"La forme semi-circulaire du v\u00EAtement, l\u00E9g\u00E8rement elliptique, d\u00E9signe une sorte de voile que les inventaires des \u00E9glises nomment g\u00E9n\u00E9ralement \u00AB manteau \u00BB : pos\u00E9 sur la t\u00EAte, maintenu par une couronne, il s\u2019\u00E9carte de part et d\u2019autre du corps pour r\u00E9v\u00E9ler la statue, retombant en tra\u00EEne \u00E0 l\u2019arri\u00E8re comme on le voit sur l\u2019effigie de Nossa Senhora da Oliveira \u00E0 Guimar\u00E3es, au Portugal. \nSur un fond compos\u00E9 de quatre l\u00E9s de taffetas ivoire se d\u00E9ploie un r\u00E9seau de l\u00E9gers rinceaux et de ferronneries d\u2019o\u00F9 jaillissent des fleurs. Des papillons volettent dans ce d\u00E9cor. La composition s\u2019\u00E9panouit autour d\u2019un axe central, et deux cornes d\u2019abondance occupent les angles. Les broderies en soies polychromes rendent au naturel les diff\u00E9rentes fleurs, notamment gr\u00E2ce \u00E0 la combinaison du point de tige, du point fendu, du point de n\u0153ud et, plus particuli\u00E8rement, du pass\u00E9 empi\u00E9tant selon la technique dite \u00AB de la peinture \u00E0 l\u2019aiguille \u00BB. Des fil\u00E9s, des fris\u00E9s et des lames m\u00E9talliques d\u2019argent dor\u00E9, brod\u00E9s en couchure simple deux fils, en couchure sur fond de corde et en couchure sur fond de carton, rehaussent les soies color\u00E9es. La doublure en taffetas saumon est compos\u00E9e de plusieurs l\u00E9s. Ses bords repli\u00E9s reviennent sur les bords du manteau, soulign\u00E9s par une dentelle aux fuseaux \u2013 point de grille, point de toile et d\u00E9riv\u00E9s \u2013 de fil\u00E9s, de fris\u00E9s et de lames d\u2019argent dor\u00E9. \nUn exemplaire comparable par sa forme et son d\u00E9cor est conserv\u00E9 \u00E0 la basilique de la Beata Vergine de Tirano, dans la province de Sondrio, en Italie. Il fut offert en 1746 \u00E0 la statue miraculeuse de la Vierge, comme l\u2019indique une inscription d\u00E9dicatoire, par Francesco Saverio Castelli di San Nazaro, chancelier du gouverneur de la Valteline. Dans ce m\u00EAme sanctuaire sont \u00E9galement conserv\u00E9s un devant d\u2019autel en soie \u00E9crue aux motifs de treillages, d\u2019arabesques et de guirlandes florales, brod\u00E9s de soies color\u00E9es, d\u2019argent et d\u2019or, attribuable aux ann\u00E9es 1770-1780, et un pluvial du dernier quart du XVIIIe si\u00E8cle sur lequel, en plus des ferronneries, des rinceaux et des fleurs, s\u2019enl\u00E8vent deux cornes d\u2019abondance et des papillons similaires \u00E0 ceux brod\u00E9s sur le manteau du mus\u00E9e des Tissus. Une autre chasuble, dans l\u2019\u00E9glise Sant\u2019Antonio de Pravisdomini, dans la province de Pordenone, offre un parall\u00E8le int\u00E9ressant pour la disposition des rinceaux, des treillages et des fleurs. Enfin, les cornes d\u2019abondance apparaissent encore sur une chasuble \u00E0 l\u2019ornementation tr\u00E8s comparable, produite en Italie vers 1750 mais faisant partie du tr\u00E9sor de la cath\u00E9drale Sankt Bartholom\u00E4us de Francfort, et sur une chasuble du mus\u00E9e des Tissus (inv. MT 28603). Comme ces derni\u00E8res ou les ornements de la basilique de Tirano, le manteau a \u00E9t\u00E9 r\u00E9alis\u00E9 dans un atelier de premier ordre, de Lombardie ou du Pi\u00E9mont, qui a su associer les motifs du r\u00E9pertoire rocaille, emprunt\u00E9s aux mod\u00E8les fran\u00E7ais, et les repr\u00E9sentations naturalistes de fleurs, en vogue depuis le d\u00E9but du XVIIe si\u00E8cle. \nCe go\u00FBt pour les motifs floraux est li\u00E9 \u00E0 la cr\u00E9ation de nombreux jardins botaniques en Europe et \u00E0 la circulation de floril\u00E8ges grav\u00E9s fran\u00E7ais, allemands ou hollandais, comme ceux de Jean-Th\u00E9odore de Bry, d\u2019Emmanuel Sweerts, de Crispin de Passe ou de Matthias Merian. Ils inspir\u00E8rent \u00E9videmment les peintres de natures mortes. Les brodeurs les utilis\u00E8rent \u00E9galement pour r\u00E9aliser leurs compositions qui connaissent un grand succ\u00E8s au XVIIIe si\u00E8cle, en particulier sur les textiles destin\u00E9s \u00E0 l\u2019\u00E9glise. Dans l\u2019Italie des ann\u00E9es 1730-1770, elles envahissent les ornements liturgiques. Elles pars\u00E8ment ou tapissent aussi l\u00E9gitimement les garde-robes des statues miraculeuses. Ainsi, les v\u00EAtements de la Madonna dei Papalini, par exemple, dans la basilique Santi Vincenzo e Caterina de\u2019Ricci de Prato sont-ils enti\u00E8rement brod\u00E9s de fleurs en guirlandes ou en bouquets ; c\u2019est aussi le cas sur les v\u00EAtements de la statue de la Madone du Rosaire, dat\u00E9s de 1743 et conserv\u00E9s au Museo d\u2019Arte religiosa \u00AB P. A. Mozzetti \u00BB d\u2019Oleggio, dans la province de Novare, ou sur ceux d\u2019une autre Madone du Rosaire et de Notre-Dame-du-Mont-Carmel, au mus\u00E9e de la basilique de Gandino, dat\u00E9s des ann\u00E9es 1735 \u00E0 1766.\nMaximilien Durand"@fr . . . .