse avec la corbeille offerte par la Chambre de Commerce de la ville. La premi\u00E8re est une \u00AB robe tulle, mailles fixes ; le fond de la robe glac\u00E9 argent fin, la bordure form\u00E9e d'une guirlande de roses, brod\u00E9es soie avec feuillage ; au-dessous de la guirlande, une broderie en argent mate, le bas de la robe termin\u00E9 par une frange nuanc\u00E9e, la ceinture assortie \u00E0 la robe, la doublure est en satin blanc \u00BB ; la seconde, \u00AB une robe tulle, mailles fixes, brod\u00E9e soie blanche, le dessin compos\u00E9 d'une plante de muguet et de petites cloches, le fond de la robe \u00E0 colonnes se r\u00E9unissant dans le haut, compos\u00E9 d'un courant de cloches se liant dans le bas \u00E0 la plante de muguet. \u00BB La duchesse de Berry, invit\u00E9e \u00E0 assister \u00E0 un spectacle le soir m\u00EAme au Grand-Th\u00E9\u00E2tre, choisit la premi\u00E8re des deux robes de Placy pour para\u00EEtre en public.\nLes brodeurs ont exploit\u00E9 toutes les possibilit\u00E9s offertes par le tulle \u00E0 maille fixe produit \u00E0 Lyon. Il a ainsi \u00E9t\u00E9 employ\u00E9 d\u00E9coup\u00E9 et appliqu\u00E9 en volants sur des manteaux de cour dans le go\u00FBt du r\u00E8gne de Louis XVI (inv. MT 48994), appliqu\u00E9 en trompe-l'\u0153il dans des compositions en soie nuanc\u00E9e (inv. MT 20852) ou en\u00A0\u00E9toffe de fond, supportant un d\u00E9licat d\u00E9cor brod\u00E9 ton sur ton, en soie nuanc\u00E9e, en or ou en argent.\u00A0\nL'\u00E9chantillon de tulle orn\u00E9 de broderie\u00A0or t\u00E9moigne de l'incroyable vitalit\u00E9 des industries textiles \u00E0 Lyon, sous l'Empire. On conna\u00EEt mieux la production des \u00E9toffes fa\u00E7onn\u00E9es pour l'ameublement ou l'habillement. Mais la production textile \u00E9tait bien plus diversifi\u00E9e dans la ville, comme le rappelle la Chambre de Commerce de Lyon au ministre de l'Int\u00E9rieur, dans une lettre dat\u00E9e du 16 avril 1805 : \u00AB On distingue quatre branches principales dans la division que l'on peut faire de nos manufactures diverses : la premi\u00E8re et la plus essentielle comprend nos fabriques en \u00E9toffes de soie ; la seconde se compose du tirage et traite des mati\u00E8res d'or et d'argent, de la guimperie par les proc\u00E9d\u00E9s de laquelle on fait de ces mati\u00E8res des fil\u00E9s, de la passementerie qui emploie ces fil\u00E9s dans les galons et \u00E0 laquelle appartient encore la rubannerie ; la troisi\u00E8me est la chapellerie ; la quatri\u00E8me, la fabrication des bas et gants de soie en bonneterie et la fabrication des filoches [ou tulles]. \u00BB\nMaximilien Durand"@fr . . . "0.5078"^^ . "\u00C9chantillon de broderie pour bas de robe de cour"@fr . . . . . "\u00C9chantillon de broderie pour bas de robe de cour"@fr . "0.5321"^^ . . . . . "L'\u00E9chantillon de broderie pour bas de robe provient d'un grand\u00A0livre de patrons, reli\u00E9\u00A0in folio, acquis par la Chambre de Commerce\u00A0de Lyon pour son jeune mus\u00E9e d'Art et d'Industrie en avril 1866 aupr\u00E8s du \u00AB S(ieu)r Gallot, passage des Terreaux \u00BB, qui contenait \u00AB cent trente-trois \u00E9chantillons de broderies soie nuanc\u00E9e, paillettes, dorures et pierreries pour v\u00EAtements, d'une belle conservation. [...] Travail du commencement du XIXe si\u00E8cle. \u00BB\nLe livre d'inventaire ne mentionne pas le nom de la maison d'o\u00F9 proviennent ces \u00E9chantillons. Cependant, la plupart des mod\u00E8les sont attribuables \u00E0 Jean-Fran\u00E7ois Bony (1754-1825), c\u00E9l\u00E8bre dessinateur de fabrique, brodeur, fabricant et occasionnellement peintre de fleurs. C'est le cas, notamment des \u00E9chantillons de broderie pour robes de cour (inv. MT 18514, MT 18614 et MT 18620, par exemple).\u00A0Il est tr\u00E8s probable, d'ailleurs, que le mod\u00E8le de broderie or sur drap d'argent de la robe command\u00E9e \u00E0 Jean-Fran\u00E7ois Bony par le Conseil municipal de Lyon en avril 1810 pour l'imp\u00E9ratrice Marie-Louise (inv. MT 18797.2) provienne de ce livre de patrons, qui a \u00E9t\u00E9 d\u00E9mont\u00E9 \u00E0 son entr\u00E9e dans les collections. Cet \u00E9chantillon de broderie, en effet, a perdu son num\u00E9ro d'inventaire d'origine et il a \u00E9t\u00E9 r\u00E9inventori\u00E9 a posteriori sous le num\u00E9ro 18797.2 qui ne correspond \u00E0 aucune\u00A0entr\u00E9e du livre d'inventaire. On a seulement d\u00E9doubl\u00E9 le num\u00E9ro MT 18797 correspondant au projet gouach\u00E9 de la robe, acquis cette m\u00EAme ann\u00E9e 1866 de Paul Desq, fabricant de soieries lyonnais, avec dix-huit autres projets de robes (inv. MT 18794 \u00E0\u00A0MT 18812) de la main de Jean-Fran\u00E7ois Bony. Le mus\u00E9e des Tissus conserve par ailleurs plusieurs autres documents relatifs \u00E0 cette commande pour l'imp\u00E9ratrice Marie-Louise (inv. MT 2014.0.1, MT 2014.0.2, MT 2014.0.3 et MT 2014.0.4) pr\u00E9parant la\u00A0broderie.\nDu livre de patrons d'origine, le mus\u00E9e des Tissus a peut-\u00EAtre conserv\u00E9 une double page, elle aussi r\u00E9inventori\u00E9e a posteriori,\u00A0contenant un \u00E9chantillon de broderie d'argent et soie,\u00A0et, sur la page en regard, des indications \u00E0 l'encre comme le num\u00E9ro de patron\u00A0et\u00A0le nom du mod\u00E8le de\u00A0robe, intitul\u00E9\u00A0La Pr\u00EAtresse (inv. MT 35142). Le mus\u00E9e des Tissus conserve plusieurs documents manuscrits de Jean-Fran\u00E7ois Bony, et notamment un carnet de dessins qu'il a utilis\u00E9 entre 1802 et 1816 (inv. MT 27638). C'est bien son \u00E9criture qui figure sur la double page contenant l'\u00E9chantillon de La Pr\u00EAtresse.\nL'\u00E9chantillon de broderie pour robe de cour, ex\u00E9cut\u00E9 sur un fond de tulle de soie double, fond dentelle, \u00E0 mailles fixes, pr\u00E9sente, en partie inf\u00E9rieure, une rang\u00E9e de franges simul\u00E9es en broderie, provenant d'une suite de motifs en forme de gouttes. Au-dessus de cette bordure court un rinceau sinueux, form\u00E9 de palmes charg\u00E9es, le long de leur nervure m\u00E9diane, de fruits, et de touffes de feuilles dispos\u00E9es en \u00E9ventail autour d'un gros fruit central grenu. Entre la suite de gouttes et le rinceau, des motifs de zigzags occupent le fond, tandis que le reste de la robe \u00E9tait sem\u00E9 de petits motifs. La broderie est r\u00E9alis\u00E9e en lame m\u00E9tallique dor\u00E9e simples ou gaufr\u00E9es et en cannetille fris\u00E9e dor\u00E9e.\nLe dessin des touffes de feuilles courant en partie inf\u00E9rieure de la robe rappelle celui des broderies d'or figur\u00E9es sur le fond de satin blanc de l'imp\u00E9ratrice Marie-Louise sur le portrait \u00E0 la gouache sur ivoire peint en 1810 par Jean-Baptiste Isabey (1767-1855), conserv\u00E9 au Kunsthistorischesmuseum de Vienne (inv. Nr. SK_WS_XIV_149). On sait que les ateliers de Jean-Fran\u00E7ois Bony \u00E9taient particuli\u00E8rement r\u00E9put\u00E9s pour les broderies m\u00E9talliques. Les brodeurs lyonnais s'\u00E9taient fait\u00A0aussi une sp\u00E9cialit\u00E9, sous l'Empire, des broderies sur tulle de soie. La production du tulle\u00A0\u00E9tait une des nouvelles branches de l'industrie textile largement d\u00E9velopp\u00E9e \u00E0 Lyon au lendemain de la R\u00E9volution. \nLe m\u00E9canisme qui donna naissance au m\u00E9tier \u00E0 tulle \u00E9tait celui du m\u00E9tier \u00E0 bas, perfectionn\u00E9 par les Anglais au milieu du XVIIIe si\u00E8cle. En France, les recherches parall\u00E8les du parisien Joseph-Camille Sarrazin (1735-1794), associ\u00E9 \u00E0 Lyon aux fabricants Chaix, d'abord, puis Jolivet, et du lyonnais Ganton, associ\u00E9 \u00E0 Paris au fabricant de bas Philippe Germain, permirent le tissage de tricots de soie \u00E0 mailles fixes tellement arr\u00EAt\u00E9es que l'une pouvait s'\u00E9chapper sans que les autres se d\u00E9fassent, ainsi que la fabrication d'autres articles de bonneterie, et notamment l'\u00E9toffe fond dentelle, couramment appel\u00E9e \u00AB tulle. \u00BB En 1791, Jolivet, associ\u00E9 d\u00E9sormais avec Joseph-Marie Cochet, fabricant de tricot \u00E0 Lyon, d\u00E9posa \u00AB un brevet d'invention de quinze ans pour la fabrication de bas ond\u00E9s, brillants comme le satin, et d'un tricot-dentelle, \u00E0 mailles fixes, qu'on peut couper sans qu'il s'effile. \u00BB\u00A0Jolivet et Cochet\u00A0obtinrent, le 9 flor\u00E9al an VII (28 avril 1799), un arr\u00EAt\u00E9 du Directoire ex\u00E9cutif leur accordant un brevet de perfectionnement de quinze ans \u00AB pour des am\u00E9liorations apport\u00E9es dans la fabrication du tricot \u00E0 doubles mailles fixes\u00BB, et un certificat d'addition. Jusqu'en l'an VIII (1800), les fabricants ne firent pas publicit\u00E9 de leur brevet et plusieurs m\u00E9tiers \u00E0 tulle \u00E9taient en activit\u00E9 \u00E0 Lyon. Mais ils accus\u00E8rent soudain un autre fabricant, Antoine-Marie Derussy, l'inventeur des aiguilles pour la m\u00E9canique dont ils esp\u00E9raient jouir de mani\u00E8re exclusive, de fabriquer l'\u00E9toffe fond dentelle qu'ils pr\u00E9tendaient seuls avoir le droit de fabriquer et de d\u00E9biter. Ils cherch\u00E8rent \u00E0 le ruiner par une confiscation des m\u00E9tiers et des \u00E9toffes de son atelier, une amende et des dommage et int\u00E9r\u00EAts. Mais le proc\u00E8s tourna \u00E0 leur d\u00E9savantage puisqu'ils furent convaincus de s'\u00EAtre empar\u00E9s des recherches de Ganton, \u00E0 Paris, et il fut d\u00E9montr\u00E9 que Derussy fabriquait le tulle par d'autres moyens qu'eux. Leur brevet fut r\u00E9form\u00E9 et Jolivet et Cochet furent condamn\u00E9s \u00E0 verser des dommages et int\u00E9r\u00EAts \u00E0 Derussy.\nD\u00E8s l'an VIII, donc, le tulle ordinaire\u00A0pouvait \u00EAtre fabriqu\u00E9 librement sur les m\u00E9tiers de bas de la manufacture de Lyon, et le commerce et la vente de cette \u00E9toffe pouvaient \u00EAtre pratiqu\u00E9s sans emp\u00EAchement. En l'an IX, le fabricant Claude Bonnard, demeurant au 164, rue Touret, chercha \u00E0 imiter le tulle double, fond dentelle, nou\u00E9, des Anglais, et \u00E0 le surpasser. Plusieurs m\u00E9tiers de ses ateliers se trouvaient en activit\u00E9 lorsque le ministre de l'Int\u00E9rieur Jean-Antoine Chaptal accompagna Napol\u00E9on Bonaparte aux Comices de Lyon au mois de niv\u00F4se an X. Claude Bonnard soumit au ministre un M\u00E9moire, pr\u00E9sent\u00E9 au bureau des Arts et M\u00E9tiers de Lyon le 5 pluvi\u00F4se an X, dans lequel il d\u00E9taillait les avantages de son invention. Mais les \u00E9chantillons de tulle de Bonnard pr\u00E9sentaient le d\u00E9faut des mauvaises filatures et pour atteindre \u00E0 plus de finesse et de blancheur de la maille, il s'associa aux fr\u00E8res Gensoul, d'abord, \u00E0 Bagnols (Gard), puis aux\u00A0filatures Rocheblave, \u00E0 Alais (Gard) et Savin et Salle, \u00E0 Anduze (Gard), et enfin Jourdan, \u00E0 Ganges (H\u00E9rault). C'est \u00E0 Ganges \u00E9galement qu'il fit forger et fabriquer ses m\u00E9tiers \u00E0 bas pour obtenir le degr\u00E9 de finesse qu'il esp\u00E9rait.\u00A0\u00C0 aucun moment, Claude Bonnard n'avait song\u00E9 \u00E0 d\u00E9poser un brevet, car il souhaitait faire profiter l'industrie nationale de ses am\u00E9liorations et de ses d\u00E9couvertes.\nMais Jolivet et Cochet esp\u00E9raient recouvrir le privil\u00E8ge de la fabrication des tulles que leur conf\u00E9rait le brevet. Demander un brevet sous leur nom \u00E9tait impossible apr\u00E8s leurs d\u00E9boires. Ils convainquirent donc les fabricants Jourdan p\u00E8re et fils de se pr\u00E9senter comme les inventeurs de l'\u00E9toffe fond dentelle nou\u00E9, ainsi que des moyens d'ex\u00E9cution de Ganton, avec quelques changements. Le 27 messidor an X, la maison obtint un brevet d'invention, et par suite le privil\u00E8ge exclusif de fabriquer et de d\u00E9biter l'\u00E9toffe fond dentelle en soie, ou tulle, sans expliquer si elle \u00E9tait \u00E0 maille fixe ou \u00E0 maille nou\u00E9e. Le 10 prairial an X, ils obtenaient un brevet pour la fabrication des tulles mailles fixes, copi\u00E9s des anglais. Forts de ces deux brevets, ils cherch\u00E8rent \u00E0 pr\u00E9senter les autres fabricants de tulle comme des contrefacteurs.\nClaude Bonnard r\u00E9agit en adressant un rapport au ministre de l'Int\u00E9rieur Jean-Baptiste Nomp\u00E8re de Champagny. Il l'accompagna d'un acte de notori\u00E9t\u00E9, enregistr\u00E9\u00A0par le notaire Jean-Baptiste Masson le 26 avril 1806 et au Tribunal civil le 3 mai\u00A0suivant, sign\u00E9 par la plupart des marchands brodeurs de Lyon. Les autres fabricants de bas enregistr\u00E8rent \u00E9galement un acte de notori\u00E9t\u00E9 aupr\u00E8s de Masson le 28 avril de la m\u00EAme ann\u00E9e. Comme celui des marchands brodeurs, cet acte\u00A0affirmait que le tulle fond dentelle nou\u00E9 invent\u00E9 par Bonnard \u00E9tait fabriqu\u00E9 librement depuis six ans \u00E0 Lyon.\n\u00C0 l'Exposition des produits de l'industrie fran\u00E7aise, deux fabricants de tulle lyonnais ont \u00E9t\u00E9\u00A0distingu\u00E9s par le jury pour la section IV \u00AB Tulle et cr\u00EApe \u00BB : il s'agissait de Claude Bonnard et de ses rivaux, Jolivet, Cochet et Jourdan. \u00AB M. Bonnard. Il a pr\u00E9sent\u00E9 des tulles \u00E0 double n\u0153ud et \u00E0 maille fixe qui ne coule ni \u00E0 sec ni au blanchissage ; ils peuvent \u00EAtre lav\u00E9s sans se gonfler, et deviennent m\u00EAme plus beaux que du premier blanc. M. Bonnard peut faire dans le tissu des variations susceptibles de produire des dessins agr\u00E9ables : les qualit\u00E9s de son tulle tiennent aussi \u00E0 une perfection qu'il a introduite dans la pr\u00E9paration de la soie. Le jury lui d\u00E9cerne une m\u00E9daille d'argent de premi\u00E8re classe. \nLe jury arr\u00EAte de faire mention honorable de MM. Jolivet, Cochet et Jourdan qui ont expos\u00E9 du beau tulle \u00E0 double n\u0153ud. \u00BB\nLe 19 d\u00E9cembre 1806, Claude Bonnard obtint un brevet d'invention de quinze ans \u00AB pour des perfectionnements apport\u00E9s au m\u00E9tier \u00E0 bas, qui le rendent propre \u00E0 fabriquer le tulle uni et fa\u00E7onn\u00E9, dont la maille est nou\u00E9e comme dans le tulle anglais. \u00BB\nApr\u00E8s la r\u00E9compense \u00E0 l'Exposition des produits de l'industrie fran\u00E7aise de 1806, Claude Bonnard s'est appliqu\u00E9 \u00E0 perfectionner la qualit\u00E9 de ses tulles. Il participe \u00E0 l'Exposition suivante, en 1819. Le Rapport du jury central\u00A0souligne le r\u00F4le qu'il a jou\u00E9 dans le d\u00E9veloppement de l'industrie du tulle \u00E0 Lyon (p. 57-58)\u00A0: \u00AB Section IV. Cr\u00EApes et Tulles. \u00C0 l'\u00E9poque de l'exposition qui eut lieu en l'an 10 (1802), on ne fabriquait encore en France que du tulle \u00E0 mailles coulantes. M. Bonnard, de Lyon, exposa, en 1806, des tulles \u00E0 double n\u0153ud, \u00E0 mailles fixes, fabriqu\u00E9s sur un m\u00E9tier que lui-m\u00EAme avait imagin\u00E9 en perfectionnant le m\u00E9canisme du m\u00E9tier \u00E0 faire le tricot \u00E0 mailles fixes.\nOn a \u00E9t\u00E9 longtemps sans pouvoir \u00E9galer les tulles fabriqu\u00E9s \u00E0 l'\u00E9tranger, parce que le m\u00E9tier dont on vient de parler n'\u00E9tait pas connu, et parce qu'on n'avait pas la soie de Chine convenable sous le rapport de la blancheur, de la finesse et de l'\u00E9galit\u00E9 du brin. On doit au m\u00EAme artiste d'avoir surmont\u00E9 cette seconde difficult\u00E9, en perfectionnant la filature de la soie sina. Pour \u00EAtre employ\u00E9e \u00E0 la fabrication du tulle, cette soie n'a besoin que d'\u00EAtre mont\u00E9e ; M. Bonnard est parvenu \u00E0 lui donner cet appr\u00EAt par la m\u00EAme op\u00E9ration qui la tire du cocon. On a d\u00E9j\u00E0 eu occasion de dire jusqu'\u00E0 quel degr\u00E9 de finesse il est parvenu \u00E0 la filer. Ses travaux ont eu tout le succ\u00E8s qu'on pouvait d\u00E9sirer ; la fabrication du tulle est actuellement \u00E9tablie \u00E0 Lyon avec une grande sup\u00E9riorit\u00E9. La ville de Lyon et ses environs, dit le jury d\u00E9partemental, qui r\u00E9unissent plus de deux mille m\u00E9tiers de tulle en activit\u00E9, sont devenus le lieu presque exclusif de la fabrication de ce tissu, soit pour la perfection du travail, soit pour la modicit\u00E9 du prix. C'est pour avoir rendu ces services que M. Bonnard a \u00E9t\u00E9 pr\u00E9sent\u00E9, en vertu de l'ordonnance du 9 avril 1819, comme l'un des artistes qui ont le plus contribu\u00E9 aux prog\u00E8s de l'industrie. (...) MM. Bonnard p\u00E8re et fils, de Lyon. Leur fabrique fut distingu\u00E9e \u00E0 l'exposition de 1806, o\u00F9 elle obtint une m\u00E9daille d'argent. Elle a\u00A0pr\u00E9sent\u00E9, en 1819, des cr\u00EApes et des tulles. Ces tissus sont faits avec le plus grand art : le tulle a \u00E9t\u00E9 l'objet de l'admiration du public, par la r\u00E9gularit\u00E9 de ses mailles et par sa finesse presque a\u00E9rienne. Le jury se fait un devoir de d\u00E9clarer que la fabrique de MM. Bonnard p\u00E8re et fils est toujours tr\u00E8s digne de la m\u00E9daille d'argent qui lui fut d\u00E9cern\u00E9e en 1806.\u00A0\u00BB\u00A0Cette m\u00EAme ann\u00E9e\u00A01819, Nicolas Tissier, dans son Discours d'inauguration du cours de chimie de l'\u00C9cole royale des Beaux-Arts de Lyon, lu dans la salle de chimie le 1er mai 1819, suivi du Discours d'ouverture du cours de chimie, lu le 2 mai\u00A0m\u00EAme ann\u00E9e, publi\u00E9 \u00E0 Lyon (p. 86-89), r\u00E9sume ainsi l'introduction du tissage du tulle \u00E0 Lyon, ses d\u00E9veloppements rapides dans la ville et le r\u00F4le jou\u00E9 par Claude Bonnard\u00A0: \u00AB Le tulle est une dentelle fil ou soie qui n'est point recouverte d'entoilage ou de broderie et ne pr\u00E9sentant \u00E0 l'\u0153il que le filet pur et simple. Le tulle se fabriquant sur le m\u00E9tier \u00E0 bas nous vient d'Angleterre (English las [sic]), en fran\u00E7ais filoche ou filet, \u00E0 Lyon, filoche ou tulle de Lyon. Ce tulle n'est point nou\u00E9, mais simplement maill\u00E9, et la maille est susceptible de couler. M. Tholosan Amarante, introducteur des Ambassadeurs \u00E0 la Cour de France, envoy\u00E9 en mission en Angleterre, introduisit ce tulle en France, et Mgr. le duc\u00A0d'Orl\u00E9ans en fit d\u00E9poser des \u00E9chantillons dans son Conservatoire d'arts et m\u00E9tiers en 1787. Ce tissu fut ensuite ex\u00E9cut\u00E9 par un Lyonnais nomm\u00E9 Ganton, artiste tr\u00E8s distingu\u00E9 qui se trouvait alors \u00E0 Paris, et cette \u00E9toffe sortit de ses mains plus perfectionn\u00E9e (celle d'Angleterre \u00E9tait alors tr\u00E8s grossi\u00E8re). Le prince r\u00E9compensa M. Ganton, et cette nouveaut\u00E9 fut rendue publique. Cependant, personne n'appr\u00E9ciant ce genre, ne songeait \u00E0 en tirer parti. Une visite que fit au Conservatoire du Duc, M. Jolivet, marchand bonnetier de Lyon, tira cet art de l'oubli ; muni des plans et des mod\u00E8les n\u00E9cessaires pour la r\u00E9ussite qui fut compl\u00E8te, il prit fort adroitement en 1791 un brevet d'invention qui lui fut, en l'an 7, contest\u00E9 par M. Joseph Derussy ; le brevet fut annul\u00E9. Depuis cette \u00E9poque, cette esp\u00E8ce de tulle s'est tellement naturalis\u00E9e dans notre ville, et l'industrie lyonnaise a \u00E9t\u00E9 pouss\u00E9e si loin, qu'aucune ville de France, ni m\u00EAme de l'Europe, n'a pu entrer en concurrence avec elle. Le premier tulle qui s'est fait \u00E0 Lyon a \u00E9t\u00E9 vendu 80 francs l'aune quarr\u00E9e ; mais la fabrication une fois r\u00E9pandue a trouv\u00E9 tant de facilit\u00E9 qu'un ouvrier qui, dans les premiers temps, ne pouvait faire qu'une demi-aune par jour, est parvenu \u00E0 en achever trois aunes. Le prix actuel est de trois francs et au-dessous. Depuis son importation, cette branche d'industrie a procur\u00E9 \u00E0 des familles des fortunes consid\u00E9rables, et aucun article n'a tant valu \u00E0 Lyon. Il est actuellement en souffrance. Pendant que nous ne faisions que du tulle \u00E0 maille coulante, les anglais fabriquaient le tulle \u00E0 maille fixe ou nou\u00E9e ; on le crut d'abord le m\u00EAme ; mais en l'an 7, Mme Granger arrivant de Londres avait apport\u00E9 un voile de tulle anglais qu'elle e\u00FBt la complaisance de pr\u00EAter \u00E0 M.\u00A0Bonnard, pour l'examiner ; cet artiste exerc\u00E9 reconnut bient\u00F4t la diff\u00E9rence, s'aida des instruments d'optique pour d\u00E9couvrir l'entrelacement du n\u0153ud et mettant sur le champ la main \u00E0 l'\u0153uvre, le 5 pluvi\u00F4se an 10, il pr\u00E9senta au ministre de l'int\u00E9rieur la premi\u00E8re pi\u00E8ce de tulle nou\u00E9 qui \u00E9tait faite en France ; et constamment occup\u00E9 de son perfectionnement jusqu'\u00E0 ce jour, il vient de pousser la fabrication\u00A0de cette \u00E9toffe \u00E0 un tel degr\u00E9 de finesse que personne ne peut le surpasser. C'est ce qu'on certifi\u00E9 le jury central de France, et la r\u00E9compense du Gouvernement. Bien plus, la finesse de ce m\u00EAme tulle faisait douter de la possibilit\u00E9 de supporter la broderie ; un dessin \u00E0 l'aiguille sur ce tissu, expos\u00E9 \u00E0 la Chambre de Commerce de Lyon, l\u00E8ve tous les doutes. Le nombre des m\u00E9tiers de tulle a \u00E9t\u00E9 port\u00E9 \u00E0 huit mille, et ils occupent trente mille individus, tant pour la pr\u00E9paration des mati\u00E8res premi\u00E8res, que pour la fabrication, broderie et autres accessoires.\u00A0\u00BB\nParall\u00E8lement au d\u00E9veloppement de l'industrie du tulle \u00E0 Lyon, on assiste \u00E0 la renaissance des ateliers de broderie dans la ville. L'activit\u00E9 des brodeurs avait \u00E9t\u00E9 particuli\u00E8rement \u00E9prouv\u00E9e par la R\u00E9volution fran\u00E7aise, et elle avait presque enti\u00E8rement disparue avec le Si\u00E8ge de la ville en 1793. Encourag\u00E9e par la Chambre de Commerce de Lyon et par le gouvernement, cette activit\u00E9\u00A0conna\u00EEt un\u00A0renouveau consid\u00E9rable \u00E0 partir de 1800. L'Indicateur de Lyon, en 1810, mentionne pr\u00E8s de cinquante marchands brodeurs\u00A0dans la ville. Parmi les maisons les plus c\u00E9l\u00E8bres figurent Placy et Cie. Le mus\u00E9e des Tissus conserve un livre de patrons de\u00A0cette maison (inv. MT 2015.0.1), ainsi que des \u00E9chantillons de broderie, l'un pour une robe ex\u00E9cut\u00E9e pour l'imp\u00E9ratrice de Russie Marie Feodorovna en 1801 (inv. MT 20852), et l'autre, pour bas d'une robe brod\u00E9e pour la cour, r\u00E9alis\u00E9e en 1807 (MT 20853). L'atelier de Jean-Fran\u00E7ois Bony est aussi\u00A0l'un des plus r\u00E9put\u00E9. \u00C0 l'Exposition des produits de l'industrie fran\u00E7aise\u00A0de 1806, il obtient une m\u00E9daille d'argent de seconde classe pour \u00AB des broderies remarquables par leur beaut\u00E9 \u00BB, tandis qu'une autre Lyonnaise, la veuve Vitte, re\u00E7oit la m\u00EAme distinction\u00A0pour avoir\u00A0\u00AB imagin\u00E9 un nouveau point de broderie propre \u00E0 donner plus de correction \u00E0 ce genre de travail. \u00BB\nJean-Fran\u00E7ois Bony ex\u00E9cute plusieurs robes de cour pour l'imp\u00E9ratrice et son entourage, comme en t\u00E9moigne, par exemple, le projet d'une robe brod\u00E9e pour Caroline Murat contenu au folio 11\u00A0du carnet de dessins conserv\u00E9 au mus\u00E9e des Tissus (inv. MT 27638). Apr\u00E8s 1814, il est toujours sollicit\u00E9 par le nouveau gouvernement. \u00C0 l'occasion de la r\u00E9ception \u00E0 Lyon de la duchesse d'Angoul\u00EAme, Jean-Fran\u00E7ois Bony est honor\u00E9 par Madame Royale d'une visite \u00E0 son atelier. Il s'engage \u00E0 lui remettre dans un d\u00E9lai de six semaines \u00AB une robe de cour \u00E0 grande queue sur une belle Levantine rose brod\u00E9e argent sur le dessin compos\u00E9 de fleurs naturelles li\u00E9es par des ornements recherch\u00E9s \u00BB et \u00AB une robe ronde sur tulle ray\u00E9 dont le dessin sera compos\u00E9 de roses, de renoncules et autres fleurs ex\u00E9cut\u00E9es dans les couleurs naturelles en soie unie, le fond de la robe sera \u00E0 colonnes et petits bouquets brod\u00E9s argent fin ; au bas de la robe sera un falbala brod\u00E9 aussi en argent. Prix convenu : 3000 francs. \u00BB\nLors du s\u00E9jour \u00E0 Lyon, en 1816, de Marie-Caroline de Bourbon-Siciles, \u00E0 l'occasion de son mariage avec Charles-Ferdinand d'Artois, duc de Berry, Jean-Fran\u00E7ois Bony est encore sollicit\u00E9 puisqu'il r\u00E9alise une \u00AB robe longue sur satin blanc, brod\u00E9e richement en or fin \u00BB, tandis que la maison Placy et Cie ex\u00E9cute deux robes qui sont remises \u00E0 la duchesse avec la corbeille offerte par la Chambre de Commerce de la ville. La premi\u00E8re est une \u00AB robe tulle, mailles fixes ; le fond de la robe glac\u00E9 argent fin, la bordure form\u00E9e d'une guirlande de roses, brod\u00E9es soie avec feuillage ; au-dessous de la guirlande, une broderie en argent mate, le bas de la robe termin\u00E9 par une frange nuanc\u00E9e, la ceinture assortie \u00E0 la robe, la doublure est en satin blanc \u00BB ; la seconde, \u00AB une robe tulle, mailles fixes, brod\u00E9e soie blanche, le dessin compos\u00E9 d'une plante de muguet et de petites cloches, le fond de la robe \u00E0 colonnes se r\u00E9unissant dans le haut, compos\u00E9 d'un courant de cloches se liant dans le bas \u00E0 la plante de muguet. \u00BB La duchesse de Berry, invit\u00E9e \u00E0 assister \u00E0 un spectacle le soir m\u00EAme au Grand-Th\u00E9\u00E2tre, choisit la premi\u00E8re des deux robes de Placy pour para\u00EEtre en public.\nLes brodeurs ont exploit\u00E9 toutes les possibilit\u00E9s offertes par le tulle \u00E0 maille fixe produit \u00E0 Lyon. Il a ainsi \u00E9t\u00E9 employ\u00E9 d\u00E9coup\u00E9 et appliqu\u00E9 en volants sur des manteaux de cour dans le go\u00FBt du r\u00E8gne de Louis XVI (inv. MT 48994), appliqu\u00E9 en trompe-l'\u0153il dans des compositions en soie nuanc\u00E9e (inv. MT 20852) ou en\u00A0\u00E9toffe de fond, supportant un d\u00E9licat d\u00E9cor brod\u00E9 ton sur ton, en soie nuanc\u00E9e, en or ou en argent.\u00A0\nL'\u00E9chantillon de tulle orn\u00E9 de broderie\u00A0or t\u00E9moigne de l'incroyable vitalit\u00E9 des industries textiles \u00E0 Lyon, sous l'Empire. On conna\u00EEt mieux la production des \u00E9toffes fa\u00E7onn\u00E9es pour l'ameublement ou l'habillement. Mais la production textile \u00E9tait bien plus diversifi\u00E9e dans la ville, comme le rappelle la Chambre de Commerce de Lyon au ministre de l'Int\u00E9rieur, dans une lettre dat\u00E9e du 16 avril 1805 : \u00AB On distingue quatre branches principales dans la division que l'on peut faire de nos manufactures diverses : la premi\u00E8re et la plus essentielle comprend nos fabriques en \u00E9toffes de soie ; la seconde se compose du tirage et traite des mati\u00E8res d'or et d'argent, de la guimperie par les proc\u00E9d\u00E9s de laquelle on fait de ces mati\u00E8res des fil\u00E9s, de la passementerie qui emploie ces fil\u00E9s dans les galons et \u00E0 laquelle appartient encore la rubannerie ; la troisi\u00E8me est la chapellerie ; la quatri\u00E8me, la fabrication des bas et gants de soie en bonneterie et la fabrication des filoches [ou tulles]. \u00BB\nMaximilien Durand"@fr . .