. "Le costume de cour est compos\u00E9 d\u2019un gilet et d\u2019un habit coordonn\u00E9s, taill\u00E9s dans une m\u00EAme \u00E9toffe de couleur brun-rouge con\u00E7ue et r\u00E9alis\u00E9e express\u00E9ment pour cet usage. En effet, l\u2019ensemble du d\u00E9cor a \u00E9t\u00E9 ex\u00E9cut\u00E9 au cours du tissage (et non par broderie) selon sa position sur le futur v\u00EAtement. Appel\u00E9e \u00AB tissage \u00E0 disposition \u00BB, cette pratique anticipant sur le produit fini r\u00E9v\u00E8le toute la science que les dessinateurs, les tisseurs et les tailleurs ont mise au service de commandes tr\u00E8s raffin\u00E9es. \nLe d\u00E9cor de courants de plumes et de rubans nou\u00E9s en bouquets a \u00E9t\u00E9 \u00AB plac\u00E9 \u00BB sur les devants de l\u2019habit, notamment au niveau de l\u2019encadrement des poches aux contours int\u00E9rieurs et ext\u00E9rieurs soulign\u00E9s d\u2019un fil\u00E9 dor\u00E9, ainsi que sur les devants du gilet puisqu\u2019il suit la ligne bris\u00E9e de la d\u00E9coupe des pans en partie inf\u00E9rieure. Le d\u00E9cor au dos de l\u2019habit et celui, \u00E0 peine visible, ins\u00E9r\u00E9 dans les plis lat\u00E9raux, ont \u00E9t\u00E9 incrust\u00E9s dans l\u2019\u00E9toffe de fond par d\u00E9coupe puis par couture. \nL\u2019armure de tissage employ\u00E9e pour le fond de l\u2019\u00E9toffe, appel\u00E9e \u00AB gros de Tours \u00BB, lui donne un effet l\u00E9g\u00E8rement c\u00F4tel\u00E9. Le sem\u00E9 de fleurettes ton sur ton a \u00E9t\u00E9 r\u00E9alis\u00E9 par un lat de \u00AB liser\u00E9 \u00BB, c\u2019est-\u00E0-dire un fil de trame d\u00E9di\u00E9 au d\u00E9cor traversant l\u2019\u00E9toffe d\u2019un bord \u00E0 l\u2019autre, visible sur l\u2019endroit au niveau des fleurettes et rejet\u00E9 sur l\u2019envers entre celles-ci. Le d\u00E9cor \u00AB plac\u00E9 \u00BB est lui \u00AB broch\u00E9 \u00BB, ce qui signifie que les fils employ\u00E9s pour son dessin travaillent en aller-retour uniquement sur la largeur du d\u00E9cor et non sur la largeur totale de l\u2019\u00E9toffe. Plusieurs \u00E9l\u00E9ments comme la complexit\u00E9 et le raffinement du dessin, le choix des mat\u00E9riaux (soie, fil\u00E9, fris\u00E9 et lame m\u00E9talliques dor\u00E9s), ainsi que leur mise en \u0153uvre sur le m\u00E9tier \u00E0 tisser t\u00E9moignent du dynamisme de l\u2019industrie de la soierie. \u00C0 Lyon \u00E0 cette \u00E9poque, les fabricants renouvellent leurs mod\u00E8les au rythme des saisons. \n Concernant la confection elle-m\u00EAme, il est int\u00E9ressant de noter que les devants et le dos du gilet sans manches sont de m\u00EAme longueur et r\u00E9alis\u00E9s dans la m\u00EAme \u00E9toffe alors qu\u2019il \u00E9tait courant de r\u00E9server l\u2019\u00E9toffe d\u00E9cor\u00E9e pour le devant du v\u00EAtement et de tailler le dos du gilet, rendu invisible par le port de l\u2019habit, dans une \u00E9toffe de qualit\u00E9 inf\u00E9rieure en l\u2019arr\u00EAtant parfois \u00E0 la taille. L\u2019habit \u00E0 encolure ronde descend jusqu\u2019aux genoux. Ses devants, incurv\u00E9s vers l\u2019ext\u00E9rieur, se font face sans jamais se croiser ou se superposer. L\u2019habit, ajust\u00E9 sur le buste, est, en effet, toujours port\u00E9 ouvert sur le gilet laissant s\u2019\u00E9chapper le jabot et la cravate. Son ampleur en partie inf\u00E9rieure, donn\u00E9e par les plis group\u00E9s naissant \u00E0 la taille, concourt largement \u00E0 l\u2019allure et au maintien d\u2019une silhouette l\u00E9g\u00E8re et cambr\u00E9e, consid\u00E9r\u00E9e d\u2019une tr\u00E8s grande \u00E9l\u00E9gance. Dans le cas pr\u00E9sent, les poches de l\u2019habit et celles du gilet sont v\u00E9ritables et non feintes et la d\u00E9coration additionnelle constitu\u00E9e par les boutons de passementerie rost\u00E9s, c\u2019est-\u00E0-dire garnis de fils, en l\u2019occurrence argent\u00E9s, est tout \u00E0 fait repr\u00E9sentative de la parure vestimentaire masculine qui, jusqu\u2019\u00E0 la fin du XVIIIe si\u00E8cle, consomme l\u2019essentiel des broderies, paillettes, pierreries et clinquants.\nClaire Berthommier"@fr . . .