. . . "Le 30 septembre 1872 entre dans les collections du mus\u00E9e des Tissus sous le num\u00E9ro MT 21951, une estampe de \u00AB Le Mercier \u00BB imprim\u00E9e sur satin jaune et repr\u00E9sentant le portrait en pied du roi Henri IV, d\u2019apr\u00E8s la statue en bronze \u00E9rig\u00E9e \u00E0 Rome en 1608 \u00E0 la basilique Saint-Jean-de-Latran. L\u2019\u0153uvre mesure pr\u00E8s de trente-sept centim\u00E8tres de large pour cinquante-sept centim\u00E8tres de haut, ce qui correspond \u00E0 la largeur de la laize de satin de soie utilis\u00E9e comme support \u00E0 l\u2019estampe mesurant, elle-m\u00EAme, dix-sept centim\u00E8tres de large pour trente-sept centim\u00E8tres de haut. Elle contient plusieurs inscriptions renseignant l\u2019identit\u00E9 du mod\u00E8le, sa date d\u2019ex\u00E9cution, son auteur ainsi qu\u2019une d\u00E9dicace. Cette estampe repr\u00E9sente\u00A0Henri le Grand, dessin\u00E9 d\u2019apr\u00E8s la statue de bronze haute de dix pieds, soit environ trois m\u00E8tres trente centim\u00E8tres, \u00E9rig\u00E9e en souvenir de Sa Majest\u00E9 \u00E0 Saint-Jean-de-Latran \u00E0 Rome en 1608. L\u2019\u0153uvre grav\u00E9e est d\u00E9di\u00E9e \u00E0 la reine Marie de M\u00E9dicis, r\u00E9gente du royaume de France de 1610 \u00E0 1614 en t\u00E9moignage de reconnaissance : \u00AB A la royne r\u00E9gente, Madame, je croirois rendre un tesmoignage d\u2019ingratitude a la France, si je ne luy faisoy un presant de la representation de son bon Roy et Sauveur vostre espous que jay pourtraicte sur le bronze que sa Sainctet\u00E9 a faict eslever pour dedier a ses merites, la gloire et l\u2019honneur dont il s\u2019est rendu digne, ce present Madme vous soit (s\u2019il vous plaist) aultant agreable qu\u2019il part de la bonne volont\u00E9. De vostre tres humble sujet et fidelle servitr. Iacq. Le Mercier. \u00BB Sur la premi\u00E8re marche du monument, on lit encore que cette \u0153uvre a \u00E9t\u00E9 r\u00E9alis\u00E9e \u00AB Cum privilegio Regis \u00BB, c\u2019est-\u00E0-dire avec le privil\u00E8ge du roi, ce qui signifie que l\u2019\u00E9diteur de la gravure a obtenu le monopole de sa publication et de sa commercialisation pour les premi\u00E8res ann\u00E9es qui suivent sa cr\u00E9ation.\u00A0L\u2019\u0153uvre est sign\u00E9e \u00AB I. Le Mercier \u00BB avec la mention \u00AB Sculp. \u00BB, du latin sculpsit qui signifie \u00AB a grav\u00E9 \u00BB. Jacques Lemercier est donc l\u2019auteur non seulement du dessin, mais \u00E9galement de la matrice de l\u2019estampe.\nJacques Lemercier est n\u00E9 \u00E0 Pontoise vers 1585. Dans son Dictionnaire des architectes fran\u00E7ais paru en 1872, Adolphe Lance en citant Henri Sauval nous apprend que \u00AB [le] p\u00E8re [de Jacques Lemercier] n\u2019\u00E9tait que ma\u00EEtre ma\u00E7on. Pour lui, il a pris un vol si haut qu\u2019il s\u2019est fait connoitre & estimer dans toute l\u2019Europe, mais sur tout \u00E0 Rome, qui est le si\u00E8ge des Beaux-Arts. D\u00E8s sa jeunesse il y avait examin\u00E9 et mesur\u00E9 tous les ouvrages des anciens qui y restent. \u00BB Une r\u00E9cente monographie d\u2019Alexandre Gady, intitul\u00E9e Jacques Lemercier, architecte et ing\u00E9nier du Roi, parue en 2005, nous pr\u00E9sente la vie et l\u2019\u0153uvre d\u2019un artiste form\u00E9 aux traditions architecturales fran\u00E7aises par son milieu familial et \u00E0 la mani\u00E8re italienne par un s\u00E9jour \u00E0 Rome, entre 1605 et 1610, au cours duquel il perfectionna son art par les exemples les plus saisissants de ses illustres pr\u00E9d\u00E9cesseurs. Antoine Quatrem\u00E8re de Quincy, dans son Histoire de la vie et des ouvrages des plus c\u00E9l\u00E8bres architectes, \u00E9dit\u00E9 en 1830, \u00E9voque ce s\u00E9jour dans la ville \u00E9ternelle en indiquant que \u00AB tout prouve qu\u2019il y avait puis\u00E9, dans l\u2019\u00E9tude des monuments de l\u2019antiquit\u00E9, les principes du bon go\u00FBt et de la belle architecture. On sait qu\u2019il \u00E9tait d\u00E9j\u00E0 \u00E0 Rome en 1607 : c\u2019est ce que nous apprend une estampe qu\u2019il y grava, et qui repr\u00E9sent\u00E9 le mod\u00E8le fait par Michel-Ange de l\u2019\u00E9glise de Saint-Jean-des-Florentins. En 1620 [sic], durant son s\u00E9jour dans cette ville, il grava le catafalque de Henri III, dont il avait donn\u00E9 les dessins. \u00BB Jacques Lemercier, de retour en France, devient d\u00E8s 1615, architecte du roi. Artiste dou\u00E9 de nombreuses qualit\u00E9s, il \u0153uvre aussi bien en tant qu\u2019architecte, ing\u00E9nieur, dessinateur de jardins et d\u00E9corateur. En 1624, \u00E0 Paris, il est charg\u00E9 de l\u2019agrandissement du Louvre et de l\u2019\u00E9rection du pavillon dit \u00AB de l\u2019Horloge \u00BB. En 1629, il \u00E9l\u00E8ve pour le cardinal de Richelieu le Palais-Cardinal, l\u2019actuel Palais Royal avant de s\u2019atteler \u00E0 la construction de la chapelle de la Sorbonne. En 1639, il est nomm\u00E9 premier architecte du roi et succ\u00E8de \u00E0 Fran\u00E7ois Mansart sur le chantier de l\u2019\u00E9glise du Val-de-Gr\u00E2ce. Il laisse une \u0153uvre prodigieuse renouvelant le profil de l\u2019architecture religieuse et civile de la premi\u00E8re moiti\u00E9 du XVIIe si\u00E8cle, ainsi qu\u2019une tr\u00E8s belle biblioth\u00E8que dont Lance nous pr\u00E9cise qu\u2019elle fut vendue dix mille \u00E9cus \u00E0 sa mort survenue en 1654. Henri Sauval salue, dans son ouvrage Histoire et recherches des antiquit\u00E9s de la ville de Paris, \u00AB le premier architecte de notre si\u00E8cle \u00BB qui \u00AB mourut des gouttes qui ne lui \u00E9toient venues que d\u2019avoir trop veill\u00E9 et travaill\u00E9 en sa vie. \u00BB \n\u00C0 en croire Quatrem\u00E8re de Quincy, Jacques Lemercier a grav\u00E9 au moins deux autres estampes lors de son s\u00E9jour romain. L\u2019\u0153uvre conserv\u00E9e au mus\u00E9e des Tissus illustre la statue d\u2019Henri IV, roi de France \u00E9rig\u00E9e dans la basilique de Saint-Jean-de-Latran, dans le portique de la loge de B\u00E9n\u00E9diction, par Nicolas Cordier entre 1606 et 1609. Sylvia Pressouyre, dans sa monographie consacr\u00E9e \u00E0 son auteur, Nicolas Cordier. Recherches sur la sculpture \u00E0 Rome autour de 1600, paru en 1984, nous livre une description pr\u00E9cise de statue colossale en bronze, haute de trois m\u00E8tres cinquante-cinq centim\u00E8tres support\u00E9e par un \u00AB pi\u00E9destal de granit gris avec inscriptions en lettres dor\u00E9es sur marbre noir et incrustation de marbres gris, blanc, vert et jaune. \u00BB La d\u00E9dicace rappelle que, sous le pontificat de Paul V, le chapitre et les chanoines de la basilique du Latran, avec le concours de Charles de Neuville d\u2019Alincourt, se sont charg\u00E9s de faire \u00E9riger une statue \u00E0 la gloire d\u2019Henri IV, qualifi\u00E9 de roi tr\u00E8s chr\u00E9tien et compar\u00E9 \u00E0 ses pieux a\u00EFeux, Clovis, Charlemagne et Saint Louis. \u00AB Le roi h\u00E9ro\u00EFs\u00E9, tr\u00E8s ressemblant de visage, est repr\u00E9sent\u00E9 en imperator, debout parmi des troph\u00E9es. Il a une cuirasse \u00E0 lambrequins sur une tunique courte et frang\u00E9e et des brodequins ajour\u00E9s, \u00E0 la romaine. Son attitude est fortement hanch\u00E9e : la jambe gauche, pli\u00E9e, se porte en avant ; le bras droit, tendu dans un geste de commandement, \u00E9l\u00E8ve le sceptre termin\u00E9 par une fleur de lys ; la main gauche repose sur le pommeau de l\u2019\u00E9p\u00E9e suspendue au c\u00F4t\u00E9. Un immense paludamentum, tout fleurdelys\u00E9, couvre les \u00E9paules, s\u2019enroule autour du bras gauche et retombe dans le dos en plis abondants, jusqu\u2019aux pieds. (\u2026) Un monceau d\u2019armes, rassembl\u00E9 \u00E0 sa gauche, \u00E9quilibre la statue et foisonne de d\u00E9tails d\u00E9coratifs : une cuirasse, dress\u00E9e derri\u00E8re la jambe du roi projette le gorgoneion d\u2019une \u00E9pauli\u00E8re au-dessus d\u2019une sphinge accroupie, en mani\u00E8re de cimier, sur un casque o\u00F9, dans le champ convexe de la calotte, s\u2019affrontent Hercule et le Centaure. (\u2026) [Sur le pi\u00E9destal] \u00E0 la partie sup\u00E9rieure, entre l\u2019inscription et le chapiteau, deux cornes d\u2019abondance sym\u00E9triques, en haut relief, d\u00E9terminent une sort d\u2019\u00E9cu oblong, charg\u00E9 d\u2019une couronne royale en forte saillie au-dessus de motifs incrust\u00E9s : trois fleurs de lys de marbre jaune, surmont\u00E9es de deux branches entrecrois\u00E9es, palme et laurier en marbre vert. Sur le cuir inf\u00E9rieur du cartouche, sous l\u2019inscription, dans l\u2019axe, un masque de M\u00E9duse \u00E9chevel\u00E9 s\u2019enl\u00E8ve en semi ronde-bosse. \u00BB Tous ces \u00E9l\u00E9ments se retrouvent sur l\u2019estampe de Lemercier. Cependant il a ajout\u00E9 deux lions tenant l\u2019encadrement de l\u2019inscription, elle-m\u00EAme l\u00E9g\u00E8rement diff\u00E9rente. Le r\u00E8gne de Paul V, souverain pontife de 1605 \u00E0 1621, n\u2019est pas \u00E9voqu\u00E9, alors que des pr\u00E9cisions sont apport\u00E9es concernant Charles de Neuville d\u2019Alincourt, qualifi\u00E9 d\u2019 \u00AB envoy\u00E9 de Sa Majest\u00E9 le Roi \u00BB. \nLes liens entre la France et le chapitre de Saint-Jean-de-Latran sont s\u00E9culaires. La basilique est la premi\u00E8re construction chr\u00E9tienne en Occident, \u00E9difi\u00E9e sous le r\u00E8gne de l\u2019empereur Constantin, elle est consacr\u00E9e en 324 par le pape Sylvestre Ier et devient la cath\u00E9drale du dioc\u00E8se de Rome dont l\u2019\u00E9v\u00EAque est le pape lui-m\u00EAme. Charlemagne est r\u00E9put\u00E9 avoir \u00E9t\u00E9 bienfaiteur de la basilique, et Louis XI lui assurer d\u2019importants revenus provenant de Guyenne et de Languedoc. Henri IV, converti d\u00E9finitivement au catholicisme en 1593, cherche \u00E0 s\u2019attacher les faveurs du pape Cl\u00E9ment VIII et de ses cardinaux, dans un contexte de luttes avec l\u2019Espagne. Le cardinal d\u2019Ossat, ambassadeur du roi \u00E0 Rome de 1584 \u00E0 1604, est en charge notamment d\u2019obtenir du pape en 1594, l\u2019absolution du roi. Il est soutenu dans ses n\u00E9gociations par le chapitre du Latran qui en r\u00E9compense se voit conc\u00E9der les revenus de l\u2019abbaye de Clairac, situ\u00E9e pr\u00E8s d\u2019Agen. En t\u00E9moignage de reconnaissance, les chanoines commandent \u00E0 Nicolas Cordier une statue \u00E0 l\u2019effigie d\u2019Henri le Grand pour laquelle ils s\u2019engagent \u00E0 financer le bronze. Charles de Neuville, marquis d\u2019Alincourt et de Villeroy, succ\u00E8de au cardinal d\u2019Ossat dans ses fonctions d\u2019ambassadeur jusqu\u2019en 1607. Il est charg\u00E9 de fournir au sculpteur une effigie du roi et d\u2019approuver le projet. \u00AB L\u2019ambassadeur s\u2019y prit si bien que la statue mesure presque une palme de plus que pr\u00E9vu, qu\u2019elle a davantage d\u2019ornements et qu\u2019elle se dresse sur un haut pi\u00E9destal dont le contrat ne disait mot. \u00BB Ces avenants au contrat initialement pass\u00E9 avec les chanoines ont entra\u00EEn\u00E9 de nombreux retards, de m\u00EAme, les dimensions monumentales de la statue ont pos\u00E9 des probl\u00E8mes de r\u00E9alisation, si bien qu\u2019elle ne prit place qu\u2019en ao\u00FBt 1609 sur son pi\u00E9destal achev\u00E9 avec son inscription et positionn\u00E9 sous son portique en mai 1608. Jacques Lemercier date le sujet de son estampe en 1608 mais l\u2019adresse qu\u2019il en fait \u00E0 la reine r\u00E9gente situe son \u0153uvre \u00E0 partir de 1610. Elle a certainement \u00E9t\u00E9 imprim\u00E9e \u00E0 Rome, comme en t\u00E9moigne l\u2019origine italienne du satin. En effet, l\u2019analyse technique des lisi\u00E8res situ\u00E9es en partie sup\u00E9rieure et inf\u00E9rieure sont d\u2019un vert jasp\u00E9, l\u00E9g\u00E8rement ray\u00E9 avec un fil\u00E9 de baudruche au milieu observ\u00E9 dans divers tissus italiens contemporains conserv\u00E9s au mus\u00E9e des Tissus (inv. MT 28500 et inv. MT 23571.2). Pour optimiser la qualit\u00E9 de l\u2019impression, l\u2019estampe a \u00E9t\u00E9 imprim\u00E9e sens trame, ce qui signifie que les flott\u00E9s qui forment le satin sont orient\u00E9s verticalement. Le sens cha\u00EEne pr\u00E9sente une surface o\u00F9 le risque de voir l\u2019encre fuser est bien plus important. \nLa Biblioth\u00E8que nationale de France conserve un exemplaire identique mais sur support papier dans le recueil de la collection Michel Hennin d\u2019Estampes relatives \u00E0 l\u2019Histoire de France (cote RESERVE QB-201), \u00E0 notre connaissance, aucun autre exemplaire imprim\u00E9 sur soie n\u2019est conserv\u00E9 dans les collections publiques. L\u2019estampe sur soie de Jacques Lemercier est par ailleurs\u00A0un rare t\u00E9moignage\u00A0d\u2019une technique dont le mus\u00E9e des Tissus conserve des sp\u00E9cimens plus tardifs, entre la fin du XVIIe si\u00E8cle (inv. MT 46882) avec une gravure repr\u00E9sentant la Religion offrant le portrait du Pape Cl\u00E9ment X \u00E0 l\u2019\u00C9glise et la fin du XVIIIe si\u00E8cle (inv. MT 34259) avec un dipl\u00F4me espagnol de th\u00E9ologie imprim\u00E9 sur taffetas, dat\u00E9 de 1798. \u00C0 l\u2019\u00E9poque de Jacques Lemercier, la technique d\u2019impression sur soie \u00E9tait balbutiante et pourtant la qualit\u00E9 de son \u0153uvre est remarquable. En effet, les hachures des ombres, les d\u00E9tails des lambrequins, les \u00E9critures calligraphi\u00E9es et m\u00EAme les signes de ponctuation sont lisibles.\nCette \u0153uvre a certainement \u00E9tait conserv\u00E9e en feuille, non encadr\u00E9e. Elle est entr\u00E9e dans les collections du mus\u00E9e des Tissus au cours de l\u2019Exposition internationale et universelle qui s\u2019est tenue \u00E0 Lyon en 1872. Le livre d\u2019inventaire pr\u00E9cise que l\u2019\u0153uvre a \u00E9t\u00E9 donn\u00E9e sur les instances de M. Duseigneur, par M. Aubry-Lecomte, d\u00E9l\u00E9gu\u00E9 du minist\u00E8re de la Marine et des Colonies pour cette Exposition. On trouve trace de la rencontre de ces deux personnalit\u00E9s dans Les merveilles de l\u2019industrie \u00E0 l\u2019Exposition de Lyon, par MM. Henry de Lagorce, Ernest Font\u00E8s et Georges Baretti, dans le chapitre consacr\u00E9 \u00E0 l\u2019Alg\u00E9rie et colonies : \u00AB C\u2019est le minist\u00E8re de la marine lui-m\u00EAme qui s\u2019est charg\u00E9 de ces exhibitions, et il a envoy\u00E9 \u00E0 Lyon comme d\u00E9l\u00E9gu\u00E9s MM. Aubry-Lecomte et Teston, et pri\u00E9 un Lyonnais illustre, M. Dusseigneur-Kl\u00E9ber, de lui pr\u00EAter son concours, afin que nos colonies soient repr\u00E9sent\u00E9es dignement dans le grand tournoi industriel de 1872. \u00BB \n\u00C9douard Duseigneur-Kl\u00E9ber (1814-1874), n\u00E9gociant en soie et membre de la Chambre de Commerce de Lyon de 1865 \u00E0 1871, est connu pour ses remarquables \u00E9tudes sur les vers \u00E0 soie, sa monographie intitul\u00E9e Physiologie du cocon et du fil de soie, publi\u00E9e en 1858, fait \u00E9tat de toutes les connaissances disponibles alors sur le sujet. Il est \u00E9galement \u00E0 l\u2019origine de la pr\u00E9sentation \u00E0 l\u2019Exposition universelle de 1867 de la plus compl\u00E8te collection de cocons. En 1890, la Chambre de Commerce de Lyon d\u00E9cide d\u2019ouvrir au public le mus\u00E9e du Laboratoire d\u2019\u00E9tudes de la soie et en 1909, lors de son agrandissement, elle cr\u00E9e la salle Duseigneur-Kl\u00E9ber qui pr\u00E9sente les collections de cocons ayant servi \u00E0 la documentation de son dernier ouvrage de r\u00E9f\u00E9rence intitul\u00E9 La monographie du cocon de soie datant de 1872. En 1911, la Chambre de Commerce, b\u00E9n\u00E9ficiaire d\u2019une donation de Raoul Duseigneur, son fils, cr\u00E9e une fondation et un prix \u00C9douard Duseigneur-Kl\u00E9ber dont le but est \u00AB d\u2019encourager [et de r\u00E9compenser] les recherches scientifiques sur la soie qu\u2019il avait lui-m\u00EAme poursuivies avec tant d\u2019autorit\u00E9s. \u00BB Raoul Duseigneur (1845-1912), devenu antiquaire et collectionneur, a largement contribu\u00E9 \u00E0 l\u2019enrichissement et la poursuite de prestigieuses collections, comme celle de Friedrich Spitzer ou de la marquise Arconati-Visconti (1840-1923), g\u00E9n\u00E9reuse m\u00E9c\u00E8ne et protectrice des arts, qui a notamment fait don \u00E0 l\u2019Acad\u00E9mie des inscriptions et belles-lettres en 1916 \u00AB de la somme n\u00E9cessaire \u00E0 la fondation d\u2019un prix triennal pour \u00EAtre d\u00E9cern\u00E9 \u00E0 des travaux concernant aussi bien l\u2019art et l\u2019arch\u00E9ologie espagnols depuis les temps les plus anciens jusqu\u2019\u00E0 la fin du XVIe si\u00E8cle, que les tr\u00E9sors artistiques ou arch\u00E9ologiques de ces m\u00EAmes \u00E9poques conserv\u00E9s dans les collections publiques ou priv\u00E9es de l\u2019Espagne. Ce prix devra porter le nom Raoul Duseigneur pour conserver la m\u00E9moire d\u2019un amateur tr\u00E8s distingu\u00E9, qui a toujours port\u00E9 un grand int\u00E9r\u00EAt \u00E0 l\u2019histoire de l\u2019art espagnol qu\u2019il connaissait \u00E0 fond. \u00BB Il est de notori\u00E9t\u00E9 publique qu\u2019\u00E0 partir des ann\u00E9es 1890, Raoul Duseigneur devint le compagnon de la marquise, et ce jusqu\u2019\u00E0 sa mort. Ils sont, selon le souhait de la marquise, enterr\u00E9s tous deux \u00E0 Rives-sur-Fure, en Is\u00E8re. \nCharles Eug\u00E8ne Aubry-Lecomte (1821-1898), le donateur de l\u2019\u0153uvre de Lemercier, est commissaire de la Marine, auteur de plusieurs \u00E9tudes sur la culture et la production du th\u00E9 (1865), du cacao (1866), du coton (1866), et du caf\u00E9 (1886) dans les colonies, ainsi que r\u00E9dacteur du rapport sur les colonies fran\u00E7aises \u00E0 l\u2019Exposition universelle de Vienne en 1873. Rien qui jusqu\u2019ici nous informe sur l\u2019origine de la propri\u00E9t\u00E9 de cette rare estampe sur soie qu\u2019il faut en fait rechercher dans sa famille et en l\u2019occurrence chez son p\u00E8re, Hyacinthe Aubry-Lecomte. N\u00E9 en 1797 \u00E0 Nice, Hyacinthe Aubry, apr\u00E8s de brillantes \u00E9tudes au lyc\u00E9e communal, entame une carri\u00E8re comme payeur \u00E0 la Tr\u00E9sorerie de l\u2019Arm\u00E9e, puis comme Surnum\u00E9raire au Minist\u00E8re des Finances. Il d\u00E9m\u00E9nage \u00E0 Paris et suit les cours du soir \u00E0 l\u2019\u00C9cole des Beaux-Arts avant d\u2019en \u00EAtre admis sur concours en 1818. Jusqu\u2019\u00E0 la fermeture de sa Direction au minist\u00E8re en 1823, il m\u00E8ne de front ses deux carri\u00E8res. D\u00E8s 1819, Anne-Louis Girodet-Trioson (1767-1824) l\u2019incite \u00E0 explorer la technique de la lithographie, invent\u00E9e par Aloys Senefelder en 1796. Presqu\u2019imm\u00E9diatement, il se lance dans la reproduction en seize planches de L'Apoth\u00E9ose des H\u00E9ros fran\u00E7ais morts pour la patrie pendant la guerre de la Libert\u00E9 de Girodet command\u00E9e par Bonaparte en 1800 et conserv\u00E9 au mus\u00E9e national des ch\u00E2teaux de Malmaison et Bois-Pr\u00E9au. Son travail est tout de suite remarqu\u00E9 par sa qualit\u00E9 d\u2019ex\u00E9cution. En 1823, il \u00E9dite du m\u00EAme auteur\u00A0le Portrait de Ch\u00E2teaubriand, et se voit offrir par le directeur des mus\u00E9es royaux un atelier dans les mus\u00E9es. En 1824, il re\u00E7oit la premi\u00E8re m\u00E9daille par l\u2019assembl\u00E9e des professeurs de l\u2019Ecole des Beaux-Arts. D\u00E8s lors, il est sollicit\u00E9 par les plus grands noms de la peinture comme G\u00E9rard, Ingres ou Bonnefond. En 1820, Hyacinthe Aubry \u00E9pouse Gabrielle Lecomte, dite \u00AB Gabry \u00BB, et accole son nom au sien pour \u00E9viter toute homonymie. Dans la revue La Picardie, revue historique, arch\u00E9ologique et litt\u00E9raire parue en 1867, dans l\u2019article intitul\u00E9 Aubry-Lecomte et les origines de la lithographie en France, Edmond de l\u2019Hervilliers reproduit quelques extraits de la correspondance de Hyacinthe avec son beau-p\u00E8re, dans lesquels sont \u00E9voqu\u00E9s quelques souvenirs de l\u2019enfance de notre donateur. Ainsi, nous apprenons que Charles \u00AB a un z\u00E8le extr\u00EAme pour le dessin. (\u2026) A peine de retour de la pension il se met \u00E0 \u00E9crire ou \u00E0 dessiner. Quand il a le crayon \u00E0 la main, [sa m\u00E8re est] parfois contrainte de se f\u00E2cher pour le faire venir \u00E0 table \u00BB. On d\u00E9c\u00E8le \u00E9galement chez l\u2019artiste un go\u00FBt prononc\u00E9 pour l\u2019art classique dans son commentaire de l\u2019exposition des tableaux du mus\u00E9e Charles X en 1827 : \u00AB On r\u00E9compense les artistes m\u00E9diocres, ou ceux qui, ne pouvant atteindre le beau, cherchent seulement la couleur et ne voient dans un tableau que de fortes oppositions de teintes. Comme si le but principal de la peinture n\u2019\u00E9tait pas de donner de grandes le\u00E7ons aux hommes, d\u2019\u00E9lever leur \u00E2me par la repr\u00E9sentation de ce que le ciel a cr\u00E9\u00E9 de plus beau, de perp\u00E9tuer le souvenir des belles actions et de fixer enfin les grandes \u00E9poques de l\u2019histoire pour servir aux si\u00E8cles futurs. C\u2019est ainsi que Rapha\u00EBl, le Dominiquin, le Poussin, Lesueur, David et Girodet l\u2019ont con\u00E7ue ; et ce n\u2019est qu\u2019en s\u2019inspirant par l\u2019\u00E9tude des \u0153uvres de ces hommes de g\u00E9nie qu\u2019un peintre pourra mettre \u00E0 fin des pages durables. Mais ce qui d\u00E9tourne surtout de cette voie, les hommes appel\u00E9s en la suivant \u00E0 acqu\u00E9rir une v\u00E9ritable gloire, c\u2019est la dure n\u00E9cessit\u00E9 qui arr\u00EAte l\u2019\u00E9lan du sentiment. Combien \u00E0 pr\u00E9sent m\u00EAme feraient de belles choses, mais il faut vivre, et d\u2019ailleurs ces belles choses n\u2019int\u00E9resseraient pas plus la multitude qu\u2019Hom\u00E8re ou Virgile. Il ne faut plus que des sc\u00E8nes de Walter Scott. \u00BB Il n\u2019est pas exclu que l\u2019estampe de Lemercier ait \u00E9t\u00E9 en possession du premier lithographe fran\u00E7ais avant d\u2019\u00EAtre transmise \u00E0 son fils, sans qu\u2019il soit possible de remonter davantage dans la vie de l\u2019\u0153uvre. \nClaire Berthommier"@fr .