. "Le 26 mars 1902, alors que la septi\u00E8me campagne touche \u00E0 sa fin, Albert Gayet annonce dans un courrier envoy\u00E9 du Caire \u00E0 Louis Liard, directeur de l'Enseignement sup\u00E9rieur, le r\u00E9sultat des fouilles de l'ann\u00E9e. Il mentionne surtout les d\u00E9pouilles costum\u00E9es qu'il a exhum\u00E9es des caveaux situ\u00E9s dans les premiers contreforts de la montagne, le \u00AB centurion romain \u00BB, le \u00AB\u00A0chevalier byzantin\u00A0\u00BB, Leuky\u00F4n\u00E9 et la \u00AB\u00A0femme au monogramme\u00A0\u00BB, et le mat\u00E9riel arch\u00E9ologique que lui ont fourni les n\u00E9cropoles de la plaine, \u00AB\u00A0environ vingt momies costum\u00E9es, \u00E9toffes brod\u00E9es, filets, coussins, \u00E9charpes, grands panneaux, ch\u00E2les, mantelets, ainsi que des poteries dont plusieurs peintes, masques de pl\u00E2tre \u2014 malheureusement bris\u00E9s \u2014, chaussures, objets usuels, ivoires, etc...\u00A0\u00BB Il ajoute : \u00AB\u00A0cette partie, bien que fournissant nombre de r\u00E9pliques de types d\u00E9j\u00E0 connus, en donne quelques nouveaux.\u00A0\u00BB Dans un compte rendu qu'il publie dans les Annales du mus\u00E9e Guimet, l'arch\u00E9ologue explicite quels sont ces types nouveaux r\u00E9v\u00E9l\u00E9s par la campagne de l'ann\u00E9e. Il indique notamment : \u00AB\u00A0les \u00E9toffes montrent des proc\u00E9d\u00E9s de fabrication qu'on croyait ignor\u00E9s alors. Une soierie est imprim\u00E9e \u00E0 la planche ; une autre, tiss\u00E9e \u00E0 carreaux de deux couleurs.\u00A0\u00BB Cette derni\u00E8re \u00E9tait expos\u00E9e dans la sixi\u00E8me vitrine du mus\u00E9e Guimet, au retour de la campagne, qui contenait une enti\u00E8re s\u00E9pulture de femme. La d\u00E9funte portait \u00AB\u00A0trois tuniques pass\u00E9es l'une sur l'autre, l'une bord\u00E9e d'un simple galon, la seconde, \u00E0 empi\u00E8cement rouge, brod\u00E9 de jaune, la troisi\u00E8me, avec galon de velours bleu et entre-deux\u00A0\u00BB, et deux manteaux, le premier \u00AB\u00A0de laine\u00A0jaune, \u00E0 rayures rouges\u00A0\u00BB et le second, \u00AB\u00A0de laine \u00E0 rayures rouges et vertes, brod\u00E9es de jaune, (une) grosse frange ornant le pourtour.\u00A0\u00BB Autour des \u00E9paules, elle avait cette \u00AB\u00A0\u00E9charpe de soie tiss\u00E9e \u00E0 carreaux.\u00A0\u00BB Le corps \u00E9tait envelopp\u00E9 de \u00AB\u00A0suaires brod\u00E9s\u00A0\u00BB et accompagn\u00E9 de \u00AB\u00A0filets de dentelle\u00A0\u00BB, de \u00AB\u00A0chaussures, poteries et lampes fun\u00E9raires.\u00A0\u00BB \u00C0 l'issue de l'exposition, une \u00AB\u00A0bande de tapisserie\u00A0\u00BB est attribu\u00E9e au mus\u00E9e de Cluny, une autre \u00AB\u00A0bande de tapisserie\u00A0\u00BB au mus\u00E9e des Arts d\u00E9coratifs, le \u00AB\u00A0manteau rouge\u00A0\u00BB au mus\u00E9e Guimet et \u00AB\u00A0une cruche, deux vases et deux lampes\u00A0\u00BB au mus\u00E9e du Louvre. Le projet de r\u00E9partition du produit de la fouille, mis en place en juin 1902, pr\u00E9voyait de r\u00E9server au mus\u00E9e des tissus \u00AB\u00A0les cinq \u00E0 six fragments de soieries\u00A0\u00BB. \u00C9mile Guimet, trouvant un peu maigre le lot attribu\u00E9 au mus\u00E9e des Tissus, demande qu'on l'attende pour envoyer les objets auxquels il souhaite ajouter des pi\u00E8ces de sa propre collection. L'\u00E9charpe rejoint probablement les collections du mus\u00E9e des Tissus au courant de l'ann\u00E9e 1903 avec les dons d'\u00C9mile Guimet. Elle n'est ni inventori\u00E9e ni \u00E9tudi\u00E9e. Il s'agit pourtant d'un tissage exceptionnel \u00E0 plus d'un titre. La laize d'origine mesurait environ quatre-vingt-dix centim\u00E8tres de large. il est impossible malheureusement de restituer sa hauteur. La cha\u00EEne, mont\u00E9e \u00E0 disposition, est compos\u00E9e de fils de coton blanc, probablement issu de jeunes pousses, fortement tordues en Z, et de soie sauvage beige et violette, de type tussah (analyses r\u00E9alis\u00E9es par Dominique de Reyer au Laboratoire de recherche des Monuments historiques de Champs-sur-Marne). Les trames sont compos\u00E9es de ces m\u00EAmes fils de coton blanc et de soie sauvage beige. Le tissage est une toile quadrill\u00E9e, ray\u00E9e de violet sur les bords et frang\u00E9e \u00E0 son extr\u00E9mit\u00E9. Les particularit\u00E9s techniques de la pi\u00E8ce, comme les fils de coton et de soie sauvage fortement tordus en Z et les lisi\u00E8res simples, compos\u00E9es d'un seul fil de cha\u00EEne, d\u00E9signent une production \u00E9trang\u00E8re \u00E0 l'\u00C9gypte et plus particuli\u00E8rement indienne. Albert Gayet avait donc raison d'y reconna\u00EEtre une pi\u00E8ce tranchant singuli\u00E8rement sur l'ensemble des d\u00E9couvertes effectu\u00E9es jusque-l\u00E0 \u00E0 Antino\u00E9. C'est probablement dans un caveau en ma\u00E7onnerie de briques, situ\u00E9 \u00E0 l'extr\u00E9mit\u00E9 de la plaine du d\u00E9sert, que reposait la propri\u00E9taire de cette \u00E9charpe. Albert Gayet pr\u00E9cise qu'il s'agit du \u00AB\u00A0type de s\u00E9pulture [...] reconnu d\u00E9j\u00E0 en 1898 dans les tombes de la plaine, ma\u00E7onn\u00E9es en forme de s\u00E9pulcre\u00A0\u00BB, o\u00F9 le mort reposait, non embaum\u00E9 et v\u00EAtu, mais non emmaillot\u00E9, envelopp\u00E9 dans des linceuls et accompagn\u00E9 par divers objets de la vie quotidienne. Le costume port\u00E9 par la d\u00E9funte et le mat\u00E9riel qui l'environnait r\u00E9v\u00E8le une s\u00E9pulture soign\u00E9e, en effet comparable \u00E0 celles des d\u00E9funtes des n\u00E9cropoles B et C fouill\u00E9es lors de la troisi\u00E8me campagne et attribuable, de ce fait, \u00E0 la p\u00E9riode byzantine, entre le Ve et le d\u00E9but du VIIe si\u00E8cle.\n\nMaximilien Durand"@fr . . .