. "La laize a \u00E9t\u00E9 acquise en 1862 avec l'exceptionnelle collection de Fran\u00E7ois Bert, professeur de th\u00E9orie, dans laquelle figuraient plusieurs \u0153uvres remarquables de Philippe de Lasalle, comme les portraits du comte de Provence (inv. MT 2856) et du comte d'Artois (inv. MT 2857), celui de Catherine II (inv. MT 2869), les laizes avec le Jardinier et la Bouqueti\u00E8re (inv. MT 2876.1 et MT 2920), celle avec la Bouqueti\u00E8re (inv. MT 2885), la tenture intitlu\u00E9e Les Perdrix (inv. MT 2882), celle intitul\u00E9e Le nid d'oiseaux dans les bruy\u00E8res (inv. MT 2872), la Tenture de Tchesm\u00E9 (inv. MT 2886)\u00A0ou la Tenture au paon et au faisan (inv. MT 2870). On conna\u00EEt bien les circonstances de la cr\u00E9ation des portraits de Catherine II, du comte de Provence et du comte d'Artois, ainsi que des tentures aux Perdrix ou de Tchesm\u00E9. En revanche, on ignore quelle \u00E9tait la destination de cette laize, d\u00E9crite dans l'inventaire manuscrit de la collection Bert comme un \u00AB panneau de satin jaune, brch\u00E9 nuances, tourterelles reposant sur des fleurs. Tenture de Philippe de Lasalle. \u00BB L'attribution au c\u00E9l\u00E8bre dessinateur, fabricant et entrepreneur ne fait aucun doute.\nEn effet, la laize pr\u00E9sente la particularit\u00E9 d'avoir \u00E9t\u00E9 tiss\u00E9e \u00E0 la fois en soie, en schappe\u00A0et en lin, ce qui est tr\u00E8s inhabituel dans la production d'\u00E9toffes broch\u00E9es de cette qualit\u00E9, et ce qui d\u00E9signe assur\u00E9ment une production de Philippe de Lasalle. Au d\u00E9but de l'ann\u00E9e 1778, Philippe de Lasalle fait rappeler l'\u00E9tat de ses travaux au Directeur g\u00E9n\u00E9ral des Finances (Archives nationales de France, F121444A, 6 janvier 1778). Parmi les services qu'il a rendus \u00E0 la Fabrique lyonnaise, il rappelle qu'\u00AB il a fait consid\u00E9rablement travailler les ouvriers de Lyon en \u00E9toffes pour meubles pour la Russie, ou il entrait tr\u00E8s peu de soye, beaucoup de main d'\u0153uvre et dont les fleurs s'ex\u00E9cutoient avec le rebus des cocons qu'il faisoit filer. \u00BB Il obtient peu de temps apr\u00E8s une gratification de six mille livres, dont Jacques Necker l'informe dans une lettre dat\u00E9e du 13 juin, o\u00F9 il pr\u00E9cise : \u00AB Je s\u00E7ais aussi que vous av\u00E9s cr\u00E9\u00E9 dans la partie des meubles une branche de Commerce qui dans des tems de cessation de travail a occup\u00E9 un grand nombre d'ouvriers et que vous av\u00E9s \u00E9t\u00E9 autoris\u00E9 \u00E0 cette occasion par le Conseil a sortir des r\u00E8gles prescrites par les Reglemens de la Fabrique en vous assujettissant a une marque distinctive ; les remerciemens que vous ont faits en 1772 les syndics et Mrs Gardes de la fabrique de Lyon \u00E0 l'occasion du portrait de Louis XV ex\u00E9cut\u00E9 en \u00E9toffes dont vous av\u00E9s faits pr\u00E9sent \u00E0 cette Com(munau)t\u00E9 prouvent jusqu'\u00E0 quel point vous av\u00E9s port\u00E9 l'art du dessein et de la fabrication. \u00BB Necker s'est pr\u00E9alablement fait remettre un rapport (Archives nationales de France, F121444A) sur Philippe de Lasalle, dans lequel on apprend que le fabricant fut autoris\u00E9 \u00E0 \u00AB s'\u00E9carter des m\u00E9thodes usit\u00E9es de fabriquer les \u00E9toffes, en mettant une marque distinctive, pour laisser \u00E0 son g\u00E9nie l'essort dont il avait besoin, et l'on a vu sortir de son pinceau des chefs-d'\u0153uvre dans le genre d'\u00E9toffes pour meubles, en mati\u00E8re de laine, fil et bourre de soye qu'il faisait pr\u00E9parer \u00E0 sa mani\u00E8re, ce qui a prodigieusement occup\u00E9 de bras dans des temps mesme de cessation d'ouvrages et ses \u00E9toffes ont orn\u00E9 les Palais des Rois et ceux de l'imp\u00E9ratrice de Russie qui a consid\u00E9rablement fait travailler la ville de Lyon dans cette nouvelle branche d'industrie. \u00BB\nLe panneau a \u00E9t\u00E9 tiss\u00E9 en satin de 8, cha\u00EEne (d\u00E9cochement 3), ray\u00E9 et broch\u00E9 \u00E0 plusieurs lats \u00E0 liage repris en serg\u00E9 de 3 lie 1, S (par\u00A0deux sixi\u00E8me\u00A0des fils). Ce type de contexture est caract\u00E9ristique des productions de Philippe de Lasalle dans les ann\u00E9es 1771-1773, tout comme les effets de bercl\u00E9 (ou \u00AB points rentr\u00E9s \u00BB) qui contribuent \u00E0 la beaut\u00E9 du dessin. La cha\u00EEne, mont\u00E9e \u00E0 disposition, est en soie organsin (de deux bouts, fil\u00E9 de torsion S) de couleur jaune ou cr\u00E8me (r\u00E9duction : 132 fils par centim\u00E8tre, dont 23-24 liages repris par deux fils\u00A0;\u00A0d\u00E9coupure : 13 fils). La trame de fond est en lin, blanchi, irr\u00E9gulier (fil\u00E9 de torsion Z), tandis que les trames broch\u00E9es, qui comptent seize couleurs plus le blanc, sont en soie (assembl\u00E9 sans torsion apparente, blanc, gris-violet clair, gris-violet moyen) et en soie et schappe\u00A0(assembl\u00E9 sans torsion apparente de trois bouts de torsion Z, gris-violet fonc\u00E9 semblant noir \u00E0 l'endroit,\u00A0deux tons de gris-brun,\u00A0trois tonsd de\u00A0vert,\u00A0deux gris-vert,\u00A0un jaune,\u00A0deux rouge-brun,\u00A0un rose,\u00A0un rose orang\u00E9,\u00A0un marron). Elles travaillent par\u00A0deux coups premier lat fond et un coup de chaque lat de broch\u00E9 selon le d\u00E9cor (r\u00E9duction : 19 pass\u00E9es au centim\u00E8tres, dont 37-38 coups de fond\u00A0; d\u00E9coupure : 1 pass\u00E9e).\u00A0Les deux lisi\u00E8res sont conserv\u00E9es. Puisque le panneau, produit entre 1771 et 1773, m\u00E9lange la soie avec du lin pour la trame de fond et de la schappe pour les trames broch\u00E9es, on trouve \u00E9videmment la fameuse \u00AB marque \u00BB de Philippe de Lasalle : l'une des lis\u00E8res, \u00E0 gauche, est ray\u00E9e de noir. Toutes les deux pr\u00E9sentent\u00A0quatre cordelines de soie cr\u00E8me, puis des mignonettes en satin, celle de droite ayant un effet chin\u00E9 en soie rouge, orange, blanche et jaune.\nLe d\u00E9cor pr\u00E9sente, au centre de la laize, une suite de m\u00E9daillons \u00E0 fond satin blanc, form\u00E9s par des guirlandes de bleuets des champs entrelac\u00E9es dessinant trois petits m\u00E9daillons superpos\u00E9s, alternant avec un plus grand m\u00E9daillon, dont la couronne est constitu\u00E9e de deux bouquets de roses tr\u00E9mi\u00E8res et d'\u0153illets. Les tiges de ces deux bouquets sont li\u00E9es par une couronne de roses, sur lesquelles se tient un couple de tourterelles. De part et d'autre de cet assemblage de m\u00E9daillons, un galon blanc sur fond jaune contient une tresse \u00E0 deux brins, dont les entrelacs les plus grands enferment une petite feuille.\nLe panneau de tenture devait \u00EAtre associ\u00E9 \u00E0 des garnitures de si\u00E8ges, comme en t\u00E9moignent les d\u00E9pouilles de dossier circulaire conserv\u00E9es \u00E0 l'Art Institute de Chicago (inv. 1983.737) et \u00E0 la Fondation Abegg, \u00E0 Riggisberg (inv. 2167 a), o\u00F9 le couple de\u00A0tourterelles appara\u00EEt \u00E9galement, dans un entour de fleurs l\u00E9g\u00E8rement diff\u00E9rent. Celle de la Fondation Abegg est associ\u00E9e \u00E0 une autre d\u00E9pouille, correspondant \u00E0 l'assise du si\u00E8ge (inv. 2167 b), o\u00F9 l'on retrouve le m\u00EAme entour mais une sc\u00E8ne o\u00F9 un chien d\u00E9loge un couple de volatiles d'une touffe de roseaux. Le mus\u00E9e des Tissus conserve \u00E9galement une feuille d'\u00E9cran avec le m\u00EAme motif du couple de tourterelles dans un m\u00E9daillon de satin blanc, broch\u00E9 \u00E0 liage repris sur fond serg\u00E9\u00A0rose (inv. MT 1283). Les garnitures de si\u00E8ge (dossier et assise) ainsi quela feuille d'\u00E9cran faisaient l'objet d'une mise en carte sp\u00E9cifique, comme en t\u00E9moignent les variantes de l'entour de fleurs sur chaque ensemble.\nTous ces exemplaires ont \u00E9t\u00E9 tiss\u00E9s en soie. On sait que les mod\u00E8les \u00E9labor\u00E9s dans les ann\u00E9es 1771-1773 sont rest\u00E9s en production aussi longtemps que le go\u00FBt des commanditaires les jugeaient \u00E0 la mode.\nLa laize du mus\u00E9e des Tissus, qui est le seul\u00A0exemplaire original conserv\u00E9 de ce mod\u00E8le, provient certainement du fonds d'atelier de Philippe de Lasalle lui-m\u00EAme : elle a conserv\u00E9 au revers une inscription \u00E0 l'encre donnant le num\u00E9ro de patron du mod\u00E8le, 206. Une autre laize, provenant \u00E9galement de la collection Bert acquise en 1862, avec un bouquet sur fond jaune, porte une inscription de ce type, indiquant le num\u00E9ro de patron 192 : elle\u00A0comporte \u00E9galement une trame de fond en lin, et des trames broch\u00E9es en schappe, indiquant qu'elle a \u00E9t\u00E9 produite dans les ann\u00E9es 1771-1773.\nMaximilien Durand"@fr . . .