. . . "Coquillages et Chevaux marins (num\u00E9ro de patron B. F. 16330)"@fr . "Deux motifs diff\u00E9rents, dispos\u00E9s alternativement en quinconce dans le sens de la largeur du tissu, composent ce d\u00E9cor. Tr\u00E8s proches, ils repr\u00E9sentent chacun un cheval \u2014 rose ou bleu \u2014 en course sur le jet vaporeux d\u2019une sorte de baleine ou monstre marin. Des rouleaux d\u2019\u00E9cume de la taille des chevaux animent cette composition fantaisiste. Le scintillement des vagues du fond est figur\u00E9 par de petits chevrons en lam\u00E9 argent. Des coquillages, de la taille des chevaux \u2014 dont l\u2019allure et le traitement na\u00EFf\u00A0\u00E9voquent plut\u00F4t des poneys \u2014 ponctuent cet univers marin all\u00E8gre et color\u00E9. Elles sont repr\u00E9sent\u00E9es alternativement ouvertes ou ferm\u00E9es, changements mat\u00E9rialis\u00E9s par leur couleur : bleu stri\u00E9 de blanc ou l\u2019inverse. La fr\u00E9quence des touches de rose et l\u2019abondance du lam\u00E9 dans le traitement des animaux marins ou des vagues font de cette \u00E9toffe une pi\u00E8ce particuli\u00E8rement riche, dont l\u2019impression joviale caract\u00E9rise tout \u00E0 fait le go\u00FBt de l\u2019artiste. \nRaoul Dufy suit des \u00E9tudes \u00E0 l\u2019\u00C9cole des Beaux-Arts du Havre puis de Paris, \u00E0 partir de 1900. Sa peinture traduit alors son inclination pour les diff\u00E9rents courants que sont l\u2019impressionnisme, le cubisme, puis le fauvisme. Ils d\u00E9veloppent chez le peintre un go\u00FBt pour l\u2019ornementation et la d\u00E9coration. Depuis son exp\u00E9rience du fauvisme, la couleur, particuli\u00E8rement, l\u2019int\u00E9resse. Gr\u00E2ce \u00E0 Paul Poiret, c\u00E9l\u00E8bre couturier de la Belle \u00C9poque, Dufy fait la connaissance de Guillaume Apollinaire, qui prend connaissance de ses gravures sur bois de fil. En 1911 para\u00EEt l\u2019un des ouvrages les plus important de la bibliographie moderne : le recueil de po\u00E8mes d\u2019Apollinaire, Le Bestiaire ou Cort\u00E8ge d\u2019Orph\u00E9e, illustr\u00E9 par les bois grav\u00E9s de Dufy. Chaque planche, de format carr\u00E9, figure un membre du cort\u00E8ge. Celles-ci sont fondamentales dans l\u2019\u0153uvre de l\u2019artiste : elles lui enseignent la r\u00E9partition des vides et des pleins dans une composition, et lui sugg\u00E8rent, lorsqu\u2019il change de support de cr\u00E9ation, des motifs qu\u2019il r\u00E9interpr\u00E8te et r\u00E9utilise tout au long de sa carri\u00E8re, notamment dans la d\u00E9coration textile. \nAvec les planches grav\u00E9es du Bestiaire, Dufy cr\u00E9e des tissus imprim\u00E9s dans le cadre de la \u00AB Petite Usine \u00BB, nom donn\u00E9 par le peintre \u00E0 l\u2019atelier mont\u00E9 en 1911 par Poiret boulevard de Clichy \u00E0 Paris. Le couturier recrute pour l\u2019aider un chimiste alsacien, \u00C9douard Zifferlin. Dufy \u00E9labore des motifs qu\u2019il grave dans les bois et imprime \u00E0 la main sur les \u00E9toffes qui servent aux robes confectionn\u00E9es par Poiret. \nNe pouvant, faute de moyens techniques, fabriquer des fa\u00E7onn\u00E9s ou imprimer des m\u00E9trages importants, Raoul Dufy et Paul Poiret sollicitent la maison de soieries Atuyer-Bianchini-F\u00E9rier (qui change de raison sociale \u00E0 la mort de l\u2019un de ses associ\u00E9s, Pierre-Fran\u00E7ois Atuyer, le 26 d\u00E9cembre 1912), pour la r\u00E9alisation d\u2019\u00E9chantillons de tissus. Ce travail \u00E0 la \u00AB Petite Usine \u00BB permet \u00E0 Dufy d\u2019exploiter son talent de d\u00E9corateur. Ses audaces ne sont jamais brid\u00E9es par l\u2019esprit avant-gardiste du couturier. \nCharles Bianchini pressent l\u2019avantage qu\u2019il aurait sur ses concurrents \u00E0 s\u2019allouer les talents d\u2019un artiste ind\u00E9pendant pour la cr\u00E9ation de motifs pour ses textiles. Il propose \u00E0 Dufy un premier contrat d\u2019exclusivit\u00E9 de trois ans, sign\u00E9 le 1er mars 1912. Poiret est alors contraint de fermer la \u00AB Petite Usine \u00BB, mais reste tr\u00E8s attach\u00E9 au style du peintre, dont il ach\u00E8te r\u00E9guli\u00E8rement les tissus \u00E9dit\u00E9s par Bianchini-F\u00E9rier. Pendant la Guerre, l\u2019artiste n\u2019est plus directement rattach\u00E9 \u00E0 la fabrique mais continue de vendre ses esquisses au soyeux. Il r\u00E9int\u00E8gre officiellement la maison en signant un deuxi\u00E8me contrat de trois ans le 26 avril 1919. Sa collaboration ne prend fin qu\u2019en 1928. \nDans les ann\u00E9es vingt, les tissus de Dufy pour Bianchini-F\u00E9rier connaissent un certain succ\u00E8s ; de nombreuses publications les reproduisent ou les mentionnent dans les journaux sp\u00E9cialis\u00E9s comme Vogue, la Gazette du Bon Ton ou Art et d\u00E9coration. N\u00E9anmoins, il est important de souligner qu\u2019ils sont r\u00E9serv\u00E9s \u00E0 une client\u00E8le ais\u00E9e et avant-gardiste : celle de la Haute Couture parisienne. Elle a les moyens de s\u2019offrir les robes confectionn\u00E9es dans les riches tissus Bianchini-F\u00E9rier ; la soie dont ils sont faits et les techniques de fa\u00E7onnage employ\u00E9es les rendent particuli\u00E8rement co\u00FBteux. \nEn 1919, la maison lyonnaise ouvre un rayon de tissus d\u2019ameublement, ce qui donne \u00E0 Dufy l\u2019occasion d\u2019interpr\u00E9ter encore diff\u00E9remment ses gravures du Bestiaire. Admir\u00E9s par les conservateurs ainsi que dans les rapports des expositions et des foires o\u00F9 ils sont expos\u00E9s, ces tissus montrent toute la verve et le g\u00E9nie de Dufy qui sait adapter sa production \u00E0 la demande du march\u00E9, sans pour autant trahir son style. Les tissus haute nouveaut\u00E9 restent ceux auxquels il consacre la plus grande part de son travail, la production n\u00E9cessitant d\u2019\u00EAtre renouvel\u00E9e \u00E0 chaque saison. \u00C0 cette \u00E9poque la ligne de la toilette se simplifie \u00E9norm\u00E9ment ; les robes tirent alors leur vari\u00E9t\u00E9 du tissu employ\u00E9. \nLe 14 mars 1922, Dufy \u00E9crit \u00E0 Charles Bianchini : \u00AB Le travail des dessins pour la nouveaut\u00E9 est devenu pour moi trop fatiguant et trop obs\u00E9dant, et je sens le besoin de repos de ce c\u00F4t\u00E9. Je rentrerai bient\u00F4t et vous ferai une nouvelle saison d\u2019\u00E9t\u00E9, mais ensuite je vous demande de cesser. Pour la collection de l\u2019ameublement, c\u2019est autre chose et je ne renonce pas \u00E0 continuer ce que vous avez entrepris avec moi. \u00BB Bien que la conception de motifs pour la nouveaut\u00E9 lui demande trop d\u2019\u00E9nergie, il produit durant les six derni\u00E8res ann\u00E9es de son contrat une dizaine de compositions d\u2019ameublement, contre plus de deux-cent cinquante compositions pour l\u2019habillement. Ceci s\u2019explique certainement par le succ\u00E8s que ces derni\u00E8res rencontrent aupr\u00E8s des jeunes couturiers de l\u2019apr\u00E8s-guerre. \nCe tissu a \u00E9t\u00E9 con\u00E7u par Raoul Dufy et \u00E9dit\u00E9 par la maison lyonnaise Bianchini-F\u00E9rier en 1922. Lors de l\u2019Exposition internationale des Arts d\u00E9coratifs et industriels modernes de Paris en 1925, il \u00E9tait pr\u00E9sent\u00E9 dans deux cat\u00E9gories diff\u00E9rentes : aux c\u00F4t\u00E9s des tissus fa\u00E7onn\u00E9s Bianchini-F\u00E9rier pour l\u2019ameublement et la nouveaut\u00E9, et sous la forme d\u2019une robe du soir \u00E0 longue traine \u2014 intitul\u00E9e Diane \u2014 confectionn\u00E9e par Poiret (dat\u00E9e de 1925, elle se trouve aujourd\u2019hui dans une collection particuli\u00E8re). Les tissus dessin\u00E9s par Dufy dans cette Exposition \u00E9taient nombreux ; le rapport le mentionne d\u2019ailleurs comme le \u00AB meilleur de ces dessinateurs d\u2019avant-garde \u00BB. De nombreux \u00E9l\u00E9ments, les pointes des vagues, les nuages de vapeur et les rouleaux d\u2019\u00E9cume, dont la forme festonn\u00E9e r\u00E9pond \u00E0 celle des coquilles, trouvent leur origine dans la gravure d\u2019Orph\u00E9e, dans le Bestiaire. Celle du Dauphin a servi de point de d\u00E9part pour la repr\u00E9sentation des monstres marins. \nL\u2019ensemble constitue un vocabulaire personnel ais\u00E9ment reconnaissable qui permet \u00E0 l\u2019artiste de \u00AB substitu(er) des expressions conventionnelles \u00E0 la r\u00E9alit\u00E9. Il a des moyens artificiels pour repr\u00E9senter l\u2019eau, la terre, les moissons, les nuages qui ont atteint aujourd\u2019hui dans le monde autant de force que les \u00E9l\u00E9ments eux-m\u00EAmes qu\u2019ils repr\u00E9sentent. Il appartenait \u00E0 un g\u00E9nie de substituer sa vision \u00E0 celle du public et de la faire pr\u00E9valoir contre les donn\u00E9es acquises [\u2026] et il a aujourd\u2019hui impos\u00E9 cet alphabet, dont il est l\u2019auteur, aux connaisseurs d\u2019art de l\u2019univers \u00BB (Paul Poiret, En habillant l\u2019\u00E9poque, Paris, 1930). \nOriginaire du Havre, Dufy a toute sa vie exploit\u00E9 le th\u00E8me de la mer dans ses tentures et ses compositions pour le textile. Il est d\u2019abord pr\u00E9sent sous la forme d\u2019un sujet mythologique avec Amphitrite (dont la version en ch\u00E2le broch\u00E9 dat\u00E9e de 1925 est conserv\u00E9e au mus\u00E9e des Tissus de Lyon, inv. MT 50173.54), puis la Baie de Sainte-Adresse et le Bain des chevaux, dat\u00E9es de 1925 (toutes deux dans des collections particuli\u00E8res). Le th\u00E8me des chevaux \u00E9voluant dans des vagues est donc exploit\u00E9 plusieurs fois et de diff\u00E9rentes mani\u00E8res par le peintre. Pour l\u2019habillement, Dufy privil\u00E9gie les motifs pouvant se r\u00E9p\u00E9ter sur toute la surface, dans n\u2019importe quel sens ; leur rapport de dessin est r\u00E9duit par rapport \u00E0 l\u2019ameublement, pour que le plissement de l\u2019\u00E9toffe en mouvement n\u2019en emp\u00EAche pas la lecture. \nCe tissu incarne tout le faste et l\u2019envie de nouveaut\u00E9 qui caract\u00E9rise la mode f\u00E9minine de l\u2019apr\u00E8s-guerre. Par sa qualit\u00E9 et sa complexit\u00E9 de tissage, il est repr\u00E9sentatif du savoir-faire de la soierie lyonnaise dans ces ann\u00E9es vingt. La Fabrique \u2014 qui regroupe l\u2019ensemble des maisons de soieries lyonnaises \u2014 a trouv\u00E9 dans la Haute Couture parisienne \u00E0 cette \u00E9poque un alli\u00E9 qui lui permet de demeurer l\u2019experte de la partie technique (du tissage \u00E0 la teinture et aux appr\u00EAts) et de vendre ses tissus haute nouveaut\u00E9. Elle doit par cons\u00E9quent s\u2019adapter aux demandes des couturiers et des d\u00E9corateurs, notamment en ce qui concerne la qualit\u00E9 et l\u2019effet visuel de ses soieries. \nLa maison Bianchini-F\u00E9rier fut pionni\u00E8re dans la recherche de nouveaux tissus mis au point depuis l\u2019apparition des fibres artificielles. En effet, la guerre a un impact important sur la production de tissus riches et chers, comme les damas et les velours. Parall\u00E8lement, la mode s\u2019oriente depuis les ann\u00E9es dix vers plus de l\u00E9g\u00E8ret\u00E9 et de souplesse ; la simplification de la ligne, l\u2019usage de mat\u00E9riaux moins sophistiqu\u00E9s et le perfectionnement des fibres artificielles facilitent alors l\u2019imitation des mod\u00E8les de couture pour un march\u00E9 de masse. En 1922, la rayonne viscose fait son apparition dans la couture. Elle est coupl\u00E9e \u00E0 l\u2019utilisation de la soie que les cours instables rendent de plus en plus ch\u00E8re. L\u2019am\u00E9lioration de sa fabrication encourage son utilisation par les soyeux. D\u2019autant plus qu\u2019elle sert \u00E0 faire des fa\u00E7onn\u00E9s\u00A0et son\u00A0brillant ne diff\u00E8re gu\u00E8re de celui de la soie naturelle, tout en autorisant des variations de couleur en raison de ses r\u00E9actions particuli\u00E8res \u00E0 la teinture. L\u2019utilisation de la viscose gagne bient\u00F4t des articles de plus en plus vari\u00E9s et d\u00E9licats, dont les cr\u00EApes \u00E0 partir de 1927. Le Rapport sur les travaux du jury de l\u2019Exposition internationale des Arts d\u00E9coratifs de 1925 mentionne la viscose comme compl\u00E9ment l\u00E9gitime de la soie naturelle, cette derni\u00E8re \u00AB se r\u00E9servant les articles tr\u00E8s riches pour lesquels on peut d\u00E9penser sans compter, et la soie artificielle apportant, au contraire, son concours si appr\u00E9ciable d\u2019une coloration lumineuse \u00E0 d\u2019autres articles pour lesquels l\u2019emploi de la soie naturelle repr\u00E9senterait une inutile prodigalit\u00E9. \u00BB \nCe tissu s\u2019inscrit pleinement dans ce type de production ; l\u2019association de diff\u00E9rentes armures de tissage, la combinaison de la viscose et de la soie ainsi que l\u2019abondance du lam\u00E9 t\u00E9moignent de la richesse de la maison \u00E0 cette \u00E9poque, et des audaces dont peut faire preuve la Couture parisienne. Entr\u00E9 dans les collections du mus\u00E9e historique des Tissus de Lyon en 1926, ce tissu a \u00E9t\u00E9 donn\u00E9 par la maison Bianchini-F\u00E9rier l\u2019ann\u00E9e suivant l\u2019Exposition des Arts d\u00E9coratifs. Deux autres tissus de l\u2019Exposition faisaient partie du lot : Paris ou Coin de fen\u00EAtre (inv. MT 30373) et Les \u00C9l\u00E9phants (inv. MT 30372), ce dernier ayant \u00E9galement \u00E9t\u00E9 utilis\u00E9 par Poiret. \u00C9tant hors concours, Bianchini-F\u00E9rier ne re\u00E7ut aucun prix lors de cet \u00E9v\u00E9nement, mais les tissus de Dufy furent plusieurs fois mentionn\u00E9s et particuli\u00E8rement bien repr\u00E9sent\u00E9s dans les diff\u00E9rents rapports publi\u00E9s. \nCl\u00E9mentine Marcelli"@fr . "Coquillages et Chevaux marins (num\u00E9ro de patron B. F. 16330)"@fr . . "Deux motifs diff\u00E9rents, dispos\u00E9s alternativement en quinconce dans le sens de la largeur du tissu, composent ce d\u00E9cor. Tr\u00E8s proches, ils repr\u00E9sentent chacun un cheval \u2014 rose ou bleu \u2014 en course sur le jet vaporeux d\u2019une sorte de baleine ou monstre marin. Des rouleaux d\u2019\u00E9cume de la taille des chevaux animent cette composition fantaisiste. Le scintillement des vagues du fond est figur\u00E9 par de petits chevrons en lam\u00E9 argent. Des coquillages, de la taille des chevaux \u2014 dont l\u2019allure et le traitement na\u00EFf\u00A0\u00E9voquent plut\u00F4t des poneys \u2014 ponctuent cet univers marin all\u00E8gre et color\u00E9. Elles sont repr\u00E9sent\u00E9es alternativement ouvertes ou ferm\u00E9es, changements mat\u00E9rialis\u00E9s par leur couleur : bleu stri\u00E9 de blanc ou l\u2019inverse. La fr\u00E9quence des touches de rose et l\u2019abondance du lam\u00E9 dans le traitement des animaux marins ou des vagues font de cette \u00E9toffe une pi\u00E8ce particuli\u00E8rement riche, dont l\u2019impression joviale caract\u00E9rise tout \u00E0 fait le go\u00FBt de l\u2019artiste. \nRaoul Dufy suit des \u00E9tudes \u00E0 l\u2019\u00C9cole des Beaux-Arts du Havre puis de Paris, \u00E0 partir de 1900. Sa peinture traduit alors son inclination pour les diff\u00E9rents courants que sont l\u2019impressionnisme, le cubisme, puis le fauvisme. Ils d\u00E9veloppent chez le peintre un go\u00FBt pour l\u2019ornementation et la d\u00E9coration. Depuis son exp\u00E9rience du fauvisme, la couleur, particuli\u00E8rement, l\u2019int\u00E9resse. Gr\u00E2ce \u00E0 Paul Poiret, c\u00E9l\u00E8bre couturier de la Belle \u00C9poque, Dufy fait la connaissance de Guillaume Apollinaire, qui prend connaissance de ses gravures sur bois de fil. En 1911 para\u00EEt l\u2019un des ouvrages les plus important de la bibliographie moderne : le recueil de po\u00E8mes d\u2019Apollinaire, Le Bestiaire ou Cort\u00E8ge d\u2019Orph\u00E9e, illustr\u00E9 par les bois grav\u00E9s de Dufy. Chaque planche, de format carr\u00E9, figure un membre du cort\u00E8ge. Celles-ci sont fondamentales dans l\u2019\u0153uvre de l\u2019artiste : elles lui enseignent la r\u00E9partition des vides et des pleins dans une composition, et lui sugg\u00E8rent, lorsqu\u2019il change de support de cr\u00E9ation, des motifs qu\u2019il r\u00E9interpr\u00E8te et r\u00E9utilise tout au long de sa carri\u00E8re, notamment dans la d\u00E9coration textile. \nAvec les planches grav\u00E9es du Bestiaire, Dufy cr\u00E9e des tissus imprim\u00E9s dans le cadre de la \u00AB Petite Usine \u00BB, nom donn\u00E9 par le peintre \u00E0 l\u2019atelier mont\u00E9 en 1911 par Poiret boulevard de Clichy \u00E0 Paris. Le couturier recrute pour l\u2019aider un chimiste alsacien, \u00C9douard Zifferlin. Dufy \u00E9labore des motifs qu\u2019il grave dans les bois et imprime \u00E0 la main sur les \u00E9toffes qui servent aux robes confectionn\u00E9es par Poiret. \nNe pouvant, faute de moyens techniques, fabriquer des fa\u00E7onn\u00E9s ou imprimer des m\u00E9trages importants, Raoul Dufy et Paul Poiret sollicitent la maison de soieries Atuyer-Bianchini-F\u00E9rier (qui change de raison sociale \u00E0 la mort de l\u2019un de ses associ\u00E9s, Pierre-Fran\u00E7ois Atuyer, le 26 d\u00E9cembre 1912), pour la r\u00E9alisation d\u2019\u00E9chantillons de tissus. Ce travail \u00E0 la \u00AB Petite Usine \u00BB permet \u00E0 Dufy d\u2019exploiter son talent de d\u00E9corateur. Ses audaces ne sont jamais brid\u00E9es par l\u2019esprit avant-gardiste du couturier. \nCharles Bianchini pressent l\u2019avantage qu\u2019il aurait sur ses concurrents \u00E0 s\u2019allouer les talents d\u2019un artiste ind\u00E9pendant pour la cr\u00E9ation de motifs pour ses textiles. Il propose \u00E0 Dufy un premier contrat d\u2019exclusivit\u00E9 de trois ans, sign\u00E9 le 1er mars 1912. Poiret est alors contraint de fermer la \u00AB Petite Usine \u00BB, mais reste tr\u00E8s attach\u00E9 au style du peintre, dont il ach\u00E8te r\u00E9guli\u00E8rement les tissus \u00E9dit\u00E9s par Bianchini-F\u00E9rier. Pendant la Guerre, l\u2019artiste n\u2019est plus directement rattach\u00E9 \u00E0 la fabrique mais continue de vendre ses esquisses au soyeux. Il r\u00E9int\u00E8gre officiellement la maison en signant un deuxi\u00E8me contrat de trois ans le 26 avril 1919. Sa collaboration ne prend fin qu\u2019en 1928. \nDans les ann\u00E9es vingt, les tissus de Dufy pour Bianchini-F\u00E9rier connaissent un certain succ\u00E8s ; de nombreuses publications les reproduisent ou les mentionnent dans les journaux sp\u00E9cialis\u00E9s comme Vogue, la Gazette du Bon Ton ou Art et d\u00E9coration. N\u00E9anmoins, il est important de souligner qu\u2019ils sont r\u00E9serv\u00E9s \u00E0 une client\u00E8le ais\u00E9e et avant-gardiste : celle de la Haute Couture parisienne. Elle a les moyens de s\u2019offrir les robes confectionn\u00E9es dans les riches tissus Bianchini-F\u00E9rier ; la soie dont ils sont faits et les techniques de fa\u00E7onnage employ\u00E9es les rendent particuli\u00E8rement co\u00FBteux. \nEn 1919, la maison lyonnaise ouvre un rayon de tissus d\u2019ameublement, ce qui donne \u00E0 Dufy l\u2019occasion d\u2019interpr\u00E9ter encore diff\u00E9remment ses gravures du Bestiaire. Admir\u00E9s par les conservateurs ainsi que dans les rapports des expositions et des foires o\u00F9 ils sont expos\u00E9s, ces tissus montrent toute la verve et le g\u00E9nie de Dufy qui sait adapter sa production \u00E0 la demande du march\u00E9, sans pour autant trahir son style. Les tissus haute nouveaut\u00E9 restent ceux auxquels il consacre la plus grande part de son travail, la production n\u00E9cessitant d\u2019\u00EAtre renouvel\u00E9e \u00E0 chaque saison. \u00C0 cette \u00E9poque la ligne de la toilette se simplifie \u00E9norm\u00E9ment ; les robes tirent alors leur vari\u00E9t\u00E9 du tissu employ\u00E9. \nLe 14 mars 1922, Dufy \u00E9crit \u00E0 Charles Bianchini : \u00AB Le travail des dessins pour la nouveaut\u00E9 est devenu pour moi trop fatiguant et trop obs\u00E9dant, et je sens le besoin de repos de ce c\u00F4t\u00E9. Je rentrerai bient\u00F4t et vous ferai une nouvelle saison d\u2019\u00E9t\u00E9, mais ensuite je vous demande de cesser. Pour la collection de l\u2019ameublement, c\u2019est autre chose et je ne renonce pas \u00E0 continuer ce que vous avez entrepris avec moi. \u00BB Bien que la conception de motifs pour la nouveaut\u00E9 lui demande trop d\u2019\u00E9nergie, il produit durant les six derni\u00E8res ann\u00E9es de son contrat une dizaine de compositions d\u2019ameublement, contre plus de deux-cent cinquante compositions pour l\u2019habillement. Ceci s\u2019explique certainement par le succ\u00E8s que ces derni\u00E8res rencontrent aupr\u00E8s des jeunes couturiers de l\u2019apr\u00E8s-guerre. \nCe tissu a \u00E9t\u00E9 con\u00E7u par Raoul Dufy et \u00E9dit\u00E9 par la maison lyonnaise Bianchini-F\u00E9rier en 1922. Lors de l\u2019Exposition internationale des Arts d\u00E9coratifs et industriels modernes de Paris en 1925, il \u00E9tait pr\u00E9sent\u00E9 dans deux cat\u00E9gories diff\u00E9rentes : aux c\u00F4t\u00E9s des tissus fa\u00E7onn\u00E9s Bianchini-F\u00E9rier pour l\u2019ameublement et la nouveaut\u00E9, et sous la forme d\u2019une robe du soir \u00E0 longue traine \u2014 intitul\u00E9e Diane \u2014 confectionn\u00E9e par Poiret (dat\u00E9e de 1925, elle se trouve aujourd\u2019hui dans une collection particuli\u00E8re). Les tissus dessin\u00E9s par Dufy dans cette Exposition \u00E9taient nombreux ; le rapport le mentionne d\u2019ailleurs comme le \u00AB meilleur de ces dessinateurs d\u2019avant-garde \u00BB. De nombreux \u00E9l\u00E9ments, les pointes des vagues, les nuages de vapeur et les rouleaux d\u2019\u00E9cume, dont la forme festonn\u00E9e r\u00E9pond \u00E0 celle des coquilles, trouvent leur origine dans la gravure d\u2019Orph\u00E9e, dans le Bestiaire. Celle du Dauphin a servi de point de d\u00E9part pour la repr\u00E9sentation des monstres marins. \nL\u2019ensemble constitue un vocabulaire personnel ais\u00E9ment reconnaissable qui permet \u00E0 l\u2019artiste de \u00AB substitu(er) des expressions conventionnelles \u00E0 la r\u00E9alit\u00E9. Il a des moyens artificiels pour repr\u00E9senter l\u2019eau, la terre, les moissons, les nuages qui ont atteint aujourd\u2019hui dans le monde autant de force que les \u00E9l\u00E9ments eux-m\u00EAmes qu\u2019ils repr\u00E9sentent. Il appartenait \u00E0 un g\u00E9nie de substituer sa vision \u00E0 celle du public et de la faire pr\u00E9valoir contre les donn\u00E9es acquises [\u2026] et il a aujourd\u2019hui impos\u00E9 cet alphabet, dont il est l\u2019auteur, aux connaisseurs d\u2019art de l\u2019univers \u00BB (Paul Poiret, En habillant l\u2019\u00E9poque, Paris, 1930). \nOriginaire du Havre, Dufy a toute sa vie exploit\u00E9 le th\u00E8me de la mer dans ses tentures et ses compositions pour le textile. Il est d\u2019abord pr\u00E9sent sous la forme d\u2019un sujet mythologique avec Amphitrite (dont la version en ch\u00E2le broch\u00E9 dat\u00E9e de 1925 est conserv\u00E9e au mus\u00E9e des Tissus de Lyon, inv. MT 50173.54), puis la Baie de Sainte-Adresse et le Bain des chevaux, dat\u00E9es de 1925 (toutes deux dans des collections particuli\u00E8res). Le th\u00E8me des chevaux \u00E9voluant dans des vagues est donc exploit\u00E9 plusieurs fois et de diff\u00E9rentes mani\u00E8res par le peintre. Pour l\u2019habillement, Dufy privil\u00E9gie les motifs pouvant se r\u00E9p\u00E9ter sur toute la surface, dans n\u2019importe quel sens ; leur rapport de dessin est r\u00E9duit par rapport \u00E0 l\u2019ameublement, pour que le plissement de l\u2019\u00E9toffe en mouvement n\u2019en emp\u00EAche pas la lecture. \nCe tissu incarne tout le faste et l\u2019envie de nouveaut\u00E9 qui caract\u00E9rise la mode f\u00E9minine de l\u2019apr\u00E8s-guerre. Par sa qualit\u00E9 et sa complexit\u00E9 de tissage, il est repr\u00E9sentatif du savoir-faire de la soierie lyonnaise dans ces ann\u00E9es vingt. La Fabrique \u2014 qui regroupe l\u2019ensemble des maisons de soieries lyonnaises \u2014 a trouv\u00E9 dans la Haute Couture parisienne \u00E0 cette \u00E9poque un alli\u00E9 qui lui permet de demeurer l\u2019experte de la partie technique (du tissage \u00E0 la teinture et aux appr\u00EAts) et de vendre ses tissus haute nouveaut\u00E9. Elle doit par cons\u00E9quent s\u2019adapter aux demandes des couturiers et des d\u00E9corateurs, notamment en ce qui concerne la qualit\u00E9 et l\u2019effet visuel de ses soieries. \nLa maison Bianchini-F\u00E9rier fut pionni\u00E8re dans la recherche de nouveaux tissus mis au point depuis l\u2019apparition des fibres artificielles. En effet, la guerre a un impact important sur la production de tissus riches et chers, comme les damas et les velours. Parall\u00E8lement, la mode s\u2019oriente depuis les ann\u00E9es dix vers plus de l\u00E9g\u00E8ret\u00E9 et de souplesse ; la simplification de la ligne, l\u2019usage de mat\u00E9riaux moins sophistiqu\u00E9s et le perfectionnement des fibres artificielles facilitent alors l\u2019imitation des mod\u00E8les de couture pour un march\u00E9 de masse. En 1922, la rayonne viscose fait son apparition dans la couture. Elle est coupl\u00E9e \u00E0 l\u2019utilisation de la soie que les cours instables rendent de plus en plus ch\u00E8re. L\u2019am\u00E9lioration de sa fabrication encourage son utilisation par les soyeux. D\u2019autant plus qu\u2019elle sert \u00E0 faire des fa\u00E7onn\u00E9s\u00A0et son\u00A0brillant ne diff\u00E8re gu\u00E8re de celui de la soie naturelle, tout en autorisant des variations de couleur en raison de ses r\u00E9actions particuli\u00E8res \u00E0 la teinture. L\u2019utilisation de la viscose gagne bient\u00F4t des articles de plus en plus vari\u00E9s et d\u00E9licats, dont les cr\u00EApes \u00E0 partir de 1927. Le Rapport sur les travaux du jury de l\u2019Exposition internationale des Arts d\u00E9coratifs de 1925 mentionne la viscose comme compl\u00E9ment l\u00E9gitime de la soie naturelle, cette derni\u00E8re \u00AB se r\u00E9servant les articles tr\u00E8s riches pour lesquels on peut d\u00E9penser sans compter, et la soie artificielle apportant, au contraire, son concours si appr\u00E9ciable d\u2019une coloration lumineuse \u00E0 d\u2019autres articles pour lesquels l\u2019emploi de la soie naturelle repr\u00E9senterait une inutile prodigalit\u00E9. \u00BB \nCe tissu s\u2019inscrit pleinement dans ce type de production ; l\u2019association de diff\u00E9rentes armures de tissage, la combinaison de la viscose et de la soie ainsi que l\u2019abondance du lam\u00E9 t\u00E9moignent de la richesse de la maison \u00E0 cette \u00E9poque, et des audaces dont peut faire preuve la Couture parisienne. Entr\u00E9 dans les collections du mus\u00E9e historique des Tissus de Lyon en 1926, ce tissu a \u00E9t\u00E9 donn\u00E9 par la maison Bianchini-F\u00E9rier l\u2019ann\u00E9e suivant l\u2019Exposition des Arts d\u00E9coratifs. Deux autres tissus de l\u2019Exposition faisaient partie du lot : Paris ou Coin de fen\u00EAtre (inv. MT 30373) et Les \u00C9l\u00E9phants (inv. MT 30372), ce dernier ayant \u00E9galement \u00E9t\u00E9 utilis\u00E9 par Poiret. \u00C9tant hors concours, Bianchini-F\u00E9rier ne re\u00E7ut aucun prix lors de cet \u00E9v\u00E9nement, mais les tissus de Dufy furent plusieurs fois mentionn\u00E9s et particuli\u00E8rement bien repr\u00E9sent\u00E9s dans les diff\u00E9rents rapports publi\u00E9s. \nCl\u00E9mentine Marcelli"@fr . . . "1408" .