"Le Portrait tiss\u00E9 de Jacquard est assur\u00E9ment l'une des \u0153uvres de la Fabrique lyonnaise les plus c\u00E9l\u00E8bres, et l'un des plus grands succ\u00E8s de l'Exposition des produits de l'industrie fran\u00E7aise de 1839 o\u00F9 il fut pr\u00E9sent\u00E9 par la maison Didier-Petit et Cie. Le jury fut particuli\u00E8rement sensible \u00E0 l'id\u00E9e consistant \u00E0 ex\u00E9cuter le portrait du grand homme sur le m\u00E9tier dont il \u00E9tait l'inventeur. Par ce chef-d'\u0153uvre d'exposition, la maison Didier-Petit et Cie comm\u00E9morait par ailleurs le cinqui\u00E8me anniversaire de la mort de Joseph-Marie Jacquard (1752-1834) et de la pr\u00E9sentation au public, lors du Salon parisien, de son portrait peint d'apr\u00E8s nature par Jean-Claude Bonnefond (1796-1860), directeur de l'\u00C9cole des Beaux-Arts de Lyon, qui servit de mod\u00E8le au tableau tiss\u00E9 en trompe-l'\u0153il de gravure.\nLe mus\u00E9e des Tissus conserve deux tissages originaux de ce Portrait de Jacquard (inv. MT 2264 et MT 42157). Un troisi\u00E8me exemplaire, presque identique en tous points aux deux pr\u00E9c\u00E9dents, pr\u00E9sente cependant une diff\u00E9rence majeure. En plus des inscriptions qui accompagnent l'image sur les originaux appara\u00EEt ici, en partie inf\u00E9rieure, au centre, la mention : \u00AB Tiss\u00E9 par M. M. Carquillat. \u00BB \nMichel-Marie Carquillat (1803-1884), fils de cultivateurs au Petit-Bornand devenu orphelin, arriva \u00E0 Lyon vers l'\u00E2ge de douze ans \u00AB avec trente centimes en poche. \u00BB D'abord apprenti tisseur, puis compagnon, il devint ma\u00EEtre-tisseur et dirigeait un atelier de quelques m\u00E9tiers. Il y r\u00E9alisait le travail que lui confiaient les fabricants comme Didier-Petit et Cie, Verzier-Bonnat ou Mathevon et Bouvard fr\u00E8res.\nC'est \u00E0 lui que revint le soin de tisser le Portrait de Jacquard pour le compte de la maison Didier-Petit et Cie, en 1839. La mise en carte avait \u00E9t\u00E9 r\u00E9alis\u00E9e par J.-L. (Jean-Louis ?) Moulin d'apr\u00E8s le tableau original du Palais Saint-Pierre, sous le contr\u00F4le de Jean-Claude Bonnefond lui-m\u00EAme et\u00A0avec les conseils de Joseph-Victor Vibert (1799-1860), professeur de gravure \u00E0 l'\u00C9cole des Beaux-Arts de Lyon. Une relation r\u00E9dig\u00E9e en 1895 par J.-L. Moulin, \u00E0 l'attention d'Antonin Terme, conservateur du mus\u00E9e des Tissus, r\u00E9v\u00E8le que\u00A0c'est lui qui eut l'id\u00E9e de tisser le portrait de Jacquard sur la m\u00E9canique qu'il avait invent\u00E9e. Quand il demanda \u00E0 Fran\u00E7ois Didier-Petit (Fran\u00E7ois-Didier Petit de Meurville, 1793-1873) l'autorisation de faire figurer son nom et celui du tisseur Carquillat sur le chef-d'\u0153uvre, cela lui fut refus\u00E9. Seuls apparaissent, en effet, sur les originaux, les noms du peintre (\u00AB D'apr\u00E8s le tableau de C. Bonnefond \u00BB) et du fabricant (\u00AB Ex\u00E9cut\u00E9 par Didier Petit et Cie\u00A0\u00BB).\nApr\u00E8s le succ\u00E8s du Portrait de Jacquard \u00E0 l'Exposition des produits de l'industrie fran\u00E7aise, Moulin quitta la maison Didier-Petit et Cie.\u00A0Carquillat, lui, d\u00E9cida d'assurer autrement son autopromotion, et de faire savoir qu'il \u00E9tait l'auteur du fameux tableau tiss\u00E9 pr\u00E9sent\u00E9 par Fran\u00E7ois-Didier Petit.\nFran\u00E7ois-Didier Petit de Meurville est n\u00E9 le 10 d\u00E9cembre 1793 \u00E0 Fonds-des-N\u00E8gres, \u00E0 Saint-Domingue, o\u00F9 son p\u00E8re, Fran\u00E7ois-Ignace-Nicolas Petit, baron de Meurville,\u00A0avait \u00E9t\u00E9 envoy\u00E9 comme consul de France.\u00A0Ce dernier\u00A0fut assassin\u00E9 en 1795, pendant la r\u00E9volte des esclaves d'Ha\u00EFti. Sa veuve, dame Beno\u00EEte-Victoire-Marine Lemau de la Barre (1766-1839), ruin\u00E9e, avait fui la r\u00E9volution de Toussaint Louverture en Ha\u00EFti,\u00A0en 1794, avec ses deux fils en bas \u00E2ge et sa s\u0153ur, dame Charlotte-Fran\u00E7oise Lemau de la Barre, veuve Hue Duquesnay (1772-1828), en se r\u00E9fugiant \u00E0 Baltimore. Elle se lia dans cette ville avec la\u00A0Soci\u00E9t\u00E9 des\u00A0pr\u00EAtres de Saint-Sulpice, et notamment Louis-Guillaume-Valentin Dubourg (1766-1833), futur\u00A0administrateur apostolique puis \u00E9v\u00EAque de Louisiane, avant d'\u00EAtre nomm\u00E9 \u00E9v\u00EAque de Montauban puis archev\u00EAque de Besan\u00E7on.\u00A0Avec l'aide des Sulpiciens, la veuve Petit, originaire de Villefranche-sur-Sa\u00F4ne, put regagner la France avec sa famille, alors que Fran\u00E7ois-Didier avait dix ans. Il fr\u00E9quenta le coll\u00E8ge des J\u00E9suites de Roanne. \nEn ao\u00FBt 1823, c'est comme dessinateur de fabrique qu'il est nomm\u00E9 membre du jury charg\u00E9 d'examiner les productions des \u00E9l\u00E8ves admis au concours de l'\u00C9cole royale de dessin et des beaux-arts, aux c\u00F4t\u00E9s des peintres Michel-Philibert Genod (1796-1862) et Anthelme Trimolet (1798-1866), des architectes Pierre Denave (1759-1842) et Claude Catelin (1784-1844) et du marchand-fabricant Nicolas Y\u00E9m\u00E9niz (1783-1871). Il cr\u00E9e sa propre maison sous la raison commerciale Didier-Petit et Cie, sise 29, quai de Retz, sp\u00E9cialis\u00E9e dans les ornements d'\u00E9glise. Par sa m\u00E8re, en effet, et par conviction personnelle, il est tr\u00E8s impliqu\u00E9 dans le renouveau catholique de la France et dans le soutien aux missions am\u00E9ricaines. Avec l'aide de Monseigneur Dubourg, alors \u00E9v\u00EAque de Louisiane, il forme une association pour r\u00E9colter des aum\u00F4nes pour les pr\u00EAtres d'Am\u00E9rique du Nord. Avec d'autres catholiques fervents, et notamment le banquier Beno\u00EEt Coste (1781-1845), il fonde finalement en 1822 l'\u0152uvre de la propagation de la foi, pour soutenir l'ensemble des missions, incitant la\u00A0v\u00E9n\u00E9rable Pauline-Marie Jaricot \u00E0 fusionner son \u0153uvre, fond\u00E9e pour les missions asiatiques du S\u00E9minaire des Missions \u00E9trang\u00E8res de la rue du Bac, \u00E0 Paris, avec\u00A0la nouvelle soci\u00E9t\u00E9. Son implication dans le mouvement le met en relation avec\u00A0un grand nombre de personnalit\u00E9s catholiques de la Restauration, comme le bienheureux Fr\u00E9d\u00E9ric Ozanam ou le p\u00E8re Henri-Dominique Lacordaire. Pour son action engag\u00E9e en faveur des missions, il est d\u00E9cor\u00E9 par le pape, au cours d'une audience, du titre de chevalier de l'Ordre de l'\u00C9peron d'Or.\nC'est probablement aussi les relations de Fran\u00E7ois-Didier Petit dans le milieu catholique et royaliste qui expliquent la grande commande que re\u00E7oit sa tr\u00E8s jeune maison, en 1825, puisqu'elle est charg\u00E9e, avec Devilleneuve et Mathieu\u00A0ou Mathevon et Bouvard,\u00A0de tisser les ornements de la cath\u00E9drale de Reims pour le sacre de Charles X, tandis que les broderies sont ex\u00E9cut\u00E9es chez Mademoiselle Quinet, 40, rue du Four, \u00E0 Paris. Le Journal de l'Ain, au\u00A028\u00A0avril 1825, fait cette relation de l'exposition organis\u00E9e par la maison de ces ornements (p. 3)\u00A0: \u00AB Avant-hier (25 avril), MM. Didier-Petit, fabricans (sic)\u00A0d'\u00E9toffes de soie, ont expos\u00E9 dans leurs magasins, rue St.-Polycarpe, les \u00E9toffes destin\u00E9es au sacre de S. M. Charles X, et \u00E0 l'ameublement de divers ministres. Rien de plus riche et d'un dessin plus \u00E9l\u00E9gant \u00E0 la fois et plus correct n'est sorti des manufactures de Lyon. La chasuble, dont sera rev\u00EAtu l'officiant, est un fond sabl\u00E9dor (sic) avec des dessins relev\u00E9s imitant la broderie ; sur le devant est un magnifique diamant fin, de la grosseur d'une aveline. Au centre de la croix qui est derri\u00E8re se trouve, au milieu d'une aur\u00E9ole \u00E9clatante, le monogramme I. H. S. en beaux diamans (sic). L'\u00E9tole, le manipule, la pale, le voile du calice sont \u00E9galement en dorure, et chaque croix est garnie d'un gros diamant.\nSur une draperie de velours pourpre le plus riche, et au milieu d'une aur\u00E9ole d'or, est brod\u00E9 d'une mani\u00E8re exquise un St.-Esprit en paillettes et cannetilles d'argent. L'\u0153il est en rubis.\nLes \u00E9toffes pour ameublement sont du tissu le plus \u00E9gal, et des dessins d'une nettet\u00E9, d'une \u00E9l\u00E9gance et d'un fini achev\u00E9. On ne peut rien produire d'un meilleur go\u00FBt. On admirait aussi un rideau en satin blanc \u00E0 dessins transparens (sic), sortant des magasins de M. Revillot. Ces dessins en sont charmans (sic), et cette \u00E9toffe d'un genre absolument nouveau fait le plus grand honneur \u00E0 notre Fabrique.\nCette exposition, et celle des \u00E9toffes destin\u00E9es aussi pour le sacre, fabriqu\u00E9es par MM. Mathevon et Bouvard, prouvent la sup\u00E9riorit\u00E9 de nos manufactures pour la qualit\u00E9 des \u00E9toffes, la puret\u00E9 du dessin, le go\u00FBt et la richesse sur celles des \u00E9trangers, qui sont encore bien loin de nous sur ce point.\u00A0\u00BB\nLe 30 avril, le Journal de l'Ain revient sur cette exposition (p. 3-4)\u00A0: \u00AB La maison Didier-Petit a fait lundi dernier, dans ses magasins, une exposition g\u00E9n\u00E9rale de toutes les \u00E9toffes qu'elle a fabriqu\u00E9es pour le sacre. Nous avons d\u00E9j\u00E0 donn\u00E9 une description de ces magnifiques \u00E9toffes, dont l'industrie lyonnaise peut \u00E0 juste titre se glorifier : nous ne parlerons que de la chasuble destin\u00E9e \u00E0 l'archev\u00EAque de Reims, qui doit sacrer le Roi. Le go\u00FBt exquis du dessin, la richesse de la mati\u00E8re, la perfection du travail font de cette chasuble un ornement d'\u00E9glise unique dans son genre.\nLe dessin, imitant la broderie relev\u00E9e en bosse sur un fond sable-d'or, est compos\u00E9e d'une t\u00EAte de Ch\u00E9rubin, au-dessus de laquelle sont des pampres de vignes. Dans le milieu est une gloire form\u00E9e d'\u00E9pis de bl\u00E9s, au centre de laquelle le monogramme I. H. S. est trac\u00E9 en diamans (sic). Cette superbe chasuble a \u00E9t\u00E9 faite enti\u00E8rement sur le m\u00E9tier avec toutes ses d\u00E9pendances ; on n'y remarque ni broderie, ni couture, comme cela se pratiquait auparavant. Ce magnifique ouvrage sort de l'atelier du sieur Ratton, et a \u00E9t\u00E9 ex\u00E9cut\u00E9 par lui-m\u00EAme. Ce travail lui fait le plus grand honneur, en ce qu'il a tr\u00E8s habilement surmont\u00E9 plusieurs difficult\u00E9s : la principale \u00E9tait que les d\u00E9coupures de la face de la t\u00EAte du Ch\u00E9rubin, et les boucles de cheveux, ne fussent que figur\u00E9es sur la surface. L'\u00E9tole, la pale, le voile du calice, \u00E9galement en dorure, sont fabriqu\u00E9s avec la m\u00EAme perfection, un beau diamant brille au milieu de chaque croix.\nLes personnes les plus distingu\u00E9es de la ville ont honor\u00E9 cette exposition de leur pr\u00E9sence. Le prince Metternich, accompagn\u00E9 du prince d'Aremberg et du marquis de Caraman, a visit\u00E9 les magasins de la maison Didier-Petit ; il a t\u00E9moign\u00E9 au chef de cette maison toute sa satisfaction dans les termes les plus flatteurs.\u00A0\u00BB\nEn juillet 1826, lorsque le duc, la duchesse d'Orl\u00E9ans et Mademoiselle, en compagnie du duc de Chartres et de ses jeunes s\u0153urs, s\u00E9journent \u00E0 Lyon, ils sont conduits dans les ateliers de la maison Didier-Petit et Cie ainsi que dans\u00A0son magasin o\u00F9 leur furent montr\u00E9es des \u00E9toffes comparables \u00E0 celles qui furent livr\u00E9es pour le sacre de Charles X.\u00A0\n\u00C0 l'Exposition des produits de l'industrie fran\u00E7aise de 1827, la maison re\u00E7oit une m\u00E9daille d'argent dans sa sp\u00E9cialit\u00E9, les \u00E9toffes pour meubles et ornements d'\u00E9glise. \u00C0 cette m\u00EAme Exposition, \u00C9tienne Maisiat (1794-1848) pr\u00E9sente deux tableaux tiss\u00E9s qui sont unanimement admir\u00E9s : le Testament de Louis XVI (inv. MT 7915) et la Lettre de Marie-Antoinette \u00E0 Madame \u00C9lisabeth. V\u00E9ritable tour de force technique, qui emploie de fines d\u00E9coupures et des liages presque invisibles et n\u00E9cessite une extr\u00EAme r\u00E9gularit\u00E9 de battage, ces tableaux imitent \u00E0 la perfection la gravure en taille-douce. \u00C9tienne Maisiat obtient une m\u00E9daille d'or pour ces tissages.\u00A0C'est selon son proc\u00E9d\u00E9 que la maison Didier-Petit et Cie fera tisser le Portrait de Jacquard par Michel-Marie Carquillat.\nLa m\u00E9daille d'argent de la maison Didier-Petit et Cie est confirm\u00E9e en 1834, alors\u00A0que Fran\u00E7ois-Didier Petit\u00A0d\u00E9veloppe parall\u00E8lement \u00E0 la branche ornements d'\u00E9glise la production de tissus pour l'exportation.\u00A0Finalement, la maison obtient en 1839 un nouveau rappel de m\u00E9daille d'argent pour les m\u00EAmes raisons, mais le rapport pr\u00E9cise : \u00AB Ces fabricants ont aussi expos\u00E9 un portrait de M. Jacquard d'une grande perfection de tissu. C'est une id\u00E9e fort heureuse qu'ils ont eue de reproduire son image avec l'ing\u00E9nieux m\u00E9tier dont il est l'inventeur. Ce portrait, d'une ex\u00E9cution parfaite, fait grand honneur \u00E0 ces habiles manufacturiers. \u00BB\nLe succ\u00E8s de ce tableau tiss\u00E9 n'a cependant pas suffi \u00E0 r\u00E9tablir la prosp\u00E9rit\u00E9 des affaires de Fran\u00E7ois-Didier Petit. D\u00E8s 1837, il doit consentir une obligation \u00E0 son ami Beno\u00EEt Coste, agent de change, de cent quatre vingt mille francs dont il prend l'inscription sur sa demeure de La Sabli\u00E8re, sise dans le clos Bissardon,\u00A0\u00E0 Caluire-et-Cuire. Cette obligation arrivant \u00E0 son terme en 1843 mais les affaires de son entreprise \u00E9tant fragiles, Fran\u00E7ois-Didier Petit doit \u00E0 cette date vendre son patrimoine, et notamment son exceptionnelle collection d'objets d'art (\u00E9maux, fa\u00EFences, verres de Venise, vitraux, peintures, manuscrits, ivoires, mobilier, m\u00E9dailles, antiquit\u00E9s...) dispers\u00E9e \u00E0 Paris. Grand amateur d'art, il avait par trois fois pr\u00E9sid\u00E9 l'assembl\u00E9e g\u00E9n\u00E9rale de la Soci\u00E9t\u00E9 des Amis des Arts de Lyon, en 1837, 1838 et 1839, dont il \u00E9tait le vice-pr\u00E9sident. Il est finalement expropri\u00E9 de sa\u00A0demeure de La Sabli\u00E8re en 1847 et habite quelque temps chez sa m\u00E8re, rue Saint-Joseph.\nD\u00E8s 1840, Fran\u00E7ois-Didier Petit soutient Charles de Bourbon, pr\u00E9tendant au tr\u00F4ne d'Espagne contre la tr\u00E8s jeune reine Isabelle II et il accueille chez lui les carlistes. Il est aussi un fervent l\u00E9gitimiste, soutenant Henri d'Artois, comte de Chambord. Charles V et le comte de Chambord parrainent l'un et l'autre un enfant de Fran\u00E7ois-Didier Petit. En 1848, le ministre des Affaires \u00E9trang\u00E8res, Alphonse de Lamartine, le nomme vice-consul de France \u00E0 Alicante. \u00C0 partir du mois de juin 1857, il est consul de France \u00E0 San Sebasti\u00E1n. Il exerce ses fonctions jusqu'\u00E0 sa retraite, en 1872, menant parall\u00E8lement une carri\u00E8re d'artiste et r\u00E9alisant des peintures de paysages. Il se passionne aussi pour la flore de la province de Guipuscoa et publie trois albums de botanique. Il est d\u00E9cor\u00E9 de l'Ordre de Charles III d'Espagne et de celui de la L\u00E9gion d'honneur. Il meurt le 27 avril 1873 \u00E0 Biarritz, dernier survivant parmi les fondateurs de l'\u0152uvre de la propagation de la foi.\nGr\u00E2ce \u00E0 la relation r\u00E9dig\u00E9e par Moulin et conserv\u00E9e dans les archives du mus\u00E9e des Tissus, on sait que Michel-Marie Carquillat avait conserv\u00E9 la mise en carte du Portrait de Jacquard. Le tisseur la pr\u00EAta quelques ann\u00E9es apr\u00E8s l'ex\u00E9cution du fameux tableau tiss\u00E9 au metteur en carte qui souhaitait en r\u00E9aliser une copie. La mise en carte elle-m\u00EAme a disparu, mais la copie faite par Moulin lui-m\u00EAme a \u00E9t\u00E9 donn\u00E9e par son auteur au mus\u00E9e des Tissus (inv. MT 25800). Le dessinateur n'eut le temps que de reproduire la partie sup\u00E9rieure de l'image, car Carquillat souhaitait recouvrer rapidement la mise en carte.\nC'est qu'il avait le projet, certainement, de retisser le chef-d'\u0153uvre, et de corriger l'anonymat auquel Fran\u00E7ois-Didier Petit l'avait condamn\u00E9 ! La maison Didier-Petit et Cie ayant fait faillite en 1843, plus rien ne s'opposait \u00E0 ce que Michel-Marie Carquillat r\u00E9par\u00E2t, pour son propre compte, le f\u00E2cheux oubli. Il fit donc retisser le Portrait de Jacquard, \u00E0 l'identique de l'original et d'apr\u00E8s la m\u00EAme mise en carte. Mais en partie inf\u00E9rieure de la laize, sous l'image et bien visible, il fit ajouter l'inscription : \u00AB Tiss\u00E9 par M. M. Carquillat. \u00BB\nPour \u00EAtre bien s\u00FBr qu'on n'omettrait plus de lui attribuer le chef-d'\u0153uvre, Carquillat con\u00E7ut aussi\u00A0le projet d'un singulier tableau qu'il esp\u00E9rait pr\u00E9senter \u00E0 l'Exposition des produits de l'industrie fran\u00E7aise de 1844. Il en avait command\u00E9 pour cinq cents francs le dessin \u00E0 Jean-Claude Bonnefond. Le sujet \u00E9tait la visite\u00A0que le\u00A0duc d'Aumale avait faite \u00E0 son atelier, le 24 ao\u00FBt 1841. Andr\u00E9 Manin (vers 1817-1885), ancien \u00E9l\u00E8ve de l'\u00C9cole des Beaux-Arts, \u00E9tabli dessinateur \u00E0 Lyon, fut charg\u00E9 de la mise en carte. \nCarquillat r\u00E9alise-l\u00E0 une op\u00E9ration d'autopromotion sans pr\u00E9c\u00E9dent. En sollicitant Bonnefond, il choisit un peintre reconnu, qui a d\u00E9j\u00E0 garanti le succ\u00E8s du tableau tiss\u00E9 pour la maison Didier-Petit et Cie, r\u00E9put\u00E9, de surcro\u00EEt, pour \u00EAtre un \u00AB orl\u00E9aniste bon teint. \u00BB Le mus\u00E9e des Tissus conserve \u00E0 la fois les dessins pr\u00E9paratoires \u00E0 la composition d'ensemble et aux diff\u00E9rents personnages de la sc\u00E8ne (inv. MT 26506.1 \u00E0 MT 26506.8 et MAD 3090), la mise en carte originale (inv. MT 37281) et le tableau tiss\u00E9 (inv. MT 24735). Au centre de la composition se tient le duc d'Aumale. Mathevon, \u00E0 droite, son chapeau haut-de-forme \u00E0 la main, introduit Carquillat qui d\u00E9ploie le Portrait de Jacquard. Le groupe \u00E0 gauche est compos\u00E9 du lieutenant-g\u00E9n\u00E9ral baron Aymard, du pr\u00E9fet Jayr, du pr\u00E9sident Riboud et du maire Cabias. Dans le fond un ouvrier travaille au m\u00E9tier. \u00C0 l'extr\u00EAme droite, Genevi\u00E8ve Pernollet-Carquillat a fait chercher sa fille qui jouait au cerceau. Un jeune rondier, entr\u00E9 incidamment dans l'atelier, s'arr\u00EAte et soul\u00E8ve son chapeau avec respect. Tous les d\u00E9tails de l'atelier ont \u00E9t\u00E9 repr\u00E9sent\u00E9s, la suspente o\u00F9 dort le jeune ouvrier, la m\u00E9canique \u00E0 d\u00E9vider et l'horloge, qui marque trois heures moins le quart, le m\u00E9tier et sa m\u00E9canique Jacquard, la lanterne, le chelut et, \u00E0 terre, des roquets, des cartons Jacquard et des poulies t\u00E9moignant que la visite a eu lieu \u00E0 l'improviste.\nDes inscriptions sous l'image en identifient l'auteur \u2014 \u00AB Peint par C. Bonnefond \u00BB, \u00E0 gauche \u2014, le tisseur \u2014 \u00AB Tiss\u00E9 par Carquillat \u00BB, au centre \u2014 et le metteur en carte \u2014 \u00AB Dessin\u00E9 et mis en carte par A. Manin \u00BB, \u00E0 droite \u2014, informations qui faisaient d\u00E9faut sur le Portrait de Jacquard, o\u00F9 seuls \u00E9taient cit\u00E9s Bonnefond et la maison Didier-Petit et Cie. Toujours dans la partie inf\u00E9rieure, la ville de Lyon est symbolis\u00E9e par son embl\u00E8me, le lion, au-dessus duquel se d\u00E9ploie le titre de la sc\u00E8ne : \u00AB Visite de Mgr le Duc d'Aumale a la Croix-Rousse, dans l'atelier de M. Carquillat,/ le 24 ao\u00FBt 1841 \u00BB. \u00C0 gauche, on lit : \u00AB Le g\u00E9n\u00E9ral baron AYMARD, commandant de la 7e Don militaire./ M. JAYR Conseiller-d'Etat, Prefet du Rh\u00F4ne./ M. CABIAS, Maire de la Croix-Rousse. \u00BB, et, \u00E0 droite, \u00AB M. RIBOUD, pr\u00E9sident du Conseil des Prud'hommes./ M. MATHEVON, membre de la Chambre/ de Commerce de Lyon. \u00BB ; en bas, cette instructive d\u00E9dicace : \u00AB D\u00E9di\u00E9 au Roi/ Par Mel Carquillat, en 1844. \u00BB \nLe nom de Carquillat n'appara\u00EEt pas moins de trois fois sur ce tableau tiss\u00E9\u00A0! Et pour rappeler qu'il a ex\u00E9cut\u00E9 le Portrait de Jacquard, Carquillat fait de son premier portrait tiss\u00E9 le sujet principal du tableau, d\u00E9ploy\u00E9 au centre de la composition comme une nouvelle V\u00E9ronique. L'employ\u00E9 dans le fond suspendant son battant pour se tourner vers l'illustre groupe, travaille sur le m\u00E9tier m\u00EAme qui a r\u00E9alis\u00E9 le chef-d'\u0153uvre. L'horloge, \u00E0 l'arri\u00E8re-plan, marque la minute solennelle qui a vu s'accomplir un \u00E9v\u00E9nement aussi notable. La commande pass\u00E9e \u00E0 Bonnefond rel\u00E8ve de la peinture d'histoire. Carquillat n'h\u00E9site pas \u00E0 intervenir lui-m\u00EAme dans le portrait collectif. La Visite du duc d'Aumale est le seul autoportrait jamais produit par la Fabrique lyonnaise. Le ma\u00EEtre-ouvrier d\u00E9die son tableau au roi, comme le font les auteurs ou les graveurs. C'est un autre fait in\u00E9dit dans l'histoire du portrait tiss\u00E9.\nDe Moulin, en revanche, il n'est jamais fait mention. Seul le don qu'il a conc\u00E9d\u00E9 au mus\u00E9e des Tissus de la copie de sa mise en carte permet aujourd'hui de t\u00E9moigner qu'il a \u00E9t\u00E9, plus que tous les autres, l'artisan du succ\u00E8s du Portrait de Jacquard de la maison Didier-Petit et Cie.\u00A0\nMaximilien Durand"@fr . . . . . . . . . . . . . "48771" . . "0.5337"^^ . "0.745"^^ . . . "Le Portrait tiss\u00E9 de Jacquard est assur\u00E9ment l'une des \u0153uvres de la Fabrique lyonnaise les plus c\u00E9l\u00E8bres, et l'un des plus grands succ\u00E8s de l'Exposition des produits de l'industrie fran\u00E7aise de 1839 o\u00F9 il fut pr\u00E9sent\u00E9 par la maison Didier-Petit et Cie. Le jury fut particuli\u00E8rement sensible \u00E0 l'id\u00E9e consistant \u00E0 ex\u00E9cuter le portrait du grand homme sur le m\u00E9tier dont il \u00E9tait l'inventeur. Par ce chef-d'\u0153uvre d'exposition, la maison Didier-Petit et Cie comm\u00E9morait par ailleurs le cinqui\u00E8me anniversaire de la mort de Joseph-Marie Jacquard (1752-1834) et de la pr\u00E9sentation au public, lors du Salon parisien, de son portrait peint d'apr\u00E8s nature par Jean-Claude Bonnefond (1796-1860), directeur de l'\u00C9cole des Beaux-Arts de Lyon, qui servit de mod\u00E8le au tableau tiss\u00E9 en trompe-l'\u0153il de gravure.\nLe mus\u00E9e des Tissus conserve deux tissages originaux de ce Portrait de Jacquard (inv. MT 2264 et MT 42157). Un troisi\u00E8me exemplaire, presque identique en tous points aux deux pr\u00E9c\u00E9dents, pr\u00E9sente cependant une diff\u00E9rence majeure. En plus des inscriptions qui accompagnent l'image sur les originaux appara\u00EEt ici, en partie inf\u00E9rieure, au centre, la mention : \u00AB Tiss\u00E9 par M. M. Carquillat. \u00BB \nMichel-Marie Carquillat (1803-1884), fils de cultivateurs au Petit-Bornand devenu orphelin, arriva \u00E0 Lyon vers l'\u00E2ge de douze ans \u00AB avec trente centimes en poche. \u00BB D'abord apprenti tisseur, puis compagnon, il devint ma\u00EEtre-tisseur et dirigeait un atelier de quelques m\u00E9tiers. Il y r\u00E9alisait le travail que lui confiaient les fabricants comme Didier-Petit et Cie, Verzier-Bonnat ou Mathevon et Bouvard fr\u00E8res.\nC'est \u00E0 lui que revint le soin de tisser le Portrait de Jacquard pour le compte de la maison Didier-Petit et Cie, en 1839. La mise en carte avait \u00E9t\u00E9 r\u00E9alis\u00E9e par J.-L. (Jean-Louis ?) Moulin d'apr\u00E8s le tableau original du Palais Saint-Pierre, sous le contr\u00F4le de Jean-Claude Bonnefond lui-m\u00EAme et\u00A0avec les conseils de Joseph-Victor Vibert (1799-1860), professeur de gravure \u00E0 l'\u00C9cole des Beaux-Arts de Lyon. Une relation r\u00E9dig\u00E9e en 1895 par J.-L. Moulin, \u00E0 l'attention d'Antonin Terme, conservateur du mus\u00E9e des Tissus, r\u00E9v\u00E8le que\u00A0c'est lui qui eut l'id\u00E9e de tisser le portrait de Jacquard sur la m\u00E9canique qu'il avait invent\u00E9e. Quand il demanda \u00E0 Fran\u00E7ois Didier-Petit (Fran\u00E7ois-Didier Petit de Meurville, 1793-1873) l'autorisation de faire figurer son nom et celui du tisseur Carquillat sur le chef-d'\u0153uvre, cela lui fut refus\u00E9. Seuls apparaissent, en effet, sur les originaux, les noms du peintre (\u00AB D'apr\u00E8s le tableau de C. Bonnefond \u00BB) et du fabricant (\u00AB Ex\u00E9cut\u00E9 par Didier Petit et Cie\u00A0\u00BB).\nApr\u00E8s le succ\u00E8s du Portrait de Jacquard \u00E0 l'Exposition des produits de l'industrie fran\u00E7aise, Moulin quitta la maison Didier-Petit et Cie.\u00A0Carquillat, lui, d\u00E9cida d'assurer autrement son autopromotion, et de faire savoir qu'il \u00E9tait l'auteur du fameux tableau tiss\u00E9 pr\u00E9sent\u00E9 par Fran\u00E7ois-Didier Petit.\nFran\u00E7ois-Didier Petit de Meurville est n\u00E9 le 10 d\u00E9cembre 1793 \u00E0 Fonds-des-N\u00E8gres, \u00E0 Saint-Domingue, o\u00F9 son p\u00E8re, Fran\u00E7ois-Ignace-Nicolas Petit, baron de Meurville,\u00A0avait \u00E9t\u00E9 envoy\u00E9 comme consul de France.\u00A0Ce dernier\u00A0fut assassin\u00E9 en 1795, pendant la r\u00E9volte des esclaves d'Ha\u00EFti. Sa veuve, dame Beno\u00EEte-Victoire-Marine Lemau de la Barre (1766-1839), ruin\u00E9e, avait fui la r\u00E9volution de Toussaint Louverture en Ha\u00EFti,\u00A0en 1794, avec ses deux fils en bas \u00E2ge et sa s\u0153ur, dame Charlotte-Fran\u00E7oise Lemau de la Barre, veuve Hue Duquesnay (1772-1828), en se r\u00E9fugiant \u00E0 Baltimore. Elle se lia dans cette ville avec la\u00A0Soci\u00E9t\u00E9 des\u00A0pr\u00EAtres de Saint-Sulpice, et notamment Louis-Guillaume-Valentin Dubourg (1766-1833), futur\u00A0administrateur apostolique puis \u00E9v\u00EAque de Louisiane, avant d'\u00EAtre nomm\u00E9 \u00E9v\u00EAque de Montauban puis archev\u00EAque de Besan\u00E7on.\u00A0Avec l'aide des Sulpiciens, la veuve Petit, originaire de Villefranche-sur-Sa\u00F4ne, put regagner la France avec sa famille, alors que Fran\u00E7ois-Didier avait dix ans. Il fr\u00E9quenta le coll\u00E8ge des J\u00E9suites de Roanne. \nEn ao\u00FBt 1823, c'est comme dessinateur de fabrique qu'il est nomm\u00E9 membre du jury charg\u00E9 d'examiner les productions des \u00E9l\u00E8ves admis au concours de l'\u00C9cole royale de dessin et des beaux-arts, aux c\u00F4t\u00E9s des peintres Michel-Philibert Genod (1796-1862) et Anthelme Trimolet (1798-1866), des architectes Pierre Denave (1759-1842) et Claude Catelin (1784-1844) et du marchand-fabricant Nicolas Y\u00E9m\u00E9niz (1783-1871). Il cr\u00E9e sa propre maison sous la raison commerciale Didier-Petit et Cie, sise 29, quai de Retz, sp\u00E9cialis\u00E9e dans les ornements d'\u00E9glise. Par sa m\u00E8re, en effet, et par conviction personnelle, il est tr\u00E8s impliqu\u00E9 dans le renouveau catholique de la France et dans le soutien aux missions am\u00E9ricaines. Avec l'aide de Monseigneur Dubourg, alors \u00E9v\u00EAque de Louisiane, il forme une association pour r\u00E9colter des aum\u00F4nes pour les pr\u00EAtres d'Am\u00E9rique du Nord. Avec d'autres catholiques fervents, et notamment le banquier Beno\u00EEt Coste (1781-1845), il fonde finalement en 1822 l'\u0152uvre de la propagation de la foi, pour soutenir l'ensemble des missions, incitant la\u00A0v\u00E9n\u00E9rable Pauline-Marie Jaricot \u00E0 fusionner son \u0153uvre, fond\u00E9e pour les missions asiatiques du S\u00E9minaire des Missions \u00E9trang\u00E8res de la rue du Bac, \u00E0 Paris, avec\u00A0la nouvelle soci\u00E9t\u00E9. Son implication dans le mouvement le met en relation avec\u00A0un grand nombre de personnalit\u00E9s catholiques de la Restauration, comme le bienheureux Fr\u00E9d\u00E9ric Ozanam ou le p\u00E8re Henri-Dominique Lacordaire. Pour son action engag\u00E9e en faveur des missions, il est d\u00E9cor\u00E9 par le pape, au cours d'une audience, du titre de chevalier de l'Ordre de l'\u00C9peron d'Or.\nC'est probablement aussi les relations de Fran\u00E7ois-Didier Petit dans le milieu catholique et royaliste qui expliquent la grande commande que re\u00E7oit sa tr\u00E8s jeune maison, en 1825, puisqu'elle est charg\u00E9e, avec Devilleneuve et Mathieu\u00A0ou Mathevon et Bouvard,\u00A0de tisser les ornements de la cath\u00E9drale de Reims pour le sacre de Charles X, tandis que les broderies sont ex\u00E9cut\u00E9es chez Mademoiselle Quinet, 40, rue du Four, \u00E0 Paris. Le Journal de l'Ain, au\u00A028\u00A0avril 1825, fait cette relation de l'exposition organis\u00E9e par la maison de ces ornements (p. 3)\u00A0: \u00AB Avant-hier (25 avril), MM. Didier-Petit, fabricans (sic)\u00A0d'\u00E9toffes de soie, ont expos\u00E9 dans leurs magasins, rue St.-Polycarpe, les \u00E9toffes destin\u00E9es au sacre de S. M. Charles X, et \u00E0 l'ameublement de divers ministres. Rien de plus riche et d'un dessin plus \u00E9l\u00E9gant \u00E0 la fois et plus correct n'est sorti des manufactures de Lyon. La chasuble, dont sera rev\u00EAtu l'officiant, est un fond sabl\u00E9dor (sic) avec des dessins relev\u00E9s imitant la broderie ; sur le devant est un magnifique diamant fin, de la grosseur d'une aveline. Au centre de la croix qui est derri\u00E8re se trouve, au milieu d'une aur\u00E9ole \u00E9clatante, le monogramme I. H. S. en beaux diamans (sic). L'\u00E9tole, le manipule, la pale, le voile du calice sont \u00E9galement en dorure, et chaque croix est garnie d'un gros diamant.\nSur une draperie de velours pourpre le plus riche, et au milieu d'une aur\u00E9ole d'or, est brod\u00E9 d'une mani\u00E8re exquise un St.-Esprit en paillettes et cannetilles d'argent. L'\u0153il est en rubis.\nLes \u00E9toffes pour ameublement sont du tissu le plus \u00E9gal, et des dessins d'une nettet\u00E9, d'une \u00E9l\u00E9gance et d'un fini achev\u00E9. On ne peut rien produire d'un meilleur go\u00FBt. On admirait aussi un rideau en satin blanc \u00E0 dessins transparens (sic), sortant des magasins de M. Revillot. Ces dessins en sont charmans (sic), et cette \u00E9toffe d'un genre absolument nouveau fait le plus grand honneur \u00E0 notre Fabrique.\nCette exposition, et celle des \u00E9toffes destin\u00E9es aussi pour le sacre, fabriqu\u00E9es par MM. Mathevon et Bouvard, prouvent la sup\u00E9riorit\u00E9 de nos manufactures pour la qualit\u00E9 des \u00E9toffes, la puret\u00E9 du dessin, le go\u00FBt et la richesse sur celles des \u00E9trangers, qui sont encore bien loin de nous sur ce point.\u00A0\u00BB\nLe 30 avril, le Journal de l'Ain revient sur cette exposition (p. 3-4)\u00A0: \u00AB La maison Didier-Petit a fait lundi dernier, dans ses magasins, une exposition g\u00E9n\u00E9rale de toutes les \u00E9toffes qu'elle a fabriqu\u00E9es pour le sacre. Nous avons d\u00E9j\u00E0 donn\u00E9 une description de ces magnifiques \u00E9toffes, dont l'industrie lyonnaise peut \u00E0 juste titre se glorifier : nous ne parlerons que de la chasuble destin\u00E9e \u00E0 l'archev\u00EAque de Reims, qui doit sacrer le Roi. Le go\u00FBt exquis du dessin, la richesse de la mati\u00E8re, la perfection du travail font de cette chasuble un ornement d'\u00E9glise unique dans son genre.\nLe dessin, imitant la broderie relev\u00E9e en bosse sur un fond sable-d'or, est compos\u00E9e d'une t\u00EAte de Ch\u00E9rubin, au-dessus de laquelle sont des pampres de vignes. Dans le milieu est une gloire form\u00E9e d'\u00E9pis de bl\u00E9s, au centre de laquelle le monogramme I. H. S. est trac\u00E9 en diamans (sic). Cette superbe chasuble a \u00E9t\u00E9 faite enti\u00E8rement sur le m\u00E9tier avec toutes ses d\u00E9pendances ; on n'y remarque ni broderie, ni couture, comme cela se pratiquait auparavant. Ce magnifique ouvrage sort de l'atelier du sieur Ratton, et a \u00E9t\u00E9 ex\u00E9cut\u00E9 par lui-m\u00EAme. Ce travail lui fait le plus grand honneur, en ce qu'il a tr\u00E8s habilement surmont\u00E9 plusieurs difficult\u00E9s : la principale \u00E9tait que les d\u00E9coupures de la face de la t\u00EAte du Ch\u00E9rubin, et les boucles de cheveux, ne fussent que figur\u00E9es sur la surface. L'\u00E9tole, la pale, le voile du calice, \u00E9galement en dorure, sont fabriqu\u00E9s avec la m\u00EAme perfection, un beau diamant brille au milieu de chaque croix.\nLes personnes les plus distingu\u00E9es de la ville ont honor\u00E9 cette exposition de leur pr\u00E9sence. Le prince Metternich, accompagn\u00E9 du prince d'Aremberg et du marquis de Caraman, a visit\u00E9 les magasins de la maison Didier-Petit ; il a t\u00E9moign\u00E9 au chef de cette maison toute sa satisfaction dans les termes les plus flatteurs.\u00A0\u00BB\nEn juillet 1826, lorsque le duc, la duchesse d'Orl\u00E9ans et Mademoiselle, en compagnie du duc de Chartres et de ses jeunes s\u0153urs, s\u00E9journent \u00E0 Lyon, ils sont conduits dans les ateliers de la maison Didier-Petit et Cie ainsi que dans\u00A0son magasin o\u00F9 leur furent montr\u00E9es des \u00E9toffes comparables \u00E0 celles qui furent livr\u00E9es pour le sacre de Charles X.\u00A0\n\u00C0 l'Exposition des produits de l'industrie fran\u00E7aise de 1827, la maison re\u00E7oit une m\u00E9daille d'argent dans sa sp\u00E9cialit\u00E9, les \u00E9toffes pour meubles et ornements d'\u00E9glise. \u00C0 cette m\u00EAme Exposition, \u00C9tienne Maisiat (1794-1848) pr\u00E9sente deux tableaux tiss\u00E9s qui sont unanimement admir\u00E9s : le Testament de Louis XVI (inv. MT 7915) et la Lettre de Marie-Antoinette \u00E0 Madame \u00C9lisabeth. V\u00E9ritable tour de force technique, qui emploie de fines d\u00E9coupures et des liages presque invisibles et n\u00E9cessite une extr\u00EAme r\u00E9gularit\u00E9 de battage, ces tableaux imitent \u00E0 la perfection la gravure en taille-douce. \u00C9tienne Maisiat obtient une m\u00E9daille d'or pour ces tissages.\u00A0C'est selon son proc\u00E9d\u00E9 que la maison Didier-Petit et Cie fera tisser le Portrait de Jacquard par Michel-Marie Carquillat.\nLa m\u00E9daille d'argent de la maison Didier-Petit et Cie est confirm\u00E9e en 1834, alors\u00A0que Fran\u00E7ois-Didier Petit\u00A0d\u00E9veloppe parall\u00E8lement \u00E0 la branche ornements d'\u00E9glise la production de tissus pour l'exportation.\u00A0Finalement, la maison obtient en 1839 un nouveau rappel de m\u00E9daille d'argent pour les m\u00EAmes raisons, mais le rapport pr\u00E9cise : \u00AB Ces fabricants ont aussi expos\u00E9 un portrait de M. Jacquard d'une grande perfection de tissu. C'est une id\u00E9e fort heureuse qu'ils ont eue de reproduire son image avec l'ing\u00E9nieux m\u00E9tier dont il est l'inventeur. Ce portrait, d'une ex\u00E9cution parfaite, fait grand honneur \u00E0 ces habiles manufacturiers. \u00BB\nLe succ\u00E8s de ce tableau tiss\u00E9 n'a cependant pas suffi \u00E0 r\u00E9tablir la prosp\u00E9rit\u00E9 des affaires de Fran\u00E7ois-Didier Petit. D\u00E8s 1837, il doit consentir une obligation \u00E0 son ami Beno\u00EEt Coste, agent de change, de cent quatre vingt mille francs dont il prend l'inscription sur sa demeure de La Sabli\u00E8re, sise dans le clos Bissardon,\u00A0\u00E0 Caluire-et-Cuire. Cette obligation arrivant \u00E0 son terme en 1843 mais les affaires de son entreprise \u00E9tant fragiles, Fran\u00E7ois-Didier Petit doit \u00E0 cette date vendre son patrimoine, et notamment son exceptionnelle collection d'objets d'art (\u00E9maux, fa\u00EFences, verres de Venise, vitraux, peintures, manuscrits, ivoires, mobilier, m\u00E9dailles, antiquit\u00E9s...) dispers\u00E9e \u00E0 Paris. Grand amateur d'art, il avait par trois fois pr\u00E9sid\u00E9 l'assembl\u00E9e g\u00E9n\u00E9rale de la Soci\u00E9t\u00E9 des Amis des Arts de Lyon, en 1837, 1838 et 1839, dont il \u00E9tait le vice-pr\u00E9sident. Il est finalement expropri\u00E9 de sa\u00A0demeure de La Sabli\u00E8re en 1847 et habite quelque temps chez sa m\u00E8re, rue Saint-Joseph.\nD\u00E8s 1840, Fran\u00E7ois-Didier Petit soutient Charles de Bourbon, pr\u00E9tendant au tr\u00F4ne d'Espagne contre la tr\u00E8s jeune reine Isabelle II et il accueille chez lui les carlistes. Il est aussi un fervent l\u00E9gitimiste, soutenant Henri d'Artois, comte de Chambord. Charles V et le comte de Chambord parrainent l'un et l'autre un enfant de Fran\u00E7ois-Didier Petit. En 1848, le ministre des Affaires \u00E9trang\u00E8res, Alphonse de Lamartine, le nomme vice-consul de France \u00E0 Alicante. \u00C0 partir du mois de juin 1857, il est consul de France \u00E0 San Sebasti\u00E1n. Il exerce ses fonctions jusqu'\u00E0 sa retraite, en 1872, menant parall\u00E8lement une carri\u00E8re d'artiste et r\u00E9alisant des peintures de paysages. Il se passionne aussi pour la flore de la province de Guipuscoa et publie trois albums de botanique. Il est d\u00E9cor\u00E9 de l'Ordre de Charles III d'Espagne et de celui de la L\u00E9gion d'honneur. Il meurt le 27 avril 1873 \u00E0 Biarritz, dernier survivant parmi les fondateurs de l'\u0152uvre de la propagation de la foi.\nGr\u00E2ce \u00E0 la relation r\u00E9dig\u00E9e par Moulin et conserv\u00E9e dans les archives du mus\u00E9e des Tissus, on sait que Michel-Marie Carquillat avait conserv\u00E9 la mise en carte du Portrait de Jacquard. Le tisseur la pr\u00EAta quelques ann\u00E9es apr\u00E8s l'ex\u00E9cution du fameux tableau tiss\u00E9 au metteur en carte qui souhaitait en r\u00E9aliser une copie. La mise en carte elle-m\u00EAme a disparu, mais la copie faite par Moulin lui-m\u00EAme a \u00E9t\u00E9 donn\u00E9e par son auteur au mus\u00E9e des Tissus (inv. MT 25800). Le dessinateur n'eut le temps que de reproduire la partie sup\u00E9rieure de l'image, car Carquillat souhaitait recouvrer rapidement la mise en carte.\nC'est qu'il avait le projet, certainement, de retisser le chef-d'\u0153uvre, et de corriger l'anonymat auquel Fran\u00E7ois-Didier Petit l'avait condamn\u00E9 ! La maison Didier-Petit et Cie ayant fait faillite en 1843, plus rien ne s'opposait \u00E0 ce que Michel-Marie Carquillat r\u00E9par\u00E2t, pour son propre compte, le f\u00E2cheux oubli. Il fit donc retisser le Portrait de Jacquard, \u00E0 l'identique de l'original et d'apr\u00E8s la m\u00EAme mise en carte. Mais en partie inf\u00E9rieure de la laize, sous l'image et bien visible, il fit ajouter l'inscription : \u00AB Tiss\u00E9 par M. M. Carquillat. \u00BB\nPour \u00EAtre bien s\u00FBr qu'on n'omettrait plus de lui attribuer le chef-d'\u0153uvre, Carquillat con\u00E7ut aussi\u00A0le projet d'un singulier tableau qu'il esp\u00E9rait pr\u00E9senter \u00E0 l'Exposition des produits de l'industrie fran\u00E7aise de 1844. Il en avait command\u00E9 pour cinq cents francs le dessin \u00E0 Jean-Claude Bonnefond. Le sujet \u00E9tait la visite\u00A0que le\u00A0duc d'Aumale avait faite \u00E0 son atelier, le 24 ao\u00FBt 1841. Andr\u00E9 Manin (vers 1817-1885), ancien \u00E9l\u00E8ve de l'\u00C9cole des Beaux-Arts, \u00E9tabli dessinateur \u00E0 Lyon, fut charg\u00E9 de la mise en carte. \nCarquillat r\u00E9alise-l\u00E0 une op\u00E9ration d'autopromotion sans pr\u00E9c\u00E9dent. En sollicitant Bonnefond, il choisit un peintre reconnu, qui a d\u00E9j\u00E0 garanti le succ\u00E8s du tableau tiss\u00E9 pour la maison Didier-Petit et Cie, r\u00E9put\u00E9, de surcro\u00EEt, pour \u00EAtre un \u00AB orl\u00E9aniste bon teint. \u00BB Le mus\u00E9e des Tissus conserve \u00E0 la fois les dessins pr\u00E9paratoires \u00E0 la composition d'ensemble et aux diff\u00E9rents personnages de la sc\u00E8ne (inv. MT 26506.1 \u00E0 MT 26506.8 et MAD 3090), la mise en carte originale (inv. MT 37281) et le tableau tiss\u00E9 (inv. MT 24735). Au centre de la composition se tient le duc d'Aumale. Mathevon, \u00E0 droite, son chapeau haut-de-forme \u00E0 la main, introduit Carquillat qui d\u00E9ploie le Portrait de Jacquard. Le groupe \u00E0 gauche est compos\u00E9 du lieutenant-g\u00E9n\u00E9ral baron Aymard, du pr\u00E9fet Jayr, du pr\u00E9sident Riboud et du maire Cabias. Dans le fond un ouvrier travaille au m\u00E9tier. \u00C0 l'extr\u00EAme droite, Genevi\u00E8ve Pernollet-Carquillat a fait chercher sa fille qui jouait au cerceau. Un jeune rondier, entr\u00E9 incidamment dans l'atelier, s'arr\u00EAte et soul\u00E8ve son chapeau avec respect. Tous les d\u00E9tails de l'atelier ont \u00E9t\u00E9 repr\u00E9sent\u00E9s, la suspente o\u00F9 dort le jeune ouvrier, la m\u00E9canique \u00E0 d\u00E9vider et l'horloge, qui marque trois heures moins le quart, le m\u00E9tier et sa m\u00E9canique Jacquard, la lanterne, le chelut et, \u00E0 terre, des roquets, des cartons Jacquard et des poulies t\u00E9moignant que la visite a eu lieu \u00E0 l'improviste.\nDes inscriptions sous l'image en identifient l'auteur \u2014 \u00AB Peint par C. Bonnefond \u00BB, \u00E0 gauche \u2014, le tisseur \u2014 \u00AB Tiss\u00E9 par Carquillat \u00BB, au centre \u2014 et le metteur en carte \u2014 \u00AB Dessin\u00E9 et mis en carte par A. Manin \u00BB, \u00E0 droite \u2014, informations qui faisaient d\u00E9faut sur le Portrait de Jacquard, o\u00F9 seuls \u00E9taient cit\u00E9s Bonnefond et la maison Didier-Petit et Cie. Toujours dans la partie inf\u00E9rieure, la ville de Lyon est symbolis\u00E9e par son embl\u00E8me, le lion, au-dessus duquel se d\u00E9ploie le titre de la sc\u00E8ne : \u00AB Visite de Mgr le Duc d'Aumale a la Croix-Rousse, dans l'atelier de M. Carquillat,/ le 24 ao\u00FBt 1841 \u00BB. \u00C0 gauche, on lit : \u00AB Le g\u00E9n\u00E9ral baron AYMARD, commandant de la 7e Don militaire./ M. JAYR Conseiller-d'Etat, Prefet du Rh\u00F4ne./ M. CABIAS, Maire de la Croix-Rousse. \u00BB, et, \u00E0 droite, \u00AB M. RIBOUD, pr\u00E9sident du Conseil des Prud'hommes./ M. MATHEVON, membre de la Chambre/ de Commerce de Lyon. \u00BB ; en bas, cette instructive d\u00E9dicace : \u00AB D\u00E9di\u00E9 au Roi/ Par Mel Carquillat, en 1844. \u00BB \nLe nom de Carquillat n'appara\u00EEt pas moins de trois fois sur ce tableau tiss\u00E9\u00A0! Et pour rappeler qu'il a ex\u00E9cut\u00E9 le Portrait de Jacquard, Carquillat fait de son premier portrait tiss\u00E9 le sujet principal du tableau, d\u00E9ploy\u00E9 au centre de la composition comme une nouvelle V\u00E9ronique. L'employ\u00E9 dans le fond suspendant son battant pour se tourner vers l'illustre groupe, travaille sur le m\u00E9tier m\u00EAme qui a r\u00E9alis\u00E9 le chef-d'\u0153uvre. L'horloge, \u00E0 l'arri\u00E8re-plan, marque la minute solennelle qui a vu s'accomplir un \u00E9v\u00E9nement aussi notable. La commande pass\u00E9e \u00E0 Bonnefond rel\u00E8ve de la peinture d'histoire. Carquillat n'h\u00E9site pas \u00E0 intervenir lui-m\u00EAme dans le portrait collectif. La Visite du duc d'Aumale est le seul autoportrait jamais produit par la Fabrique lyonnaise. Le ma\u00EEtre-ouvrier d\u00E9die son tableau au roi, comme le font les auteurs ou les graveurs. C'est un autre fait in\u00E9dit dans l'histoire du portrait tiss\u00E9.\nDe Moulin, en revanche, il n'est jamais fait mention. Seul le don qu'il a conc\u00E9d\u00E9 au mus\u00E9e des Tissus de la copie de sa mise en carte permet aujourd'hui de t\u00E9moigner qu'il a \u00E9t\u00E9, plus que tous les autres, l'artisan du succ\u00E8s du Portrait de Jacquard de la maison Didier-Petit et Cie.\u00A0\nMaximilien Durand"@fr . "Portrait de Jacquard"@fr . . . . . . . . . . . . "0.4676"^^ . . . . "Portrait de Jacquard"@fr . . "0.4772"^^ .