. "La laize a \u00E9t\u00E9 acquise en 1862 par le tr\u00E8s jeune mus\u00E9e d'Art et d'Industrie avec la remarquable collection de Fran\u00E7ois Bert, professeur de th\u00E9orie, dans laquelle figuraient plusieurs chefs-d'\u0153uvre de Philippe de Lasalle. L'inventaire manuscrit de cette collection, conserv\u00E9 dans les archives du mus\u00E9e des Tissus, la d\u00E9crit comme un \u00AB damas gros-de-Tours, broch\u00E9 d'un bouquet de fleurs attach\u00E9 par un ruban bleu, sur un fond blanc, sem\u00E9 de quintefeuilles en cama\u00EFeu. Panneau de tenture par Philippe de Lasalle. \u00BB En 1873, le mus\u00E9e faisait en outre l'acquisition de sept mises en carte originales de Philippe de Lasalle, dont celle de cette \u00E9toffe (inv. MT 22048).\nLa laize a \u00E9t\u00E9 tiss\u00E9e sur une cha\u00EEne en soie (organsin S de deux bouts) cr\u00E8me, au moyen de trames en lin, en soie, en ond\u00E9 de soie et en schappe, par deux coups de fond et un coup de chaque lat de broch\u00E9 selon le d\u00E9cor. Pour le fond, tous les fils pi\u00E8ce travaillent en satin de 8, d\u00E9cochement 3, cha\u00EEne, avec la trame de fond ; l'effet damass\u00E9 du fond fa\u00E7onn\u00E9, en satin cha\u00EEne, est obtenu par un effet satin tram\u00E9\u00A0imitant le cannel\u00E9 simplet\u00E9 et un effet cannel\u00E9, armur\u00E9s \u00E0 la mise en carte ; le d\u00E9cor broch\u00E9\u00A0est obtenu par les effets des lats de broch\u00E9 \u00E0 liage repris en serg\u00E9 de 3 lie 1, S, par\u00A0deux sixi\u00E8mes\u00A0des fils et reposant sur le fond satin de 8 (\u00E0 l'envers, les trames broch\u00E9es flottent sans liage). Le tissage pr\u00E9sente des effets de bercl\u00E9, indiqu\u00E9s sur la mise en carte.\nL'association de soie (en cha\u00EEne et en trame), d'ond\u00E9\u00A0ou de schappe de soie (trames broch\u00E9es) et de lin (trame de fond) est inhabituelle\u00A0dans les meubles fa\u00E7onn\u00E9s de grande qualit\u00E9 produits au XVIIIe si\u00E8cle. Elle caract\u00E9rise cependant la production de Philippe de Lasalle dans les ann\u00E9es 1771-1772, au moment m\u00EAme o\u00F9 le fabricant ex\u00E9cutait ses premiers chefs-d'\u0153uvre r\u00E9alis\u00E9s au moyen du semple mobile, comme les fameuses tentures dites \u00AB\u00A0aux perdix \u00BB (inv. MT 2882)\u00A0et \u00AB\u00A0de Tchesm\u00E9\u00A0\u00BB (inv. MT 2886), ou celle dite \u00AB au faisan dor\u00E9 \u00BB (inv. MT 1286 et MT\u00A036453). Les \u00E9toffes produites durant ces ann\u00E9es de crise particuli\u00E8rement dure pour la Fabrique lyonnaise sont toutes r\u00E9alis\u00E9es sur une cha\u00EEne de soie, avec une trame de fond en lin ou en coton et des trames broch\u00E9es en soie, incluant de la schappe pour les couleurs mates. Philippe de Lasalle fut autoris\u00E9 \u00E0 \u00AB s'\u00E9carter des m\u00E9thodes usit\u00E9es de fabriquer les \u00E9toffes, en mettant une marque distinctive, pour laisser \u00E0 son g\u00E9nie l'essort dont il avait besoin, et l'on a vu sortir de son pinceau des chefs-d'\u0153uvre dans le genre d'\u00E9toffes pour meubles, en mati\u00E8re de laine, fil et bourre de soye qu'il faisait pr\u00E9parer \u00E0 sa mani\u00E8re, ce qui a prodigieusement occup\u00E9 de bras dans des temps mesme de cessation d'ouvrages et ses \u00E9toffes ont orn\u00E9 les Palais des Rois et ceux de l'imp\u00E9ratrice de Russie qui a consid\u00E9rablement fait travailler la ville de Lyon dans cette nouvelle branche d'industrie \u00BB comme l'indique un rapport\u00A0r\u00E9dig\u00E9 en 1778 conserv\u00E9 aux Archives nationales de France (F121444A). En effet, toutes ces \u00E9toffes o\u00F9 la quantit\u00E9 de soie mise en \u0153uvre est moindre afin d'abaisser leur co\u00FBt et de fournir du travail aux ouvriers en temps de crise sont pourvues d'une \u00AB\u00A0marque distinctive\u00A0\u00BB, visible au niveau des lisi\u00E8res. Ces derni\u00E8res, en effet, sont diff\u00E9renci\u00E9es, l'une d'elles, sur une m\u00EAme laize, pr\u00E9sentant une rayure noire bien visible.\nC'est le cas sur la laize orn\u00E9e d'un bouquet de fleurs nou\u00E9 par un ruban sur un fond sem\u00E9 de quintefeuilles.\u00A0Du c\u00F4t\u00E9 droit, la lisi\u00E8re (large de 0,6 centim\u00E8tre)\u00A0est compos\u00E9e de\u00A0six\u00A0cordelines en soie (retors S de\u00A0deux bouts Z) cr\u00E8me croisant en taffetas avec la trame de fond, puis d'une fine mignonnette en satin de 8, cha\u00EEne, en organsin de soie noire, et de deux fils cr\u00E8me (sur une largeur\u00A0de\u00A00,15 centim\u00E8tre). Du c\u00F4t\u00E9 gauche, la lisi\u00E8re (large \u00E9galement de\u00A00,6\u00A0centim\u00E8tre), pr\u00E9sente les six m\u00EAmes cordelines, puis une mignonnette en organsin de soie cr\u00E8me. Des lisi\u00E8res tr\u00E8s comparables, dont une ray\u00E9e de noir, s'observent \u00E9galement sur une laize de satin jaune, broch\u00E9 de fleurs nuanc\u00E9es (inv. MT 2879), une autre en damas gros de Tours, fond bleu, broch\u00E9 d'un bouquet nuanc\u00E9 nou\u00E9 par un ruban rose (inv. MT 24591.2),\u00A0un\u00A0satin ponceau,\u00A0broch\u00E9 de fleurs nuanc\u00E9es (inv. MT 2867), sur la tenture dite \u00AB aux tourterelles dans des fleurs \u00BB sur fond de satin jaune (inv. MT 2871)\u00A0ou sur la tenture dite \u00AB\u00A0aux colombes\u00A0\u00BB, sur fond satin ponceau\u00A0(inv. MT 29688), par exemple.\nCet \u00E9l\u00E9ment caract\u00E9ristique semble avoir \u00E9chapp\u00E9 \u00E0 la plupart des commentateurs du travail de Philippe de Lasalle. Il permet cependant de pr\u00E9ciser la chronologie des cr\u00E9ations du fabricant, puisque la production d'\u00E9toffes m\u00E9lang\u00E9es en soie, schappe de soie et lin ou coton semble avoir \u00E9t\u00E9 relativement br\u00E8ve dans sa carri\u00E8re. Les livraisons enregistr\u00E9es au Bureau du Kammer-Zahlmeister de la cour de Catherine II de Russie en 1776 (inv. MT 1279 et MT 1280), par exemple, qui succ\u00E8dent \u00E0 celles enregistr\u00E9es en 1773 d'\u00E9toffes m\u00E9lang\u00E9es, montrent bien qu'\u00E0 cette date les tentures de Philippe de Lasalle sont \u00E0 nouveau tiss\u00E9es tout en soie, comme en t\u00E9moigne le prix en rouble par archine bien sup\u00E9rieur \u00E0 celui des tissus pay\u00E9s en 1773.\nMaximilien Durand"@fr . . .