"La laize\u00A0a \u00E9t\u00E9\u00A0pr\u00E9sent\u00E9e en 1900\u00A0\u00E0 l'exposition r\u00E9trospective de la soierie lyonnaise organis\u00E9e pour l'Exposition universelle de Paris en 1900. Elle appartenait alors au fabricant Albert Martin, successeur de L\u00E9on et Adrien \u00C9mery, et elle\u00A0\u00E9tait montr\u00E9e parmi les commandes imp\u00E9riales faites \u00E0 la Fabrique lyonnaise, comme l'indique le rapporteur du Mus\u00E9e r\u00E9trospectif de la classe 83 soies et tissus de soie \u00E0 l'Exposition universelle internationale de 1900, \u00E0 Paris, Raymond Cox, attach\u00E9 au mus\u00E9e historique de la Chambre de Commerce de Lyon. D'apr\u00E8s Albert Martin, h\u00E9ritier des archives de la maison L\u00E9on et Adrien \u00C9mery, la tenture aurait \u00E9t\u00E9 r\u00E9alis\u00E9e par ses pr\u00E9d\u00E9cesseurs pour orner le boudoir de l'imp\u00E9ratrice Eug\u00E9nie aux Tuileries. \u00C0 l'issue de l'Exposition universelle, elle est acquise par le mus\u00E9e des Tissus aupr\u00E8s d'Albert Martin, avec un velours paille et rouge \u00E0 d\u00E9cor d'Amours de la m\u00EAme maison (dessin cr\u00E9\u00E9 en d\u00E9cembre 1869, n\u00B0\u00A0de patron 4284 ; inv. MT 26977) et un panneau dans le style Directoire, deux rideaux et un fauteuil ex\u00E9cut\u00E9s par Albert Martin lui-m\u00EAme (inv. MT 26974, MT 26975 et MT 26976)\u00A0pour \u00EAtre\u00A0pr\u00E9sent\u00E9s \u00E0 Paris en 1900.\nLes appartements de l'Empereur et de l'Imp\u00E9ratrice au Palais des tuileries ont fait l'objet d'un projet d'am\u00E9nagement d\u00E8s 1856. Les travaux s'y poursuivirent jusqu'\u00E0 la fin de l'ann\u00E9e 1860, sous la direction d'Hector-Martin Lefuel (1810-1880). Les appartements des\u00A0souverains \u00E9taient con\u00E7us en enfilade : au rez-de-chauss\u00E9e, ceux de l'Empereur comprenaient le salon des huissiers, des aides de camp, la Salle du Conseil, le bureau de l'Empereur, le petit salon, le cabinet de toilette et la chambre \u00E0 coucher ;\u00A0\u00E0 l'\u00E9tage,\u00A0on p\u00E9n\u00E9trait chez l'Imp\u00E9ratrice\u00A0par une petite salle d'attente o\u00F9 se tenait le chef des huissiers et un huissier de service,\u00A0puis se trouvaient le Salon Vert, le Salon Rose, pi\u00E8ce d'attente aux audiences, et le Salon Bleu ou salon d'audience de l'Imp\u00E9ratrice, avec \u00E0 sa suite, le cabinet de travail, le boudoir, une antichambre, le cabinet de toilette, l'oratoire et la chambre \u00E0 coucher.\nOn entrait dans le boudoir de l'imp\u00E9ratrice aux Tuileries, pi\u00E8ce \u00E9troite, pourvue d'une seule fen\u00EAtre et vo\u00FBt\u00E9e aux deux tiers de son \u00E9l\u00E9vation,\u00A0depuis le Cabinet de travail, par une baie garnie de porti\u00E8res en soie orientale violette et or, encadr\u00E9e par deux hauts vases de Chine. La souveraine s'y tenait souvent, ayant am\u00E9nag\u00E9, entre l'entr\u00E9e et la chemin\u00E9e, un coin prot\u00E9g\u00E9 par un paravent en bambou \u00E0 jardini\u00E8re et lierre, avec un fauteuil et une table \u00E0 ouvrage en osier \u00E0 sa droite. Une peinture de Giuseppe Castiglione (1829-1908), dat\u00E9e de 1861,\u00A0repr\u00E9sente l'Imp\u00E9ratrice dans son boudoir et permet de se figurer l'am\u00E9nagement de la pi\u00E8ce. Elle appartient aux collections du duc de Berwick et d'Albe, \u00E0 la Fundaci\u00F3n Casa de Alba \u00E0 Madrid. Sur le manteau de la chemin\u00E9e, en vis-\u00E0-vis de la fen\u00EAtre, des lampes \u00E0 mod\u00E9rateur surmont\u00E9es d'un globe assuraient l'\u00E9clairage et une pendule\u00A0orn\u00E9e d'un groupe de S\u00E8vres reposait. Des biblioth\u00E8ques entouraient la pi\u00E8ce, dans lesquelles \u00E9taient contenus des ouvrages classiques de la litt\u00E9rature fran\u00E7aise, anglaise, espagnole et italienne, composant une pr\u00E9cieuse collection de manuscrits, de livres rares, d'\u00E9ditions choisies. \u00C0 hauteur d'appui \u00E9taient des bustes, des statuettes et des vases. Du c\u00F4t\u00E9 droit de la chemin\u00E9e se trouvait un buffet bas Louis XVI \u00E0 vitrine. Appuy\u00E9 sur le mur, entre l'entr\u00E9e et le mur du fond, \u00E9tait un canap\u00E9, des chaises volantes \u00E9tant plac\u00E9es le long des murs. \u00C0 droite de l'entr\u00E9e \u00E9tait un chiffonnier. Diverses tables, garnies de portraits, photographies de l'Empereur et du Prince imp\u00E9rial ou d'autres personnalit\u00E9s de l'entourage de l'Imp\u00E9ratrice compl\u00E9taient le mobilier, ainsi que des fauteuils \u00E0 capitons. Aux murs \u00E9taient accroch\u00E9s plusieurs tableaux, parmi lesquels un Portrait d'enfant dit Portrait de Louis XVII de Jean-Baptiste Greuze, un tableau de Jean-Auguste-Dominique Ingres repr\u00E9sentant Louis XIV faisant d\u00EEner Moli\u00E8re \u00E0 sa table\u00A0et plusieurs huiles de Philips Wouwerman.\u00A0\u00C0 la suite du boudoir se trouvait une antichambre avec une armoire \u00E0 papier o\u00F9 l'Imp\u00E9ratrice rangeait sa collection d'autographes. Un escalier en colima\u00E7on descendait directement chez l'Empereur.\nLa date de l'am\u00E9nagement des appartements de l'Imp\u00E9ratrice aux Tuileries est ant\u00E9rieure \u00E0 l'association de L\u00E9on et Adrien \u00C9mery et les descriptions du boudoir d'Eug\u00E9nie ne mentionnent pas cette \u00E9toffe. L\u00E9on \u00C9mery, n\u00E9 \u00E0 Saint-Symphorien-d\u2019Ozon le 30 septembre 1827, d\u2019un p\u00E8re \u00AB ma\u00EEtre charron \u00BB, il commence sa carri\u00E8re\u00A0comme simple employ\u00E9 de commerce dans la maison Champagne\u00A0et Rougier. Il poss\u00E8de trente mille francs d\u2019\u00E9conomies quand\u00A0il \u00E9pouse, le 20 juin 1854,\u00A0Marie-Albine Allegret, la fille d\u2019un n\u00E9gociant en toiles de Voiron. En 1862, il reprend la maison Lan\u00E7on puis, trois ans plus tard, acquiert le fonds de commerce de la maison Balmont. En 1868, il s'associe avec\u00A0son fr\u00E8re cadet Adrien (1831-1901). Leur entreprise, sous la raison commerciale L\u00E9on et Adrien \u00C9mery,\u00A0dispose alors d\u2019un capital social de deux cent dix mille francs.\u00A0Elle est \u00E9tablie 10, rue du B\u00E2t-d'Argent. C'est l'adresse qui figure sur l'\u00E9tiquette encore pr\u00E9sente dans l'angle sup\u00E9rieur droit de la laize.\u00A0\nIl est probable que l'indication du fabricant sur la destination de l'\u00E9toffe soit exacte et qu'elle ait bien \u00E9t\u00E9 tiss\u00E9e pour l'Imp\u00E9ratrice, mais cette derni\u00E8re n'a certainement\u00A0gu\u00E8re eu l'occasion de voir l'\u00E9toffe en place aux Tuileries.\u00A0La couleur Nil\u00A0du fond\u00A0satin correspond en tout cas au go\u00FBt de la souveraine, qui affectionnait tout particuli\u00E8rement les tonalit\u00E9s de vert tendre, ainsi que le motif du papillon, qui avait \u00E9t\u00E9 \u00E0 l'honneur \u00E0 la fois dans les Arts d\u00E9coratifs sous le r\u00E8gne de\u00A0Louis XVI et sous celui de Napol\u00E9on Ier. L'Exposition universelle de 1867 avait d'ailleurs montr\u00E9 des laizes de tissus fa\u00E7onn\u00E9s pour robe pr\u00E9sentant ce m\u00EAme motif du papillon, par la maison Schulz et B\u00E9raud, notamment (inv. MT 20712). Ici, les papillons tranchent par leur couleurs soutenues sur le fond Nil du satin, par ailleurs plus brillant que les motifs broch\u00E9s. Les papillons tourn\u00E9s vers la gauche sur un registre puis vers la droite sur le registre suivant et dispos\u00E9s en quinconce, forment un sem\u00E9 r\u00E9gulier, que l'on appr\u00E9cie encore pour les \u00E9toffes d'ameublement sous le Second Empire, comme en t\u00E9moigne, par exemple, le satin rouge liser\u00E9, broch\u00E9 soie et argent \u00E0 m\u00E9daillons d'inspiration\u00A0n\u00E9o-grecque pr\u00E9sent\u00E9 par la maison Schulz et B\u00E9raud, \u00E0 nouveau, \u00E0 l'Exposition universelle de 1867 (inv. MT 20710).\u00A0\u00A0\u00A0\nL\u00E9on \u00C9mery\u00A0si\u00E8ge \u00E0 la Chambre syndicale de la Fabrique lyonnaise entre 1873 et 1875. La maison est d\u00E9cor\u00E9e aux Expositions universelles de Paris, en 1867, de Vienne, en 1873, et de Paris, \u00E0 nouveau,\u00A0en 1878, et aux Expositions internationales du Havre, en 1868, de Rome, en 1869, de Lyon, en 1872, de Melbourne, en 1881, et d'Anvers, en 1885. \u00C0 l'Exposition universelle de Paris, en 1889, elle est gratifi\u00E9e d'un Grand prix pour son exposition d'\u00AB \u00E9toffes de soie : \u00E9toffes pour ameublement ; articles du Levant ; nouveaut\u00E9s pour robes ; ornements d'\u00E9glise ; reproductions d'\u00E9toffes anciennes et artistiques. \u00BB L\u00E9on \u00C9mery est m\u00EAme\u00A0promu chevalier de la L\u00E9gion d\u2019Honneur \u00E0 cette occasion. En 1881, les deux fr\u00E8res ayant eu besoin de nouveaux capitaux\u00A0sollicitent des commanditaires, dont les banquiers \u00C9douard Aynard et Alphonse-Charles-Jacques R\u00FCffer. Dans les ann\u00E9es 1880, la maison perd cependant des sommes importantes et, en 1892, Aynard et R\u00FCffer se retirent de leur affaire au profit de Joseph Gillet. Le fonds de la maison sera achet\u00E9 par Albert Martin peu avant la mort d'Adrien \u00C9mery en 1901. Celle de L\u00E9on \u00C9mery surviendra en 1905.\nMaximilien Durand"@fr . . . .