. . . . . "Fukusa orn\u00E9 d'un troupeau de daims rassembl\u00E9s au pied d'un arbre noueux"@fr . . . . . "Les Expositions universelles et internationales, organis\u00E9es \u00E0 partir de la seconde moiti\u00E9 du XIXe si\u00E8cle, sont l\u2019occasion pour les diff\u00E9rents pays du monde d\u2019exhiber leurs derni\u00E8res avanc\u00E9es techniques et artistiques. De la diversit\u00E9 des richesses pr\u00E9sent\u00E9es na\u00EEt une \u00E9mulation qui encourage le progr\u00E8s et le perfectionnement des productions des diverses nations. La ville de Lyon profite en particulier de ces \u00E9v\u00E9nements pour exposer ses soieries et s\u2019informer des tendances \u00E0 venir mais aussi pour mesurer la concurrence internationale. Afin de permettre aux soyeux lyonnais de maintenir le niveau d\u2019excellence de la Fabrique, la Chambre de Commerce de Lyon enrichit les collections du mus\u00E9e d\u2019Art et d\u2019Industrie en achetant des \u0153uvres particuli\u00E8rement populaires et innovantes qui pourront servir de mod\u00E8le ou de source d\u2019inspiration.\nL\u2019ann\u00E9e 1873 voit na\u00EEtre, au cours de l\u2019Exposition universelle de Vienne, l\u2019engouement pour les tissus japonais. Cet enthousiasme n\u2019a pas tari en 1889 ; ainsi, lors de l\u2019Exposition de Paris, la Chambre acquiert une collection de textiles remarquables aupr\u00E8s de la Commission imp\u00E9riale du Japon (MT 25031 \u00E0 MT 25036). La pi\u00E8ce dont il est question ici ne provient pas de cet achat, mais elle a n\u00E9anmoins figur\u00E9 parmi les \u0153uvres pr\u00E9sent\u00E9es \u00E0 Paris. C\u2019est un don de l\u2019entrepreneur Iida Shinshichi qui, lors de son passage \u00E0 Lyon, a souhait\u00E9 offrir au mus\u00E9e d\u2019Art et d\u2019Industrie ce fukusa provenant de son magasin. Iida Shinshichi, premier du nom, est le fondateur d\u2019une lign\u00E9e d\u2019industriels li\u00E9s au magasin Takashimaya (toujours connu de nos jours au Japon, c\u2019est aujourd\u2019hui une grande cha\u00EEne) qu\u2019il cr\u00E9e en 1831. Ce magasin est important dans l\u2019histoire des \u00E9changes culturels franco-japonais : gr\u00E2ce \u00E0 lui, de nombreux \u00E9l\u00E9ments de la mode fran\u00E7aise ont \u00E9t\u00E9 introduits au Japon au cours du XIXe si\u00E8cle. On y trouve, \u00E0 sa cr\u00E9ation, des \u00E9toffes dont la plupart sont faites de coton. C\u2019est \u00E0 partir de l\u2019\u00E8re Meiji (1868-1912) que le magasin diversifie ses produits et propose, p\u00EAle-m\u00EAle, des tissus et broderies de toutes sortes. L\u2019entreprise conna\u00EEtra un grand succ\u00E8s \u00E0 partir de 1876 quand les \u00E9trangers de la concession de K\u014Dbe s\u2019int\u00E9resseront \u00E0 ses fukusa. Tr\u00E8s vite, leur nombre diminue et les stocks s\u2019amenuisent ; c\u2019est alors qu\u2019Iida d\u00E9cide d\u2019en produire uniquement \u00E0 destination d\u2019\u00E9trangers. Cette initiative est couronn\u00E9e de succ\u00E8s, \u00E0 tel point qu\u2019un d\u00E9partement d\u2019import-export interne \u00E0 l\u2019entreprise est cr\u00E9\u00E9 en 1887. S\u2019ensuit, en 1893, la construction d\u2019une usine de broderie qui permet de r\u00E9pondre \u00E0 la forte demande des Occidentaux. Afin de d\u00E9velopper le commerce ext\u00E9rieur de l\u2019entreprise, le cinqui\u00E8me fils de la fratrie, Iida Tasabur\u014D, est envoy\u00E9 \u00E0 Lyon pour y fonder une filiale. C\u2019est la premi\u00E8re firme textile de Ky\u014Dto \u00E0 pratiquer ainsi l\u2019exportation directe de sa production. Les activit\u00E9s du magasin ne se limitent cependant pas \u00E0 l\u2019exportation de fukusa. Takashimaya jouit d\u2019une excellente r\u00E9putation au Japon, \u00E0 tel point que la famille imp\u00E9riale lui adresse des commandes pour d\u00E9corer le palais de l\u2019Empereur. Ce n\u2019est donc pas un hasard si le magasin figure parmi les exposants repr\u00E9sentant le Japon lors des Expositions universelles : la qualit\u00E9 de ses productions contribue \u00E0 l\u2019aura dont b\u00E9n\u00E9ficient \u00E0 l\u2019\u00E9poque les textiles japonais. \nC\u2019est Iida Shinshichi IV, apr\u00E8s sa prise de fonction en 1888 suite \u00E0 la retraite de son fr\u00E8re a\u00EEn\u00E9, qui coordonne la participation du magasin Takashimaya lors de l\u2019Exposition de Paris en 1889. C\u2019est aussi pour lui l\u2019occasion de voyager en Occident : l\u2019Exposition finie, il parcourt l\u2019Europe et les \u00C9tats-Unis sept mois durant afin de conna\u00EEtre le mode de fonctionnement des centres de production. Son s\u00E9jour \u00E0 Lyon est, \u00E0 n\u2019en pas douter, motiv\u00E9 par la volont\u00E9 d\u2019observer la Fabrique de soieries la plus r\u00E9put\u00E9e du monde. \u00C0 cette occasion, il offre au mus\u00E9e d\u2019Art et d\u2019Industrie ce fukusa o\u00F9 figure une harde de daims au pied d\u2019un pin noueux. Cette repr\u00E9sentation plut\u00F4t triviale sugg\u00E8re la douceur de la vie de famille : le m\u00E2le fait face au spectateur, dans une attitude calme mais alerte. Derri\u00E8re lui, deux membres de la harde broutent paisiblement les bourgeons d\u2019une branche. Enfin, \u00E0 l\u2019arri\u00E8re-plan, la daine allong\u00E9e prot\u00E8ge son faon. Si ce sont des motifs traditionnels que l\u2019on retrouve dans les textiles japonais, ils ne sont pas investis ici de leur signification symbolique (la long\u00E9vit\u00E9 associ\u00E9e au pin et la m\u00E9lancolie qu\u2019inspire le brame du daim en automne) : ce fukusa a \u00E9t\u00E9 cr\u00E9\u00E9 \u00E0 des fins purement ornementales. En cela, il est repr\u00E9sentatif du changement de nature de ces \u00E9toffes : d\u2019objets traditionnels utilis\u00E9s lors de la c\u00E9r\u00E9monie du cadeau, elles deviennent une d\u00E9monstration de la virtuosit\u00E9 d\u2019un brodeur, d\u2019un dessinateur ou d\u2019un teinturier. \nLe g\u00E9nie d\u2019Iida Shinshichi III, dans sa volont\u00E9 de cr\u00E9er des textiles d\u00E9coratifs pour Occidentaux, est d\u2019avoir su s\u2019adapter au go\u00FBt europ\u00E9en. Sous sa direction, la firme Takashimaya s\u2019est lanc\u00E9e dans la production de textiles de grand format qui s\u2019adaptent aux int\u00E9rieurs de leur nouvelle client\u00E8le \u2013 elle pr\u00E9sentera, lors des Expositions, des tentures, des rideaux, des couvre-lits, etc. Le succ\u00E8s du magasin, qui n\u2019abandonne pas pour autant les textiles traditionnels, s\u2019observe \u00E9galement \u00E0 l\u2019int\u00E9rieur du pays : dans les ann\u00E9es 1880, tant les notables que les pr\u00E9fectures ou les temples lui adressent des commandes. Iida tient particuli\u00E8rement \u00E0 faire de son magasin un pionner de la cr\u00E9ation de textiles artistiques et participe activement aux expositions internes de T\u014Dky\u014D et du Kansai qui visent \u00E0 stimuler cette production. Dans cette m\u00EAme perspective, l\u2019entrepreneur demande \u00E0 des artistes prestigieux de Ky\u014Dto de d\u00E9corer ses produits, une id\u00E9e alors in\u00E9dite au Japon inspir\u00E9e des pratiques occidentales. C\u2019est pourquoi ce fukusa est sign\u00E9 par Kishi Chikud\u014D (1826-1897). \nCet artiste est, \u00E0 l\u2019origine, un \u00E9l\u00E8ve de l\u2019\u00E9cole Kan\u014D. Cr\u00E9\u00E9e au XVe si\u00E8cle, elle forme les peintres japonais en s\u2019inspirant des ma\u00EEtres chinois. Elle pla\u00EEt particuli\u00E8rement aux \u00E9lites du pouvoir et s\u2019impose peu \u00E0 peu comme la peinture officielle du Japon. Son enseignement se fonde sur l\u2019imitation des vieux ma\u00EEtres et de leurs \u0153uvres. Avec le temps, le dogmatisme et l\u2019orthodoxie de cette \u00E9cole sont devenus insupportables pour un grand nombre d\u2019artistes. Peu satisfait des possibilit\u00E9s esth\u00E9tiques que cet enseignement lui permet, Chikud\u014D d\u00E9laisse l\u2019\u00E9cole Kan\u014D pour la tutelle de Kishi Renzan, ma\u00EEtre de l\u2019\u00E9cole du m\u00EAme nom, \u00E0 qui son \u00E9l\u00E8ve succ\u00E9dera. L\u2019\u00E9cole Kishi se distingue par sa ma\u00EEtrise des repr\u00E9sentations animali\u00E8res : un soin particulier est donn\u00E9 \u00E0 la peinture de leur fourrure et de leur corps. Un autre trait caract\u00E9ristique de son esth\u00E9tique est l\u2019absence de contour (tsuketate) des figures repr\u00E9sent\u00E9es. La technique de pr\u00E9dilection de ses artistes est l\u2019application directe sur le support d\u2019un pinceau effil\u00E9 et mouill\u00E9. La particularit\u00E9 de Kishi Chikud\u014D, au sein de cette \u00E9cole, est l\u2019importance primordiale qu\u2019il donne au shasei (croquis d\u2019apr\u00E8s nature), contrairement aux autres artistes traditionnels qui se consacrent \u00E0 des repr\u00E9sentations stylis\u00E9es ancr\u00E9es dans la tradition. Un autre fukusa du mus\u00E9e des Tissus provenant de la collection d\u2019Edmond de Goncourt (MT 26028) porte la signature de ce peintre ; il repr\u00E9sente une all\u00E9gorie similaire o\u00F9 les daims sont remplac\u00E9s par des gallinac\u00E9s. \nQuand Iida Shinshichi III le recrute, en 1882, Kishi Chikud\u014D est un artiste tr\u00E8s r\u00E9put\u00E9 : il participe alors \u00E0 la d\u00E9coration du palais imp\u00E9rial et est consid\u00E9r\u00E9, avec Mori Kansai et K\u014Dno Bairei, comme le meilleur peintre de Ky\u014Dto. C\u2019est probablement le premier des grands artistes de cette ville \u00E0 se lancer dans le dessin textile. Il en produira pour deux firmes : le magasin Takashimaya et la maison Chis\u014D. Celle-ci est notamment sp\u00E9cialis\u00E9e dans les textiles d\u00E9cor\u00E9s en y\u016Bzen, m\u00E9thode traditionnelle et \u00E9labor\u00E9e de teinture en r\u00E9serve en employant de la p\u00E2te de riz. C\u2019est par cette m\u00E9thode que le corps des daims a \u00E9t\u00E9 dessin\u00E9 ici, ce qui laisse supposer que ce fukusa est une commande du magasin Takashimaya \u00E0 la maison Chis\u014D. C\u2019est d\u2019ailleurs le cas d\u2019un grand nombre de velours similaires, teints par la m\u00E9thode y\u016Bzen et dessin\u00E9s par des artistes, que le magasin expose ; tr\u00E8s populaires \u00E0 l\u2019\u00E9tranger comme au Japon, ces tissus sont souvent r\u00E9compens\u00E9s. Kishi Chikud\u014D a sign\u00E9 cette \u0153uvre de deux noms. Le premier d\u00E9signe son nom d\u2019artiste, Chikud\u014D, et le second son pr\u00E9nom originel, Roku, dont le caract\u00E8re chinois, homophone en japonais, signifie \u00AB daim \u00BB \u2013 c\u2019est la raison pour laquelle cet animal est un sujet de repr\u00E9sentation fr\u00E9quent chez le peintre. L\u2019association, sur ce fukusa, du pin et du daim n\u2019est pas innocente : elle repose sur un jeu de sonorit\u00E9s. Leur caract\u00E8re chinois respectif se prononce, en japonais, sh\u014D (\u00AB inviter) et roku (\u00AB le salaire \u00BB). \nEn offrant ce fukusa au mus\u00E9e d\u2019Art et d\u2019Industrie, Iida souhaite une grande prosp\u00E9rit\u00E9 \u00E0 la Fabrique lyonnaise \u2013 un geste \u00E9l\u00E9gant qui c\u00E9l\u00E8bre les liens qui, depuis les ann\u00E9es 1870, unissent et le Japon et Lyon. Cette ville a particip\u00E9 de fa\u00E7on significative \u00E0 la modernisation de l\u2019industrie de la soie, denr\u00E9e la plus export\u00E9e du Japon. Outre l\u2019importation de m\u00E9caniques Jacquard, des tisserands du quartier de Nishijin de Ky\u014Dto ont trouv\u00E9 dans la capitale des Gaules des enseignements (concernant notamment les techniques de tissage et de teinture modernes) qu\u2019ils ont pu, de retour chez eux, transmettre \u00E0 leurs pairs. Il convient \u00E9galement de rappeler la contribution de la ville \u00E0 la mise en place en 1872 de l\u2019usine de Tomioka, b\u00E2tie selon un mod\u00E8le franco-japonais in\u00E9dit, qui est alors la plus grande filature du monde. Son r\u00F4le est d\u2019inspirer les industriels japonais et d\u2019encourager la modernisation du pays \u2013 plus de six cent filatures suivront son exemple. Deux figures lyonnaises y jouent un r\u00F4le pr\u00E9pond\u00E9rant : d\u2019une part, Sigismond Lilenthal (dont un portrait est conserv\u00E9 au mus\u00E9e des Tissus et des Arts d\u00E9coratifs sous le num\u00E9ro d\u2019inventaire MAD 1406) monte l\u2019op\u00E9ration qui permet le transfert de technologies fran\u00E7aises dans la nouvelle filature, et d\u2019autre part Paul Brunat qui assume la direction de l\u2019usine de 1872 \u00E0 1876 apr\u00E8s avoir \u00E9t\u00E9 inspecteur de soie gr\u00E8ge dans la concession de Yokohama. \nHugo Develly"@fr . . . . . . . . . . . . . . "0.79850000143051147461"^^ . "0.78460001945495605469"^^ . . . . "0.66460001468658447266"^^ . . . . "19775" . . . . . . . . . "0.45969998836517333984"^^ . "Fukusa orn\u00E9 d'un troupeau de daims rassembl\u00E9s au pied d'un arbre noueux"@fr . . . . . . . . "0.43979999423027038574"^^ . . "0.81199997663497924805"^^ . . . . . . . . . . . . "Les Expositions universelles et internationales, organis\u00E9es \u00E0 partir de la seconde moiti\u00E9 du XIXe si\u00E8cle, sont l\u2019occasion pour les diff\u00E9rents pays du monde d\u2019exhiber leurs derni\u00E8res avanc\u00E9es techniques et artistiques. De la diversit\u00E9 des richesses pr\u00E9sent\u00E9es na\u00EEt une \u00E9mulation qui encourage le progr\u00E8s et le perfectionnement des productions des diverses nations. La ville de Lyon profite en particulier de ces \u00E9v\u00E9nements pour exposer ses soieries et s\u2019informer des tendances \u00E0 venir mais aussi pour mesurer la concurrence internationale. Afin de permettre aux soyeux lyonnais de maintenir le niveau d\u2019excellence de la Fabrique, la Chambre de Commerce de Lyon enrichit les collections du mus\u00E9e d\u2019Art et d\u2019Industrie en achetant des \u0153uvres particuli\u00E8rement populaires et innovantes qui pourront servir de mod\u00E8le ou de source d\u2019inspiration.\nL\u2019ann\u00E9e 1873 voit na\u00EEtre, au cours de l\u2019Exposition universelle de Vienne, l\u2019engouement pour les tissus japonais. Cet enthousiasme n\u2019a pas tari en 1889 ; ainsi, lors de l\u2019Exposition de Paris, la Chambre acquiert une collection de textiles remarquables aupr\u00E8s de la Commission imp\u00E9riale du Japon (MT 25031 \u00E0 MT 25036). La pi\u00E8ce dont il est question ici ne provient pas de cet achat, mais elle a n\u00E9anmoins figur\u00E9 parmi les \u0153uvres pr\u00E9sent\u00E9es \u00E0 Paris. C\u2019est un don de l\u2019entrepreneur Iida Shinshichi qui, lors de son passage \u00E0 Lyon, a souhait\u00E9 offrir au mus\u00E9e d\u2019Art et d\u2019Industrie ce fukusa provenant de son magasin. Iida Shinshichi, premier du nom, est le fondateur d\u2019une lign\u00E9e d\u2019industriels li\u00E9s au magasin Takashimaya (toujours connu de nos jours au Japon, c\u2019est aujourd\u2019hui une grande cha\u00EEne) qu\u2019il cr\u00E9e en 1831. Ce magasin est important dans l\u2019histoire des \u00E9changes culturels franco-japonais : gr\u00E2ce \u00E0 lui, de nombreux \u00E9l\u00E9ments de la mode fran\u00E7aise ont \u00E9t\u00E9 introduits au Japon au cours du XIXe si\u00E8cle. On y trouve, \u00E0 sa cr\u00E9ation, des \u00E9toffes dont la plupart sont faites de coton. C\u2019est \u00E0 partir de l\u2019\u00E8re Meiji (1868-1912) que le magasin diversifie ses produits et propose, p\u00EAle-m\u00EAle, des tissus et broderies de toutes sortes. L\u2019entreprise conna\u00EEtra un grand succ\u00E8s \u00E0 partir de 1876 quand les \u00E9trangers de la concession de K\u014Dbe s\u2019int\u00E9resseront \u00E0 ses fukusa. Tr\u00E8s vite, leur nombre diminue et les stocks s\u2019amenuisent ; c\u2019est alors qu\u2019Iida d\u00E9cide d\u2019en produire uniquement \u00E0 destination d\u2019\u00E9trangers. Cette initiative est couronn\u00E9e de succ\u00E8s, \u00E0 tel point qu\u2019un d\u00E9partement d\u2019import-export interne \u00E0 l\u2019entreprise est cr\u00E9\u00E9 en 1887. S\u2019ensuit, en 1893, la construction d\u2019une usine de broderie qui permet de r\u00E9pondre \u00E0 la forte demande des Occidentaux. Afin de d\u00E9velopper le commerce ext\u00E9rieur de l\u2019entreprise, le cinqui\u00E8me fils de la fratrie, Iida Tasabur\u014D, est envoy\u00E9 \u00E0 Lyon pour y fonder une filiale. C\u2019est la premi\u00E8re firme textile de Ky\u014Dto \u00E0 pratiquer ainsi l\u2019exportation directe de sa production. Les activit\u00E9s du magasin ne se limitent cependant pas \u00E0 l\u2019exportation de fukusa. Takashimaya jouit d\u2019une excellente r\u00E9putation au Japon, \u00E0 tel point que la famille imp\u00E9riale lui adresse des commandes pour d\u00E9corer le palais de l\u2019Empereur. Ce n\u2019est donc pas un hasard si le magasin figure parmi les exposants repr\u00E9sentant le Japon lors des Expositions universelles : la qualit\u00E9 de ses productions contribue \u00E0 l\u2019aura dont b\u00E9n\u00E9ficient \u00E0 l\u2019\u00E9poque les textiles japonais. \nC\u2019est Iida Shinshichi IV, apr\u00E8s sa prise de fonction en 1888 suite \u00E0 la retraite de son fr\u00E8re a\u00EEn\u00E9, qui coordonne la participation du magasin Takashimaya lors de l\u2019Exposition de Paris en 1889. C\u2019est aussi pour lui l\u2019occasion de voyager en Occident : l\u2019Exposition finie, il parcourt l\u2019Europe et les \u00C9tats-Unis sept mois durant afin de conna\u00EEtre le mode de fonctionnement des centres de production. Son s\u00E9jour \u00E0 Lyon est, \u00E0 n\u2019en pas douter, motiv\u00E9 par la volont\u00E9 d\u2019observer la Fabrique de soieries la plus r\u00E9put\u00E9e du monde. \u00C0 cette occasion, il offre au mus\u00E9e d\u2019Art et d\u2019Industrie ce fukusa o\u00F9 figure une harde de daims au pied d\u2019un pin noueux. Cette repr\u00E9sentation plut\u00F4t triviale sugg\u00E8re la douceur de la vie de famille : le m\u00E2le fait face au spectateur, dans une attitude calme mais alerte. Derri\u00E8re lui, deux membres de la harde broutent paisiblement les bourgeons d\u2019une branche. Enfin, \u00E0 l\u2019arri\u00E8re-plan, la daine allong\u00E9e prot\u00E8ge son faon. Si ce sont des motifs traditionnels que l\u2019on retrouve dans les textiles japonais, ils ne sont pas investis ici de leur signification symbolique (la long\u00E9vit\u00E9 associ\u00E9e au pin et la m\u00E9lancolie qu\u2019inspire le brame du daim en automne) : ce fukusa a \u00E9t\u00E9 cr\u00E9\u00E9 \u00E0 des fins purement ornementales. En cela, il est repr\u00E9sentatif du changement de nature de ces \u00E9toffes : d\u2019objets traditionnels utilis\u00E9s lors de la c\u00E9r\u00E9monie du cadeau, elles deviennent une d\u00E9monstration de la virtuosit\u00E9 d\u2019un brodeur, d\u2019un dessinateur ou d\u2019un teinturier. \nLe g\u00E9nie d\u2019Iida Shinshichi III, dans sa volont\u00E9 de cr\u00E9er des textiles d\u00E9coratifs pour Occidentaux, est d\u2019avoir su s\u2019adapter au go\u00FBt europ\u00E9en. Sous sa direction, la firme Takashimaya s\u2019est lanc\u00E9e dans la production de textiles de grand format qui s\u2019adaptent aux int\u00E9rieurs de leur nouvelle client\u00E8le \u2013 elle pr\u00E9sentera, lors des Expositions, des tentures, des rideaux, des couvre-lits, etc. Le succ\u00E8s du magasin, qui n\u2019abandonne pas pour autant les textiles traditionnels, s\u2019observe \u00E9galement \u00E0 l\u2019int\u00E9rieur du pays : dans les ann\u00E9es 1880, tant les notables que les pr\u00E9fectures ou les temples lui adressent des commandes. Iida tient particuli\u00E8rement \u00E0 faire de son magasin un pionner de la cr\u00E9ation de textiles artistiques et participe activement aux expositions internes de T\u014Dky\u014D et du Kansai qui visent \u00E0 stimuler cette production. Dans cette m\u00EAme perspective, l\u2019entrepreneur demande \u00E0 des artistes prestigieux de Ky\u014Dto de d\u00E9corer ses produits, une id\u00E9e alors in\u00E9dite au Japon inspir\u00E9e des pratiques occidentales. C\u2019est pourquoi ce fukusa est sign\u00E9 par Kishi Chikud\u014D (1826-1897). \nCet artiste est, \u00E0 l\u2019origine, un \u00E9l\u00E8ve de l\u2019\u00E9cole Kan\u014D. Cr\u00E9\u00E9e au XVe si\u00E8cle, elle forme les peintres japonais en s\u2019inspirant des ma\u00EEtres chinois. Elle pla\u00EEt particuli\u00E8rement aux \u00E9lites du pouvoir et s\u2019impose peu \u00E0 peu comme la peinture officielle du Japon. Son enseignement se fonde sur l\u2019imitation des vieux ma\u00EEtres et de leurs \u0153uvres. Avec le temps, le dogmatisme et l\u2019orthodoxie de cette \u00E9cole sont devenus insupportables pour un grand nombre d\u2019artistes. Peu satisfait des possibilit\u00E9s esth\u00E9tiques que cet enseignement lui permet, Chikud\u014D d\u00E9laisse l\u2019\u00E9cole Kan\u014D pour la tutelle de Kishi Renzan, ma\u00EEtre de l\u2019\u00E9cole du m\u00EAme nom, \u00E0 qui son \u00E9l\u00E8ve succ\u00E9dera. L\u2019\u00E9cole Kishi se distingue par sa ma\u00EEtrise des repr\u00E9sentations animali\u00E8res : un soin particulier est donn\u00E9 \u00E0 la peinture de leur fourrure et de leur corps. Un autre trait caract\u00E9ristique de son esth\u00E9tique est l\u2019absence de contour (tsuketate) des figures repr\u00E9sent\u00E9es. La technique de pr\u00E9dilection de ses artistes est l\u2019application directe sur le support d\u2019un pinceau effil\u00E9 et mouill\u00E9. La particularit\u00E9 de Kishi Chikud\u014D, au sein de cette \u00E9cole, est l\u2019importance primordiale qu\u2019il donne au shasei (croquis d\u2019apr\u00E8s nature), contrairement aux autres artistes traditionnels qui se consacrent \u00E0 des repr\u00E9sentations stylis\u00E9es ancr\u00E9es dans la tradition. Un autre fukusa du mus\u00E9e des Tissus provenant de la collection d\u2019Edmond de Goncourt (MT 26028) porte la signature de ce peintre ; il repr\u00E9sente une all\u00E9gorie similaire o\u00F9 les daims sont remplac\u00E9s par des gallinac\u00E9s. \nQuand Iida Shinshichi III le recrute, en 1882, Kishi Chikud\u014D est un artiste tr\u00E8s r\u00E9put\u00E9 : il participe alors \u00E0 la d\u00E9coration du palais imp\u00E9rial et est consid\u00E9r\u00E9, avec Mori Kansai et K\u014Dno Bairei, comme le meilleur peintre de Ky\u014Dto. C\u2019est probablement le premier des grands artistes de cette ville \u00E0 se lancer dans le dessin textile. Il en produira pour deux firmes : le magasin Takashimaya et la maison Chis\u014D. Celle-ci est notamment sp\u00E9cialis\u00E9e dans les textiles d\u00E9cor\u00E9s en y\u016Bzen, m\u00E9thode traditionnelle et \u00E9labor\u00E9e de teinture en r\u00E9serve en employant de la p\u00E2te de riz. C\u2019est par cette m\u00E9thode que le corps des daims a \u00E9t\u00E9 dessin\u00E9 ici, ce qui laisse supposer que ce fukusa est une commande du magasin Takashimaya \u00E0 la maison Chis\u014D. C\u2019est d\u2019ailleurs le cas d\u2019un grand nombre de velours similaires, teints par la m\u00E9thode y\u016Bzen et dessin\u00E9s par des artistes, que le magasin expose ; tr\u00E8s populaires \u00E0 l\u2019\u00E9tranger comme au Japon, ces tissus sont souvent r\u00E9compens\u00E9s. Kishi Chikud\u014D a sign\u00E9 cette \u0153uvre de deux noms. Le premier d\u00E9signe son nom d\u2019artiste, Chikud\u014D, et le second son pr\u00E9nom originel, Roku, dont le caract\u00E8re chinois, homophone en japonais, signifie \u00AB daim \u00BB \u2013 c\u2019est la raison pour laquelle cet animal est un sujet de repr\u00E9sentation fr\u00E9quent chez le peintre. L\u2019association, sur ce fukusa, du pin et du daim n\u2019est pas innocente : elle repose sur un jeu de sonorit\u00E9s. Leur caract\u00E8re chinois respectif se prononce, en japonais, sh\u014D (\u00AB inviter) et roku (\u00AB le salaire \u00BB). \nEn offrant ce fukusa au mus\u00E9e d\u2019Art et d\u2019Industrie, Iida souhaite une grande prosp\u00E9rit\u00E9 \u00E0 la Fabrique lyonnaise \u2013 un geste \u00E9l\u00E9gant qui c\u00E9l\u00E8bre les liens qui, depuis les ann\u00E9es 1870, unissent et le Japon et Lyon. Cette ville a particip\u00E9 de fa\u00E7on significative \u00E0 la modernisation de l\u2019industrie de la soie, denr\u00E9e la plus export\u00E9e du Japon. Outre l\u2019importation de m\u00E9caniques Jacquard, des tisserands du quartier de Nishijin de Ky\u014Dto ont trouv\u00E9 dans la capitale des Gaules des enseignements (concernant notamment les techniques de tissage et de teinture modernes) qu\u2019ils ont pu, de retour chez eux, transmettre \u00E0 leurs pairs. Il convient \u00E9galement de rappeler la contribution de la ville \u00E0 la mise en place en 1872 de l\u2019usine de Tomioka, b\u00E2tie selon un mod\u00E8le franco-japonais in\u00E9dit, qui est alors la plus grande filature du monde. Son r\u00F4le est d\u2019inspirer les industriels japonais et d\u2019encourager la modernisation du pays \u2013 plus de six cent filatures suivront son exemple. Deux figures lyonnaises y jouent un r\u00F4le pr\u00E9pond\u00E9rant : d\u2019une part, Sigismond Lilenthal (dont un portrait est conserv\u00E9 au mus\u00E9e des Tissus et des Arts d\u00E9coratifs sous le num\u00E9ro d\u2019inventaire MAD 1406) monte l\u2019op\u00E9ration qui permet le transfert de technologies fran\u00E7aises dans la nouvelle filature, et d\u2019autre part Paul Brunat qui assume la direction de l\u2019usine de 1872 \u00E0 1876 apr\u00E8s avoir \u00E9t\u00E9 inspecteur de soie gr\u00E8ge dans la concession de Yokohama. \nHugo Develly"@fr . . "0.63719999790191650391"^^ . "0.72039997577667236328"^^ . . . . "0.83969998359680175781"^^ . . .