. . . . . . . . . "0.7251999974250793457"^^ . "0.53659999370574951172"^^ . . . "0.38969999551773071289"^^ . . . "53578" . . . . . . . . . . . . . . . "Cycle brod\u00E9 de la Vie de saint Martin"@fr . . "0.58079999685287475586"^^ . . . . "Cycle brod\u00E9 de la Vie de saint Martin"@fr . "0.90600001811981201172"^^ . . . . . . "En 1909, le mus\u00E9e des Tissus acquiert aupr\u00E8s de l\u2019antiquaire lyonnais Tony Martel \u00AB deux chasubles incompl\u00E8tes comprenant vingt-quatre m\u00E9daillons en broderie fran\u00E7aise dat\u00E9s du XVe si\u00E8cle \u00BB. Vingt-deux de ces m\u00E9daillons sont circulaires, les deux autres adoptent la forme d\u2019un panneau gothique. L\u2019ensemble a \u00E9t\u00E9 r\u00E9organis\u00E9, \u00E0 l\u2019\u00E9poque moderne, en deux croix de chasuble et deux bandes d\u2019orfroi. Les branches sup\u00E9rieure, droite et gauche des croix latines, destin\u00E9es au dos des chasubles, comportent chacune un m\u00E9daillon circulaire, la branche inf\u00E9rieure quatre, tandis que leur intersection est marqu\u00E9e par un panneau gothique. Chacune de ces bandes destin\u00E9es \u00E0 l\u2019avant des chasubles est orn\u00E9e de quatre m\u00E9daillons circulaires.\nDans le Compte rendu des travaux de la Chambre de Commerce de Lyon de cette m\u00EAme ann\u00E9e, cet ensemble est publi\u00E9 pour la premi\u00E8re fois parmi les vingt-cinq acquisitions les plus importantes r\u00E9alis\u00E9es au cours de l\u2019ann\u00E9e : \u00AB broderies de deux chasubles comprenant 24 m\u00E9daillons \u00E0 sujets religieux, France XVe si\u00E8cle \u00BB. En 1914, Raymond Cox, directeur du mus\u00E9e des Tissus, publie chez Armand Gu\u00E9rinet son ouvrage intitul\u00E9 Le mus\u00E9e historique des Tissus. Soieries & Broderies. Renaissance, Louis XIV, Louis XV, Louis XVI, Directoire, Premier Empire, compos\u00E9 d\u2019une notice ouvrant sur deux cents planches, parmi lesquelles figurent, sur les planches 8 et 9, des reproductions pleine page des orfrois de chasuble mont\u00E9s individuellement sur panneau de velours rouge bord\u00E9 de galons dor\u00E9s, indiqu\u00E9s comme un \u00AB travail du nord de la France datant du XVIe si\u00E8cle \u00BB, sans pr\u00E9cision concernant le sujet repr\u00E9sent\u00E9. Cependant, dans cette publication, il est int\u00E9ressant de constater que sont regroup\u00E9es sur une m\u00EAme planche une croix de chasuble et une bande d\u2019orfroi, \u00E0 savoir sur la planche 8, les \u0153uvres portant les num\u00E9ros d\u2019inventaire MT 29103.2 et MT 29103.4, puis sur la planche 9, celles num\u00E9rot\u00E9es MT 29103.1 et MT 29103.3. En 1919, Louis de Farcy publie le IIe suppl\u00E9ment de son ambitieux ouvrage La Broderie du XIe si\u00E8cle jusqu\u2019\u00E0 nos jours comprenant quatre-vingt cinq nouvelles planches et textes explicatifs. Sur la planche 236, il choisit de faire figurer ces fameuses broderies avec pour l\u00E9gende : \u00AB Deux croix et orfrois form\u00E9s au XVIIe si\u00E8cle avec des fronteaux du XIVe si\u00E8cle \u00BB, compl\u00E9t\u00E9e par la note suivante : \u00AB Ces belles et fines broderies composaient jadis des fronteaux, consacr\u00E9s \u00E0 la vie de diff\u00E9rents saints, dans le genre des planches nos 42, 154, 201, 242. On les a mutil\u00E9es au XVIIe si\u00E8cle pour en faire des chasubles. M. Duponchel, antiquaire, en poss\u00E8de deux presque semblables, ayant subi la m\u00EAme transformation dans un couvent d\u2019Arras, probablement. \u00BB En 1929, cet ensemble est \u00E0 nouveau publi\u00E9 dans le Catalogue des principales pi\u00E8ces expos\u00E9es. Cette fois, Henri d\u2019Hennezel, directeur du mus\u00E9e des Tissus et du mus\u00E9e des Arts d\u00E9coratifs, indique que le travail de broderie est \u00AB sans doute flamand \u00BB et revient \u00E0 une datation dans le courant du XVe si\u00E8cle. En 1930, il r\u00E9it\u00E8re son analyse dans son ouvrage Pour comprendre les tissus d\u2019art. Ces quatre pi\u00E8ces, accompagn\u00E9es de photographies, sont int\u00E9gr\u00E9es au chapitre consacr\u00E9 aux broderies flamandes et espagnoles : \u00AB Au mus\u00E9e des Tissus, se voient plusieurs \u0153uvres flamandes, dont quelques-unes m\u00E9ritent d\u2019\u00EAtre mises \u00E0 c\u00F4t\u00E9 des grandes pi\u00E8ces historiques d\u00E9crites par les inventaires. Ce sont d\u2019abord deux croix et deux orfrois de chasuble form\u00E9s d\u2019une suite de m\u00E9daillons polylob\u00E9s dans lesquels sont figur\u00E9s divers \u00E9pisodes de la vie d\u2019un saint. Les sc\u00E8nes brod\u00E9es en or et en soies de couleurs se d\u00E9tachent sur des fonds guilloch\u00E9s et sont reli\u00E9s entre elles par des tiges feuillues, ajout\u00E9es \u00E0 une \u00E9poque post\u00E9rieure, lors d\u2019un remaniement de ces broderies ; mais, \u00E0 part ces retouches, elles ont gard\u00E9 une finesse de coloris et un charme de composition qui les \u00E9galent aux enluminures du XVe si\u00E8cle, dont elles sont contemporaines. \u00BB Cette fois, croix de chasuble et bandes d\u2019orfrois sont dissoci\u00E9es, la num\u00E9rotation des figures concerne d\u2019abord les croix de chasuble puis les bandes d\u2019orfrois, ce qui correspond \u00E0 la num\u00E9rotation suivie des quatre \u00E9l\u00E9ments composant l\u2019ensemble, en vigueur aujourd\u2019hui dans le livre d\u2019inventaire.\nCet ensemble, dont on voit ici les mentions successives dans des ouvrages de r\u00E9f\u00E9rence ayant eu pour but de pr\u00E9senter les tr\u00E9sors de la production textile acquis par la Chambre de Commerce pour son mus\u00E9e d\u2019Art et d\u2019Industrie, fond\u00E9 en 1856, devenu en 1890 le mus\u00E9e historique des Tissus, illustre la vie et la l\u00E9gende de saint Martin de Tours, inspir\u00E9es des \u00E9crits de son disciple et premier biographe Sulpice S\u00E9v\u00E8re, compl\u00E9t\u00E9es par les r\u00E9cits des miracles advenus apr\u00E8s sa mort compil\u00E9s par Gr\u00E9goire de Tours. La thaumaturgie du saint a, en r\u00E9alit\u00E9, \u00E9t\u00E9 reprise par de nombreux hagiographes parmi lesquels peuvent \u00EAtre cit\u00E9s \u00E0 c\u00F4t\u00E9 de Jacques de Voragine, le plus c\u00E9l\u00E8bre d\u2019entre eux, Paulin de P\u00E9rigueux, Venance-Fortunat de Poitiers ; Alcuin ; Radbod, \u00E9v\u00EAque d\u2019Utrecht ; Pseudo-Odon, abb\u00E9 de Cluny ; Richer de Reims ; Pseudo-Herbernus ; Guibert-Martin de Gembloux ; Vincent de Beauvais ; P\u00E9an Gastineau ; Gilles d\u2019Orval. D\u2019autres ouvrages anonymes compl\u00E8tent ce corpus, comme par exemple, les Enquestes de Posthumien, Les beaux miracles de monseigneur sainct Martin, ainsi que de nombreuses compilations appel\u00E9s Martinades. \nFondateur du monachisme chr\u00E9tien occidental, consid\u00E9r\u00E9, en France, comme le treizi\u00E8me ap\u00F4tre et saint patron des dynasties royales, saint Martin de Tours est \u00E9lu \u00E9v\u00EAque en 370. Il est n\u00E9, de parents pa\u00EFens, en 316. Son p\u00E8re, soldat puis tribun militaire, s\u2019installe \u00E0 Ticinum, aujourd\u2019hui Pavie en Italie, o\u00F9 Martin passe sa jeunesse. C\u2019est \u00E0 l\u2019\u00E2ge de dix ans, nous pr\u00E9cise Sulpice S\u00E9v\u00E8re, qu\u2019il demande \u00E0 devenir cat\u00E9chum\u00E8ne contre l\u2019avis de ses parents. \u00C0 quinze ans, il est enr\u00F4l\u00E9 comme fils de v\u00E9t\u00E9ran dans l\u2019arm\u00E9e romaine. Il sert dans la cavalerie en Italie puis en Gaule d\u2019abord sous Constance II puis sous Julien C\u00E9sar. C\u2019est durant cette p\u00E9riode, alors qu\u2019il est en garnison \u00E0 Amiens, qu\u2019un soir d\u2019hiver de l\u2019an 337, il aper\u00E7oit \u00E0 l\u2019une des portes de la ville un homme n\u00E9cessiteux, implorant vainement la charit\u00E9 des passants. Martin, ne poss\u00E9dant que le manteau (ou paludamentum) dont il \u00E9tait rev\u00EAtu, le coupe en deux avec son \u00E9p\u00E9e et porte secours \u00E0 l\u2019indigent. Cette sc\u00E8ne du partage du manteau ou Charit\u00E9 de saint Martin est la plus populaire de sa l\u00E9gende. La nuit suivante, le Christ lui appara\u00EEt en songe rev\u00EAtu de cette aum\u00F4ne et s\u2019adressant aux anges qui l\u2019entourent, il leur dit : \u00AB Martin n\u2019\u00E9tant encore que cat\u00E9chum\u00E8ne m\u2019a rev\u00EAtu de ce manteau. \u00BB Le reste de son manteau, appel\u00E9 capella, a \u00E9t\u00E9 conserv\u00E9 comme la plus pr\u00E9cieuse des reliques par les rois m\u00E9rovingiens. Suite \u00E0 cette vision, il re\u00E7oit le bapt\u00EAme, il est alors \u00E2g\u00E9 de dix-huit ans. Deux ans plus tard, il quitte l\u2019arm\u00E9e et se rend aupr\u00E8s de saint Hilaire, \u00E9v\u00EAque de Poitiers qui lui conf\u00E8re, Martin ayant souvent refus\u00E9 par humilit\u00E9 de devenir diacre, la fonction d\u2019exorciste, le plus humble degr\u00E9 de la hi\u00E9rarchie eccl\u00E9siastique. Quelque temps apr\u00E8s, Martin retourne visiter ses parents en Pannonie, Dieu lui ayant ordonn\u00E9 en songe de les convertir. \u00C0 son retour, il traverse l\u2019Illyrie et s\u2019arr\u00EAte un temps en Italie afin de lutter contre l\u2019arianisme, doctrine reconnue comme une h\u00E9r\u00E9sie depuis le concile de Nic\u00E9e en 325. Pers\u00E9cut\u00E9 par Auxence, \u00E9v\u00EAque de Milan et chef du parti arien, Martin s\u2019exile sur l\u2019\u00EEle Gallinara. \u00C9chappant par la pri\u00E8re aux effets funestes de l\u2019ell\u00E9bore qu\u2019il avait ing\u00E9r\u00E9 par erreur, Martin se rend \u00E0 Rome puis s\u2019en retourne \u00E0 Poitiers aupr\u00E8s de saint Hilaire et fonde l\u2019abbaye de Ligug\u00E9. Martin acquiert alors une tr\u00E8s grande renomm\u00E9e dans la r\u00E9gion en ressuscitant un cat\u00E9chum\u00E8ne mort avant d\u2019avoir re\u00E7u le bapt\u00EAme et un esclave mort par pendaison. En 370, Martin est \u00E9lu \u00E9v\u00EAque de Tours par vox populi. Sans jamais renoncer \u00E0 vivre comme un moine, dans la plus humble condition, il fonde l\u2019abbaye de Marmoutier. Ses vingt-six ann\u00E9es d\u2019\u00E9piscopat, jusqu\u2019\u00E0 sa mort \u00E0 Candes le 8 novembre 397, sont marqu\u00E9es par de nombreux \u00E9pisodes miraculeux, dont Sulpice S\u00E9v\u00E8re n\u2019a retenu que les plus remarquables. Saint Martin, au p\u00E9ril de sa vie, lutta \u00E0 plusieurs reprises contre le d\u00E9mon, renversa de nombreuses idoles et enseigna l\u2019humilit\u00E9 aux grands de ce monde. \nL\u2019iconographie tr\u00E8s \u00E9rudite de ce cycle brod\u00E9 de saint Martin pr\u00E9sente un nombre cons\u00E9quent de trente-sept \u00E9pisodes brod\u00E9s de la vie du saint depuis son enfance jusqu\u2019aux miracles advenus apr\u00E8s sa mort. C\u2019est en 1968, que Margaret B. Freeman, conservateur \u00E9m\u00E9rite du Cloisters Museum \u00E0 New York, livre la premi\u00E8re \u00E9tude approfondie de ces broderies dans son ouvrage intitul\u00E9 The St. Martin Embroideries. A Fifteenth-Century Series Illustrating the Life and Legend of St. Martin of Tours, dont le point de d\u00E9part a \u00E9t\u00E9 l\u2019examen de quatre m\u00E9daillons brod\u00E9s, d\u2019une ex\u00E9cution remarquable, acquis en 1947, lors de la vente de la collection Joseph Brummer par le Cloisters Museum pour son Tr\u00E9sor. Ces quatre m\u00E9daillons, tr\u00E8s proches dans leurs dimensions, appartenaient en r\u00E9alit\u00E9 \u00E0 deux cycles distincts : celui de saint Martin de Tours et celui de sainte Catherine d\u2019Alexandrie. Stylistiquement, ils ont \u00E9t\u00E9 rapproch\u00E9s \u00E0 l\u2019\u00E9poque de l\u2019\u0153uvre de Rogier van der Weyden et de ses associ\u00E9s et donc dat\u00E9s des ann\u00E9es 1440. Trente-sept m\u00E9daillons et panneaux ont \u00E9t\u00E9 recens\u00E9s pour le cycle de saint Martin. En plus des vingt-deux m\u00E9daillons et des deux panneaux du mus\u00E9e des Tissus, six m\u00E9daillons et un panneau sont aujourd\u2019hui conserv\u00E9s dans les collections du Metropolitan Museum de New York : Saint Martin annon\u00E7ant \u00E0 ses parents qu\u2019il veut devenir chr\u00E9tien, inv. 1975.1.1909 ; L\u2019ordination de saint Martin par saint Hilaire, inv. 1975.1.1908 ; La r\u00E9surrection \u00E0 Ligug\u00E9 par saint Martin d\u2019un cat\u00E9chum\u00E8ne mort avant d\u2019avoir re\u00E7u le bapt\u00EAme, inv. 1975.1.1906 ; Saint Martin pr\u00E9sentant la coupe de vin au pr\u00EAtre, inv. 1975.1.1907 ; Saint Martin et les brigands, The Cloisters collection, inv. 47.101.64 ; L\u2019imp\u00E9ratrice prostern\u00E9e aux pieds de saint Martin (ou peut-\u00EAtre plut\u00F4t : Saint Martin convertissant sa m\u00E8re tandis que son p\u00E8re reste dans l\u2019erreur puisque l\u2019\u00AB imp\u00E9ratrice \u00BB ne porte pas la couronne), The Cloisters Collection, inv. 47.101.63 ; Saint Martin et les soldats se repentant de l\u2019avoir frapp\u00E9, The Cloisters Collection, inv. 1979.139, deux m\u00E9daillons au Cooper Hewitt Smithsonian Design Museum de New York : Le bapt\u00EAme de saint Martin, inv. 1962.8.1a ; La gu\u00E9rison d\u2019un aveugle et d\u2019un paralytique contre leur gr\u00E9, inv. 1962.8.1b, un autre \u00E0 la Walters Arts Gallery de Baltimore : La mort de saint Martin r\u00E9v\u00E9l\u00E9e par un ch\u0153ur c\u00E9leste \u00E0 l\u2019\u00E9v\u00EAque de Cologne saint S\u00E9verin, inv. 83.322, tandis qu\u2019un dernier m\u00E9daillon circulaire ayant appartenu \u00E0 la collection Alastair Bradley Martin est aujourd\u2019hui non localis\u00E9 : Saint Martin faisant ses adieux \u00E0 ses parents avant de rejoindre l\u2019arm\u00E9e romaine. Un quatri\u00E8me panneau est conserv\u00E9 \u00E0 Paris depuis 1993 au mus\u00E9e national du Moyen \u00C2ge - Thermes et h\u00F4tel de Cluny (inv. Cl. 23424) : La gu\u00E9rison d\u2019une aveugle devant le tombeau de saint Martin ou peut-\u00EAtre, comme le propose Nicole Reynaud dans son article \u00AB Une broderie de l\u2019histoire de saint Martin : Barth\u00E9l\u00E9my d\u2019Eyck et Pierre du Billant \u00BB, paru en 1997 dans la Revue du Louvre, Le miracle de la jeune fille de Lisieux, \u00AB qui venue en bateau, retrouve la lumi\u00E8re et, voyant la basilique y rend gr\u00E2ce aux saints. \u00BB Enfin, Margaret Freeman fait \u00E9tat d\u2019un dernier m\u00E9daillon, de forme ovale, li\u00E9 \u00E0 ce cycle de la vie de saint Martin, aujourd\u2019hui en place sur le chaperon d\u2019un pluvial conserv\u00E9 dans l\u2019\u00E9glise Saint-Michel de Gand (L\u2019argent des imp\u00F4ts revient \u00E0 Tours ou L\u2019argent de Lycontius offert au monast\u00E8re de saint Martin en remerciement de la gu\u00E9rison de ses esclaves). L\u2019ensemble de ces m\u00E9daillons, y compris ceux appartenant au cycle de sainte Catherine dont huit seulement sont aujourd\u2019hui rep\u00E9r\u00E9s, semblent donc avoir appartenu \u00E0 un ensemble plus important et ainsi avoir compos\u00E9 un cycle d\u00E9coratif pour une chapelle, c\u2019est-\u00E0-dire, un ensemble ornemental pouvant regrouper devant d\u2019autel, nappes et couvertures, chapes et chasubles orn\u00E9es d\u2019orfrois, tuniques, dalmatiques, corporaliers, ceintures et souliers, sans qu\u2019il soit possible d\u2019\u00E9valuer le nombre total de m\u00E9daillons r\u00E9alis\u00E9s, ni m\u00EAme d\u2019identifier avec certitude commanditaires, artistes et destinataires. \nL\u2019agencement des m\u00E9daillons sur les ornements conserv\u00E9s au mus\u00E9e des Tissus ne suit pas de logique narrative, m\u00EAme en consid\u00E9rant le sens de lecture invers\u00E9, de bas en haut, qui pr\u00E9side, par exemple, \u00E0 la lecture des vitraux. Ainsi, se pr\u00E9sentent p\u00EAle-m\u00EAle, les sc\u00E8nes suivantes, traditionnellement reconnues ou nouvellement propos\u00E9es dans le cadre de cette \u00E9tude. Sur la croix de chasuble (inv. MT 29103.1), figurent de haut en bas : Saint Martin et la brebis tondue ; Les prisonniers d\u00E9livr\u00E9s ; La gu\u00E9rison du muet Mauranus ou peut-\u00EAtre comme le propose Nicole Reynaud L\u2019apaisement des flots (panneau gothique) ; Saint Martin \u00E9lu \u00E9v\u00EAque de Tours ou plut\u00F4t Saint Martin interc\u00E9dant pour les Priscillianistes ; La destruction de la tombe du faux martyr ; Le tr\u00F4ne en flammes de l\u2019empereur Valentinien ; Saint Martin demandant \u00E0 son archidiacre de v\u00EAtir un pauvre ; La gu\u00E9rison d\u2019un l\u00E9preux \u00E0 Paris. Sur la bande d\u2019orfroi correspondante (inv. MT 29103.3), de haut en bas : Le reliquaire de saint Martin sur des tr\u00E9teaux ou peut-\u00EAtre Le roi de Galice demande des reliques du saint et offre une grande quantit\u00E9 d\u2019or et d\u2019argent en \u00E9change de la gu\u00E9rison de son fils ; Soleil et pluie sur un vignoble ou peut-\u00EAtre Un champ d\u00E9livr\u00E9 de la gr\u00EAle par un d\u00E9p\u00F4t de cire sanctifi\u00E9e ; Martin avec son diacre et ses disciples ou plut\u00F4t Saint Martin \u00E9lu \u00E9v\u00EAque de Tours ; Martin avec son diacre ou plut\u00F4t Saint Martin b\u00E9nissant l\u2019abbaye de Marmoutier. La seconde chasuble pr\u00E9sente sur la croix\u00A0(inv. MT 29103.2), de haut en bas : Martin et le d\u00E9mon ou plut\u00F4t La gu\u00E9rison de l\u2019esclave poss\u00E9d\u00E9 ; Saint Martin faisant taire un chien ; Saint Martin sorti de sa solitude par une ruse de Ruricius (panneau gothique) ; La gu\u00E9rison de l\u2019esclave de T\u00E9tradius ; Saint Martin voit en songe le Christ rev\u00EAtu de la moiti\u00E9 de manteau offerte au mendiant ; Saint Martin renonce au m\u00E9tier des armes ; Un homme fortun\u00E9 devant le reliquaire de saint Martin ou peut-\u00EAtre Des p\u00E8lerins, dont peut-\u00EAtre Gr\u00E9goire de Tours lui-m\u00EAme, se recueillant sur le reliquaire de saint Martin ; Saint Martin sauvant une maison des flammes. Sur la bande d\u2019orfroi associ\u00E9e (inv. MT 29103.4), quatre \u00E9pisodes sont repr\u00E9sent\u00E9s : Martin et son archidiacre avec un manteau ou plut\u00F4t Le d\u00E9mon, sous une forme humaine, se pr\u00E9sentant \u00E0 saint Martin ; La mort de saint Martin ; Un homme pendu est sauv\u00E9 apr\u00E8s avoir invoqu\u00E9 saint Martin ; Saint Martin sauve un li\u00E8vre poursuivi par des chiens. \nLa d\u00E9sorganisation du r\u00E9cit, m\u00EAlant les divers \u00E2ges du saint et ses nombreux miracles,\u00A0incite ici \u00E0 relever les diff\u00E9rentes repr\u00E9sentations de saint Martin, reconnaissable entre tous par son nimbe. Saint Martin, \u00E0 l\u2019instar d\u2019autres grands personnages de la fin de l\u2019Antiquit\u00E9 cit\u00E9s \u00E0 cette \u00E9poque, n\u2019est pas repr\u00E9sent\u00E9 dans sa r\u00E9alit\u00E9 historique. Il est au contraire v\u00EAtu \u00E0 la mode du XVe si\u00E8cle. Ainsi, lorsqu\u2019il renonce au m\u00E9tier des armes (inv. MT 29103.2), le saint est-il t\u00EAte nue, laissant appara\u00EEtre sa chevelure blonde coiff\u00E9e en \u00E9cuelle. Il porte une tunique \u00E0 manches longues ceintur\u00E9e \u00E0 la taille, les \u00E9paules couvertes d\u2019une p\u00E8lerine \u00E0 haut col. Plus tard, lorsqu\u2019il gu\u00E9rit un l\u00E9preux \u00E0 Paris (inv. MT 29103.1), saint Martin, toujours t\u00EAte nue, sa chevelure blonde lui coulant dans la nuque, est v\u00EAtu d\u2019une tunique de dessus fendue le long des jambes, ceintur\u00E9e \u00E0 la taille, sa p\u00E8lerine rejet\u00E9e en arri\u00E8re. C\u2019est d\u2019ailleurs \u00E0 la suite de cet \u00E9pisode que Sulpice S\u00E9v\u00E8re rend compte des gu\u00E9risons miraculeuses op\u00E9r\u00E9es par les fils des v\u00EAtements de saint Martin, voire m\u00EAme ceux de son cilice, dont on peut penser qu\u2019il est \u00E9voqu\u00E9 dans la sc\u00E8ne relatant l\u2019apparition du d\u00E9mon sous forme humaine (inv. MT 29103.4). Saint Martin rel\u00E8ve de la main droite sa longue tunique rouge, laissant appara\u00EEtre une tunique du dessous \u00E0 manches longues de couleur brune (dont le bas a \u00E9t\u00E9 enti\u00E8rement repris lors du r\u00E9assemblage des m\u00E9daillons), s\u2019accordant \u00E0 la couleur de son manteau repli\u00E9 sur les \u00E9paules, \u00E9voquant peut-\u00EAtre ici l\u2019\u00E9toffe de crin, instrument de sa mortification. Dans la sc\u00E8ne r\u00E9put\u00E9e \u00EAtre l\u2019\u00E9lection de saint Martin \u00E0 la fonction d\u2019\u00E9v\u00EAque de Tours (inv. MT 29103.1), le personnage nimb\u00E9 est v\u00EAtu d\u2019un costume civil. Chauss\u00E9 de bottes collantes et coiff\u00E9 d\u2019un chaperon \u00E0 bourrelet, saint Martin porte une jaquette rouge \u00E0 jupe ample et \u00E0 manches bouffantes orn\u00E9es d\u2019un courant d\u2019\u00E9toffe d\u00E9coup\u00E9e en \u00E9crevisse. Cependant ce costume civil, peut-\u00EAtre un habit de voyage, ajout\u00E9 \u00E0 la composition de la sc\u00E8ne elle-m\u00EAme, nous am\u00E8ne \u00E0 proposer ici de reconna\u00EEtre l\u2019intercession de saint Martin pour les priscillianistes, \u00E9pisode qui a eu lieu dans la ville de Tr\u00E8ves. En effet, au centre du m\u00E9daillon, \u00E0 la mani\u00E8re d\u2019une sc\u00E8ne de justice s\u00E9culi\u00E8re, pourrait se tenir un magistrat se r\u00E9f\u00E9rant \u00E0 des textes l\u00E9gislatifs, second\u00E9 par un officier tenant le rouleau sur lequel pourrait \u00EAtre consign\u00E9 l\u2019interrogatoire ou la condamnation \u00E0 mort de Priscillien. La sc\u00E8ne de l\u2019\u00E9lection de saint Martin \u00E0 la fonction d\u2019\u00E9v\u00EAque de Tours serait alors plut\u00F4t visible sur la bande d\u2019orfroi portant le num\u00E9ro d'inventaire MT 29103.3. \nComme sur ce dernier m\u00E9daillon, saint Martin est le plus souvent repr\u00E9sent\u00E9 v\u00EAtu de son costume religieux. Sur la croix de chasuble (inv. MT 29103.1), il est \u00E0 quatre reprises habill\u00E9 d\u2019une aube blanche \u00E0 manches \u00E9troites, lui couvrant tout le corps, ceintur\u00E9e dans la sc\u00E8ne de la tonte de la brebis par un cingulum cord\u00E9, voire agr\u00E9ment\u00E9e d\u2019un parement en partie inf\u00E9rieure, visible lorsqu\u2019il demande \u00E0 son archidiacre de v\u00EAtir un pauvre ou encore lorsqu\u2019il b\u00E9nit l\u2019abbaye de Marmoutier sur la bande d\u2019orfroi (inv. MT 29103.3). Par-dessus cette longue tunique de lin descendant jusqu\u2019aux chevilles, saint Martin porte un pluvial agraf\u00E9 sur le poitrail, bord\u00E9 de galons dor\u00E9s, voire m\u00EAme de pierreries comme dans la sc\u00E8ne de la destruction du tombeau du faux martyr (inv. MT 29103.1). Il est coiff\u00E9 d\u2019une mitre haute, apparue au XVe si\u00E8cle, bord\u00E9e d\u2019or, dont les fanons sont visibles notamment dans la sc\u00E8ne du tr\u00F4ne en flammes (inv. MT 29103.1). Les mains nues, il tient une crosse \u00E0 velum, le plus fr\u00E9quemment, de la main gauche. Cette crosse garnie d\u2019une longue pi\u00E8ce d\u2019\u00E9toffe blanche attach\u00E9e au sommet de la hampe sous la volute est celle d\u2019un abb\u00E9. Il est \u00E9vident que l\u2019iconographie rappelle la glorieuse humilit\u00E9 de saint Martin mais \u00E9galement son \u0153uvre d\u2019inventeur du monachisme occidental. Sur la croix de chasuble (inv. MT 29103.2), dans la sc\u00E8ne de la gu\u00E9rison de l\u2019esclave T\u00E9tradius, saint Martin appara\u00EEt cette fois rev\u00EAtu du costume \u00E9piscopal, compos\u00E9 d\u2019une aube, d\u2019une dalmatique fendue sur les c\u00F4t\u00E9s jusqu\u2019\u00E0 la taille et recouverte d\u2019une chasuble ronde orn\u00E9e d\u2019une bande dor\u00E9e \u00E9voquant le pallium. Sur la sc\u00E8ne du sauvetage de la maison en flammes, l\u2019aube de saint Martin est d\u00E9cor\u00E9e d\u2019un parement en partie inf\u00E9rieure, la dalmatique a, quant \u00E0 elle, disparu. Enfin, saint Martin, lorsqu\u2019il est sorti de sa solitude par une ruse de Ruricius (panneau gothique \u00E0 la crois\u00E9e des bras de la croix), est habill\u00E9 d\u2019un garde-corps rouge, fendu de mani\u00E8re \u00E0 lib\u00E9rer les bras, associ\u00E9 \u00E0 une p\u00E8lerine et une calotte de m\u00EAme couleur. \nL\u2019agencement des m\u00E9daillons ne pr\u00E9sente apparemment aucune logique. Cependant, il est possible de noter que, de la vision simultan\u00E9e des sc\u00E8nes, se d\u00E9gagent pour chaque \u00E9l\u00E9ment d\u2019orfroi des tonalit\u00E9s dominantes, harmonieusement arrang\u00E9es \u00E0 l\u2019\u00E9chelle des costumes et accentu\u00E9es par les points de reprises datant du remontage des m\u00E9daillons. Ainsi, la croix de chasuble (inv. MT 29103.1) et la bande d\u2019orfroi (inv. MT 29103.3) m\u00EAlent des rouges et des verts, d\u2019o\u00F9 se d\u00E9tachent les apparitions r\u00E9p\u00E9t\u00E9es du saint le plus fr\u00E9quemment mis d\u2019un blanc vif, tandis que sur la croix de chasuble (inv. MT 29103.2) et la bande d\u2019orfroi (inv. MT 29104.4), la palette s\u2019enrichit de teintes bleut\u00E9es que les v\u00EAtements rouges de saint Martin avivent particuli\u00E8rement. En outre, sur la bande d\u2019orfroi (inv. MT 29104.4), sont regroup\u00E9s notamment les trois seuls m\u00E9daillons pr\u00E9sentant un d\u00E9cor de souches d\u2019arbre, qui d\u2019apr\u00E8s Margaret Freeman seraient d\u2019un m\u00EAme artiste, compte tenu du soin apport\u00E9 \u00E0 ces \u00E9l\u00E9ments,\u00A0tandis qu\u2019elle recense jusqu\u2019\u00E0 sept mains diff\u00E9rentes. \nL\u2019\u00E9tude stylistique des m\u00E9daillons et des panneaux, incluant celle des costumes, en regard des manuscrits, des tableaux, des sculptures et des tapisseries du XVe si\u00E8cle en France et dans les Flandres, a conduit Margaret Freeman \u00E0 dater les m\u00E9daillons circulaires des ann\u00E9es 1430-1435 et les panneaux gothiques des ann\u00E9es 1440-1445. \nL\u2019analyse technique des m\u00E9daillons et panneaux brod\u00E9s conserv\u00E9s au mus\u00E9e des Tissus a, quant \u00E0 elle, mis en \u00E9vidence les supports, les techniques et les mat\u00E9riaux employ\u00E9s, \u00E0 la fois pour les broderies originales et pour les reprises post\u00E9rieures, datant du remontage en croix et bandes d\u2019orfroi. Elle a \u00E9galement r\u00E9v\u00E9l\u00E9 des similitudes importantes, sugg\u00E9rant l\u2019intervention d\u2019une m\u00EAme main sur les panneaux et au moins un m\u00E9daillon, ce qui pourrait conduire \u00E0 resserrer l\u2019intervalle s\u00E9parant la r\u00E9alisation de ces \u00E9l\u00E9ments. \nLes m\u00E9daillons et les panneaux sont brod\u00E9s sur une toile de lin (cha\u00EEne et trame en fil\u00E9 de torsion Z, non teint). Ils sont bord\u00E9s d\u2019un fil de soie rouge (au point de Boulogne) ayant pu servir \u00E0 d\u00E9limiter le p\u00E9rim\u00E8tre de la surface \u00E0 broder (ce fil est particuli\u00E8rement visible sur les m\u00E9daillons conserv\u00E9s au Metropolitan Museum de New York). Les broderies initiales de soie, de fil\u00E9s m\u00E9talliques dor\u00E9s et argent\u00E9s, sont r\u00E9alis\u00E9es au point fendu, en couchures diverses pour les effets de damier losang\u00E9, d\u2019imitation d\u2019armure de tissage, ainsi que selon une technique d\u00E9j\u00E0 tr\u00E8s \u00E9labor\u00E9e inaugurant celle de l\u2019or nu\u00E9 \u00E0 proprement parler. Ainsi, les sols \u00E9chiquet\u00E9s et les fonds guilloch\u00E9s sont-ils obtenus par couchure, technique employ\u00E9e pour fixer des fil\u00E9s m\u00E9talliques \u00E0 la surface d\u2019une \u00E9toffe. Il s\u2019agit essentiellement d\u2019un fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9 (lame m\u00E9tallique enroul\u00E9e en S sur \u00E2me de soie S, jaune clair) serpentant horizontalement et d\u2019un bord \u00E0 l\u2019autre du m\u00E9daillon pour les sols et verticalement, du bord du m\u00E9daillon \u00E0 la ligne de sol pour les fonds. Ces lignes parall\u00E8les, form\u00E9es par ce cheminement d\u2019un fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9, sont maintenues par le passage perpendiculaire de fils de soie, formant des points (partie visible du fil \u00E0 la surface de l\u2019\u00E9toffe) qui selon un sch\u00E9ma r\u00E9p\u00E9titif, travaille les lignes de fil\u00E9s m\u00E9talliques dor\u00E9s deux par deux, passant sur les deux premi\u00E8res lignes puis sous les deux suivantes, tandis que le fil de soie contigu passe d\u2019abord sous les deux premi\u00E8res lignes avant d\u2019enjamber les deux suivantes, \u00E0 l\u2019imitation d\u2019une armure toile. Les losanges de couleur sont donc obtenus par la couverture en pointill\u00E9 des lignes de fil\u00E9s m\u00E9talliques dor\u00E9s par les fils de soie, alors que les losanges dor\u00E9s sont obtenus par flott\u00E9 sans fixation, c\u2019est-\u00E0-dire que les lignes de fil\u00E9s m\u00E9talliques dor\u00E9s reposent librement \u00E0 la surface de l\u2019\u00E9toffe. La couchure par les fils de soie peut \u00EAtre de teinte uniforme, comme pour les d\u00E9cors de sols, ou nuanc\u00E9e, c\u2019est-\u00E0-dire juxtaposant des lignes de points du plus clair au plus fonc\u00E9, comme c\u2019est le cas dans le traitement de certains volumes, et notamment celui de la colonne sur le m\u00E9daillon des prisonniers d\u00E9livr\u00E9s (inv. MT 29103.1). Il arrive \u00E9galement que la couchure par les fils de soie diff\u00E8re le long des lignes form\u00E9es par le fil\u00E9 m\u00E9tallique, en fonction du d\u00E9cor. Dans le m\u00E9daillon de la destruction de la tombe du faux martyr (inv. MT 29103.1), une couchure de fils de soie rouge formant les losanges du fond alterne avec une couchure tr\u00E8s couvrante de fils de soie jaune pour les arcatures et une couchure nuanc\u00E9e de couleurs brunes pour le mur sur lequel elles reposent. Le d\u00E9mon qui s\u2019\u00E9chappe de l\u2019autel est en revanche uniquement brod\u00E9 de fils de soie, le fond or le contourne \u00E0 dessein. \nIl arrive \u00E9galement que le fil\u00E9 m\u00E9tallique du fond et celui du sol soient orient\u00E9s dans le m\u00EAme sens. Cependant leur densit\u00E9 diff\u00E8re : le fil\u00E9 m\u00E9tallique est plus tass\u00E9 (si l\u2019on tente une comparaison avec un tissage) en ce qui concerne la repr\u00E9sentation du ciel. Ainsi, deux m\u00E9daillons se pr\u00EAtent plus particuli\u00E8rement \u00E0 ces observations. Le premier d\u2019entre eux relate l\u2019\u00E9pisode du champ d\u00E9livr\u00E9 de la gr\u00EAle (inv. MT 29103.3). Le fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9 forme des lignes parall\u00E8les horizontales sur quasiment toute la surface du m\u00E9daillon, except\u00E9 \u00E0 l\u2019endroit du personnage (sauf sa ceinture). Malgr\u00E9 la forte d\u00E9gradation de la broderie, la technique originale reste lisible. L\u2019ensemble du d\u00E9cor, plants de vigne, terre et ciel, est constitu\u00E9 par les points de couchure, dont les nuances varient \u00E0 discr\u00E9tion pour traduire toutes les couleurs en pr\u00E9sence. Seuls les brins de fleurs \u00E0 tige haute et aux feuilles longues, \u00E9troites et recourb\u00E9es, sont rapport\u00E9s par des points de broderie ad hoc, comme sur le m\u00E9daillon relatant la gu\u00E9rison de l\u2019esclave T\u00E9tradius (inv. MT 29103 .2). Le second m\u00E9daillon figurant saint Martin sauvant un li\u00E8vre (inv. MT 29103.4) pr\u00E9sente une orientation verticale des fil\u00E9s m\u00E9talliques. En partie inf\u00E9rieure, ils servent de support aux broderies du sol, du li\u00E8vre, des chiens et des deux souches encadrant la sc\u00E8ne. L\u00E0 encore, le personnage est contourn\u00E9 par les fil\u00E9s du sol et du fond, except\u00E9 pour son nimbe dont la couchure diff\u00E8re cependant de celle du reste du fond. Cette technique de couchure nuanc\u00E9e cr\u00E9ant ces \u00E9l\u00E9ments de d\u00E9cor et imitant des armures de tissage (la toile pour le champ d\u00E9livr\u00E9 par la gr\u00EAle et le serg\u00E9 2 lie 1 trame pour saint Martin sauvant un li\u00E8vre) est tr\u00E8s proche, dans son rendu par aplats de couleurs, de la mosa\u00EFque, dans la mesure o\u00F9 la surface est homog\u00E8ne, sauf pour le personnage, qui, comme sur les autres m\u00E9daillons, se d\u00E9tache par l\u2019emploi de fils de soie brod\u00E9s en points fendus. Sur cette sc\u00E8ne, on peut relever \u00E9galement une subtilit\u00E9 in\u00E9dite dans la couchure, au niveau de la souche d\u2019arbre situ\u00E9e sur la droite du m\u00E9daillon, qui fait \u00E9cho au point fendu nu\u00E9 de l\u2019aube de saint Martin. Les fils de soie utilis\u00E9s pour la couchure font alterner du bleu, du rouge, de l\u2019ocre, du rouge, du bleu et de l\u2019orange, loin des autres couchures aux couleurs plus naturalistes. Au moment du remontage des m\u00E9daillons, afin de donner du relief aux \u00E9l\u00E9ments signifiants que sont, d\u2019une part, les feuilles de vigne, le nuage, la gr\u00EAle et le soleil, et d\u2019autre part, la tranche des souches et le nimbe, un fil\u00E9 m\u00E9tallique est venu redessiner leurs contours. Cette couverture tr\u00E8s importante du m\u00E9daillon par le fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9 pr\u00E9figure une technique de broderie d\u2019une grande complexit\u00E9 que l\u2019on voit introduite ici et que l\u2019on appelle l\u2019\u00AB or nu\u00E9 \u00BB. Cette technique d\u00E9signe l\u2019expression la plus raffin\u00E9e et la plus dense de l\u2019art de la couchure de fil\u00E9s m\u00E9talliques par des fils de soie. La surface de travail pr\u00E9sente un alignement parfait, homog\u00E8ne et tr\u00E8s serr\u00E9 de fil\u00E9s m\u00E9talliques qui serpentent d\u2019un bord \u00E0 l\u2019autre de la surface \u00E0 couvrir. Les points de couchure, par leur densit\u00E9 et les tonalit\u00E9s des soies employ\u00E9es, construisent enti\u00E8rement le d\u00E9cor. \nUne \u00E9tude men\u00E9e par le Metropolitan Museum sur leurs m\u00E9daillons en 2015, \u00E0 l\u2019occasion de l\u2019exposition intitul\u00E9e Scenes from the Life of St. Martin: Franco-Flemish Embroidery from the Met Collection, qui s\u2019est tenue du 11 mai au 25 octobre 2015, livre de pr\u00E9cieuses informations concernant la nature des mat\u00E9riaux employ\u00E9s pour la broderie originale, dans la mesure o\u00F9 les m\u00E9daillons conserv\u00E9s au Metropolitan Museum ont \u00E9t\u00E9 acquis d\u00E9faits du montage en croix et bandes d\u2019orfroi. Giulia Chiostrini, dans son article Conserving the Saint Martin Series: Technical Analysis of Fifteenth-Century Embroideries, publie les r\u00E9sultats concernant la composition et la fabrication des fil\u00E9s m\u00E9talliques, ainsi que l\u2019origine des teintures. Les fil\u00E9s m\u00E9talliques dor\u00E9s sont r\u00E9alis\u00E9s \u00E0 partir d\u2019un alliage compos\u00E9 de quatre-vingt-quinze pourcent d\u2019argent et de cinq pourcent de cuivre, lamin\u00E9 en feuille, puis dor\u00E9 sur une face, avant d\u2019\u00EAtre d\u00E9bit\u00E9 en fines bandes enroul\u00E9es une \u00E0 une en spirale couvrante autour d\u2019un fil de soie jaune, appel\u00E9e \u00AB \u00E2me \u00BB. Une exposition des m\u00E9daillons aux rayons X a confirm\u00E9 l\u2019ampleur des surfaces couvertes par les fil\u00E9s m\u00E9talliques et donc la somptuosit\u00E9 de cet ouvrage de broderie. Les teintures des fils de soie sont d\u2019origine v\u00E9g\u00E9tale. Ainsi, les couleurs primaires sont-elles obtenues \u00E0 partir de la garance pour le rouge, de la gaude pour le jaune et du pastel pour le bleu. \nCette derni\u00E8re couleur, lorsqu\u2019elle est employ\u00E9e en couchure, est d\u2019ailleurs le plus souvent associ\u00E9e \u00E0 des fil\u00E9s m\u00E9talliques argent\u00E9s confectionn\u00E9s sur une \u00E2me de soie blanche, intensifiant ainsi tout en d\u00E9licatesse, les tonalit\u00E9s froides du m\u00E9tal. C\u2019est le cas par exemple pour la figuration des portes de Paris dans le m\u00E9daillon de la gu\u00E9rison du l\u00E9preux sur la croix de chasuble (inv. MT 29103.1). Une version plus sophistiqu\u00E9e de couchure de fil\u00E9 m\u00E9tallique argent\u00E9 est visible sur le panneau gothique, \u00E0 la crois\u00E9e des bras de cette m\u00EAme croix, sur le m\u00E9daillon relatant l\u2019apaisement des flots. En effet, le cours d\u2019eau \u00E0 la physionomie mouvante est figur\u00E9 par la couchure d\u2019un fil\u00E9 m\u00E9tallique argent\u00E9 ondoyant couch\u00E9 par un et deux fils de mani\u00E8re irr\u00E9guli\u00E8re, et azur\u00E9 par de fines lignes de soie nuanc\u00E9e courant dans les interstices m\u00E9nag\u00E9s par le cheminement du fil\u00E9 m\u00E9tallique. Sur le flanc de la barque, \u00E0 l\u2019endroit o\u00F9 les vagues se creusent, l\u2019\u00E9clatement al\u00E9atoire de l\u2019eau est traduit par quelques points rayonnants r\u00E9alis\u00E9s au moyen du fil\u00E9 m\u00E9tallique argent\u00E9. Cette technique a \u00E9t\u00E9 utilis\u00E9e pour mat\u00E9rialiser la cl\u00F4ture de la solitude de saint Martin et, semble-t-il \u00E9galement, pour environner la gu\u00E9rison de la jeune aveugle sur le panneau de m\u00EAme forme conserv\u00E9 au mus\u00E9e de Cluny. Margaret Freeman, insistant sur le niveau de perfectionnement des techniques de broderie mises en \u0153uvre, ainsi que sur la qualit\u00E9 sup\u00E9rieure du dessin, avait propos\u00E9 que ces panneaux aient \u00E9t\u00E9 r\u00E9alis\u00E9s plusieurs ann\u00E9es apr\u00E8s la suite de m\u00E9daillons circulaires. Or, il existe au moins un de ces m\u00E9daillons, conserv\u00E9 au mus\u00E9e des Tissus (inv. MT 29103.4) pr\u00E9sentant le m\u00EAme soin et les m\u00EAmes caract\u00E9ristiques techniques. Il s\u2019agit du m\u00E9daillon sur lequel le d\u00E9mon sous forme humaine se pr\u00E9sente \u00E0 saint Martin, identifi\u00E9 par Margaret Freeman comme Martin et son archidiacre avec un manteau. La pr\u00E9sence d\u2019une souche d\u2019arbre dans le d\u00E9cor avait aussi conduit l\u2019auteur \u00E0 proposer qu\u2019il ait \u00E9t\u00E9 r\u00E9alis\u00E9 par le m\u00EAme artiste que celui des m\u00E9daillons comportant ce d\u00E9tail et regroup\u00E9s au moment de leur remontage sur la m\u00EAme bande d\u2019orfroi (inv. MT 29103.4) : Un homme pendu est sauv\u00E9 apr\u00E8s avoir invoqu\u00E9 saint Martin et Saint Martin sauve un li\u00E8vre poursuivi par des chiens. Or, \u00E0 consid\u00E9rer de plus pr\u00E8s cette souche d\u2019arbre, il appara\u00EEt que son \u00E9corce sur laquelle s\u2019impriment des plis obliques a \u00E9t\u00E9 r\u00E9alis\u00E9e selon la m\u00EAme technique que celle utilis\u00E9e pour transcrire le mouvement de l\u2019eau : on trouve, en effet, une couchure de fil\u00E9 m\u00E9tallique par un et deux fils rehauss\u00E9e de lignes de points fendus alternant des tons clairs et des tons fonc\u00E9s de couleur brune. Le fond du m\u00E9daillon imitant un entrecroisement oblique de fines bandes dor\u00E9es proche de la vannerie, par le jeu d\u2019une couchure de fil rouge, est \u00E9galement identique au fond original des deux panneaux cit\u00E9s plus haut, dans la mesure o\u00F9 le r\u00E9seau losang\u00E9 piqu\u00E9 d\u2019\u00E9toiles, obtenu au point de treillis et au point de croix, sur le panneau de la ruse sortant Martin de sa solitude (inv. MT 29103.2), est d\u00FB \u00E0 une reprise effectu\u00E9e lors du remontage. En outre, l\u2019observation de ce fond sur le m\u00E9daillon du d\u00E9mon (inv. MT 29103.4), nous \u00E9claire sur l\u2019identit\u00E9 du personnage au doigt lev\u00E9. En effet, le fil de couchure rouge m\u00E9nage l\u2019emplacement de deux cornes recourb\u00E9es prenant naissance dans sa chevelure d\u00E9peign\u00E9e, voire hirsute. Ce dispositif d\u2019\u00E9pargne d\u2019une zone tendue de fil\u00E9 m\u00E9tallique, du fond ou du sol, destin\u00E9e \u00E0 recevoir des parties de personnages, est visible sur d\u2019autres m\u00E9daillons comme celui du tr\u00F4ne en flamme, au niveau des chaussures (inv. MT 29103.1), ou celui du roi de Galice (inv. MT 29103.3), au niveau de ses bottes et de la main gauche du marchand. Ces deux cornes, aujourd\u2019hui fantomatiques, nous invitent \u00E0 consid\u00E9rer un \u00E9v\u00E9nement que nous relate Sulpice S\u00E9v\u00E8re entre saint Martin et Satan, sous forme humaine, ayant eu lieu alors que le saint se rendait aupr\u00E8s de ses parents afin de les convertir. Le biographe place cet \u00E9pisode apr\u00E8s que saint Martin a d\u00E9pass\u00E9 Milan. Il est effectivement repr\u00E9sent\u00E9 sur la broderie tournant le dos aux portes d\u2019une ville sur un chemin figur\u00E9 par une couchure de fil\u00E9 m\u00E9tallique qui exceptionnellement \u00E9pouse la courbe du m\u00E9daillon.\nL\u2019\u00E9tude plus pouss\u00E9e de la composition des m\u00E9daillons, g\u00E9n\u00E9ralement scind\u00E9e par une ligne de sol, a r\u00E9v\u00E9l\u00E9 quelques autres hardiesses de la part des brodeurs. Ainsi, par exemple, sur le m\u00E9daillon des p\u00E8lerins se recueillant sur le reliquaire de saint Martin (inv. MT 29103.2), peut-on voir flotter la terrasse sur laquelle prennent place les personnages. Le fond r\u00E9alis\u00E9 en couchure se poursuit effectivement en partie inf\u00E9rieure, conf\u00E9rant ainsi \u00E0 la sc\u00E8ne une apparence d\u2019\u00E9ternit\u00E9.\u00A0Et sur les m\u00E9daillons repr\u00E9sentant l\u2019apparition du Christ \u00E0 saint Martin (inv. MT 29103.2) et la mort de saint Martin (inv. MT 29103.4), dans laquelle le Christ se manifeste \u00E9galement, l\u2019orientation des fil\u00E9s m\u00E9talliques sur les sols varie \u00E0 nouveau selon un m\u00EAme sch\u00E9ma. \nCes deux m\u00E9daillons se r\u00E9pondent\u00A0en r\u00E9alit\u00E9\u00A0\u00E0 plus d\u2019un titre. Du point de vue de l\u2019iconographie et de la composition, le sommeil et la mort sont \u00E9voqu\u00E9s selon un m\u00EAme canevas de dessin, d\u2019une grande proximit\u00E9 avec la peinture de miniature et avec ses plus r\u00E9centes \u00E9volutions. La repr\u00E9sentation du saint allong\u00E9 dans un lit est trait\u00E9e en raccourci et de trois quarts, et non pas de profil. Ce point de vue permet de sur\u00E9lever la figure du saint afin qu\u2019elle occupe la partie m\u00E9diane du m\u00E9daillon et de cr\u00E9er un rapport dynamique entre le saint et la figure du Christ. L\u2019orientation l\u00E9g\u00E8rement oblique de la couchure du sol vient soutenir cet effet de perspective. Le lit de saint Martin est lui aussi d\u2019une grande modernit\u00E9 puisqu\u2019il pr\u00E9sente tous les \u00E9l\u00E9ments constitutifs des couches les plus nobles au moment de la r\u00E9alisation de ces broderies. Le lit est ainsi garni de deux courtines lat\u00E9rales coulissantes sur des tringles masqu\u00E9es sur l\u2019ext\u00E9rieur par des lambrequins mais visibles \u00E0 l\u2019int\u00E9rieur comme cela est figur\u00E9 dans la sc\u00E8ne du songe de saint Martin. Ces longues pentes descendent jusqu\u2019au sol et sont compl\u00E9t\u00E9es par une courtine tendue derri\u00E8re le haut chevet du lit. La t\u00EAte du saint repose sur un polochon et un coussin carr\u00E9 \u00E0 joue capitonn\u00E9e. Son corps est recouvert d\u2019un drap et d\u2019une couverture descendant jusqu\u2019au sol. Cet agencement est identique \u00E0 celui que l\u2019on peut trouver sur certaines miniatures, comme celle d\u2019Olympias et Nectan\u00E9bo, roi d\u2019\u00C9gypte, dans le Speculum historiale de Vincent de Beauvais, enlumin\u00E9 par le Ma\u00EEtre du Boccace de Gen\u00E8ve, \u00E0 Angers, vers 1460 (fol. 43). Au regard de la technique, ces deux m\u00E9daillons sont \u00E9galement tr\u00E8s semblables et aussi tr\u00E8s proches du m\u00E9daillon figurant les p\u00E8lerins devant le reliquaire de saint Martin (inv. MT 29103.2). Le ciel, les lambrequins et le fond de lit, le chevet et les coussins, ainsi que certains d\u00E9tails comme les nimbes, la mitre du saint \u00E9v\u00EAque, l\u2019orbe du Christ Salvator Mundi, le chaperon \u00E0 bourrelet, les ceintures et les galons des diff\u00E9rents personnages, pour les deux premiers m\u00E9daillons, le reliquaire, la p\u00E8lerine et la bourse, pour le troisi\u00E8me m\u00E9daillon, sont r\u00E9alis\u00E9s selon la technique de l\u2019or nu\u00E9, c\u2019est-\u00E0-dire en couchure tr\u00E8s serr\u00E9e par un fil. L\u2019objectif n\u2019est pas ici d\u2019imiter une armure de tissage par une couchure r\u00E9guli\u00E8re mais plut\u00F4t un effet pictural au rendu \u00AB micac\u00E9 \u00BB qui utilise l\u2019or comme le ton le plus lumineux de chaque couleur en pr\u00E9sence, de mani\u00E8re \u00E0 accentuer les contrastes et ainsi la profondeur des images. \nUn autre point de broderie est commun \u00E0 ces trois m\u00E9daillons pour les capitons des oreillers et les ouvertures en verre clair et losang\u00E9 m\u00E9nag\u00E9s sur les faces lat\u00E9rales du reliquaire, il s\u2019agit d\u2019une couchure en croisillon sur un fond tendu de fils de soie. C\u2019est le m\u00EAme principe qui a \u00E9t\u00E9 utilis\u00E9 pour les vitraux sur le m\u00E9daillon de saint Martin b\u00E9nissant l\u2019abbaye de Marmoutier (inv. MT 29103.3) dont l\u2019effet visible actuellement est une reprise datant du remontage des pi\u00E8ces. Enfin, on remarque deux autres points ex\u00E9cut\u00E9s avec un fil\u00E9 m\u00E9tallique pour des effets de mati\u00E8re sp\u00E9cifique. Sur le m\u00E9daillon de saint Martin renon\u00E7ant au m\u00E9tier des armes (inv. MT 29103.2), la cotte de maille du chevalier situ\u00E9 compl\u00E8tement \u00E0 droite de la sc\u00E8ne est transcrite \u00E0 l\u2019aide d\u2019un fil\u00E9 m\u00E9tallique argent\u00E9 travaill\u00E9 en une sorte de \u00AB point de tulle \u00BB couch\u00E9. \nSur le m\u00E9daillon figurant le roi de Galice commandant \u00E0 un orf\u00E8vre une couronne pour orner la ch\u00E2sse de saint Martin (inv. MT 29103.3), on remarque l\u2019emploi d\u2019un point particulier r\u00E9alis\u00E9 avec un fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9 au niveau de l\u2019aigui\u00E8re. Il s\u2019agit d\u2019une couchure horizontale par deux fils, peu tendue et fix\u00E9 seulement aux extr\u00E9mit\u00E9s, recouvrant une broderie de fil de soie blanc orient\u00E9e verticalement \u00E0 l\u2019endroit de l\u2019objet. Cette sophistication cr\u00E9e un effet de volume int\u00E9ressant dans la repr\u00E9sentation d\u2019une pi\u00E8ce de forme. Elle se retrouve, par comparaison et pour le m\u00EAme type d\u2019objets, sur la table du m\u00E9daillon conserv\u00E9 au Metropolitan Museum figurant Saint Martin pr\u00E9sentant la coupe de vin au pr\u00EAtre (inv. 1975.1.1907). \nGr\u00E2ce \u00E0 des photographies documentaires du revers des croix et des bandes d\u2019orfroi des pi\u00E8ces conserv\u00E9es au mus\u00E9e des Tissus, de pr\u00E9cieuses informations concernant les reprises sont disponibles. En effet, toutes les r\u00E9parations op\u00E9r\u00E9es pour am\u00E9liorer la lecture et l\u2019appr\u00E9ciation des m\u00E9daillons ont \u00E9t\u00E9 r\u00E9alis\u00E9es une fois les m\u00E9daillons plac\u00E9s sur le support d\u00E9coup\u00E9 en croix et en bandes. Les points de reprises traversent donc le m\u00E9daillon et la toile de lin de support. C\u2019est aussi la raison pour laquelle les m\u00E9daillons conserv\u00E9s dans les autres collections, except\u00E9 celui conserv\u00E9 sur le chaperon \u00E0 Gand, ne pr\u00E9sentent pas ces types de point dont la technique diff\u00E8re de la broderie originale, dans la mesure o\u00F9 ils ont \u00E9t\u00E9 acquis d\u00E9faits de leur support, ce qui a bien \u00E9videmment n\u00E9cessit\u00E9 de rompre tous les fils de reprises. En revanche, le revers des m\u00E9daillons est inaccessible sur les pi\u00E8ces conserv\u00E9es au mus\u00E9e des Tissus. Cette restauration, qui a consist\u00E9 \u00E0 consolider les fil\u00E9s m\u00E9talliques dor\u00E9s, notamment au niveau du ventre des bandes pectorales et \u00E0 certains endroits sur la broderie en gaufrure des galons, ainsi qu\u2019\u00E0 renouveler le support d\u2019exposition, a ainsi permis d\u2019acc\u00E9der en n\u00E9gatif \u00E0 toutes r\u00E9parations op\u00E9r\u00E9es sur les m\u00E9daillons eux-m\u00EAmes ainsi qu\u2019aux d\u00E9tails de la r\u00E9alisation de l\u2019ensemble. Les retouches, dat\u00E9es traditionnellement du XVIIe si\u00E8cle, ont donc eu pour objet de raviver le d\u00E9cor et de reprendre des zones particuli\u00E8rement endommag\u00E9es, dans le respect de l\u2019effet initialement recherch\u00E9 par les artistes du XVe si\u00E8cle. Cependant, les points de broderie employ\u00E9s sont des points d\u2019imitation qui parviennent \u00E0 recr\u00E9er de mani\u00E8re illusionniste, \u00E0 premi\u00E8re vue, le d\u00E9cor escamot\u00E9. La recherche de la caract\u00E9risation de ces reprises a r\u00E9v\u00E9l\u00E9 une cartographie des points employ\u00E9s, croix de chasuble par croix de chasuble et bande d\u2019orfroi par bande d\u2019orfroi, comme si chacun de ces quatre \u00E9l\u00E9ments avait en plus fait l\u2019objet d\u2019un traitement singulier \u00E0 leur \u00E9chelle, ce qui contribue \u00E9videmment \u00E0 leur unit\u00E9 visuelle. \nConcernant les reprises des diff\u00E9rentes couchures de fil\u00E9s m\u00E9talliques (notamment pour les architectures, comme c\u2019est le cas sur les m\u00E9daillons de saint Martin faisant taire un chien et de la gu\u00E9rison de T\u00E9tradius [inv. MT 29103.2] ;\u00A0de l'\u00E9lection de saint Martin \u00E0 la fonction d'\u00E9v\u00EAque\u00A0et de la b\u00E9n\u00E9diction de\u00A0l\u2019abbaye de Marmoutier [inv. MT 29103.3] ; pour le bois de la potence et du tronc d\u2019arbre de l\u2019\u00E9pisode du li\u00E8vre [inv. MT 29103.4], ou encore, semble-t-il, pour les fa\u00E7ades des \u00E9curies du m\u00E9daillon ovale conserv\u00E9 sur le chaperon du pluvial \u00E0 Gand, en se basant sur la reproduction disponible dans l\u2019ouvrage de Margaret Freeman), cette r\u00E9novation, tr\u00E8s distincte des techniques de couchure originales, produit un effet \u00AB grain\u00E9 \u00BB par une broderie en couchure par deux fils, en cordonnet de soie retors, d\u2019un c\u00E2bl\u00E9 de deux retors, l\u2019un en soie et l\u2019autre en fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9. La couleur de la soie varie selon les effets de lumi\u00E8re recherch\u00E9s. Ainsi, par exemple, sur la potence, un ton clair et un ton fonc\u00E9 juxtapos\u00E9s r\u00E9v\u00E8lent-ils la dimension tronconique de l\u2019objet. Cette m\u00EAme technique est employ\u00E9e pour restituer les couchures de fil\u00E9 m\u00E9tallique argent\u00E9 sur six m\u00E9daillons circulaires de la croix d\u2019orfroi (inv. MT 29103.2), \u00E0 la diff\u00E9rence que sont utilis\u00E9s, cette fois pour le c\u00E2bl\u00E9, un retors de soie nuanc\u00E9 et un retors de fil\u00E9 m\u00E9tallique argent\u00E9. Ces reprises concernent plus particuli\u00E8rement dans l\u2019ordre des m\u00E9daillons, de haut en bas, les \u00E9l\u00E9ments suivants : la p\u00E8lerine du poss\u00E9d\u00E9, m\u00EAlant successivement au fil\u00E9 m\u00E9tallique argent\u00E9, un retors de soie blanche sur l\u2019\u00E9paule droite, un retors de soie jaune le long du pan droit de la p\u00E8lerine puis un retors de soie verte le long du pan gauche ; la face int\u00E9rieure et le fanon gauche de la mitre de saint Martin m\u00EAlent un retors de soie bleu ciel au fil\u00E9 m\u00E9tallique argent\u00E9 ; son aube fait alterner un fil de soie blanche et un fil de soie brune pour marquer les plis au niveau de l\u2019\u00E9paule, tandis que son velum a \u00E9t\u00E9 repris par une couchure simple de fil\u00E9 m\u00E9tallique argent\u00E9. Sur le m\u00E9daillon suivant figurant saint Martin faisant taire un chien, l\u2019aube saint Martin, le velum de sa crosse, l\u2019aube du deuxi\u00E8me disciple et la manche gauche de l\u2019aube du troisi\u00E8me disciple sont trait\u00E9s de mani\u00E8re comparable. En revanche, la p\u00E8lerine de son premier disciple, le bas de l\u2019aube du troisi\u00E8me disciple ainsi que l\u2019\u00E9tendue herbeuse sont r\u00E9alis\u00E9s avec un c\u00E2bl\u00E9 r\u00E9unissant un retors de soie, respectivement de couleur brune, rouge et verte (d\u00E9clin\u00E9e en trois tons), et un retors de fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9. \nDans les sc\u00E8nes suivantes, l\u2019aube de saint Martin, le velum de sa crosse, le drap du lit, la moiti\u00E9 de manteau pr\u00E9sent\u00E9e par le Christ, par ailleurs rebrod\u00E9e de points lanc\u00E9s pour l\u2019hermine, les bottes de saint Martin et les aubes de saint Martin et de son disciple dans la sc\u00E8ne du sauvetage de la maison en flammes sont repris selon les techniques \u00E9voqu\u00E9es pr\u00E9c\u00E9demment. L\u2019originalit\u00E9 des points de r\u00E9novation r\u00E9side surtout dans l\u2019emploi d\u2019une couchure tout en soie par trois fils produisant un effet de gaufrure tr\u00E8s couvrant, comme c\u2019est le cas sur la tunique du d\u00E9mon se pr\u00E9sentant \u00E0 saint Martin (inv. MT 29103.4). Cette tunique est particuli\u00E8rement int\u00E9ressante dans la mesure o\u00F9 elle offre une zone aujourd\u2019hui d\u00E9grad\u00E9e travers\u00E9e de lignes de points de couchure r\u00E9alis\u00E9es dans deux teintes de bleu. Une troisi\u00E8me teinte, gris clair, a \u00E9t\u00E9 fix\u00E9e par une couchure encore en place de part et d\u2019autre de cette zone. Il semblerait que ces fils retors de soie, bleu ciel et bleu fonc\u00E9, aient \u00E9t\u00E9 appliqu\u00E9s verticalement, avant d\u2019\u00EAtre finalement sectionn\u00E9s puis retir\u00E9s, peut-\u00EAtre pour des raisons esth\u00E9tiques. Cette technique de gaufrure, que l\u2019on retrouve par ailleurs traduite en fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9 pour le d\u00E9cor des galons des croix et bandes d\u2019orfroi, a \u00E9t\u00E9 largement utilis\u00E9e pour les zones les plus fonc\u00E9es des m\u00E9daillons, comme les int\u00E9rieurs de portes et de fen\u00EAtres. Sur la croix d\u2019orfroi (inv. MT 29103.1), les reprises les plus nombreuses et les plus importantes concernent les points fendus en fil de soie r\u00E9alis\u00E9s \u00E0 l\u2019origine sur les \u00E9l\u00E9ments de costumes. Les aubes de saint Martin et de son disciple dans la sc\u00E8ne de la brebis tondue, les bottes hautes et les chaussures des prisonniers, la jupe et l\u2019avant-bras gauche du barreur dans l\u2019apaisement des flots, l\u2019aube, le velum et l\u2019int\u00E9rieur du pluvial de saint Martin lors de la destruction de la tombe du faux martyr, l\u2019\u00E9paule droite de saint Martin et l\u2019hermine du manteau de l\u2019empereur Valentinien, le manteau du pauvre, l\u2019aube et le pluvial de saint Martin, la p\u00E8lerine de son disciple \u00E0 l\u2019arri\u00E8re plan et le manteau long du l\u00E9preux, sont r\u00E9alis\u00E9s avec un point fendu tr\u00E8s visible, moins tendu et plus \u00E9pais que l\u2019original, en soie de couleur unie, brune ou blanche le cas \u00E9ch\u00E9ant. En revanche, un soin plus particulier semble avoir \u00E9t\u00E9 apport\u00E9 \u00E0 la reprise du v\u00EAtement du dessus du personnage au centre de la sc\u00E8ne de l'intercession de saint Martin pour les priscillianistes. En effet, les points fendus font alterner plusieurs teintes dans un fondu qui rappelle le raffinement de l\u2019aube du personnage s\u2019adressant \u00E0 saint Martin, r\u00E9alis\u00E9 en point fendu \u00E0 partir d\u2019un fil de soie chin\u00E9, associant des tons rose, bleu et rouge. \nApr\u00E8s avoir consid\u00E9r\u00E9 les reprises des \u00E9l\u00E9ments sugg\u00E9rant la pierre, le bois, le m\u00E9tal et le tissu, il reste une composante essentielle des broderies de saint Martin \u00E0 examiner qui concerne la repr\u00E9sentation plastique des chairs. Sur le m\u00E9daillon du renoncement aux armes (inv. MT 29103.2), les visages d\u2019origine sont particuli\u00E8rement bien conserv\u00E9s. Saint Martin, agenouill\u00E9 devant l\u2019empereur et ses soldats en armes, pr\u00E9sente un visage jeune, imberbe, coiff\u00E9 en \u00E9cuelle, le regard dirig\u00E9 dans les yeux de l\u2019empereur. Un cerne de fil de soie brune d\u00E9tache son visage du fond, dessine sa bouche fine, ses paupi\u00E8res sup\u00E9rieures et le contour de son nez qui se prolonge sur son arcade sourcili\u00E8re. Ses l\u00E8vres sont ourl\u00E9es d\u2019un fil de soie couleur chair, de m\u00EAme que la peau de ses paupi\u00E8res. Un fil de soie, de teinte plus saumon\u00E9e, lui rosit les joues tandis que ses cheveux sont nuanc\u00E9s de deux teintes, blonde et rousse, cette derni\u00E8re lui dessinant \u00E9galement les sourcils. La broderie est cependant lacunaire, la toile de fond en lin non teint transpara\u00EEt. Sur la plupart des m\u00E9daillons, les carnations ont disparu, sans qu\u2019il y ait eu v\u00E9ritablement de reprises au moment du remontage de ces m\u00E9daillons, sauf sur la croix de chasuble (inv. MT 29103.2), o\u00F9 quelques touches r\u00E9alis\u00E9es au point fendu de soie blanche viennent les rehausser. On pourrait croire alors qu\u2019au moment du remontage, la couleur de la toile de fond a sembl\u00E9 satisfaisante pour appr\u00E9cier les pi\u00E8ces, mais il pourrait aussi s\u2019agir d\u2019une forme de respect pour la broderie originale \u00E0 ces endroits qui t\u00E9moignent d\u2019une grande ma\u00EEtrise technique, d\u2019un grand raffinement et d\u2019un excellent travail de coloriste dont la finesse n\u2019a peut-\u00EAtre pas pu \u00EAtre concurrenc\u00E9e par les mat\u00E9riaux et les techniques mis en \u0153uvre au moment du remontage. Les reprises concernent enfin des \u00E9l\u00E9ments lin\u00E9aires, des contours, voire m\u00EAme des effets de mati\u00E8res duveteuses. Les nimbes, les hampes et les volutes de crosse, les mitres, les couronnes, les reliquaires, les \u00E9l\u00E9ments d\u2019architecture et de mobilier, les galons des v\u00EAtements, les ceintures des personnages, les colliers des chiens, les contours des souches, des feuilles, des fleurs, de la cr\u00E9celle du l\u00E9preux, des flammes du tr\u00F4ne de l\u2019empereur sont surlign\u00E9s d\u2019une couchure par un fil d\u2019un fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9, aujourd\u2019hui malheureusement tr\u00E8s d\u00E9grad\u00E9, parfois doubl\u00E9e d\u2019un gros cordonnet obtenu par un c\u00E2bl\u00E9 Z de deux fil\u00E9s m\u00E9talliques dor\u00E9s sur \u00E2me de soie jaune. La couchure de fil\u00E9 m\u00E9tallique vient aussi consolider et rehausser les fonds d\u2019or fragilis\u00E9s en les parcourant sous la forme de r\u00E9seaux losang\u00E9s parsem\u00E9s d\u2019\u00E9toiles, qui peuvent \u00EAtre obtenus, comme sur le m\u00E9daillon de saint Martin renon\u00E7ant au m\u00E9tier des armes (inv. MT 29103.2), par un treillis de deux fil\u00E9s m\u00E9talliques dor\u00E9s, maintenus par un point de Boulogne et frapp\u00E9 au c\u0153ur des losanges par un point lanc\u00E9 \u00E9toil\u00E9. Dans certains cas, la volute de la crosse de saint Martin, le contour de son velum et des v\u00EAtements de ces disciples sont redessin\u00E9s par une couchure par un fil de soie blanche d\u2019un fil\u00E9 m\u00E9tallique argent\u00E9, \u00E9galement utilis\u00E9e pour figurer l\u2019effet boucl\u00E9 de la laine de la brebis en train d\u2019\u00EAtre tondue (inv. MT 29103.1) ou celui, plus cotonneux, du nuage charg\u00E9 de gr\u00EAle (inv. MT 29103.3). D\u2019autres points r\u00E9alis\u00E9s en fil de soie sont visibles aujourd\u2019hui en certains endroits du fond ou du sol des m\u00E9daillons comme sous le pilori des prisonniers d\u00E9livr\u00E9s (inv. MT 29103 .1) o\u00F9 la couchure du sol a \u00E9t\u00E9 refix\u00E9e au moyen d\u2019un fil brun dont les points forment une ligne de losanges respectant le dessin original. \nLe remontage des m\u00E9daillons en croix de chasuble et bandes d\u2019orfrois a, quant \u00E0 lui, n\u00E9cessit\u00E9 la cr\u00E9ation d\u2019un d\u00E9cor, enti\u00E8rement brod\u00E9 autour des m\u00E9daillons. Les deux croix de chasuble et les deux bandes d\u2019orfroi ont \u00E9t\u00E9 taill\u00E9es dans une toile de lin servant de support \u00E0 la fois aux m\u00E9daillons, au satin de soie rouge et \u00E0 son d\u00E9cor feuillag\u00E9. Il appara\u00EEt que deux satins de soie diff\u00E9rents ont \u00E9t\u00E9 utilis\u00E9s, ce qui permet d\u2019identifier les d\u00E9cors respectifs de chacune des deux chasubles d\u00E9mont\u00E9es. Une premi\u00E8re croix de chasuble (inv. MT 29103.1) et une bande d\u2019orfroi (inv. 29103.3) ont \u00E9t\u00E9 confectionn\u00E9es avec un satin de 5, tandis que la seconde (inv. MT 29103.2) et l\u2019autre bande d\u2019orfroi (inv. MT 29103.4) l\u2019ont \u00E9t\u00E9 avec un satin de 8. Ces deux satins sont de teintes l\u00E9g\u00E8rement diff\u00E9rentes, le satin de 5 est moins violac\u00E9 que le satin de 8. Cette analyse permet d\u2019associer \u00E0 nouveau croix et bande d\u2019orfroi et de retrouver ainsi la pr\u00E9sentation propos\u00E9e par Raymond Cox en 1914. Le satin de 5 est \u00E9galement plus \u00E9lim\u00E9, laissant appara\u00EEtre sa trame blanch\u00E2tre au niveau des bourrelets horizontaux dus aux tensions exerc\u00E9es par la combinaison des diff\u00E9rents \u00E9l\u00E9ments formant le d\u00E9cor. Les deux bandes d\u2019orfroi pr\u00E9sentent, en partie centrale, les usures les plus importantes au niveau du satin mais \u00E9galement au niveau des m\u00E9daillons, t\u00E9moignant ainsi de l\u2019utilisation de ces chasubles. Ces traces d\u2019usage se situent, en effet, \u00E0 l\u2019endroit o\u00F9 l\u2019officiant, en pri\u00E8re, joignait ses mains. Les deux satins sont certainement des \u00E9toffes r\u00E9employ\u00E9es. En effet, ils ne sont pas d\u2019une seule pi\u00E8ce dans les deux croix de chasuble. Ils sont indiff\u00E9remment positionn\u00E9s sens trame ou sens cha\u00EEne entre les m\u00E9daillons. Sur la croix de chasuble (inv. MT 29103.1), \u00E0 l\u2019angle sup\u00E9rieur droit du m\u00E9daillon illustrant la seconde charit\u00E9 de saint Martin, une couture associe m\u00EAme deux pi\u00E8ces de satin orient\u00E9es autrement. Sur la m\u00EAme croix de chasuble, \u00E0 l\u2019angle inf\u00E9rieur gauche de l\u2019\u00E9lection de saint Martin \u00E0 la fonction d\u2019\u00E9v\u00EAque de Tours, une pi\u00E8ce de satin fix\u00E9e au point d\u2019ourlet en recouvre au moins partiellement une autre. Il n\u2019est donc pas certain que le satin recouvre enti\u00E8rement la toile de lin servant de support \u00E0 ces croix \u00E0 l\u2019endroit des m\u00E9daillons. L\u2019envers des pi\u00E8ces r\u00E9v\u00E8le \u00E9galement que les galons dor\u00E9s soulignant leur contour et sertissant chacun des m\u00E9daillons d\u2019une couronne polylob\u00E9e d\u2019o\u00F9 jaillissent des enroulements orn\u00E9s de feuilles lob\u00E9es et lanc\u00E9ol\u00E9es, sont contemporains du remontage. Ces galons sont r\u00E9alis\u00E9s en broderie. Il s\u2019agit d\u2019une gaufrure en damier obtenue par des fil\u00E9s m\u00E9talliques argent\u00E9s dor\u00E9s couch\u00E9s par trois selon un rythme d\u00E9riv\u00E9 du taffetas. Ce galon est lui-m\u00EAme encadr\u00E9 par un c\u00E2bl\u00E9 de deux fins cordonnets verts. Il appara\u00EEt que sur tout le pourtour des croix de chasuble et des bandes d\u2019orfrois, ces galons recouvrent en partie le satin et se poursuivent sur la toile du support en lin. Le satin est \u00E9galement parsem\u00E9 de feuilles lob\u00E9es et lanc\u00E9ol\u00E9es distribu\u00E9es sym\u00E9triquement par rapport \u00E0 l\u2019axe longitudinal de chacune des croix et bandes d\u2019orfroi. Elles sont \u00E9galement r\u00E9alis\u00E9es en broderie, mais contrairement aux galons dor\u00E9s, elles sont en partie rapport\u00E9es. En effet, l\u2019int\u00E9rieur des feuilles est r\u00E9alis\u00E9 en couchure par deux fils sur une toile de lin avant d\u2019\u00EAtre appliqu\u00E9 sur le satin. Quelques macules blanch\u00E2tres sur le satin rouge, \u00E0 proximit\u00E9 des feuilles, trahissent certainement un \u00E9panchement de colle. Ces \u00E9l\u00E9ments feuillag\u00E9s ont \u00E9t\u00E9 ensuite rehauss\u00E9s d\u2019une couchure par deux fil\u00E9s fris\u00E9s, formant leur p\u00E9tiole, soulignant leur contour et leur nervure centrale avant de se terminer en enroulement. Un dernier \u00E9l\u00E9ment finit de compl\u00E9ter le d\u00E9cor des satins. La bande d\u2019orfroi (inv. MT 29103.4) pr\u00E9sente en partie inf\u00E9rieure un motif v\u00E9g\u00E9tal unique dans cette s\u00E9rie, un motif double de palmier, \u00E9galement brod\u00E9 sur une toile de lin puis rapport\u00E9 par collage puis par broderie sur le satin. Le tronc est annel\u00E9. L\u2019effet est obtenu par un fil\u00E9 m\u00E9tallique argent\u00E9 pos\u00E9 en aller-retour et nu\u00E9 par deux ou trois avec deux fils de soie bleu et blanc formant comme des hachures donnant une apparence de volume. Les feuilles sont r\u00E9alis\u00E9es selon la m\u00EAme technique d\u2019aller-retour nu\u00E9 \u00E0 la naissance des feuilles par un fil vert et au sommet par un fil jaune. Les m\u00E9daillons ont donc \u00E9t\u00E9 appliqu\u00E9s sur un satin de soie rouge. L\u2019ensemble a \u00E9t\u00E9 fix\u00E9 sur une toile de lin servant de support aux nouvelles broderies, \u00E0 savoir : les broderies en gaufrure formant les galons, les d\u00E9cors feuillag\u00E9s s\u2019\u00E9panouissant sur le fond et les retouches des alt\u00E9rations des m\u00E9daillons d\u2019origine. Il para\u00EEt \u00E9vident que les modifications des broderies originelles ont bien eu lieu au moment du remontage de ces pi\u00E8ces. \nLe m\u00E9daillon ovale conserv\u00E9 dans l\u2019\u00E9glise Saint-Michel de Gand pr\u00E9sente un traitement de retouche semblable, visible sur les fa\u00E7ades des \u00E9curies qui portent, en outre, les dates de 1561, sur les fa\u00E7ades du premier plan, et de 1761, sur la fa\u00E7ade de l\u2019\u00E9glise au second plan. Ces dates, que l\u2019on aurait pu prendre pour des indications concernant le remontage des broderies puisqu\u2019elles sont brod\u00E9es au-dessus de cet effet \u00AB grain\u00E9 \u00BB caract\u00E9ristique, sont en r\u00E9alit\u00E9 de toute autre nature. En effet, dans le catalogue de l\u2019exposition Gent. Duizend Jaar Kunst en Cultuur, qui s\u2019est tenue \u00E0 Gand en 1975, la notice de ce m\u00E9daillon ovale nous informe que ces dates ont \u00E9t\u00E9 modifi\u00E9es au moment de la restauration de cette pi\u00E8ce (probablement au XIXe si\u00E8cle), par la manufacture Van Severen de Sinkt-Niklaas, sp\u00E9cialis\u00E9e dans les ornements gothiques : \u00AB Het borduurwerk werd slecht gerestaureerd door die firma Van Severen te Sinkt-Niklaas. Bij die gelegenheid wer de datum 1461 op de zijgebouwtjes en op het gebouw op de achtergrond in 1761 veranderd. Naderhand werd op de zijgebouwen dat jaar in 1561 veranderd ; op de achtergrond bleef het jaartal 1761 staan. \u00BB Ainsi, le m\u00E9daillon intitul\u00E9 dans le catalogue \u00AB Koorkap met scenes uit het leven van de heilige Martinus (?) \u00BB est-il dat\u00E9, vers 1461, ce qui ajoute une troisi\u00E8me datation \u00E0 l\u2019ensemble des broderies de saint Martin, si l\u2019on consid\u00E8re que ce m\u00E9daillon en fait partie malgr\u00E9 les doutes \u00E9mis. En effet, Colin Eisler, dans son article paru en octobre 1967, indique dans ses notes que ce m\u00E9daillon a \u00E9t\u00E9 pr\u00E9c\u00E9demment d\u00E9crit comme relatant un \u00E9pisode de la vie de saint Bavon \u00E0 l\u2019occasion de deux autres expositions en 1951 et en 1961. Il rappelle qu\u2019\u00E0 cette occasion, Antoine Schryver avait sugg\u00E9r\u00E9 que les dates 1561 et 1761 pouvaient \u00EAtre dues \u00E0 une mauvaise lecture du chiffre 4, se basant sur la graphie confuse de ce chiffre dans un inventaire. Colin Eisler suppose que la s\u00E9rie des broderies de saint Martin\u00A0a pu faire partie des ornements endommag\u00E9s par la crise iconoclaste huguenote qui d\u00E9truisit une grande partie du tr\u00E9sor de Saint-Martin de Tours en 1561 et 1562, et que cette date a pu faire r\u00E9f\u00E9rence \u00E0 une premi\u00E8re restauration de ces pi\u00E8ces. On peut ajouter que cette date de 1561 n\u2019est pas non plus tout \u00E0 fait anodine pour les Flandres puisqu\u2019elle correspond \u00E0 la cr\u00E9ation par le pape Pie VI de l\u2019\u00E9v\u00EAch\u00E9 de Gand et de l\u2019\u00E9rection de la coll\u00E9giale Saint-Bavon en \u00E9glise cath\u00E9drale. \nLa mention de l\u2019atelier Van Severen est \u00E9galement tr\u00E8s int\u00E9ressante puisqu\u2019elle permettrait de dater l'\u00E9tat actuel du remontage des pi\u00E8ces conserv\u00E9es au mus\u00E9e des Tissus de la seconde moiti\u00E9 du XIXe si\u00E8cle. Elle permet aussi d\u2019envisager la r\u00E9union d\u2019un point de vue mat\u00E9riel, toujours au XIXe si\u00E8cle au moins, des m\u00E9daillons des cycles de saint Martin et de sainte Catherine r\u00E9partis sur deux croix de chasubles pr\u00E9sent\u00E9es \u00E0 l\u2019exposition de Crefeld de 1887, l\u2019Ausstellung kirchlicher Kunstwebereien und Stickereien der Vergangenheit, dont deux photographies publi\u00E9es par Margaret Freeman t\u00E9moignent de ce m\u00EAme d\u00E9cor de galon brod\u00E9 et de rinceaux feuillag\u00E9s, \u00E9galement visible sur le chaperon du pluvial conserv\u00E9 dans l\u2019\u00E9glise Saint-Michel de Gand. Enfin, ce m\u00EAme galon brod\u00E9 se retrouve sur un autre panneau lui aussi de forme gothique, au ciel d\u2019or guilloch\u00E9, r\u00E9alis\u00E9 \u00E0 l\u2019or nu\u00E9 et au pass\u00E9 plat, pr\u00E9sentant une fa\u00E7ade d\u2019\u00E9difice \u00E0 l\u2019effet grain\u00E9, appliqu\u00E9 au centre d\u2019une croix de chasuble dont la photographie a \u00E9t\u00E9 publi\u00E9e par Carl Claes sur Internet dans le cadre de ses recherches men\u00E9es sur l\u2019atelier Van Severen. Ce panneau illustre une sc\u00E8ne de procession d\u2019un cercueil couvert d\u2019un voile frapp\u00E9 d\u2019une croix, port\u00E9 par des pleurants et salu\u00E9 par la foule en pri\u00E8re. Ce panneau, sans qu\u2019il soit possible de d\u00E9terminer son origine, est particuli\u00E8rement int\u00E9ressant dans la mesure o\u00F9 il pourrait \u00E9voquer le transport du corps de saint Martin \u00E0 Tours apr\u00E8s son d\u00E9c\u00E8s intervenu \u00E0 Candes. On peut, \u00E0 ce titre, rappeler que cette r\u00E9novation d\u2019ornements liturgiques intervient dans un contexte de renouveau du culte de saint Martin, suite \u00E0 la red\u00E9couverte de son tombeau dans la cave d\u2019une maison construite sur l\u2019emplacement de l\u2019ancienne basilique, le 14 d\u00E9cembre 1860, \u00AB jour de la f\u00EAte de la Reversio ou f\u00EAte du Retour de saint Martin parmi les Tourangeaux \u00BB, comme le rappelle May Vieillard-Troiekouroff dans son article \u00AB Le tombeau de saint Martin retrouv\u00E9 en 1860 \u00BB, dans la Revue d\u2019histoire de l\u2019\u00C9glise de France, publi\u00E9 en 1961.\nCes broderies sont ainsi remarquables \u00E0 plus d\u2019un titre. D\u2019abord, le dessin des m\u00E9daillons rivalise avec l\u2019art du livre, dont les images parfaites ont trouv\u00E9 \u00E9cho dans d\u2019autres formes d\u2019expressions artistiques, comme le vitrail. Leur dessin a pu \u00EAtre attribu\u00E9 \u00E0 des peintres de renom au service des princes souverains, \u00E0 l\u2019instar d\u2019autres productions prestigieuses, comme celle de la chapelle dite \u00AB de l\u2019ordre de la Toison d\u2019Or \u00BB, compos\u00E9e d\u2019un antependium, de trois chapes, d\u2019une chasuble, d\u2019une dalmatique et d\u2019une tunique aujourd\u2019hui conserv\u00E9e dans le Tr\u00E9sor imp\u00E9rial du Kunsthistorisches Museum de Vienne, command\u00E9e entre 1430 et 1440 par Philippe III de Bourgogne \u00E0 son brodeur d\u2019origine parisienne, Thierry de Chastel, d\u2019apr\u00E8s des dessins attribu\u00E9s dans l\u2019entourage des fr\u00E8res Van Eyck, \u00E0 Robert Campin, dit \u00AB le ma\u00EEtre de Fl\u00E9malle \u00BB. Le style de ces broderies, du fait de l\u2019origine flamande\u00A0de ces peintres qui produisent au contact de la cour du duc de Bourgogne un art original,\u00A0est dit \u00AB burgondo-flamand \u00BB. \nLes broderies de saint Martin contemporaines de ces \u00E9changes sont, pour les m\u00EAmes raisons, qualifi\u00E9es de \u00AB franco-flamand \u00BB. Colin Eisler, dans son article \u00AB Two Early Franco-Flemish Embroideries - Suggestions for their Settings \u00BB paru en octobre 1967 dans The Burlington Magazine, fut le premier \u00E0 proposer que ces broderies, d\u2019apr\u00E8s leur \u00E9tude stylistique, aient \u00E9t\u00E9 r\u00E9alis\u00E9es dans le premier tiers du XVe si\u00E8cle, ce qui permettrait d\u2019\u00E9voquer plus particuli\u00E8rement deux commanditaires : Martin V, \u00E9lu pape \u00E0 Constance le 11 novembre 1417, jour de l\u2019inhumation de saint Martin, et Charles VII, roi de France de 1422 \u00E0 1461, dont la v\u00E9n\u00E9ration pour le saint \u00E9tait tr\u00E8s grande. Il aurait ainsi command\u00E9 ces broderies, soit pour c\u00E9l\u00E9brer le jubil\u00E9 du pape en 1423, soit pour proclamer sa nouvelle soumission au pape en 1425. \nConcernant plus particuli\u00E8rement les panneaux gothiques, diff\u00E9rentes \u00E9tudes ont insist\u00E9 sur l\u2019intervention d\u2019un peintre dans leur cr\u00E9ation. Probablement d\u2019origine flamande, compte tenu de sa mani\u00E8re, l\u2019auteur des cartons aurait \u00E9volu\u00E9 en France au service des plus grands dignitaires du royaume. En 1997, Nicole de Reynaud rappelle \u00E0 propos du panneau de la vie de saint Martin conserv\u00E9 au mus\u00E9e de Cluny, sa pr\u00E9c\u00E9dente analyse ainsi que celle de Marie-Claude L\u00E9onelli concernant les broderies du mus\u00E9e des Tissus, publi\u00E9e en 1984 dans la Revue de l\u2019Art, dans son article \u00AB Barth\u00E9l\u00E9my d\u2019Eyck avant 1450 \u00BB qui propose d\u2019attribuer la cr\u00E9ation des panneaux brod\u00E9s du cycle de saint Martin \u00E0 un \u00AB tandem \u00BB, associant le peintre Barth\u00E9l\u00E9my d\u2019Eyck, d\u2019origine flamande, au brodeur Pierre du Billant, son beau-p\u00E8re, qui fut \u00E9galement peintre \u00E0 la cour du roi Ren\u00E9, et de dater son ex\u00E9cution en 1444 pour Saint-Martin de Tours dans le cadre du mariage de la fille de ce dernier, Marguerite, avec Henri VI d\u2019Angleterre. En effet, les \u00E9l\u00E9ments singuliers qui caract\u00E9risent la broderie des panneaux la convainquent de l\u2019intervention d\u2019un peintre pour leur dessin : \u00AB Paradoxalement, plus la broderie est prestigieuse et par cons\u00E9quent a demand\u00E9 l\u2019intervention d\u2019un brodeur au talent hors de pair, plus elle a de chances d\u2019avoir \u00E9t\u00E9 ex\u00E9cut\u00E9e sur le patron d\u2019un peintre reconnu et non du brodeur, si bien que c\u2019est quand la virtuosit\u00E9 du brodeur est la plus saisissante, comme ici, qu\u2019il faut le plus soup\u00E7onner l\u2019intervention initiale d\u2019un peintre. [\u2026] Ce qui frappe aussi dans les deux sc\u00E8nes de Lyon, saisissantes de vie sensible, c\u2019est le mouvement dramatique, la finesse dans l\u2019observation des situations, le rendu de l\u2019instant fugitif. Quoi de plus rare, en ce milieu du XVe si\u00E8cle, que l\u2019envol des manteaux, des \u00E9charpes et des chaperons dans la temp\u00EAte, que le geste brusque du batelier retenant son turban et s\u2019agrippant \u00E0 sa gaffe, ou les cheveux rebrouss\u00E9s par le miracul\u00E9 ? \u00BB. Elle retrace \u00E9galement la r\u00E9ception de ces broderies \u00AB qui furent manifestement c\u00E9l\u00E8bres, de leur temps m\u00EAme, en tant qu\u2019\u0153uvres d\u2019art, elles ou leurs patrons. En effet, on poss\u00E8de deux dessins du XVe si\u00E8cle, \u00E0 la pointe d\u2019argent sur papier pr\u00E9par\u00E9 en blanc, qui recopient soigneusement deux des sujets des panneaux conserv\u00E9s (Uppsala, biblioth\u00E8que de l\u2019Universit\u00E9) : celui de la femme aveugle et celui de saint Martin avec l\u2019\u00E2ne. L\u2019\u0153il connaisseur de Max Jacob Friedl\u00E4nder avait parfaitement reconnu que les broderies sont \u201Fsup\u00E9rieures et ant\u00E9rieures aux dessins\u201D en question, opinion que partage \u00E0 juste titre Margaret Freeman. Ce ne peuvent \u00EAtre en effet des dessins pr\u00E9paratoires pour les broderies [\u2026] Mais, ce sont sans doute des copies, \u00E0 grandeur exacte, d\u2019apr\u00E8s les patrons faits pour les elles. [..] Ce serait l\u00E0 l\u2019indice de la r\u00E9putation de ces patrons et du cartonnier peintre. \u00BB Cette attribution a \u00E9t\u00E9 reprise par Rose-Marie Ferr\u00E9, dans son article intitul\u00E9 \u00AB Barth\u00E9l\u00E9my d\u2019Eyck \u00BB, dans le catalogue d\u2019exposition Splendeur de l\u2019enluminure. Le roi Ren\u00E9 et les livres au ch\u00E2teau d'Angers, 2009-2010. Elle rappelle que Barth\u00E9l\u00E9my d\u2019Eyck est le fils d\u2019Ydria Exters, \u00AB originaire de la r\u00E9gion de Maaseyck (dioc\u00E8se de Li\u00E8ge) qui \u00E9pousa en secondes noces le brodeur attitr\u00E9 et valet de chambre de Ren\u00E9 d\u2019Anjou, Pierre du Billant, lui aussi n\u00E9erlandais \u00BB et \u00AB si le corpus \u00E0 ce jour connu des \u0153uvres de l\u2019artiste concerne essentiellement la peinture de manuscrits, force est aussi de constater la polyvalence de ses comp\u00E9tences. Celles-ci s\u2019exercent autant dans la fourniture de cartons pour des ouvrages de broderies - Les miracles de saint Martin - que dans le domaine de la peinture sur toile ou sur panneau \u00BB. \nCependant en 1998, dans la Gazette des Beaux-Arts, Albert Ch\u00E2telet publie un article titr\u00E9 de mani\u00E8re abrupte \u00AB Pour en finir avec Barth\u00E9l\u00E9my d\u2019Eyck \u00BB dans lequel il rappelle la tardive fortune critique de l\u2019artiste, dont les archives mentionnent une proximit\u00E9 avec le roi Ren\u00E9 au mieux un peu avant 1447 et un titre de valet de chambre datant de juin 1449. En revanche, \u00AB archives et publications anciennes ne permettent absolument pas de tenir de mani\u00E8re certaine Barth\u00E9l\u00E9my d\u2019Eyck pour un peintre, encore moins un grand peintre \u00BB. Concernant les broderies de saint Martin attribu\u00E9es par Marie-Claude Leonelli et, \u00E0 sa suite, Nicole Reynaud, il insiste sur le fait qu\u2019 \u00AB aucun indice historique ne les rapproche de Barth\u00E9l\u00E9my. Saint Martin \u00E9tant le personnage principal, il est tr\u00E8s probable qu\u2019il s\u2019agit de d\u00E9bris de l\u2019extraordinaire collection de chapelles de Saint-Martin de Tours, saisie, d\u00E9truite ou d\u00E9pec\u00E9e par les Huguenots en 1562. Nicole Reynaud a tr\u00E8s justement tenu pour probable cette origine, mais a pens\u00E9 \u00E0 un don du roi Ren\u00E9 \u00E0 l\u2019occasion du mariage de sa fille Marguerite, en mai 1444, avec le roi d\u2019Angleterre. Le compte concernant les travaux men\u00E9s pour cette f\u00EAte mentionne bien des interventions de Pierre du Billant, mais pour des travaux occasionnels. S\u2019il fallait retenir cette hypoth\u00E8se, c\u2019est donc \u00E0 celui-ci et non \u00E0 son beau-fils qu\u2019il faudrait attribuer la cr\u00E9ation des broderies puisqu\u2019il est \u00E0 la fois peintre et brodeur. Aussi faut-il plut\u00F4t songer \u00E0 un peintre du centre de la France et, compte-tenu de la somptuosit\u00E9 d\u2019une telle commande, peut-\u00EAtre \u00E0 une commande royale. [\u2026] Peut-\u00EAtre pourrait-on songer \u00E0 Henry de Vulcop, peintre de la reine Marie d\u2019Anjou, mais ce n\u2019est l\u00E0 qu\u2019une piste qu\u2019il faudrait explorer. \u00BB Cette derni\u00E8re proposition placerait la r\u00E9alisation des broderies apr\u00E8s 1450, date \u00E0 laquelle l\u2019artiste, \u00E9galement d\u2019origine n\u00E9erlandaise, commence \u00E0 \u00EAtre document\u00E9, voire m\u00EAme plus tard, si l\u2019on consid\u00E8re qu\u2019il est au service de la reine Marie d'Anjou dans les ann\u00E9es 1454-1455, puis au service de son fils Charles de France en 1463 et 1464. En mai 2005 dans le la revue Dossier de l\u2019Art, Albert Ch\u00E2telet, dans un nouvel article intitul\u00E9 \u00AB Le roi Ren\u00E9 et l\u2019art flamand. Un amateur plut\u00F4t qu\u2019un m\u00E9c\u00E8ne \u00BB confirme Pierre du Billant comme le brodeur du cycle de saint Martin. On aper\u00E7oit ici toute la difficult\u00E9 et les incertitudes qui pr\u00E9sident \u00E0 une attribution formelle. \nCependant, en s\u2019int\u00E9ressant \u00E0 la question du tr\u00E9sor de Saint-Martin de Tours et de son inventaire disponible dans le Proc\u00E8s-verbal du pillage par les Huguenots des reliques et joyaux de Saint-Martin-de-Tours en mai et juin 1562, publi\u00E9 par Charles de Grandmaison en 1863 et cit\u00E9 par Albert Ch\u00E2telet en note dans son article, on trouve mention de plusieurs dizaines d'ornements relev\u00E9s en broderies, malheureusement, sans qu'aucune\u00A0ne permette de reconna\u00EEtre le cycle des broderies de saint Martin. \nN\u00E9anmoins, l\u2019histoire de la basilique, telle qu\u2019elle a \u00E9t\u00E9 publi\u00E9e par Nicolas Gervaise en 1699 dans son ouvrage La Vie de saint Martin,... avec l'histoire de la fondation de son \u00E9glise, et ce qui s'y est pass\u00E9 de plus consid\u00E9rable jusqu'\u00E0 pr\u00E9sent, fournit d\u2019autres renseignements qui pourraient \u00EAtre une source d\u2019explication quant aux circonstances de la commande de ces broderies. En effet, l\u2019auteur relate les diff\u00E9rentes \u00E9tapes de la conservation et de l\u2019exposition du corps de saint Martin. Ainsi, nous pr\u00E9cise-t-il que, apr\u00E8s une premi\u00E8re ouverture du tombeau de saint Martin survenue sous le r\u00E8gne de Charles le Bel, afin d\u2019en extraire le chef et de le placer dans un reliquaire d\u2019or en forme de buste, le corps fut \u00E0 nouveau retir\u00E9 de son tombeau en 1453 \u00AB pour \u00EAtre mis dans une ch\u00E2sse d\u2019or, beaucoup plus magnifique que celle o\u00F9 il avait repos\u00E9 jusqu\u2019alors. Le roi Charles VII fit une partie de la d\u00E9pense, et le chapitre fournit le reste. Les rois qui le suivirent, l\u2019enrichirent de joyaux de tr\u00E8s grand prix. La translation s\u2019en fit par Louis d\u2019Harcourt, archev\u00EAque de Narbonne, aid\u00E9 des \u00E9v\u00EAques d\u2019Angoul\u00EAme et de Malzais, le 10 mars de cette m\u00EAme ann\u00E9e, en pr\u00E9sence de plusieurs autres \u00E9v\u00EAques, du chancelier de France, repr\u00E9sentant la personne du Roi, du duc d\u2019Orl\u00E9ans, du conn\u00E9table, et de beaucoup d\u2019autres seigneurs. Quatre mois apr\u00E8s cette ch\u00E2sse fut plac\u00E9e au-dessus du tombeau, sur une estrade d\u2019argent fort large, qu\u2019on avait pos\u00E9e sous la coupole ; et \u00E0 c\u00F4t\u00E9 d\u2019elle, on mit le chef d\u2019or du saint, et autour les chasses d\u2019or et d\u2019argent, o\u00F9 \u00E9taient renferm\u00E9s les corps des saint \u00E9v\u00EAques de Tours, Brice, Perpet, Gr\u00E9goire, Eustoche, et Eufrone, avec celles de saint Epain Martyr, et de plusieurs autres saints et saintes. \u00BB Cette derni\u00E8re translation est certainement l\u2019une des plus importantes puisqu\u2019elle permet une exposition de l\u2019ensemble des reliques de saint Martin et de ses \u00E9minents successeurs, dans un contexte de fin de guerre de Cent Ans, \u00E0 un moment o\u00F9 la monarchie fran\u00E7aise souhaite\u00A0manifester sa l\u00E9gitimit\u00E9 retrouv\u00E9e. On peut imaginer que cet \u00E9v\u00E9nement ait pu engendrer un renouvellement des ornements solennels pour la c\u00E9l\u00E9bration des messes li\u00E9es au culte du saint, dans la mesure aussi o\u00F9 sont pr\u00E9sents sur le cycle brod\u00E9 des reliquaires en forme d\u2019architecture gothique et non de buste, ainsi que des miracles op\u00E9r\u00E9s au contact des reliques de saint Martin. Concernant les prodigalit\u00E9s de Charles VII \u00E0 l\u2019\u00E9gard de Saint-Martin, nous pouvons citer, \u00E0 titre d\u2019illustration, l\u2019article de Pierre Mesnard \u00AB La coll\u00E9giale de Saint-Martin \u00E0 l\u2019\u00E9poque des Valois \u00BB, publi\u00E9 en 1961 dans la Revue d\u2019histoire de l\u2019\u00C9glise de France, qui rappelle que \u00AB d\u00E8s 1430 Charles VII avait promis une nouvelle ch\u00E2sse ; en 1450 il ex\u00E9cute sa promesse, et le 9 mars 1453 la translation des reliques dans leur nouvel habitacle d\u2019or donne lieu \u00E0 une magnifique c\u00E9r\u00E9monie, \u00E0 laquelle participent les plus hauts dignitaires du royaume. [\u2026] Charles VII fit encore au chapitre de Saint-Martin quelques pr\u00E9sents de qualit\u00E9 : en 1459 une cloche invitant les chanoines \u00E0 prier pour sa sant\u00E9 et en 1460 \u00E0 sa gu\u00E9rison un reliquaire d\u2019or, vol\u00E9 comme tout le reste lors du pillage de 1562. Aussi le service solennel \u00E0 la m\u00E9moire du roi donateur fut-il c\u00E9l\u00E9br\u00E9 avec un \u00E9clat tout particulier le 5 ao\u00FBt 1461, tous les assistants rev\u00EAtus de la chape noire. \u00BB \nLes broderies de saint Martin conserv\u00E9es au mus\u00E9e des Tissus, remont\u00E9es certainement en m\u00EAme temps qu\u2019au moins deux autres croix de chasuble \u00E0 l\u2019\u00E9poque moderne en deux ornements complets de chasubles, t\u00E9moignent de la production somptuaire du XVe si\u00E8cle en France, dans un contexte artistique de style international dans lequel se m\u00EAlent innovations picturales et techniques, dans l\u2019entourage des souverains et des princes. L\u2019ensemble du mus\u00E9e des Tissus a, d\u00E8s son acquisition en 1909, suscit\u00E9 l\u2019admiration des sp\u00E9cialistes. Les \u00E9tudes successives men\u00E9es sur cet ensemble remarquable ont livr\u00E9 tour \u00E0 tour des conclusions nous permettant aujourd\u2019hui d\u2019appr\u00E9cier pleinement la port\u00E9e de cet ouvrage, et ce, malgr\u00E9 l\u2019absence d\u2019archives connues et en d\u00E9pit des difficult\u00E9s concernant son attribution et sa datation. L\u2019analyse technique, portant uniquement sur les m\u00E9daillons du mus\u00E9e des Tissus, a r\u00E9v\u00E9l\u00E9 une possible r\u00E9alisation concomitante des m\u00E9daillons circulaires et des panneaux de forme gothique, ainsi que la vari\u00E9t\u00E9 et la ma\u00EEtrise des techniques de broderie, du point fendu \u00E0 l\u2019or nu\u00E9, mises en \u0153uvre par plusieurs brodeurs d\u2019un m\u00EAme atelier, sans monotonie et sans discordance. Le remontage post\u00E9rieur a permis d\u2019appr\u00E9cier le travail de reprise d\u2019une broderie gothique, aussi bien dans le choix des techniques mises en \u0153uvre\u00A0que dans la d\u00E9limitation des zones de reprises. Toutes ces observations ne font que confirmer le caract\u00E8re exceptionnel de ces pi\u00E8ces, certainement r\u00E9alis\u00E9es dans l\u2019entourage de la personne du roi de France pour le sanctuaire de saint Martin, au plus tard, \u00E0 l\u2019occasion de la derni\u00E8re translation des reliques du saint.\nClaire Berthommier"@fr . "En 1909, le mus\u00E9e des Tissus acquiert aupr\u00E8s de l\u2019antiquaire lyonnais Tony Martel \u00AB deux chasubles incompl\u00E8tes comprenant vingt-quatre m\u00E9daillons en broderie fran\u00E7aise dat\u00E9s du XVe si\u00E8cle \u00BB. Vingt-deux de ces m\u00E9daillons sont circulaires, les deux autres adoptent la forme d\u2019un panneau gothique. L\u2019ensemble a \u00E9t\u00E9 r\u00E9organis\u00E9, \u00E0 l\u2019\u00E9poque moderne, en deux croix de chasuble et deux bandes d\u2019orfroi. Les branches sup\u00E9rieure, droite et gauche des croix latines, destin\u00E9es au dos des chasubles, comportent chacune un m\u00E9daillon circulaire, la branche inf\u00E9rieure quatre, tandis que leur intersection est marqu\u00E9e par un panneau gothique. Chacune de ces bandes destin\u00E9es \u00E0 l\u2019avant des chasubles est orn\u00E9e de quatre m\u00E9daillons circulaires.\nDans le Compte rendu des travaux de la Chambre de Commerce de Lyon de cette m\u00EAme ann\u00E9e, cet ensemble est publi\u00E9 pour la premi\u00E8re fois parmi les vingt-cinq acquisitions les plus importantes r\u00E9alis\u00E9es au cours de l\u2019ann\u00E9e : \u00AB broderies de deux chasubles comprenant 24 m\u00E9daillons \u00E0 sujets religieux, France XVe si\u00E8cle \u00BB. En 1914, Raymond Cox, directeur du mus\u00E9e des Tissus, publie chez Armand Gu\u00E9rinet son ouvrage intitul\u00E9 Le mus\u00E9e historique des Tissus. Soieries & Broderies. Renaissance, Louis XIV, Louis XV, Louis XVI, Directoire, Premier Empire, compos\u00E9 d\u2019une notice ouvrant sur deux cents planches, parmi lesquelles figurent, sur les planches 8 et 9, des reproductions pleine page des orfrois de chasuble mont\u00E9s individuellement sur panneau de velours rouge bord\u00E9 de galons dor\u00E9s, indiqu\u00E9s comme un \u00AB travail du nord de la France datant du XVIe si\u00E8cle \u00BB, sans pr\u00E9cision concernant le sujet repr\u00E9sent\u00E9. Cependant, dans cette publication, il est int\u00E9ressant de constater que sont regroup\u00E9es sur une m\u00EAme planche une croix de chasuble et une bande d\u2019orfroi, \u00E0 savoir sur la planche 8, les \u0153uvres portant les num\u00E9ros d\u2019inventaire MT 29103.2 et MT 29103.4, puis sur la planche 9, celles num\u00E9rot\u00E9es MT 29103.1 et MT 29103.3. En 1919, Louis de Farcy publie le IIe suppl\u00E9ment de son ambitieux ouvrage La Broderie du XIe si\u00E8cle jusqu\u2019\u00E0 nos jours comprenant quatre-vingt cinq nouvelles planches et textes explicatifs. Sur la planche 236, il choisit de faire figurer ces fameuses broderies avec pour l\u00E9gende : \u00AB Deux croix et orfrois form\u00E9s au XVIIe si\u00E8cle avec des fronteaux du XIVe si\u00E8cle \u00BB, compl\u00E9t\u00E9e par la note suivante : \u00AB Ces belles et fines broderies composaient jadis des fronteaux, consacr\u00E9s \u00E0 la vie de diff\u00E9rents saints, dans le genre des planches nos 42, 154, 201, 242. On les a mutil\u00E9es au XVIIe si\u00E8cle pour en faire des chasubles. M. Duponchel, antiquaire, en poss\u00E8de deux presque semblables, ayant subi la m\u00EAme transformation dans un couvent d\u2019Arras, probablement. \u00BB En 1929, cet ensemble est \u00E0 nouveau publi\u00E9 dans le Catalogue des principales pi\u00E8ces expos\u00E9es. Cette fois, Henri d\u2019Hennezel, directeur du mus\u00E9e des Tissus et du mus\u00E9e des Arts d\u00E9coratifs, indique que le travail de broderie est \u00AB sans doute flamand \u00BB et revient \u00E0 une datation dans le courant du XVe si\u00E8cle. En 1930, il r\u00E9it\u00E8re son analyse dans son ouvrage Pour comprendre les tissus d\u2019art. Ces quatre pi\u00E8ces, accompagn\u00E9es de photographies, sont int\u00E9gr\u00E9es au chapitre consacr\u00E9 aux broderies flamandes et espagnoles : \u00AB Au mus\u00E9e des Tissus, se voient plusieurs \u0153uvres flamandes, dont quelques-unes m\u00E9ritent d\u2019\u00EAtre mises \u00E0 c\u00F4t\u00E9 des grandes pi\u00E8ces historiques d\u00E9crites par les inventaires. Ce sont d\u2019abord deux croix et deux orfrois de chasuble form\u00E9s d\u2019une suite de m\u00E9daillons polylob\u00E9s dans lesquels sont figur\u00E9s divers \u00E9pisodes de la vie d\u2019un saint. Les sc\u00E8nes brod\u00E9es en or et en soies de couleurs se d\u00E9tachent sur des fonds guilloch\u00E9s et sont reli\u00E9s entre elles par des tiges feuillues, ajout\u00E9es \u00E0 une \u00E9poque post\u00E9rieure, lors d\u2019un remaniement de ces broderies ; mais, \u00E0 part ces retouches, elles ont gard\u00E9 une finesse de coloris et un charme de composition qui les \u00E9galent aux enluminures du XVe si\u00E8cle, dont elles sont contemporaines. \u00BB Cette fois, croix de chasuble et bandes d\u2019orfrois sont dissoci\u00E9es, la num\u00E9rotation des figures concerne d\u2019abord les croix de chasuble puis les bandes d\u2019orfrois, ce qui correspond \u00E0 la num\u00E9rotation suivie des quatre \u00E9l\u00E9ments composant l\u2019ensemble, en vigueur aujourd\u2019hui dans le livre d\u2019inventaire.\nCet ensemble, dont on voit ici les mentions successives dans des ouvrages de r\u00E9f\u00E9rence ayant eu pour but de pr\u00E9senter les tr\u00E9sors de la production textile acquis par la Chambre de Commerce pour son mus\u00E9e d\u2019Art et d\u2019Industrie, fond\u00E9 en 1856, devenu en 1890 le mus\u00E9e historique des Tissus, illustre la vie et la l\u00E9gende de saint Martin de Tours, inspir\u00E9es des \u00E9crits de son disciple et premier biographe Sulpice S\u00E9v\u00E8re, compl\u00E9t\u00E9es par les r\u00E9cits des miracles advenus apr\u00E8s sa mort compil\u00E9s par Gr\u00E9goire de Tours. La thaumaturgie du saint a, en r\u00E9alit\u00E9, \u00E9t\u00E9 reprise par de nombreux hagiographes parmi lesquels peuvent \u00EAtre cit\u00E9s \u00E0 c\u00F4t\u00E9 de Jacques de Voragine, le plus c\u00E9l\u00E8bre d\u2019entre eux, Paulin de P\u00E9rigueux, Venance-Fortunat de Poitiers ; Alcuin ; Radbod, \u00E9v\u00EAque d\u2019Utrecht ; Pseudo-Odon, abb\u00E9 de Cluny ; Richer de Reims ; Pseudo-Herbernus ; Guibert-Martin de Gembloux ; Vincent de Beauvais ; P\u00E9an Gastineau ; Gilles d\u2019Orval. D\u2019autres ouvrages anonymes compl\u00E8tent ce corpus, comme par exemple, les Enquestes de Posthumien, Les beaux miracles de monseigneur sainct Martin, ainsi que de nombreuses compilations appel\u00E9s Martinades. \nFondateur du monachisme chr\u00E9tien occidental, consid\u00E9r\u00E9, en France, comme le treizi\u00E8me ap\u00F4tre et saint patron des dynasties royales, saint Martin de Tours est \u00E9lu \u00E9v\u00EAque en 370. Il est n\u00E9, de parents pa\u00EFens, en 316. Son p\u00E8re, soldat puis tribun militaire, s\u2019installe \u00E0 Ticinum, aujourd\u2019hui Pavie en Italie, o\u00F9 Martin passe sa jeunesse. C\u2019est \u00E0 l\u2019\u00E2ge de dix ans, nous pr\u00E9cise Sulpice S\u00E9v\u00E8re, qu\u2019il demande \u00E0 devenir cat\u00E9chum\u00E8ne contre l\u2019avis de ses parents. \u00C0 quinze ans, il est enr\u00F4l\u00E9 comme fils de v\u00E9t\u00E9ran dans l\u2019arm\u00E9e romaine. Il sert dans la cavalerie en Italie puis en Gaule d\u2019abord sous Constance II puis sous Julien C\u00E9sar. C\u2019est durant cette p\u00E9riode, alors qu\u2019il est en garnison \u00E0 Amiens, qu\u2019un soir d\u2019hiver de l\u2019an 337, il aper\u00E7oit \u00E0 l\u2019une des portes de la ville un homme n\u00E9cessiteux, implorant vainement la charit\u00E9 des passants. Martin, ne poss\u00E9dant que le manteau (ou paludamentum) dont il \u00E9tait rev\u00EAtu, le coupe en deux avec son \u00E9p\u00E9e et porte secours \u00E0 l\u2019indigent. Cette sc\u00E8ne du partage du manteau ou Charit\u00E9 de saint Martin est la plus populaire de sa l\u00E9gende. La nuit suivante, le Christ lui appara\u00EEt en songe rev\u00EAtu de cette aum\u00F4ne et s\u2019adressant aux anges qui l\u2019entourent, il leur dit : \u00AB Martin n\u2019\u00E9tant encore que cat\u00E9chum\u00E8ne m\u2019a rev\u00EAtu de ce manteau. \u00BB Le reste de son manteau, appel\u00E9 capella, a \u00E9t\u00E9 conserv\u00E9 comme la plus pr\u00E9cieuse des reliques par les rois m\u00E9rovingiens. Suite \u00E0 cette vision, il re\u00E7oit le bapt\u00EAme, il est alors \u00E2g\u00E9 de dix-huit ans. Deux ans plus tard, il quitte l\u2019arm\u00E9e et se rend aupr\u00E8s de saint Hilaire, \u00E9v\u00EAque de Poitiers qui lui conf\u00E8re, Martin ayant souvent refus\u00E9 par humilit\u00E9 de devenir diacre, la fonction d\u2019exorciste, le plus humble degr\u00E9 de la hi\u00E9rarchie eccl\u00E9siastique. Quelque temps apr\u00E8s, Martin retourne visiter ses parents en Pannonie, Dieu lui ayant ordonn\u00E9 en songe de les convertir. \u00C0 son retour, il traverse l\u2019Illyrie et s\u2019arr\u00EAte un temps en Italie afin de lutter contre l\u2019arianisme, doctrine reconnue comme une h\u00E9r\u00E9sie depuis le concile de Nic\u00E9e en 325. Pers\u00E9cut\u00E9 par Auxence, \u00E9v\u00EAque de Milan et chef du parti arien, Martin s\u2019exile sur l\u2019\u00EEle Gallinara. \u00C9chappant par la pri\u00E8re aux effets funestes de l\u2019ell\u00E9bore qu\u2019il avait ing\u00E9r\u00E9 par erreur, Martin se rend \u00E0 Rome puis s\u2019en retourne \u00E0 Poitiers aupr\u00E8s de saint Hilaire et fonde l\u2019abbaye de Ligug\u00E9. Martin acquiert alors une tr\u00E8s grande renomm\u00E9e dans la r\u00E9gion en ressuscitant un cat\u00E9chum\u00E8ne mort avant d\u2019avoir re\u00E7u le bapt\u00EAme et un esclave mort par pendaison. En 370, Martin est \u00E9lu \u00E9v\u00EAque de Tours par vox populi. Sans jamais renoncer \u00E0 vivre comme un moine, dans la plus humble condition, il fonde l\u2019abbaye de Marmoutier. Ses vingt-six ann\u00E9es d\u2019\u00E9piscopat, jusqu\u2019\u00E0 sa mort \u00E0 Candes le 8 novembre 397, sont marqu\u00E9es par de nombreux \u00E9pisodes miraculeux, dont Sulpice S\u00E9v\u00E8re n\u2019a retenu que les plus remarquables. Saint Martin, au p\u00E9ril de sa vie, lutta \u00E0 plusieurs reprises contre le d\u00E9mon, renversa de nombreuses idoles et enseigna l\u2019humilit\u00E9 aux grands de ce monde. \nL\u2019iconographie tr\u00E8s \u00E9rudite de ce cycle brod\u00E9 de saint Martin pr\u00E9sente un nombre cons\u00E9quent de trente-sept \u00E9pisodes brod\u00E9s de la vie du saint depuis son enfance jusqu\u2019aux miracles advenus apr\u00E8s sa mort. C\u2019est en 1968, que Margaret B. Freeman, conservateur \u00E9m\u00E9rite du Cloisters Museum \u00E0 New York, livre la premi\u00E8re \u00E9tude approfondie de ces broderies dans son ouvrage intitul\u00E9 The St. Martin Embroideries. A Fifteenth-Century Series Illustrating the Life and Legend of St. Martin of Tours, dont le point de d\u00E9part a \u00E9t\u00E9 l\u2019examen de quatre m\u00E9daillons brod\u00E9s, d\u2019une ex\u00E9cution remarquable, acquis en 1947, lors de la vente de la collection Joseph Brummer par le Cloisters Museum pour son Tr\u00E9sor. Ces quatre m\u00E9daillons, tr\u00E8s proches dans leurs dimensions, appartenaient en r\u00E9alit\u00E9 \u00E0 deux cycles distincts : celui de saint Martin de Tours et celui de sainte Catherine d\u2019Alexandrie. Stylistiquement, ils ont \u00E9t\u00E9 rapproch\u00E9s \u00E0 l\u2019\u00E9poque de l\u2019\u0153uvre de Rogier van der Weyden et de ses associ\u00E9s et donc dat\u00E9s des ann\u00E9es 1440. Trente-sept m\u00E9daillons et panneaux ont \u00E9t\u00E9 recens\u00E9s pour le cycle de saint Martin. En plus des vingt-deux m\u00E9daillons et des deux panneaux du mus\u00E9e des Tissus, six m\u00E9daillons et un panneau sont aujourd\u2019hui conserv\u00E9s dans les collections du Metropolitan Museum de New York : Saint Martin annon\u00E7ant \u00E0 ses parents qu\u2019il veut devenir chr\u00E9tien, inv. 1975.1.1909 ; L\u2019ordination de saint Martin par saint Hilaire, inv. 1975.1.1908 ; La r\u00E9surrection \u00E0 Ligug\u00E9 par saint Martin d\u2019un cat\u00E9chum\u00E8ne mort avant d\u2019avoir re\u00E7u le bapt\u00EAme, inv. 1975.1.1906 ; Saint Martin pr\u00E9sentant la coupe de vin au pr\u00EAtre, inv. 1975.1.1907 ; Saint Martin et les brigands, The Cloisters collection, inv. 47.101.64 ; L\u2019imp\u00E9ratrice prostern\u00E9e aux pieds de saint Martin (ou peut-\u00EAtre plut\u00F4t : Saint Martin convertissant sa m\u00E8re tandis que son p\u00E8re reste dans l\u2019erreur puisque l\u2019\u00AB imp\u00E9ratrice \u00BB ne porte pas la couronne), The Cloisters Collection, inv. 47.101.63 ; Saint Martin et les soldats se repentant de l\u2019avoir frapp\u00E9, The Cloisters Collection, inv. 1979.139, deux m\u00E9daillons au Cooper Hewitt Smithsonian Design Museum de New York : Le bapt\u00EAme de saint Martin, inv. 1962.8.1a ; La gu\u00E9rison d\u2019un aveugle et d\u2019un paralytique contre leur gr\u00E9, inv. 1962.8.1b, un autre \u00E0 la Walters Arts Gallery de Baltimore : La mort de saint Martin r\u00E9v\u00E9l\u00E9e par un ch\u0153ur c\u00E9leste \u00E0 l\u2019\u00E9v\u00EAque de Cologne saint S\u00E9verin, inv. 83.322, tandis qu\u2019un dernier m\u00E9daillon circulaire ayant appartenu \u00E0 la collection Alastair Bradley Martin est aujourd\u2019hui non localis\u00E9 : Saint Martin faisant ses adieux \u00E0 ses parents avant de rejoindre l\u2019arm\u00E9e romaine. Un quatri\u00E8me panneau est conserv\u00E9 \u00E0 Paris depuis 1993 au mus\u00E9e national du Moyen \u00C2ge - Thermes et h\u00F4tel de Cluny (inv. Cl. 23424) : La gu\u00E9rison d\u2019une aveugle devant le tombeau de saint Martin ou peut-\u00EAtre, comme le propose Nicole Reynaud dans son article \u00AB Une broderie de l\u2019histoire de saint Martin : Barth\u00E9l\u00E9my d\u2019Eyck et Pierre du Billant \u00BB, paru en 1997 dans la Revue du Louvre, Le miracle de la jeune fille de Lisieux, \u00AB qui venue en bateau, retrouve la lumi\u00E8re et, voyant la basilique y rend gr\u00E2ce aux saints. \u00BB Enfin, Margaret Freeman fait \u00E9tat d\u2019un dernier m\u00E9daillon, de forme ovale, li\u00E9 \u00E0 ce cycle de la vie de saint Martin, aujourd\u2019hui en place sur le chaperon d\u2019un pluvial conserv\u00E9 dans l\u2019\u00E9glise Saint-Michel de Gand (L\u2019argent des imp\u00F4ts revient \u00E0 Tours ou L\u2019argent de Lycontius offert au monast\u00E8re de saint Martin en remerciement de la gu\u00E9rison de ses esclaves). L\u2019ensemble de ces m\u00E9daillons, y compris ceux appartenant au cycle de sainte Catherine dont huit seulement sont aujourd\u2019hui rep\u00E9r\u00E9s, semblent donc avoir appartenu \u00E0 un ensemble plus important et ainsi avoir compos\u00E9 un cycle d\u00E9coratif pour une chapelle, c\u2019est-\u00E0-dire, un ensemble ornemental pouvant regrouper devant d\u2019autel, nappes et couvertures, chapes et chasubles orn\u00E9es d\u2019orfrois, tuniques, dalmatiques, corporaliers, ceintures et souliers, sans qu\u2019il soit possible d\u2019\u00E9valuer le nombre total de m\u00E9daillons r\u00E9alis\u00E9s, ni m\u00EAme d\u2019identifier avec certitude commanditaires, artistes et destinataires. \nL\u2019agencement des m\u00E9daillons sur les ornements conserv\u00E9s au mus\u00E9e des Tissus ne suit pas de logique narrative, m\u00EAme en consid\u00E9rant le sens de lecture invers\u00E9, de bas en haut, qui pr\u00E9side, par exemple, \u00E0 la lecture des vitraux. Ainsi, se pr\u00E9sentent p\u00EAle-m\u00EAle, les sc\u00E8nes suivantes, traditionnellement reconnues ou nouvellement propos\u00E9es dans le cadre de cette \u00E9tude. Sur la croix de chasuble (inv. MT 29103.1), figurent de haut en bas : Saint Martin et la brebis tondue ; Les prisonniers d\u00E9livr\u00E9s ; La gu\u00E9rison du muet Mauranus ou peut-\u00EAtre comme le propose Nicole Reynaud L\u2019apaisement des flots (panneau gothique) ; Saint Martin \u00E9lu \u00E9v\u00EAque de Tours ou plut\u00F4t Saint Martin interc\u00E9dant pour les Priscillianistes ; La destruction de la tombe du faux martyr ; Le tr\u00F4ne en flammes de l\u2019empereur Valentinien ; Saint Martin demandant \u00E0 son archidiacre de v\u00EAtir un pauvre ; La gu\u00E9rison d\u2019un l\u00E9preux \u00E0 Paris. Sur la bande d\u2019orfroi correspondante (inv. MT 29103.3), de haut en bas : Le reliquaire de saint Martin sur des tr\u00E9teaux ou peut-\u00EAtre Le roi de Galice demande des reliques du saint et offre une grande quantit\u00E9 d\u2019or et d\u2019argent en \u00E9change de la gu\u00E9rison de son fils ; Soleil et pluie sur un vignoble ou peut-\u00EAtre Un champ d\u00E9livr\u00E9 de la gr\u00EAle par un d\u00E9p\u00F4t de cire sanctifi\u00E9e ; Martin avec son diacre et ses disciples ou plut\u00F4t Saint Martin \u00E9lu \u00E9v\u00EAque de Tours ; Martin avec son diacre ou plut\u00F4t Saint Martin b\u00E9nissant l\u2019abbaye de Marmoutier. La seconde chasuble pr\u00E9sente sur la croix\u00A0(inv. MT 29103.2), de haut en bas : Martin et le d\u00E9mon ou plut\u00F4t La gu\u00E9rison de l\u2019esclave poss\u00E9d\u00E9 ; Saint Martin faisant taire un chien ; Saint Martin sorti de sa solitude par une ruse de Ruricius (panneau gothique) ; La gu\u00E9rison de l\u2019esclave de T\u00E9tradius ; Saint Martin voit en songe le Christ rev\u00EAtu de la moiti\u00E9 de manteau offerte au mendiant ; Saint Martin renonce au m\u00E9tier des armes ; Un homme fortun\u00E9 devant le reliquaire de saint Martin ou peut-\u00EAtre Des p\u00E8lerins, dont peut-\u00EAtre Gr\u00E9goire de Tours lui-m\u00EAme, se recueillant sur le reliquaire de saint Martin ; Saint Martin sauvant une maison des flammes. Sur la bande d\u2019orfroi associ\u00E9e (inv. MT 29103.4), quatre \u00E9pisodes sont repr\u00E9sent\u00E9s : Martin et son archidiacre avec un manteau ou plut\u00F4t Le d\u00E9mon, sous une forme humaine, se pr\u00E9sentant \u00E0 saint Martin ; La mort de saint Martin ; Un homme pendu est sauv\u00E9 apr\u00E8s avoir invoqu\u00E9 saint Martin ; Saint Martin sauve un li\u00E8vre poursuivi par des chiens. \nLa d\u00E9sorganisation du r\u00E9cit, m\u00EAlant les divers \u00E2ges du saint et ses nombreux miracles,\u00A0incite ici \u00E0 relever les diff\u00E9rentes repr\u00E9sentations de saint Martin, reconnaissable entre tous par son nimbe. Saint Martin, \u00E0 l\u2019instar d\u2019autres grands personnages de la fin de l\u2019Antiquit\u00E9 cit\u00E9s \u00E0 cette \u00E9poque, n\u2019est pas repr\u00E9sent\u00E9 dans sa r\u00E9alit\u00E9 historique. Il est au contraire v\u00EAtu \u00E0 la mode du XVe si\u00E8cle. Ainsi, lorsqu\u2019il renonce au m\u00E9tier des armes (inv. MT 29103.2), le saint est-il t\u00EAte nue, laissant appara\u00EEtre sa chevelure blonde coiff\u00E9e en \u00E9cuelle. Il porte une tunique \u00E0 manches longues ceintur\u00E9e \u00E0 la taille, les \u00E9paules couvertes d\u2019une p\u00E8lerine \u00E0 haut col. Plus tard, lorsqu\u2019il gu\u00E9rit un l\u00E9preux \u00E0 Paris (inv. MT 29103.1), saint Martin, toujours t\u00EAte nue, sa chevelure blonde lui coulant dans la nuque, est v\u00EAtu d\u2019une tunique de dessus fendue le long des jambes, ceintur\u00E9e \u00E0 la taille, sa p\u00E8lerine rejet\u00E9e en arri\u00E8re. C\u2019est d\u2019ailleurs \u00E0 la suite de cet \u00E9pisode que Sulpice S\u00E9v\u00E8re rend compte des gu\u00E9risons miraculeuses op\u00E9r\u00E9es par les fils des v\u00EAtements de saint Martin, voire m\u00EAme ceux de son cilice, dont on peut penser qu\u2019il est \u00E9voqu\u00E9 dans la sc\u00E8ne relatant l\u2019apparition du d\u00E9mon sous forme humaine (inv. MT 29103.4). Saint Martin rel\u00E8ve de la main droite sa longue tunique rouge, laissant appara\u00EEtre une tunique du dessous \u00E0 manches longues de couleur brune (dont le bas a \u00E9t\u00E9 enti\u00E8rement repris lors du r\u00E9assemblage des m\u00E9daillons), s\u2019accordant \u00E0 la couleur de son manteau repli\u00E9 sur les \u00E9paules, \u00E9voquant peut-\u00EAtre ici l\u2019\u00E9toffe de crin, instrument de sa mortification. Dans la sc\u00E8ne r\u00E9put\u00E9e \u00EAtre l\u2019\u00E9lection de saint Martin \u00E0 la fonction d\u2019\u00E9v\u00EAque de Tours (inv. MT 29103.1), le personnage nimb\u00E9 est v\u00EAtu d\u2019un costume civil. Chauss\u00E9 de bottes collantes et coiff\u00E9 d\u2019un chaperon \u00E0 bourrelet, saint Martin porte une jaquette rouge \u00E0 jupe ample et \u00E0 manches bouffantes orn\u00E9es d\u2019un courant d\u2019\u00E9toffe d\u00E9coup\u00E9e en \u00E9crevisse. Cependant ce costume civil, peut-\u00EAtre un habit de voyage, ajout\u00E9 \u00E0 la composition de la sc\u00E8ne elle-m\u00EAme, nous am\u00E8ne \u00E0 proposer ici de reconna\u00EEtre l\u2019intercession de saint Martin pour les priscillianistes, \u00E9pisode qui a eu lieu dans la ville de Tr\u00E8ves. En effet, au centre du m\u00E9daillon, \u00E0 la mani\u00E8re d\u2019une sc\u00E8ne de justice s\u00E9culi\u00E8re, pourrait se tenir un magistrat se r\u00E9f\u00E9rant \u00E0 des textes l\u00E9gislatifs, second\u00E9 par un officier tenant le rouleau sur lequel pourrait \u00EAtre consign\u00E9 l\u2019interrogatoire ou la condamnation \u00E0 mort de Priscillien. La sc\u00E8ne de l\u2019\u00E9lection de saint Martin \u00E0 la fonction d\u2019\u00E9v\u00EAque de Tours serait alors plut\u00F4t visible sur la bande d\u2019orfroi portant le num\u00E9ro d'inventaire MT 29103.3. \nComme sur ce dernier m\u00E9daillon, saint Martin est le plus souvent repr\u00E9sent\u00E9 v\u00EAtu de son costume religieux. Sur la croix de chasuble (inv. MT 29103.1), il est \u00E0 quatre reprises habill\u00E9 d\u2019une aube blanche \u00E0 manches \u00E9troites, lui couvrant tout le corps, ceintur\u00E9e dans la sc\u00E8ne de la tonte de la brebis par un cingulum cord\u00E9, voire agr\u00E9ment\u00E9e d\u2019un parement en partie inf\u00E9rieure, visible lorsqu\u2019il demande \u00E0 son archidiacre de v\u00EAtir un pauvre ou encore lorsqu\u2019il b\u00E9nit l\u2019abbaye de Marmoutier sur la bande d\u2019orfroi (inv. MT 29103.3). Par-dessus cette longue tunique de lin descendant jusqu\u2019aux chevilles, saint Martin porte un pluvial agraf\u00E9 sur le poitrail, bord\u00E9 de galons dor\u00E9s, voire m\u00EAme de pierreries comme dans la sc\u00E8ne de la destruction du tombeau du faux martyr (inv. MT 29103.1). Il est coiff\u00E9 d\u2019une mitre haute, apparue au XVe si\u00E8cle, bord\u00E9e d\u2019or, dont les fanons sont visibles notamment dans la sc\u00E8ne du tr\u00F4ne en flammes (inv. MT 29103.1). Les mains nues, il tient une crosse \u00E0 velum, le plus fr\u00E9quemment, de la main gauche. Cette crosse garnie d\u2019une longue pi\u00E8ce d\u2019\u00E9toffe blanche attach\u00E9e au sommet de la hampe sous la volute est celle d\u2019un abb\u00E9. Il est \u00E9vident que l\u2019iconographie rappelle la glorieuse humilit\u00E9 de saint Martin mais \u00E9galement son \u0153uvre d\u2019inventeur du monachisme occidental. Sur la croix de chasuble (inv. MT 29103.2), dans la sc\u00E8ne de la gu\u00E9rison de l\u2019esclave T\u00E9tradius, saint Martin appara\u00EEt cette fois rev\u00EAtu du costume \u00E9piscopal, compos\u00E9 d\u2019une aube, d\u2019une dalmatique fendue sur les c\u00F4t\u00E9s jusqu\u2019\u00E0 la taille et recouverte d\u2019une chasuble ronde orn\u00E9e d\u2019une bande dor\u00E9e \u00E9voquant le pallium. Sur la sc\u00E8ne du sauvetage de la maison en flammes, l\u2019aube de saint Martin est d\u00E9cor\u00E9e d\u2019un parement en partie inf\u00E9rieure, la dalmatique a, quant \u00E0 elle, disparu. Enfin, saint Martin, lorsqu\u2019il est sorti de sa solitude par une ruse de Ruricius (panneau gothique \u00E0 la crois\u00E9e des bras de la croix), est habill\u00E9 d\u2019un garde-corps rouge, fendu de mani\u00E8re \u00E0 lib\u00E9rer les bras, associ\u00E9 \u00E0 une p\u00E8lerine et une calotte de m\u00EAme couleur. \nL\u2019agencement des m\u00E9daillons ne pr\u00E9sente apparemment aucune logique. Cependant, il est possible de noter que, de la vision simultan\u00E9e des sc\u00E8nes, se d\u00E9gagent pour chaque \u00E9l\u00E9ment d\u2019orfroi des tonalit\u00E9s dominantes, harmonieusement arrang\u00E9es \u00E0 l\u2019\u00E9chelle des costumes et accentu\u00E9es par les points de reprises datant du remontage des m\u00E9daillons. Ainsi, la croix de chasuble (inv. MT 29103.1) et la bande d\u2019orfroi (inv. MT 29103.3) m\u00EAlent des rouges et des verts, d\u2019o\u00F9 se d\u00E9tachent les apparitions r\u00E9p\u00E9t\u00E9es du saint le plus fr\u00E9quemment mis d\u2019un blanc vif, tandis que sur la croix de chasuble (inv. MT 29103.2) et la bande d\u2019orfroi (inv. MT 29104.4), la palette s\u2019enrichit de teintes bleut\u00E9es que les v\u00EAtements rouges de saint Martin avivent particuli\u00E8rement. En outre, sur la bande d\u2019orfroi (inv. MT 29104.4), sont regroup\u00E9s notamment les trois seuls m\u00E9daillons pr\u00E9sentant un d\u00E9cor de souches d\u2019arbre, qui d\u2019apr\u00E8s Margaret Freeman seraient d\u2019un m\u00EAme artiste, compte tenu du soin apport\u00E9 \u00E0 ces \u00E9l\u00E9ments,\u00A0tandis qu\u2019elle recense jusqu\u2019\u00E0 sept mains diff\u00E9rentes. \nL\u2019\u00E9tude stylistique des m\u00E9daillons et des panneaux, incluant celle des costumes, en regard des manuscrits, des tableaux, des sculptures et des tapisseries du XVe si\u00E8cle en France et dans les Flandres, a conduit Margaret Freeman \u00E0 dater les m\u00E9daillons circulaires des ann\u00E9es 1430-1435 et les panneaux gothiques des ann\u00E9es 1440-1445. \nL\u2019analyse technique des m\u00E9daillons et panneaux brod\u00E9s conserv\u00E9s au mus\u00E9e des Tissus a, quant \u00E0 elle, mis en \u00E9vidence les supports, les techniques et les mat\u00E9riaux employ\u00E9s, \u00E0 la fois pour les broderies originales et pour les reprises post\u00E9rieures, datant du remontage en croix et bandes d\u2019orfroi. Elle a \u00E9galement r\u00E9v\u00E9l\u00E9 des similitudes importantes, sugg\u00E9rant l\u2019intervention d\u2019une m\u00EAme main sur les panneaux et au moins un m\u00E9daillon, ce qui pourrait conduire \u00E0 resserrer l\u2019intervalle s\u00E9parant la r\u00E9alisation de ces \u00E9l\u00E9ments. \nLes m\u00E9daillons et les panneaux sont brod\u00E9s sur une toile de lin (cha\u00EEne et trame en fil\u00E9 de torsion Z, non teint). Ils sont bord\u00E9s d\u2019un fil de soie rouge (au point de Boulogne) ayant pu servir \u00E0 d\u00E9limiter le p\u00E9rim\u00E8tre de la surface \u00E0 broder (ce fil est particuli\u00E8rement visible sur les m\u00E9daillons conserv\u00E9s au Metropolitan Museum de New York). Les broderies initiales de soie, de fil\u00E9s m\u00E9talliques dor\u00E9s et argent\u00E9s, sont r\u00E9alis\u00E9es au point fendu, en couchures diverses pour les effets de damier losang\u00E9, d\u2019imitation d\u2019armure de tissage, ainsi que selon une technique d\u00E9j\u00E0 tr\u00E8s \u00E9labor\u00E9e inaugurant celle de l\u2019or nu\u00E9 \u00E0 proprement parler. Ainsi, les sols \u00E9chiquet\u00E9s et les fonds guilloch\u00E9s sont-ils obtenus par couchure, technique employ\u00E9e pour fixer des fil\u00E9s m\u00E9talliques \u00E0 la surface d\u2019une \u00E9toffe. Il s\u2019agit essentiellement d\u2019un fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9 (lame m\u00E9tallique enroul\u00E9e en S sur \u00E2me de soie S, jaune clair) serpentant horizontalement et d\u2019un bord \u00E0 l\u2019autre du m\u00E9daillon pour les sols et verticalement, du bord du m\u00E9daillon \u00E0 la ligne de sol pour les fonds. Ces lignes parall\u00E8les, form\u00E9es par ce cheminement d\u2019un fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9, sont maintenues par le passage perpendiculaire de fils de soie, formant des points (partie visible du fil \u00E0 la surface de l\u2019\u00E9toffe) qui selon un sch\u00E9ma r\u00E9p\u00E9titif, travaille les lignes de fil\u00E9s m\u00E9talliques dor\u00E9s deux par deux, passant sur les deux premi\u00E8res lignes puis sous les deux suivantes, tandis que le fil de soie contigu passe d\u2019abord sous les deux premi\u00E8res lignes avant d\u2019enjamber les deux suivantes, \u00E0 l\u2019imitation d\u2019une armure toile. Les losanges de couleur sont donc obtenus par la couverture en pointill\u00E9 des lignes de fil\u00E9s m\u00E9talliques dor\u00E9s par les fils de soie, alors que les losanges dor\u00E9s sont obtenus par flott\u00E9 sans fixation, c\u2019est-\u00E0-dire que les lignes de fil\u00E9s m\u00E9talliques dor\u00E9s reposent librement \u00E0 la surface de l\u2019\u00E9toffe. La couchure par les fils de soie peut \u00EAtre de teinte uniforme, comme pour les d\u00E9cors de sols, ou nuanc\u00E9e, c\u2019est-\u00E0-dire juxtaposant des lignes de points du plus clair au plus fonc\u00E9, comme c\u2019est le cas dans le traitement de certains volumes, et notamment celui de la colonne sur le m\u00E9daillon des prisonniers d\u00E9livr\u00E9s (inv. MT 29103.1). Il arrive \u00E9galement que la couchure par les fils de soie diff\u00E8re le long des lignes form\u00E9es par le fil\u00E9 m\u00E9tallique, en fonction du d\u00E9cor. Dans le m\u00E9daillon de la destruction de la tombe du faux martyr (inv. MT 29103.1), une couchure de fils de soie rouge formant les losanges du fond alterne avec une couchure tr\u00E8s couvrante de fils de soie jaune pour les arcatures et une couchure nuanc\u00E9e de couleurs brunes pour le mur sur lequel elles reposent. Le d\u00E9mon qui s\u2019\u00E9chappe de l\u2019autel est en revanche uniquement brod\u00E9 de fils de soie, le fond or le contourne \u00E0 dessein. \nIl arrive \u00E9galement que le fil\u00E9 m\u00E9tallique du fond et celui du sol soient orient\u00E9s dans le m\u00EAme sens. Cependant leur densit\u00E9 diff\u00E8re : le fil\u00E9 m\u00E9tallique est plus tass\u00E9 (si l\u2019on tente une comparaison avec un tissage) en ce qui concerne la repr\u00E9sentation du ciel. Ainsi, deux m\u00E9daillons se pr\u00EAtent plus particuli\u00E8rement \u00E0 ces observations. Le premier d\u2019entre eux relate l\u2019\u00E9pisode du champ d\u00E9livr\u00E9 de la gr\u00EAle (inv. MT 29103.3). Le fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9 forme des lignes parall\u00E8les horizontales sur quasiment toute la surface du m\u00E9daillon, except\u00E9 \u00E0 l\u2019endroit du personnage (sauf sa ceinture). Malgr\u00E9 la forte d\u00E9gradation de la broderie, la technique originale reste lisible. L\u2019ensemble du d\u00E9cor, plants de vigne, terre et ciel, est constitu\u00E9 par les points de couchure, dont les nuances varient \u00E0 discr\u00E9tion pour traduire toutes les couleurs en pr\u00E9sence. Seuls les brins de fleurs \u00E0 tige haute et aux feuilles longues, \u00E9troites et recourb\u00E9es, sont rapport\u00E9s par des points de broderie ad hoc, comme sur le m\u00E9daillon relatant la gu\u00E9rison de l\u2019esclave T\u00E9tradius (inv. MT 29103 .2). Le second m\u00E9daillon figurant saint Martin sauvant un li\u00E8vre (inv. MT 29103.4) pr\u00E9sente une orientation verticale des fil\u00E9s m\u00E9talliques. En partie inf\u00E9rieure, ils servent de support aux broderies du sol, du li\u00E8vre, des chiens et des deux souches encadrant la sc\u00E8ne. L\u00E0 encore, le personnage est contourn\u00E9 par les fil\u00E9s du sol et du fond, except\u00E9 pour son nimbe dont la couchure diff\u00E8re cependant de celle du reste du fond. Cette technique de couchure nuanc\u00E9e cr\u00E9ant ces \u00E9l\u00E9ments de d\u00E9cor et imitant des armures de tissage (la toile pour le champ d\u00E9livr\u00E9 par la gr\u00EAle et le serg\u00E9 2 lie 1 trame pour saint Martin sauvant un li\u00E8vre) est tr\u00E8s proche, dans son rendu par aplats de couleurs, de la mosa\u00EFque, dans la mesure o\u00F9 la surface est homog\u00E8ne, sauf pour le personnage, qui, comme sur les autres m\u00E9daillons, se d\u00E9tache par l\u2019emploi de fils de soie brod\u00E9s en points fendus. Sur cette sc\u00E8ne, on peut relever \u00E9galement une subtilit\u00E9 in\u00E9dite dans la couchure, au niveau de la souche d\u2019arbre situ\u00E9e sur la droite du m\u00E9daillon, qui fait \u00E9cho au point fendu nu\u00E9 de l\u2019aube de saint Martin. Les fils de soie utilis\u00E9s pour la couchure font alterner du bleu, du rouge, de l\u2019ocre, du rouge, du bleu et de l\u2019orange, loin des autres couchures aux couleurs plus naturalistes. Au moment du remontage des m\u00E9daillons, afin de donner du relief aux \u00E9l\u00E9ments signifiants que sont, d\u2019une part, les feuilles de vigne, le nuage, la gr\u00EAle et le soleil, et d\u2019autre part, la tranche des souches et le nimbe, un fil\u00E9 m\u00E9tallique est venu redessiner leurs contours. Cette couverture tr\u00E8s importante du m\u00E9daillon par le fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9 pr\u00E9figure une technique de broderie d\u2019une grande complexit\u00E9 que l\u2019on voit introduite ici et que l\u2019on appelle l\u2019\u00AB or nu\u00E9 \u00BB. Cette technique d\u00E9signe l\u2019expression la plus raffin\u00E9e et la plus dense de l\u2019art de la couchure de fil\u00E9s m\u00E9talliques par des fils de soie. La surface de travail pr\u00E9sente un alignement parfait, homog\u00E8ne et tr\u00E8s serr\u00E9 de fil\u00E9s m\u00E9talliques qui serpentent d\u2019un bord \u00E0 l\u2019autre de la surface \u00E0 couvrir. Les points de couchure, par leur densit\u00E9 et les tonalit\u00E9s des soies employ\u00E9es, construisent enti\u00E8rement le d\u00E9cor. \nUne \u00E9tude men\u00E9e par le Metropolitan Museum sur leurs m\u00E9daillons en 2015, \u00E0 l\u2019occasion de l\u2019exposition intitul\u00E9e Scenes from the Life of St. Martin: Franco-Flemish Embroidery from the Met Collection, qui s\u2019est tenue du 11 mai au 25 octobre 2015, livre de pr\u00E9cieuses informations concernant la nature des mat\u00E9riaux employ\u00E9s pour la broderie originale, dans la mesure o\u00F9 les m\u00E9daillons conserv\u00E9s au Metropolitan Museum ont \u00E9t\u00E9 acquis d\u00E9faits du montage en croix et bandes d\u2019orfroi. Giulia Chiostrini, dans son article Conserving the Saint Martin Series: Technical Analysis of Fifteenth-Century Embroideries, publie les r\u00E9sultats concernant la composition et la fabrication des fil\u00E9s m\u00E9talliques, ainsi que l\u2019origine des teintures. Les fil\u00E9s m\u00E9talliques dor\u00E9s sont r\u00E9alis\u00E9s \u00E0 partir d\u2019un alliage compos\u00E9 de quatre-vingt-quinze pourcent d\u2019argent et de cinq pourcent de cuivre, lamin\u00E9 en feuille, puis dor\u00E9 sur une face, avant d\u2019\u00EAtre d\u00E9bit\u00E9 en fines bandes enroul\u00E9es une \u00E0 une en spirale couvrante autour d\u2019un fil de soie jaune, appel\u00E9e \u00AB \u00E2me \u00BB. Une exposition des m\u00E9daillons aux rayons X a confirm\u00E9 l\u2019ampleur des surfaces couvertes par les fil\u00E9s m\u00E9talliques et donc la somptuosit\u00E9 de cet ouvrage de broderie. Les teintures des fils de soie sont d\u2019origine v\u00E9g\u00E9tale. Ainsi, les couleurs primaires sont-elles obtenues \u00E0 partir de la garance pour le rouge, de la gaude pour le jaune et du pastel pour le bleu. \nCette derni\u00E8re couleur, lorsqu\u2019elle est employ\u00E9e en couchure, est d\u2019ailleurs le plus souvent associ\u00E9e \u00E0 des fil\u00E9s m\u00E9talliques argent\u00E9s confectionn\u00E9s sur une \u00E2me de soie blanche, intensifiant ainsi tout en d\u00E9licatesse, les tonalit\u00E9s froides du m\u00E9tal. C\u2019est le cas par exemple pour la figuration des portes de Paris dans le m\u00E9daillon de la gu\u00E9rison du l\u00E9preux sur la croix de chasuble (inv. MT 29103.1). Une version plus sophistiqu\u00E9e de couchure de fil\u00E9 m\u00E9tallique argent\u00E9 est visible sur le panneau gothique, \u00E0 la crois\u00E9e des bras de cette m\u00EAme croix, sur le m\u00E9daillon relatant l\u2019apaisement des flots. En effet, le cours d\u2019eau \u00E0 la physionomie mouvante est figur\u00E9 par la couchure d\u2019un fil\u00E9 m\u00E9tallique argent\u00E9 ondoyant couch\u00E9 par un et deux fils de mani\u00E8re irr\u00E9guli\u00E8re, et azur\u00E9 par de fines lignes de soie nuanc\u00E9e courant dans les interstices m\u00E9nag\u00E9s par le cheminement du fil\u00E9 m\u00E9tallique. Sur le flanc de la barque, \u00E0 l\u2019endroit o\u00F9 les vagues se creusent, l\u2019\u00E9clatement al\u00E9atoire de l\u2019eau est traduit par quelques points rayonnants r\u00E9alis\u00E9s au moyen du fil\u00E9 m\u00E9tallique argent\u00E9. Cette technique a \u00E9t\u00E9 utilis\u00E9e pour mat\u00E9rialiser la cl\u00F4ture de la solitude de saint Martin et, semble-t-il \u00E9galement, pour environner la gu\u00E9rison de la jeune aveugle sur le panneau de m\u00EAme forme conserv\u00E9 au mus\u00E9e de Cluny. Margaret Freeman, insistant sur le niveau de perfectionnement des techniques de broderie mises en \u0153uvre, ainsi que sur la qualit\u00E9 sup\u00E9rieure du dessin, avait propos\u00E9 que ces panneaux aient \u00E9t\u00E9 r\u00E9alis\u00E9s plusieurs ann\u00E9es apr\u00E8s la suite de m\u00E9daillons circulaires. Or, il existe au moins un de ces m\u00E9daillons, conserv\u00E9 au mus\u00E9e des Tissus (inv. MT 29103.4) pr\u00E9sentant le m\u00EAme soin et les m\u00EAmes caract\u00E9ristiques techniques. Il s\u2019agit du m\u00E9daillon sur lequel le d\u00E9mon sous forme humaine se pr\u00E9sente \u00E0 saint Martin, identifi\u00E9 par Margaret Freeman comme Martin et son archidiacre avec un manteau. La pr\u00E9sence d\u2019une souche d\u2019arbre dans le d\u00E9cor avait aussi conduit l\u2019auteur \u00E0 proposer qu\u2019il ait \u00E9t\u00E9 r\u00E9alis\u00E9 par le m\u00EAme artiste que celui des m\u00E9daillons comportant ce d\u00E9tail et regroup\u00E9s au moment de leur remontage sur la m\u00EAme bande d\u2019orfroi (inv. MT 29103.4) : Un homme pendu est sauv\u00E9 apr\u00E8s avoir invoqu\u00E9 saint Martin et Saint Martin sauve un li\u00E8vre poursuivi par des chiens. Or, \u00E0 consid\u00E9rer de plus pr\u00E8s cette souche d\u2019arbre, il appara\u00EEt que son \u00E9corce sur laquelle s\u2019impriment des plis obliques a \u00E9t\u00E9 r\u00E9alis\u00E9e selon la m\u00EAme technique que celle utilis\u00E9e pour transcrire le mouvement de l\u2019eau : on trouve, en effet, une couchure de fil\u00E9 m\u00E9tallique par un et deux fils rehauss\u00E9e de lignes de points fendus alternant des tons clairs et des tons fonc\u00E9s de couleur brune. Le fond du m\u00E9daillon imitant un entrecroisement oblique de fines bandes dor\u00E9es proche de la vannerie, par le jeu d\u2019une couchure de fil rouge, est \u00E9galement identique au fond original des deux panneaux cit\u00E9s plus haut, dans la mesure o\u00F9 le r\u00E9seau losang\u00E9 piqu\u00E9 d\u2019\u00E9toiles, obtenu au point de treillis et au point de croix, sur le panneau de la ruse sortant Martin de sa solitude (inv. MT 29103.2), est d\u00FB \u00E0 une reprise effectu\u00E9e lors du remontage. En outre, l\u2019observation de ce fond sur le m\u00E9daillon du d\u00E9mon (inv. MT 29103.4), nous \u00E9claire sur l\u2019identit\u00E9 du personnage au doigt lev\u00E9. En effet, le fil de couchure rouge m\u00E9nage l\u2019emplacement de deux cornes recourb\u00E9es prenant naissance dans sa chevelure d\u00E9peign\u00E9e, voire hirsute. Ce dispositif d\u2019\u00E9pargne d\u2019une zone tendue de fil\u00E9 m\u00E9tallique, du fond ou du sol, destin\u00E9e \u00E0 recevoir des parties de personnages, est visible sur d\u2019autres m\u00E9daillons comme celui du tr\u00F4ne en flamme, au niveau des chaussures (inv. MT 29103.1), ou celui du roi de Galice (inv. MT 29103.3), au niveau de ses bottes et de la main gauche du marchand. Ces deux cornes, aujourd\u2019hui fantomatiques, nous invitent \u00E0 consid\u00E9rer un \u00E9v\u00E9nement que nous relate Sulpice S\u00E9v\u00E8re entre saint Martin et Satan, sous forme humaine, ayant eu lieu alors que le saint se rendait aupr\u00E8s de ses parents afin de les convertir. Le biographe place cet \u00E9pisode apr\u00E8s que saint Martin a d\u00E9pass\u00E9 Milan. Il est effectivement repr\u00E9sent\u00E9 sur la broderie tournant le dos aux portes d\u2019une ville sur un chemin figur\u00E9 par une couchure de fil\u00E9 m\u00E9tallique qui exceptionnellement \u00E9pouse la courbe du m\u00E9daillon.\nL\u2019\u00E9tude plus pouss\u00E9e de la composition des m\u00E9daillons, g\u00E9n\u00E9ralement scind\u00E9e par une ligne de sol, a r\u00E9v\u00E9l\u00E9 quelques autres hardiesses de la part des brodeurs. Ainsi, par exemple, sur le m\u00E9daillon des p\u00E8lerins se recueillant sur le reliquaire de saint Martin (inv. MT 29103.2), peut-on voir flotter la terrasse sur laquelle prennent place les personnages. Le fond r\u00E9alis\u00E9 en couchure se poursuit effectivement en partie inf\u00E9rieure, conf\u00E9rant ainsi \u00E0 la sc\u00E8ne une apparence d\u2019\u00E9ternit\u00E9.\u00A0Et sur les m\u00E9daillons repr\u00E9sentant l\u2019apparition du Christ \u00E0 saint Martin (inv. MT 29103.2) et la mort de saint Martin (inv. MT 29103.4), dans laquelle le Christ se manifeste \u00E9galement, l\u2019orientation des fil\u00E9s m\u00E9talliques sur les sols varie \u00E0 nouveau selon un m\u00EAme sch\u00E9ma. \nCes deux m\u00E9daillons se r\u00E9pondent\u00A0en r\u00E9alit\u00E9\u00A0\u00E0 plus d\u2019un titre. Du point de vue de l\u2019iconographie et de la composition, le sommeil et la mort sont \u00E9voqu\u00E9s selon un m\u00EAme canevas de dessin, d\u2019une grande proximit\u00E9 avec la peinture de miniature et avec ses plus r\u00E9centes \u00E9volutions. La repr\u00E9sentation du saint allong\u00E9 dans un lit est trait\u00E9e en raccourci et de trois quarts, et non pas de profil. Ce point de vue permet de sur\u00E9lever la figure du saint afin qu\u2019elle occupe la partie m\u00E9diane du m\u00E9daillon et de cr\u00E9er un rapport dynamique entre le saint et la figure du Christ. L\u2019orientation l\u00E9g\u00E8rement oblique de la couchure du sol vient soutenir cet effet de perspective. Le lit de saint Martin est lui aussi d\u2019une grande modernit\u00E9 puisqu\u2019il pr\u00E9sente tous les \u00E9l\u00E9ments constitutifs des couches les plus nobles au moment de la r\u00E9alisation de ces broderies. Le lit est ainsi garni de deux courtines lat\u00E9rales coulissantes sur des tringles masqu\u00E9es sur l\u2019ext\u00E9rieur par des lambrequins mais visibles \u00E0 l\u2019int\u00E9rieur comme cela est figur\u00E9 dans la sc\u00E8ne du songe de saint Martin. Ces longues pentes descendent jusqu\u2019au sol et sont compl\u00E9t\u00E9es par une courtine tendue derri\u00E8re le haut chevet du lit. La t\u00EAte du saint repose sur un polochon et un coussin carr\u00E9 \u00E0 joue capitonn\u00E9e. Son corps est recouvert d\u2019un drap et d\u2019une couverture descendant jusqu\u2019au sol. Cet agencement est identique \u00E0 celui que l\u2019on peut trouver sur certaines miniatures, comme celle d\u2019Olympias et Nectan\u00E9bo, roi d\u2019\u00C9gypte, dans le Speculum historiale de Vincent de Beauvais, enlumin\u00E9 par le Ma\u00EEtre du Boccace de Gen\u00E8ve, \u00E0 Angers, vers 1460 (fol. 43). Au regard de la technique, ces deux m\u00E9daillons sont \u00E9galement tr\u00E8s semblables et aussi tr\u00E8s proches du m\u00E9daillon figurant les p\u00E8lerins devant le reliquaire de saint Martin (inv. MT 29103.2). Le ciel, les lambrequins et le fond de lit, le chevet et les coussins, ainsi que certains d\u00E9tails comme les nimbes, la mitre du saint \u00E9v\u00EAque, l\u2019orbe du Christ Salvator Mundi, le chaperon \u00E0 bourrelet, les ceintures et les galons des diff\u00E9rents personnages, pour les deux premiers m\u00E9daillons, le reliquaire, la p\u00E8lerine et la bourse, pour le troisi\u00E8me m\u00E9daillon, sont r\u00E9alis\u00E9s selon la technique de l\u2019or nu\u00E9, c\u2019est-\u00E0-dire en couchure tr\u00E8s serr\u00E9e par un fil. L\u2019objectif n\u2019est pas ici d\u2019imiter une armure de tissage par une couchure r\u00E9guli\u00E8re mais plut\u00F4t un effet pictural au rendu \u00AB micac\u00E9 \u00BB qui utilise l\u2019or comme le ton le plus lumineux de chaque couleur en pr\u00E9sence, de mani\u00E8re \u00E0 accentuer les contrastes et ainsi la profondeur des images. \nUn autre point de broderie est commun \u00E0 ces trois m\u00E9daillons pour les capitons des oreillers et les ouvertures en verre clair et losang\u00E9 m\u00E9nag\u00E9s sur les faces lat\u00E9rales du reliquaire, il s\u2019agit d\u2019une couchure en croisillon sur un fond tendu de fils de soie. C\u2019est le m\u00EAme principe qui a \u00E9t\u00E9 utilis\u00E9 pour les vitraux sur le m\u00E9daillon de saint Martin b\u00E9nissant l\u2019abbaye de Marmoutier (inv. MT 29103.3) dont l\u2019effet visible actuellement est une reprise datant du remontage des pi\u00E8ces. Enfin, on remarque deux autres points ex\u00E9cut\u00E9s avec un fil\u00E9 m\u00E9tallique pour des effets de mati\u00E8re sp\u00E9cifique. Sur le m\u00E9daillon de saint Martin renon\u00E7ant au m\u00E9tier des armes (inv. MT 29103.2), la cotte de maille du chevalier situ\u00E9 compl\u00E8tement \u00E0 droite de la sc\u00E8ne est transcrite \u00E0 l\u2019aide d\u2019un fil\u00E9 m\u00E9tallique argent\u00E9 travaill\u00E9 en une sorte de \u00AB point de tulle \u00BB couch\u00E9. \nSur le m\u00E9daillon figurant le roi de Galice commandant \u00E0 un orf\u00E8vre une couronne pour orner la ch\u00E2sse de saint Martin (inv. MT 29103.3), on remarque l\u2019emploi d\u2019un point particulier r\u00E9alis\u00E9 avec un fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9 au niveau de l\u2019aigui\u00E8re. Il s\u2019agit d\u2019une couchure horizontale par deux fils, peu tendue et fix\u00E9 seulement aux extr\u00E9mit\u00E9s, recouvrant une broderie de fil de soie blanc orient\u00E9e verticalement \u00E0 l\u2019endroit de l\u2019objet. Cette sophistication cr\u00E9e un effet de volume int\u00E9ressant dans la repr\u00E9sentation d\u2019une pi\u00E8ce de forme. Elle se retrouve, par comparaison et pour le m\u00EAme type d\u2019objets, sur la table du m\u00E9daillon conserv\u00E9 au Metropolitan Museum figurant Saint Martin pr\u00E9sentant la coupe de vin au pr\u00EAtre (inv. 1975.1.1907). \nGr\u00E2ce \u00E0 des photographies documentaires du revers des croix et des bandes d\u2019orfroi des pi\u00E8ces conserv\u00E9es au mus\u00E9e des Tissus, de pr\u00E9cieuses informations concernant les reprises sont disponibles. En effet, toutes les r\u00E9parations op\u00E9r\u00E9es pour am\u00E9liorer la lecture et l\u2019appr\u00E9ciation des m\u00E9daillons ont \u00E9t\u00E9 r\u00E9alis\u00E9es une fois les m\u00E9daillons plac\u00E9s sur le support d\u00E9coup\u00E9 en croix et en bandes. Les points de reprises traversent donc le m\u00E9daillon et la toile de lin de support. C\u2019est aussi la raison pour laquelle les m\u00E9daillons conserv\u00E9s dans les autres collections, except\u00E9 celui conserv\u00E9 sur le chaperon \u00E0 Gand, ne pr\u00E9sentent pas ces types de point dont la technique diff\u00E8re de la broderie originale, dans la mesure o\u00F9 ils ont \u00E9t\u00E9 acquis d\u00E9faits de leur support, ce qui a bien \u00E9videmment n\u00E9cessit\u00E9 de rompre tous les fils de reprises. En revanche, le revers des m\u00E9daillons est inaccessible sur les pi\u00E8ces conserv\u00E9es au mus\u00E9e des Tissus. Cette restauration, qui a consist\u00E9 \u00E0 consolider les fil\u00E9s m\u00E9talliques dor\u00E9s, notamment au niveau du ventre des bandes pectorales et \u00E0 certains endroits sur la broderie en gaufrure des galons, ainsi qu\u2019\u00E0 renouveler le support d\u2019exposition, a ainsi permis d\u2019acc\u00E9der en n\u00E9gatif \u00E0 toutes r\u00E9parations op\u00E9r\u00E9es sur les m\u00E9daillons eux-m\u00EAmes ainsi qu\u2019aux d\u00E9tails de la r\u00E9alisation de l\u2019ensemble. Les retouches, dat\u00E9es traditionnellement du XVIIe si\u00E8cle, ont donc eu pour objet de raviver le d\u00E9cor et de reprendre des zones particuli\u00E8rement endommag\u00E9es, dans le respect de l\u2019effet initialement recherch\u00E9 par les artistes du XVe si\u00E8cle. Cependant, les points de broderie employ\u00E9s sont des points d\u2019imitation qui parviennent \u00E0 recr\u00E9er de mani\u00E8re illusionniste, \u00E0 premi\u00E8re vue, le d\u00E9cor escamot\u00E9. La recherche de la caract\u00E9risation de ces reprises a r\u00E9v\u00E9l\u00E9 une cartographie des points employ\u00E9s, croix de chasuble par croix de chasuble et bande d\u2019orfroi par bande d\u2019orfroi, comme si chacun de ces quatre \u00E9l\u00E9ments avait en plus fait l\u2019objet d\u2019un traitement singulier \u00E0 leur \u00E9chelle, ce qui contribue \u00E9videmment \u00E0 leur unit\u00E9 visuelle. \nConcernant les reprises des diff\u00E9rentes couchures de fil\u00E9s m\u00E9talliques (notamment pour les architectures, comme c\u2019est le cas sur les m\u00E9daillons de saint Martin faisant taire un chien et de la gu\u00E9rison de T\u00E9tradius [inv. MT 29103.2] ;\u00A0de l'\u00E9lection de saint Martin \u00E0 la fonction d'\u00E9v\u00EAque\u00A0et de la b\u00E9n\u00E9diction de\u00A0l\u2019abbaye de Marmoutier [inv. MT 29103.3] ; pour le bois de la potence et du tronc d\u2019arbre de l\u2019\u00E9pisode du li\u00E8vre [inv. MT 29103.4], ou encore, semble-t-il, pour les fa\u00E7ades des \u00E9curies du m\u00E9daillon ovale conserv\u00E9 sur le chaperon du pluvial \u00E0 Gand, en se basant sur la reproduction disponible dans l\u2019ouvrage de Margaret Freeman), cette r\u00E9novation, tr\u00E8s distincte des techniques de couchure originales, produit un effet \u00AB grain\u00E9 \u00BB par une broderie en couchure par deux fils, en cordonnet de soie retors, d\u2019un c\u00E2bl\u00E9 de deux retors, l\u2019un en soie et l\u2019autre en fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9. La couleur de la soie varie selon les effets de lumi\u00E8re recherch\u00E9s. Ainsi, par exemple, sur la potence, un ton clair et un ton fonc\u00E9 juxtapos\u00E9s r\u00E9v\u00E8lent-ils la dimension tronconique de l\u2019objet. Cette m\u00EAme technique est employ\u00E9e pour restituer les couchures de fil\u00E9 m\u00E9tallique argent\u00E9 sur six m\u00E9daillons circulaires de la croix d\u2019orfroi (inv. MT 29103.2), \u00E0 la diff\u00E9rence que sont utilis\u00E9s, cette fois pour le c\u00E2bl\u00E9, un retors de soie nuanc\u00E9 et un retors de fil\u00E9 m\u00E9tallique argent\u00E9. Ces reprises concernent plus particuli\u00E8rement dans l\u2019ordre des m\u00E9daillons, de haut en bas, les \u00E9l\u00E9ments suivants : la p\u00E8lerine du poss\u00E9d\u00E9, m\u00EAlant successivement au fil\u00E9 m\u00E9tallique argent\u00E9, un retors de soie blanche sur l\u2019\u00E9paule droite, un retors de soie jaune le long du pan droit de la p\u00E8lerine puis un retors de soie verte le long du pan gauche ; la face int\u00E9rieure et le fanon gauche de la mitre de saint Martin m\u00EAlent un retors de soie bleu ciel au fil\u00E9 m\u00E9tallique argent\u00E9 ; son aube fait alterner un fil de soie blanche et un fil de soie brune pour marquer les plis au niveau de l\u2019\u00E9paule, tandis que son velum a \u00E9t\u00E9 repris par une couchure simple de fil\u00E9 m\u00E9tallique argent\u00E9. Sur le m\u00E9daillon suivant figurant saint Martin faisant taire un chien, l\u2019aube saint Martin, le velum de sa crosse, l\u2019aube du deuxi\u00E8me disciple et la manche gauche de l\u2019aube du troisi\u00E8me disciple sont trait\u00E9s de mani\u00E8re comparable. En revanche, la p\u00E8lerine de son premier disciple, le bas de l\u2019aube du troisi\u00E8me disciple ainsi que l\u2019\u00E9tendue herbeuse sont r\u00E9alis\u00E9s avec un c\u00E2bl\u00E9 r\u00E9unissant un retors de soie, respectivement de couleur brune, rouge et verte (d\u00E9clin\u00E9e en trois tons), et un retors de fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9. \nDans les sc\u00E8nes suivantes, l\u2019aube de saint Martin, le velum de sa crosse, le drap du lit, la moiti\u00E9 de manteau pr\u00E9sent\u00E9e par le Christ, par ailleurs rebrod\u00E9e de points lanc\u00E9s pour l\u2019hermine, les bottes de saint Martin et les aubes de saint Martin et de son disciple dans la sc\u00E8ne du sauvetage de la maison en flammes sont repris selon les techniques \u00E9voqu\u00E9es pr\u00E9c\u00E9demment. L\u2019originalit\u00E9 des points de r\u00E9novation r\u00E9side surtout dans l\u2019emploi d\u2019une couchure tout en soie par trois fils produisant un effet de gaufrure tr\u00E8s couvrant, comme c\u2019est le cas sur la tunique du d\u00E9mon se pr\u00E9sentant \u00E0 saint Martin (inv. MT 29103.4). Cette tunique est particuli\u00E8rement int\u00E9ressante dans la mesure o\u00F9 elle offre une zone aujourd\u2019hui d\u00E9grad\u00E9e travers\u00E9e de lignes de points de couchure r\u00E9alis\u00E9es dans deux teintes de bleu. Une troisi\u00E8me teinte, gris clair, a \u00E9t\u00E9 fix\u00E9e par une couchure encore en place de part et d\u2019autre de cette zone. Il semblerait que ces fils retors de soie, bleu ciel et bleu fonc\u00E9, aient \u00E9t\u00E9 appliqu\u00E9s verticalement, avant d\u2019\u00EAtre finalement sectionn\u00E9s puis retir\u00E9s, peut-\u00EAtre pour des raisons esth\u00E9tiques. Cette technique de gaufrure, que l\u2019on retrouve par ailleurs traduite en fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9 pour le d\u00E9cor des galons des croix et bandes d\u2019orfroi, a \u00E9t\u00E9 largement utilis\u00E9e pour les zones les plus fonc\u00E9es des m\u00E9daillons, comme les int\u00E9rieurs de portes et de fen\u00EAtres. Sur la croix d\u2019orfroi (inv. MT 29103.1), les reprises les plus nombreuses et les plus importantes concernent les points fendus en fil de soie r\u00E9alis\u00E9s \u00E0 l\u2019origine sur les \u00E9l\u00E9ments de costumes. Les aubes de saint Martin et de son disciple dans la sc\u00E8ne de la brebis tondue, les bottes hautes et les chaussures des prisonniers, la jupe et l\u2019avant-bras gauche du barreur dans l\u2019apaisement des flots, l\u2019aube, le velum et l\u2019int\u00E9rieur du pluvial de saint Martin lors de la destruction de la tombe du faux martyr, l\u2019\u00E9paule droite de saint Martin et l\u2019hermine du manteau de l\u2019empereur Valentinien, le manteau du pauvre, l\u2019aube et le pluvial de saint Martin, la p\u00E8lerine de son disciple \u00E0 l\u2019arri\u00E8re plan et le manteau long du l\u00E9preux, sont r\u00E9alis\u00E9s avec un point fendu tr\u00E8s visible, moins tendu et plus \u00E9pais que l\u2019original, en soie de couleur unie, brune ou blanche le cas \u00E9ch\u00E9ant. En revanche, un soin plus particulier semble avoir \u00E9t\u00E9 apport\u00E9 \u00E0 la reprise du v\u00EAtement du dessus du personnage au centre de la sc\u00E8ne de l'intercession de saint Martin pour les priscillianistes. En effet, les points fendus font alterner plusieurs teintes dans un fondu qui rappelle le raffinement de l\u2019aube du personnage s\u2019adressant \u00E0 saint Martin, r\u00E9alis\u00E9 en point fendu \u00E0 partir d\u2019un fil de soie chin\u00E9, associant des tons rose, bleu et rouge. \nApr\u00E8s avoir consid\u00E9r\u00E9 les reprises des \u00E9l\u00E9ments sugg\u00E9rant la pierre, le bois, le m\u00E9tal et le tissu, il reste une composante essentielle des broderies de saint Martin \u00E0 examiner qui concerne la repr\u00E9sentation plastique des chairs. Sur le m\u00E9daillon du renoncement aux armes (inv. MT 29103.2), les visages d\u2019origine sont particuli\u00E8rement bien conserv\u00E9s. Saint Martin, agenouill\u00E9 devant l\u2019empereur et ses soldats en armes, pr\u00E9sente un visage jeune, imberbe, coiff\u00E9 en \u00E9cuelle, le regard dirig\u00E9 dans les yeux de l\u2019empereur. Un cerne de fil de soie brune d\u00E9tache son visage du fond, dessine sa bouche fine, ses paupi\u00E8res sup\u00E9rieures et le contour de son nez qui se prolonge sur son arcade sourcili\u00E8re. Ses l\u00E8vres sont ourl\u00E9es d\u2019un fil de soie couleur chair, de m\u00EAme que la peau de ses paupi\u00E8res. Un fil de soie, de teinte plus saumon\u00E9e, lui rosit les joues tandis que ses cheveux sont nuanc\u00E9s de deux teintes, blonde et rousse, cette derni\u00E8re lui dessinant \u00E9galement les sourcils. La broderie est cependant lacunaire, la toile de fond en lin non teint transpara\u00EEt. Sur la plupart des m\u00E9daillons, les carnations ont disparu, sans qu\u2019il y ait eu v\u00E9ritablement de reprises au moment du remontage de ces m\u00E9daillons, sauf sur la croix de chasuble (inv. MT 29103.2), o\u00F9 quelques touches r\u00E9alis\u00E9es au point fendu de soie blanche viennent les rehausser. On pourrait croire alors qu\u2019au moment du remontage, la couleur de la toile de fond a sembl\u00E9 satisfaisante pour appr\u00E9cier les pi\u00E8ces, mais il pourrait aussi s\u2019agir d\u2019une forme de respect pour la broderie originale \u00E0 ces endroits qui t\u00E9moignent d\u2019une grande ma\u00EEtrise technique, d\u2019un grand raffinement et d\u2019un excellent travail de coloriste dont la finesse n\u2019a peut-\u00EAtre pas pu \u00EAtre concurrenc\u00E9e par les mat\u00E9riaux et les techniques mis en \u0153uvre au moment du remontage. Les reprises concernent enfin des \u00E9l\u00E9ments lin\u00E9aires, des contours, voire m\u00EAme des effets de mati\u00E8res duveteuses. Les nimbes, les hampes et les volutes de crosse, les mitres, les couronnes, les reliquaires, les \u00E9l\u00E9ments d\u2019architecture et de mobilier, les galons des v\u00EAtements, les ceintures des personnages, les colliers des chiens, les contours des souches, des feuilles, des fleurs, de la cr\u00E9celle du l\u00E9preux, des flammes du tr\u00F4ne de l\u2019empereur sont surlign\u00E9s d\u2019une couchure par un fil d\u2019un fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9, aujourd\u2019hui malheureusement tr\u00E8s d\u00E9grad\u00E9, parfois doubl\u00E9e d\u2019un gros cordonnet obtenu par un c\u00E2bl\u00E9 Z de deux fil\u00E9s m\u00E9talliques dor\u00E9s sur \u00E2me de soie jaune. La couchure de fil\u00E9 m\u00E9tallique vient aussi consolider et rehausser les fonds d\u2019or fragilis\u00E9s en les parcourant sous la forme de r\u00E9seaux losang\u00E9s parsem\u00E9s d\u2019\u00E9toiles, qui peuvent \u00EAtre obtenus, comme sur le m\u00E9daillon de saint Martin renon\u00E7ant au m\u00E9tier des armes (inv. MT 29103.2), par un treillis de deux fil\u00E9s m\u00E9talliques dor\u00E9s, maintenus par un point de Boulogne et frapp\u00E9 au c\u0153ur des losanges par un point lanc\u00E9 \u00E9toil\u00E9. Dans certains cas, la volute de la crosse de saint Martin, le contour de son velum et des v\u00EAtements de ces disciples sont redessin\u00E9s par une couchure par un fil de soie blanche d\u2019un fil\u00E9 m\u00E9tallique argent\u00E9, \u00E9galement utilis\u00E9e pour figurer l\u2019effet boucl\u00E9 de la laine de la brebis en train d\u2019\u00EAtre tondue (inv. MT 29103.1) ou celui, plus cotonneux, du nuage charg\u00E9 de gr\u00EAle (inv. MT 29103.3). D\u2019autres points r\u00E9alis\u00E9s en fil de soie sont visibles aujourd\u2019hui en certains endroits du fond ou du sol des m\u00E9daillons comme sous le pilori des prisonniers d\u00E9livr\u00E9s (inv. MT 29103 .1) o\u00F9 la couchure du sol a \u00E9t\u00E9 refix\u00E9e au moyen d\u2019un fil brun dont les points forment une ligne de losanges respectant le dessin original. \nLe remontage des m\u00E9daillons en croix de chasuble et bandes d\u2019orfrois a, quant \u00E0 lui, n\u00E9cessit\u00E9 la cr\u00E9ation d\u2019un d\u00E9cor, enti\u00E8rement brod\u00E9 autour des m\u00E9daillons. Les deux croix de chasuble et les deux bandes d\u2019orfroi ont \u00E9t\u00E9 taill\u00E9es dans une toile de lin servant de support \u00E0 la fois aux m\u00E9daillons, au satin de soie rouge et \u00E0 son d\u00E9cor feuillag\u00E9. Il appara\u00EEt que deux satins de soie diff\u00E9rents ont \u00E9t\u00E9 utilis\u00E9s, ce qui permet d\u2019identifier les d\u00E9cors respectifs de chacune des deux chasubles d\u00E9mont\u00E9es. Une premi\u00E8re croix de chasuble (inv. MT 29103.1) et une bande d\u2019orfroi (inv. 29103.3) ont \u00E9t\u00E9 confectionn\u00E9es avec un satin de 5, tandis que la seconde (inv. MT 29103.2) et l\u2019autre bande d\u2019orfroi (inv. MT 29103.4) l\u2019ont \u00E9t\u00E9 avec un satin de 8. Ces deux satins sont de teintes l\u00E9g\u00E8rement diff\u00E9rentes, le satin de 5 est moins violac\u00E9 que le satin de 8. Cette analyse permet d\u2019associer \u00E0 nouveau croix et bande d\u2019orfroi et de retrouver ainsi la pr\u00E9sentation propos\u00E9e par Raymond Cox en 1914. Le satin de 5 est \u00E9galement plus \u00E9lim\u00E9, laissant appara\u00EEtre sa trame blanch\u00E2tre au niveau des bourrelets horizontaux dus aux tensions exerc\u00E9es par la combinaison des diff\u00E9rents \u00E9l\u00E9ments formant le d\u00E9cor. Les deux bandes d\u2019orfroi pr\u00E9sentent, en partie centrale, les usures les plus importantes au niveau du satin mais \u00E9galement au niveau des m\u00E9daillons, t\u00E9moignant ainsi de l\u2019utilisation de ces chasubles. Ces traces d\u2019usage se situent, en effet, \u00E0 l\u2019endroit o\u00F9 l\u2019officiant, en pri\u00E8re, joignait ses mains. Les deux satins sont certainement des \u00E9toffes r\u00E9employ\u00E9es. En effet, ils ne sont pas d\u2019une seule pi\u00E8ce dans les deux croix de chasuble. Ils sont indiff\u00E9remment positionn\u00E9s sens trame ou sens cha\u00EEne entre les m\u00E9daillons. Sur la croix de chasuble (inv. MT 29103.1), \u00E0 l\u2019angle sup\u00E9rieur droit du m\u00E9daillon illustrant la seconde charit\u00E9 de saint Martin, une couture associe m\u00EAme deux pi\u00E8ces de satin orient\u00E9es autrement. Sur la m\u00EAme croix de chasuble, \u00E0 l\u2019angle inf\u00E9rieur gauche de l\u2019\u00E9lection de saint Martin \u00E0 la fonction d\u2019\u00E9v\u00EAque de Tours, une pi\u00E8ce de satin fix\u00E9e au point d\u2019ourlet en recouvre au moins partiellement une autre. Il n\u2019est donc pas certain que le satin recouvre enti\u00E8rement la toile de lin servant de support \u00E0 ces croix \u00E0 l\u2019endroit des m\u00E9daillons. L\u2019envers des pi\u00E8ces r\u00E9v\u00E8le \u00E9galement que les galons dor\u00E9s soulignant leur contour et sertissant chacun des m\u00E9daillons d\u2019une couronne polylob\u00E9e d\u2019o\u00F9 jaillissent des enroulements orn\u00E9s de feuilles lob\u00E9es et lanc\u00E9ol\u00E9es, sont contemporains du remontage. Ces galons sont r\u00E9alis\u00E9s en broderie. Il s\u2019agit d\u2019une gaufrure en damier obtenue par des fil\u00E9s m\u00E9talliques argent\u00E9s dor\u00E9s couch\u00E9s par trois selon un rythme d\u00E9riv\u00E9 du taffetas. Ce galon est lui-m\u00EAme encadr\u00E9 par un c\u00E2bl\u00E9 de deux fins cordonnets verts. Il appara\u00EEt que sur tout le pourtour des croix de chasuble et des bandes d\u2019orfrois, ces galons recouvrent en partie le satin et se poursuivent sur la toile du support en lin. Le satin est \u00E9galement parsem\u00E9 de feuilles lob\u00E9es et lanc\u00E9ol\u00E9es distribu\u00E9es sym\u00E9triquement par rapport \u00E0 l\u2019axe longitudinal de chacune des croix et bandes d\u2019orfroi. Elles sont \u00E9galement r\u00E9alis\u00E9es en broderie, mais contrairement aux galons dor\u00E9s, elles sont en partie rapport\u00E9es. En effet, l\u2019int\u00E9rieur des feuilles est r\u00E9alis\u00E9 en couchure par deux fils sur une toile de lin avant d\u2019\u00EAtre appliqu\u00E9 sur le satin. Quelques macules blanch\u00E2tres sur le satin rouge, \u00E0 proximit\u00E9 des feuilles, trahissent certainement un \u00E9panchement de colle. Ces \u00E9l\u00E9ments feuillag\u00E9s ont \u00E9t\u00E9 ensuite rehauss\u00E9s d\u2019une couchure par deux fil\u00E9s fris\u00E9s, formant leur p\u00E9tiole, soulignant leur contour et leur nervure centrale avant de se terminer en enroulement. Un dernier \u00E9l\u00E9ment finit de compl\u00E9ter le d\u00E9cor des satins. La bande d\u2019orfroi (inv. MT 29103.4) pr\u00E9sente en partie inf\u00E9rieure un motif v\u00E9g\u00E9tal unique dans cette s\u00E9rie, un motif double de palmier, \u00E9galement brod\u00E9 sur une toile de lin puis rapport\u00E9 par collage puis par broderie sur le satin. Le tronc est annel\u00E9. L\u2019effet est obtenu par un fil\u00E9 m\u00E9tallique argent\u00E9 pos\u00E9 en aller-retour et nu\u00E9 par deux ou trois avec deux fils de soie bleu et blanc formant comme des hachures donnant une apparence de volume. Les feuilles sont r\u00E9alis\u00E9es selon la m\u00EAme technique d\u2019aller-retour nu\u00E9 \u00E0 la naissance des feuilles par un fil vert et au sommet par un fil jaune. Les m\u00E9daillons ont donc \u00E9t\u00E9 appliqu\u00E9s sur un satin de soie rouge. L\u2019ensemble a \u00E9t\u00E9 fix\u00E9 sur une toile de lin servant de support aux nouvelles broderies, \u00E0 savoir : les broderies en gaufrure formant les galons, les d\u00E9cors feuillag\u00E9s s\u2019\u00E9panouissant sur le fond et les retouches des alt\u00E9rations des m\u00E9daillons d\u2019origine. Il para\u00EEt \u00E9vident que les modifications des broderies originelles ont bien eu lieu au moment du remontage de ces pi\u00E8ces. \nLe m\u00E9daillon ovale conserv\u00E9 dans l\u2019\u00E9glise Saint-Michel de Gand pr\u00E9sente un traitement de retouche semblable, visible sur les fa\u00E7ades des \u00E9curies qui portent, en outre, les dates de 1561, sur les fa\u00E7ades du premier plan, et de 1761, sur la fa\u00E7ade de l\u2019\u00E9glise au second plan. Ces dates, que l\u2019on aurait pu prendre pour des indications concernant le remontage des broderies puisqu\u2019elles sont brod\u00E9es au-dessus de cet effet \u00AB grain\u00E9 \u00BB caract\u00E9ristique, sont en r\u00E9alit\u00E9 de toute autre nature. En effet, dans le catalogue de l\u2019exposition Gent. Duizend Jaar Kunst en Cultuur, qui s\u2019est tenue \u00E0 Gand en 1975, la notice de ce m\u00E9daillon ovale nous informe que ces dates ont \u00E9t\u00E9 modifi\u00E9es au moment de la restauration de cette pi\u00E8ce (probablement au XIXe si\u00E8cle), par la manufacture Van Severen de Sinkt-Niklaas, sp\u00E9cialis\u00E9e dans les ornements gothiques : \u00AB Het borduurwerk werd slecht gerestaureerd door die firma Van Severen te Sinkt-Niklaas. Bij die gelegenheid wer de datum 1461 op de zijgebouwtjes en op het gebouw op de achtergrond in 1761 veranderd. Naderhand werd op de zijgebouwen dat jaar in 1561 veranderd ; op de achtergrond bleef het jaartal 1761 staan. \u00BB Ainsi, le m\u00E9daillon intitul\u00E9 dans le catalogue \u00AB Koorkap met scenes uit het leven van de heilige Martinus (?) \u00BB est-il dat\u00E9, vers 1461, ce qui ajoute une troisi\u00E8me datation \u00E0 l\u2019ensemble des broderies de saint Martin, si l\u2019on consid\u00E8re que ce m\u00E9daillon en fait partie malgr\u00E9 les doutes \u00E9mis. En effet, Colin Eisler, dans son article paru en octobre 1967, indique dans ses notes que ce m\u00E9daillon a \u00E9t\u00E9 pr\u00E9c\u00E9demment d\u00E9crit comme relatant un \u00E9pisode de la vie de saint Bavon \u00E0 l\u2019occasion de deux autres expositions en 1951 et en 1961. Il rappelle qu\u2019\u00E0 cette occasion, Antoine Schryver avait sugg\u00E9r\u00E9 que les dates 1561 et 1761 pouvaient \u00EAtre dues \u00E0 une mauvaise lecture du chiffre 4, se basant sur la graphie confuse de ce chiffre dans un inventaire. Colin Eisler suppose que la s\u00E9rie des broderies de saint Martin\u00A0a pu faire partie des ornements endommag\u00E9s par la crise iconoclaste huguenote qui d\u00E9truisit une grande partie du tr\u00E9sor de Saint-Martin de Tours en 1561 et 1562, et que cette date a pu faire r\u00E9f\u00E9rence \u00E0 une premi\u00E8re restauration de ces pi\u00E8ces. On peut ajouter que cette date de 1561 n\u2019est pas non plus tout \u00E0 fait anodine pour les Flandres puisqu\u2019elle correspond \u00E0 la cr\u00E9ation par le pape Pie VI de l\u2019\u00E9v\u00EAch\u00E9 de Gand et de l\u2019\u00E9rection de la coll\u00E9giale Saint-Bavon en \u00E9glise cath\u00E9drale. \nLa mention de l\u2019atelier Van Severen est \u00E9galement tr\u00E8s int\u00E9ressante puisqu\u2019elle permettrait de dater l'\u00E9tat actuel du remontage des pi\u00E8ces conserv\u00E9es au mus\u00E9e des Tissus de la seconde moiti\u00E9 du XIXe si\u00E8cle. Elle permet aussi d\u2019envisager la r\u00E9union d\u2019un point de vue mat\u00E9riel, toujours au XIXe si\u00E8cle au moins, des m\u00E9daillons des cycles de saint Martin et de sainte Catherine r\u00E9partis sur deux croix de chasubles pr\u00E9sent\u00E9es \u00E0 l\u2019exposition de Crefeld de 1887, l\u2019Ausstellung kirchlicher Kunstwebereien und Stickereien der Vergangenheit, dont deux photographies publi\u00E9es par Margaret Freeman t\u00E9moignent de ce m\u00EAme d\u00E9cor de galon brod\u00E9 et de rinceaux feuillag\u00E9s, \u00E9galement visible sur le chaperon du pluvial conserv\u00E9 dans l\u2019\u00E9glise Saint-Michel de Gand. Enfin, ce m\u00EAme galon brod\u00E9 se retrouve sur un autre panneau lui aussi de forme gothique, au ciel d\u2019or guilloch\u00E9, r\u00E9alis\u00E9 \u00E0 l\u2019or nu\u00E9 et au pass\u00E9 plat, pr\u00E9sentant une fa\u00E7ade d\u2019\u00E9difice \u00E0 l\u2019effet grain\u00E9, appliqu\u00E9 au centre d\u2019une croix de chasuble dont la photographie a \u00E9t\u00E9 publi\u00E9e par Carl Claes sur Internet dans le cadre de ses recherches men\u00E9es sur l\u2019atelier Van Severen. Ce panneau illustre une sc\u00E8ne de procession d\u2019un cercueil couvert d\u2019un voile frapp\u00E9 d\u2019une croix, port\u00E9 par des pleurants et salu\u00E9 par la foule en pri\u00E8re. Ce panneau, sans qu\u2019il soit possible de d\u00E9terminer son origine, est particuli\u00E8rement int\u00E9ressant dans la mesure o\u00F9 il pourrait \u00E9voquer le transport du corps de saint Martin \u00E0 Tours apr\u00E8s son d\u00E9c\u00E8s intervenu \u00E0 Candes. On peut, \u00E0 ce titre, rappeler que cette r\u00E9novation d\u2019ornements liturgiques intervient dans un contexte de renouveau du culte de saint Martin, suite \u00E0 la red\u00E9couverte de son tombeau dans la cave d\u2019une maison construite sur l\u2019emplacement de l\u2019ancienne basilique, le 14 d\u00E9cembre 1860, \u00AB jour de la f\u00EAte de la Reversio ou f\u00EAte du Retour de saint Martin parmi les Tourangeaux \u00BB, comme le rappelle May Vieillard-Troiekouroff dans son article \u00AB Le tombeau de saint Martin retrouv\u00E9 en 1860 \u00BB, dans la Revue d\u2019histoire de l\u2019\u00C9glise de France, publi\u00E9 en 1961.\nCes broderies sont ainsi remarquables \u00E0 plus d\u2019un titre. D\u2019abord, le dessin des m\u00E9daillons rivalise avec l\u2019art du livre, dont les images parfaites ont trouv\u00E9 \u00E9cho dans d\u2019autres formes d\u2019expressions artistiques, comme le vitrail. Leur dessin a pu \u00EAtre attribu\u00E9 \u00E0 des peintres de renom au service des princes souverains, \u00E0 l\u2019instar d\u2019autres productions prestigieuses, comme celle de la chapelle dite \u00AB de l\u2019ordre de la Toison d\u2019Or \u00BB, compos\u00E9e d\u2019un antependium, de trois chapes, d\u2019une chasuble, d\u2019une dalmatique et d\u2019une tunique aujourd\u2019hui conserv\u00E9e dans le Tr\u00E9sor imp\u00E9rial du Kunsthistorisches Museum de Vienne, command\u00E9e entre 1430 et 1440 par Philippe III de Bourgogne \u00E0 son brodeur d\u2019origine parisienne, Thierry de Chastel, d\u2019apr\u00E8s des dessins attribu\u00E9s dans l\u2019entourage des fr\u00E8res Van Eyck, \u00E0 Robert Campin, dit \u00AB le ma\u00EEtre de Fl\u00E9malle \u00BB. Le style de ces broderies, du fait de l\u2019origine flamande\u00A0de ces peintres qui produisent au contact de la cour du duc de Bourgogne un art original,\u00A0est dit \u00AB burgondo-flamand \u00BB. \nLes broderies de saint Martin contemporaines de ces \u00E9changes sont, pour les m\u00EAmes raisons, qualifi\u00E9es de \u00AB franco-flamand \u00BB. Colin Eisler, dans son article \u00AB Two Early Franco-Flemish Embroideries - Suggestions for their Settings \u00BB paru en octobre 1967 dans The Burlington Magazine, fut le premier \u00E0 proposer que ces broderies, d\u2019apr\u00E8s leur \u00E9tude stylistique, aient \u00E9t\u00E9 r\u00E9alis\u00E9es dans le premier tiers du XVe si\u00E8cle, ce qui permettrait d\u2019\u00E9voquer plus particuli\u00E8rement deux commanditaires : Martin V, \u00E9lu pape \u00E0 Constance le 11 novembre 1417, jour de l\u2019inhumation de saint Martin, et Charles VII, roi de France de 1422 \u00E0 1461, dont la v\u00E9n\u00E9ration pour le saint \u00E9tait tr\u00E8s grande. Il aurait ainsi command\u00E9 ces broderies, soit pour c\u00E9l\u00E9brer le jubil\u00E9 du pape en 1423, soit pour proclamer sa nouvelle soumission au pape en 1425. \nConcernant plus particuli\u00E8rement les panneaux gothiques, diff\u00E9rentes \u00E9tudes ont insist\u00E9 sur l\u2019intervention d\u2019un peintre dans leur cr\u00E9ation. Probablement d\u2019origine flamande, compte tenu de sa mani\u00E8re, l\u2019auteur des cartons aurait \u00E9volu\u00E9 en France au service des plus grands dignitaires du royaume. En 1997, Nicole de Reynaud rappelle \u00E0 propos du panneau de la vie de saint Martin conserv\u00E9 au mus\u00E9e de Cluny, sa pr\u00E9c\u00E9dente analyse ainsi que celle de Marie-Claude L\u00E9onelli concernant les broderies du mus\u00E9e des Tissus, publi\u00E9e en 1984 dans la Revue de l\u2019Art, dans son article \u00AB Barth\u00E9l\u00E9my d\u2019Eyck avant 1450 \u00BB qui propose d\u2019attribuer la cr\u00E9ation des panneaux brod\u00E9s du cycle de saint Martin \u00E0 un \u00AB tandem \u00BB, associant le peintre Barth\u00E9l\u00E9my d\u2019Eyck, d\u2019origine flamande, au brodeur Pierre du Billant, son beau-p\u00E8re, qui fut \u00E9galement peintre \u00E0 la cour du roi Ren\u00E9, et de dater son ex\u00E9cution en 1444 pour Saint-Martin de Tours dans le cadre du mariage de la fille de ce dernier, Marguerite, avec Henri VI d\u2019Angleterre. En effet, les \u00E9l\u00E9ments singuliers qui caract\u00E9risent la broderie des panneaux la convainquent de l\u2019intervention d\u2019un peintre pour leur dessin : \u00AB Paradoxalement, plus la broderie est prestigieuse et par cons\u00E9quent a demand\u00E9 l\u2019intervention d\u2019un brodeur au talent hors de pair, plus elle a de chances d\u2019avoir \u00E9t\u00E9 ex\u00E9cut\u00E9e sur le patron d\u2019un peintre reconnu et non du brodeur, si bien que c\u2019est quand la virtuosit\u00E9 du brodeur est la plus saisissante, comme ici, qu\u2019il faut le plus soup\u00E7onner l\u2019intervention initiale d\u2019un peintre. [\u2026] Ce qui frappe aussi dans les deux sc\u00E8nes de Lyon, saisissantes de vie sensible, c\u2019est le mouvement dramatique, la finesse dans l\u2019observation des situations, le rendu de l\u2019instant fugitif. Quoi de plus rare, en ce milieu du XVe si\u00E8cle, que l\u2019envol des manteaux, des \u00E9charpes et des chaperons dans la temp\u00EAte, que le geste brusque du batelier retenant son turban et s\u2019agrippant \u00E0 sa gaffe, ou les cheveux rebrouss\u00E9s par le miracul\u00E9 ? \u00BB. Elle retrace \u00E9galement la r\u00E9ception de ces broderies \u00AB qui furent manifestement c\u00E9l\u00E8bres, de leur temps m\u00EAme, en tant qu\u2019\u0153uvres d\u2019art, elles ou leurs patrons. En effet, on poss\u00E8de deux dessins du XVe si\u00E8cle, \u00E0 la pointe d\u2019argent sur papier pr\u00E9par\u00E9 en blanc, qui recopient soigneusement deux des sujets des panneaux conserv\u00E9s (Uppsala, biblioth\u00E8que de l\u2019Universit\u00E9) : celui de la femme aveugle et celui de saint Martin avec l\u2019\u00E2ne. L\u2019\u0153il connaisseur de Max Jacob Friedl\u00E4nder avait parfaitement reconnu que les broderies sont \u201Fsup\u00E9rieures et ant\u00E9rieures aux dessins\u201D en question, opinion que partage \u00E0 juste titre Margaret Freeman. Ce ne peuvent \u00EAtre en effet des dessins pr\u00E9paratoires pour les broderies [\u2026] Mais, ce sont sans doute des copies, \u00E0 grandeur exacte, d\u2019apr\u00E8s les patrons faits pour les elles. [..] Ce serait l\u00E0 l\u2019indice de la r\u00E9putation de ces patrons et du cartonnier peintre. \u00BB Cette attribution a \u00E9t\u00E9 reprise par Rose-Marie Ferr\u00E9, dans son article intitul\u00E9 \u00AB Barth\u00E9l\u00E9my d\u2019Eyck \u00BB, dans le catalogue d\u2019exposition Splendeur de l\u2019enluminure. Le roi Ren\u00E9 et les livres au ch\u00E2teau d'Angers, 2009-2010. Elle rappelle que Barth\u00E9l\u00E9my d\u2019Eyck est le fils d\u2019Ydria Exters, \u00AB originaire de la r\u00E9gion de Maaseyck (dioc\u00E8se de Li\u00E8ge) qui \u00E9pousa en secondes noces le brodeur attitr\u00E9 et valet de chambre de Ren\u00E9 d\u2019Anjou, Pierre du Billant, lui aussi n\u00E9erlandais \u00BB et \u00AB si le corpus \u00E0 ce jour connu des \u0153uvres de l\u2019artiste concerne essentiellement la peinture de manuscrits, force est aussi de constater la polyvalence de ses comp\u00E9tences. Celles-ci s\u2019exercent autant dans la fourniture de cartons pour des ouvrages de broderies - Les miracles de saint Martin - que dans le domaine de la peinture sur toile ou sur panneau \u00BB. \nCependant en 1998, dans la Gazette des Beaux-Arts, Albert Ch\u00E2telet publie un article titr\u00E9 de mani\u00E8re abrupte \u00AB Pour en finir avec Barth\u00E9l\u00E9my d\u2019Eyck \u00BB dans lequel il rappelle la tardive fortune critique de l\u2019artiste, dont les archives mentionnent une proximit\u00E9 avec le roi Ren\u00E9 au mieux un peu avant 1447 et un titre de valet de chambre datant de juin 1449. En revanche, \u00AB archives et publications anciennes ne permettent absolument pas de tenir de mani\u00E8re certaine Barth\u00E9l\u00E9my d\u2019Eyck pour un peintre, encore moins un grand peintre \u00BB. Concernant les broderies de saint Martin attribu\u00E9es par Marie-Claude Leonelli et, \u00E0 sa suite, Nicole Reynaud, il insiste sur le fait qu\u2019 \u00AB aucun indice historique ne les rapproche de Barth\u00E9l\u00E9my. Saint Martin \u00E9tant le personnage principal, il est tr\u00E8s probable qu\u2019il s\u2019agit de d\u00E9bris de l\u2019extraordinaire collection de chapelles de Saint-Martin de Tours, saisie, d\u00E9truite ou d\u00E9pec\u00E9e par les Huguenots en 1562. Nicole Reynaud a tr\u00E8s justement tenu pour probable cette origine, mais a pens\u00E9 \u00E0 un don du roi Ren\u00E9 \u00E0 l\u2019occasion du mariage de sa fille Marguerite, en mai 1444, avec le roi d\u2019Angleterre. Le compte concernant les travaux men\u00E9s pour cette f\u00EAte mentionne bien des interventions de Pierre du Billant, mais pour des travaux occasionnels. S\u2019il fallait retenir cette hypoth\u00E8se, c\u2019est donc \u00E0 celui-ci et non \u00E0 son beau-fils qu\u2019il faudrait attribuer la cr\u00E9ation des broderies puisqu\u2019il est \u00E0 la fois peintre et brodeur. Aussi faut-il plut\u00F4t songer \u00E0 un peintre du centre de la France et, compte-tenu de la somptuosit\u00E9 d\u2019une telle commande, peut-\u00EAtre \u00E0 une commande royale. [\u2026] Peut-\u00EAtre pourrait-on songer \u00E0 Henry de Vulcop, peintre de la reine Marie d\u2019Anjou, mais ce n\u2019est l\u00E0 qu\u2019une piste qu\u2019il faudrait explorer. \u00BB Cette derni\u00E8re proposition placerait la r\u00E9alisation des broderies apr\u00E8s 1450, date \u00E0 laquelle l\u2019artiste, \u00E9galement d\u2019origine n\u00E9erlandaise, commence \u00E0 \u00EAtre document\u00E9, voire m\u00EAme plus tard, si l\u2019on consid\u00E8re qu\u2019il est au service de la reine Marie d'Anjou dans les ann\u00E9es 1454-1455, puis au service de son fils Charles de France en 1463 et 1464. En mai 2005 dans le la revue Dossier de l\u2019Art, Albert Ch\u00E2telet, dans un nouvel article intitul\u00E9 \u00AB Le roi Ren\u00E9 et l\u2019art flamand. Un amateur plut\u00F4t qu\u2019un m\u00E9c\u00E8ne \u00BB confirme Pierre du Billant comme le brodeur du cycle de saint Martin. On aper\u00E7oit ici toute la difficult\u00E9 et les incertitudes qui pr\u00E9sident \u00E0 une attribution formelle. \nCependant, en s\u2019int\u00E9ressant \u00E0 la question du tr\u00E9sor de Saint-Martin de Tours et de son inventaire disponible dans le Proc\u00E8s-verbal du pillage par les Huguenots des reliques et joyaux de Saint-Martin-de-Tours en mai et juin 1562, publi\u00E9 par Charles de Grandmaison en 1863 et cit\u00E9 par Albert Ch\u00E2telet en note dans son article, on trouve mention de plusieurs dizaines d'ornements relev\u00E9s en broderies, malheureusement, sans qu'aucune\u00A0ne permette de reconna\u00EEtre le cycle des broderies de saint Martin. \nN\u00E9anmoins, l\u2019histoire de la basilique, telle qu\u2019elle a \u00E9t\u00E9 publi\u00E9e par Nicolas Gervaise en 1699 dans son ouvrage La Vie de saint Martin,... avec l'histoire de la fondation de son \u00E9glise, et ce qui s'y est pass\u00E9 de plus consid\u00E9rable jusqu'\u00E0 pr\u00E9sent, fournit d\u2019autres renseignements qui pourraient \u00EAtre une source d\u2019explication quant aux circonstances de la commande de ces broderies. En effet, l\u2019auteur relate les diff\u00E9rentes \u00E9tapes de la conservation et de l\u2019exposition du corps de saint Martin. Ainsi, nous pr\u00E9cise-t-il que, apr\u00E8s une premi\u00E8re ouverture du tombeau de saint Martin survenue sous le r\u00E8gne de Charles le Bel, afin d\u2019en extraire le chef et de le placer dans un reliquaire d\u2019or en forme de buste, le corps fut \u00E0 nouveau retir\u00E9 de son tombeau en 1453 \u00AB pour \u00EAtre mis dans une ch\u00E2sse d\u2019or, beaucoup plus magnifique que celle o\u00F9 il avait repos\u00E9 jusqu\u2019alors. Le roi Charles VII fit une partie de la d\u00E9pense, et le chapitre fournit le reste. Les rois qui le suivirent, l\u2019enrichirent de joyaux de tr\u00E8s grand prix. La translation s\u2019en fit par Louis d\u2019Harcourt, archev\u00EAque de Narbonne, aid\u00E9 des \u00E9v\u00EAques d\u2019Angoul\u00EAme et de Malzais, le 10 mars de cette m\u00EAme ann\u00E9e, en pr\u00E9sence de plusieurs autres \u00E9v\u00EAques, du chancelier de France, repr\u00E9sentant la personne du Roi, du duc d\u2019Orl\u00E9ans, du conn\u00E9table, et de beaucoup d\u2019autres seigneurs. Quatre mois apr\u00E8s cette ch\u00E2sse fut plac\u00E9e au-dessus du tombeau, sur une estrade d\u2019argent fort large, qu\u2019on avait pos\u00E9e sous la coupole ; et \u00E0 c\u00F4t\u00E9 d\u2019elle, on mit le chef d\u2019or du saint, et autour les chasses d\u2019or et d\u2019argent, o\u00F9 \u00E9taient renferm\u00E9s les corps des saint \u00E9v\u00EAques de Tours, Brice, Perpet, Gr\u00E9goire, Eustoche, et Eufrone, avec celles de saint Epain Martyr, et de plusieurs autres saints et saintes. \u00BB Cette derni\u00E8re translation est certainement l\u2019une des plus importantes puisqu\u2019elle permet une exposition de l\u2019ensemble des reliques de saint Martin et de ses \u00E9minents successeurs, dans un contexte de fin de guerre de Cent Ans, \u00E0 un moment o\u00F9 la monarchie fran\u00E7aise souhaite\u00A0manifester sa l\u00E9gitimit\u00E9 retrouv\u00E9e. On peut imaginer que cet \u00E9v\u00E9nement ait pu engendrer un renouvellement des ornements solennels pour la c\u00E9l\u00E9bration des messes li\u00E9es au culte du saint, dans la mesure aussi o\u00F9 sont pr\u00E9sents sur le cycle brod\u00E9 des reliquaires en forme d\u2019architecture gothique et non de buste, ainsi que des miracles op\u00E9r\u00E9s au contact des reliques de saint Martin. Concernant les prodigalit\u00E9s de Charles VII \u00E0 l\u2019\u00E9gard de Saint-Martin, nous pouvons citer, \u00E0 titre d\u2019illustration, l\u2019article de Pierre Mesnard \u00AB La coll\u00E9giale de Saint-Martin \u00E0 l\u2019\u00E9poque des Valois \u00BB, publi\u00E9 en 1961 dans la Revue d\u2019histoire de l\u2019\u00C9glise de France, qui rappelle que \u00AB d\u00E8s 1430 Charles VII avait promis une nouvelle ch\u00E2sse ; en 1450 il ex\u00E9cute sa promesse, et le 9 mars 1453 la translation des reliques dans leur nouvel habitacle d\u2019or donne lieu \u00E0 une magnifique c\u00E9r\u00E9monie, \u00E0 laquelle participent les plus hauts dignitaires du royaume. [\u2026] Charles VII fit encore au chapitre de Saint-Martin quelques pr\u00E9sents de qualit\u00E9 : en 1459 une cloche invitant les chanoines \u00E0 prier pour sa sant\u00E9 et en 1460 \u00E0 sa gu\u00E9rison un reliquaire d\u2019or, vol\u00E9 comme tout le reste lors du pillage de 1562. Aussi le service solennel \u00E0 la m\u00E9moire du roi donateur fut-il c\u00E9l\u00E9br\u00E9 avec un \u00E9clat tout particulier le 5 ao\u00FBt 1461, tous les assistants rev\u00EAtus de la chape noire. \u00BB \nLes broderies de saint Martin conserv\u00E9es au mus\u00E9e des Tissus, remont\u00E9es certainement en m\u00EAme temps qu\u2019au moins deux autres croix de chasuble \u00E0 l\u2019\u00E9poque moderne en deux ornements complets de chasubles, t\u00E9moignent de la production somptuaire du XVe si\u00E8cle en France, dans un contexte artistique de style international dans lequel se m\u00EAlent innovations picturales et techniques, dans l\u2019entourage des souverains et des princes. L\u2019ensemble du mus\u00E9e des Tissus a, d\u00E8s son acquisition en 1909, suscit\u00E9 l\u2019admiration des sp\u00E9cialistes. Les \u00E9tudes successives men\u00E9es sur cet ensemble remarquable ont livr\u00E9 tour \u00E0 tour des conclusions nous permettant aujourd\u2019hui d\u2019appr\u00E9cier pleinement la port\u00E9e de cet ouvrage, et ce, malgr\u00E9 l\u2019absence d\u2019archives connues et en d\u00E9pit des difficult\u00E9s concernant son attribution et sa datation. L\u2019analyse technique, portant uniquement sur les m\u00E9daillons du mus\u00E9e des Tissus, a r\u00E9v\u00E9l\u00E9 une possible r\u00E9alisation concomitante des m\u00E9daillons circulaires et des panneaux de forme gothique, ainsi que la vari\u00E9t\u00E9 et la ma\u00EEtrise des techniques de broderie, du point fendu \u00E0 l\u2019or nu\u00E9, mises en \u0153uvre par plusieurs brodeurs d\u2019un m\u00EAme atelier, sans monotonie et sans discordance. Le remontage post\u00E9rieur a permis d\u2019appr\u00E9cier le travail de reprise d\u2019une broderie gothique, aussi bien dans le choix des techniques mises en \u0153uvre\u00A0que dans la d\u00E9limitation des zones de reprises. Toutes ces observations ne font que confirmer le caract\u00E8re exceptionnel de ces pi\u00E8ces, certainement r\u00E9alis\u00E9es dans l\u2019entourage de la personne du roi de France pour le sanctuaire de saint Martin, au plus tard, \u00E0 l\u2019occasion de la derni\u00E8re translation des reliques du saint.\nClaire Berthommier"@fr .