"La porti\u00E8re en lampas, fond satin blanc, broch\u00E9 d'un berceau de feuillages, de fleurs et de guirlandes a \u00E9t\u00E9 acquise aux fabricants Louis Chatel et Vincent Tassinari, successeurs de Grand fr\u00E8res, eux-m\u00EAmes successeurs de Camille Pernon, avec un ensemble de soieries Consulat, Empire, Louis XVIII, Charles X et Louis-Philippe correspondant aux grandes commandes imp\u00E9riales et royales pass\u00E9es \u00E0 la maison\u00A0(inv. MT 24796 \u00E0 MT 24835). Il s'agit assur\u00E9ment d'une pi\u00E8ce de grande qualit\u00E9, mais le bordereau de vente, qui pr\u00E9cise syst\u00E9matiquement la destination des \u00E9toffes acquises \u00E0 cette occasion, ne donne aucune indication sur le commanditaire de la porti\u00E8re ou la demeure o\u00F9 elle devait prendre place. Elle n'appara\u00EEt pas non plus dans le Livre des patrons ou\u00A0le Livre des commissions de la maison Grand fr\u00E8res, conserv\u00E9s dans les archives de la maison Tassinari et Chatel. \nEx\u00E9cut\u00E9e sous la Monarchie de Juillet,\u00A0la porti\u00E8re s'inscrit cependant parfaitement dans la production\u00A0de la maison Grand fr\u00E8res\u00A0au cours des d\u00E9cennies 1830 et 1840, durant lesquelles\u00A0les fabricants ont\u00A0produit beaucoup d'\u00E9toffes fa\u00E7onn\u00E9es \u00E0 d\u00E9cor inspir\u00E9 par le pass\u00E9, dans le \u00AB go\u00FBt du Moyen \u00C2ge\u00A0\u00BB ou \u00AB de la Renaissance \u00BB, \u00AB \u00E0 dessin Louis XIV \u00BB ou \u00AB genre Pompadour.\u00A0\u00BB\u00A0Le dessin de la porti\u00E8re reprend celui d'un\u00A0meuble command\u00E9 en novembre 1785 \u00E0 Camille Pernon (1753-1808) pour le Salon des Jeux de la Reine \u00E0 Compi\u00E8gne, confectionn\u00E9 par Claude-Fran\u00E7ois Capin, tapissier ordinaire du Roi, en 1787, et d\u00E9crit dans l'inventaire de Compi\u00E8gne de 1791 comme un\u00A0\u00AB gros de Tours chin\u00E9, dessein \u00E0 berceau et arbres en verdure aux pieds desquels sont des plans de roses tr\u00E9mi\u00E8res, la bordure dessein de roses idem guilloch\u00E9e et feuillage avec ruban couleur d'or \u00BB (Paris, Mobilier national, inv. GMMP 495).\nOn retrouve sur la porti\u00E8re les massifs de roses tr\u00E9mi\u00E8res qui s'appuient contre le tronc d'arbres touffus, dont la frondaison forme des berceaux auxquels sont suspendues des guirlandes de fleurs en festons. Cependant, le meuble original \u00E9tait un gros de Tours chin\u00E9, tandis que sa r\u00E9interpr\u00E9tation est un lampas, fond satin, broch\u00E9 \u00E0 plusieurs lats li\u00E9s en taffetas. Le dessin a subi quelques modifications, m\u00EAme si la composition g\u00E9n\u00E9rale reste inchang\u00E9e.\nLa qualit\u00E9 du tissage et la r\u00E9f\u00E9rence \u00E0 Marie-Antoinette ont parfois laiss\u00E9 penser que la porti\u00E8re avait \u00E9t\u00E9 ex\u00E9cut\u00E9e pour un salon de la reine Marie-Am\u00E9lie au ch\u00E2teau des Tuileries. Rien dans les archives de la maison Grand fr\u00E8res ne permet cependant de l'affirmer, et l'inventaire dress\u00E9 au moment de l'acquisition ne mentionne pas la souveraine. Il est certain que la couleur blanche du fond \u00E9tait l'apanage des pi\u00E8ces de repr\u00E9sentation f\u00E9minine sous la Restauration et la Monarchie de Juillet. Quelques ann\u00E9es avant la r\u00E9alisation de la porti\u00E8re, la maison Grand fr\u00E8res avait tiss\u00E9 une tenture \u00E0 semis de fleurs et de rosaces sur fond blanc pour la Chambre de Madame Royale, duchesse d'Angoul\u00EAme, au ch\u00E2teau des Tuileries (inv. MT 24828). Le mus\u00E9e des Tissus conserve \u00E9galement les \u00E9toffes pour tenture (inv. MT 41133), pour draperies et cantonni\u00E8res (inv. MT 24831), dossier (inv. MT 24832.1) et fond de si\u00E8ge (inv. MT 24832.2), bordure sept pouces (inv. MT 26994) et bordure pour draperies (inv. MT 24314.6) command\u00E9es \u00E0 la maison Grand fr\u00E8res pour la Chambre de Marie-Am\u00E9lie au ch\u00E2teau des Tuileries. La reine avait choisi express\u00E9ment le fond blanc de ce meuble en gros de Naples broch\u00E9 or et soie nuanc\u00E9es. Ces \u00E9toffes, ainsi que la tenture command\u00E9e en 1827 pour le Grand Salon de l'H\u00F4tel de Ville de Lyon (inv. MT 24830) avaient valu au fabricant de flatteuses citations de la part du jury de l'Exposition des produits de l'industrie fran\u00E7aise de 1834, apr\u00E8s la m\u00E9daille d'or de 1819, confirm\u00E9e en 1823, la maison s'\u00E9tant, en effet, \u00AB presque mis dans l'impossibilit\u00E9 de se surpasser elle-m\u00EAme. \u00BB Cependant, elle fut mise hors concours \u00E0 cette Exposition de 1834 car elle n'avait pas souscrit \u00E0 temps \u00E0 l'examen du jury d\u00E9partemental.\nLa porti\u00E8re, tiss\u00E9e d'apr\u00E8s le meuble en gros de Tours chin\u00E9 de Camille Pernon, confirme\u00A0l'exceptionnelle qualit\u00E9 de la maison Grand fr\u00E8res sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, qui domine le genre des \u00E9toffes riches, sinon sa capacit\u00E9 de renouvellement\u00A0dans le d\u00E9cor des soieries. Notons cependant que la r\u00E9interpr\u00E9tation d'une commande royale, \u00E0 cette date, dans une technique\u00A0totalement diff\u00E9rente de celle de l'originale, est un cas assez\u00A0remarquable.\nMaximilien Durand"@fr . . . .