. . "2021-02-10T00:00:00"^^ . "Dans le Catalogue des objets recueillis \u00E0 Antino\u00E9 pendant les fouilles de 1898, Albert Gayet d\u00E9crit deux manteaux d'homme complets confectionn\u00E9s dans un \u00AB drap feutr\u00E9 vert \u00BB, avec le col et les revers orn\u00E9s d'applications, quatre exemplaires fragmentaires, eux aussi taill\u00E9s dans du \u00AB drap \u00BB ou du \u00AB\u00A0tissu feutr\u00E9 vert \u00BB et garnis de parements de soie ou de laine et de galons, et les fragments de quatre manteaux verst suppl\u00E9mentaires, dont il n'est pas pr\u00E9cis\u00E9 s'ils sont en \u00AB\u00A0tissu feutr\u00E9 \u00BB, mais qui sont toujours associ\u00E9s \u00E0 des applications de galons. La plupart de ces \u00E9l\u00E9ments ont pu \u00EAtre identifi\u00E9s dans les collections du mus\u00E9e des Tissus (inv. MT 47554 ; MT 2013.0.28 et MT 51398.27 ; MT 2013.0.32 ; MT 2013.0.61). Les campagnes post\u00E9rieures sur le site livrent de nouveaux exemplaires de ces v\u00EAtements. Albert Gayet parle d\u00E9sormais d'un \u00AB\u00A0tissu de bourre de soie, teint en vert clair\u00A0\u00BB pour d\u00E9signer la toile de laine gratt\u00E9e de couleur turquoise qui les constitue. L'expression \u00AB\u00A0bourre de soie\u00A0\u00BB appara\u00EEt sous sa plume d\u00E8s 1898. Elle est alors r\u00E9serv\u00E9e aux toiles de laine de couleur carmin gratt\u00E9es apr\u00E8s tissage, dans lesquelles \u00E9taient confectionn\u00E9es des manteaux d'homme \u00E0 longues manches (inv. MT 34872 ; MT 34872 bis ; MT 2013.0.17, MT 2013.0.18 et MT 26812.38 ; MT 44321 ; MT 2013.0.33 et MT 40315) mais aussi des v\u00EAtements f\u00E9minins (inv. MT 2013.0.14 et MT 28520.49 ; MT 2013.0.22). Deux manteaux de couleur turquoise sont exhum\u00E9s durant les fouilles de 1903, et deux encore en 1904. Ils portent donc \u00E0 quatorze le nombre de v\u00EAtements de ce type recens\u00E9s dans les seuls catalogues des expositions r\u00E9dig\u00E9s par Albert Gayet. Les publications de l'arch\u00E9ologue mentionnent aussi douze exemplaires en \u00AB\u00A0bourre de soie pourpre\u00A0\u00BB ou \u00AB\u00A0rouge \u00BB rapport\u00E9s \u00E0 Paris \u00E0 l'issue des campagnes de 1897, 1898, 1903 et 1905. Malgr\u00E9 ses lacunes, le manteau de l'occupant de la tombe B 139 est aujourd'hui l'un des exemplaires les plus complets, apr\u00E8s les deux manteaux exhum\u00E9s par Carl Schmidt \u00E0 Antino\u00E9 en 1896 et conserv\u00E9s au Museum f\u00FCr Byzantinische Kunst de Berlin (inv. Nr. 9695 et Nr. 9923), et deux autres issus des fouilles d'Albert Gayet, le premier durant la troisi\u00E8me campagne, en 1898, provenant de la tombe B 288 et conserv\u00E9 au mus\u00E9e des Tissus (inv. MT 47554), le second, durant la neuvi\u00E8me campagne, en 1904, dans la s\u00E9pulture du \u00AB conducteur de char \u00BB donn\u00E9e au Palais des Beaux-Arts de Lille (inv. D.2011.0.3). Quatre grands fragments du manteau de l'occupant de la tombe B 139 subsistent : ils correspondent au devant gauche, au devant droit, \u00E0 l'\u00E9paulement droit avec son emmanchure et \u00E0 la manche droite. Quelques parcelles de la toile gratt\u00E9e et du d\u00E9cor des parements en soie et laine sont aussi dispers\u00E9es entre le mus\u00E9e des Tissus et le mus\u00E9e du Louvre (inv. E 31915, E 31916 et E 29223). On reconna\u00EEt le manteau avec ses applications sur un dessin in\u00E9dit de Jules-Paul G\u00E9rard, dans une collection particuli\u00E8re, qui r\u00E9unit des croquis relatifs au contenu de la cinqui\u00E8me vitrine de l'exposition de 1898. Une moiti\u00E9 seulement du v\u00EAtement a \u00E9t\u00E9 repr\u00E9sent\u00E9e, correspondant \u00E0 l'un des devants avec la manche et le col. Un second croquis montre le motif du parement de soie et laine. Peu apr\u00E8s l'envoi au mus\u00E9e des Tissus de l'ensemble d\u00E9couvert par Albert Gayet en 1898, le manteau est pr\u00E9sent\u00E9 dans l'exposition permanente, au second \u00E9tage du Palais de la Bourse et du Commerce, dans la galerie consacr\u00E9e \u00E0 la \u00AB\u00A0p\u00E9riode dite byzantine\u00A0\u00BB. Il y est mentionn\u00E9 dans le premier guide des collections, publi\u00E9 en janvier 1902. En 1929, il ne figure apparemment plus dans les vitrines et il n'est plus jamais mentionn\u00E9 dans la litt\u00E9rature concernant les v\u00EAtements d'apparat en laine gratt\u00E9e d\u00E9couverts \u00E0 Antino\u00E9. Le manteau a \u00E9t\u00E9 taill\u00E9 dans une toile de laine de ch\u00E8vre cachemire en cha\u00EEne et en trame. La cha\u00EEne, non teinte, est de couleur jaune. La trame est constitu\u00E9e de fils doubles, teints en bleu. Aux extr\u00E9mit\u00E9s de la laize, quelques coups de fils non teints formaient une barrure jaune. Elle est visible aujourd'hui dans la partie basse des devants, sous le d\u00E9cor d'application. Cette barrure, \u00E9galement conserv\u00E9e \u00E0 l'arri\u00E8re sur d'autres exemplaires, indique que la hauteur totale de la laize devait \u00EAtre utilis\u00E9e pour placer le patron, sa largeur d\u00E9terminant l'envergure des emmanchures. Une lisi\u00E8re, discr\u00E8tement renforc\u00E9e, est d'ailleurs visible dans le repli de couture qui pr\u00E9parait l'assemblage de la manche au corps du manteau. \u00C0 la tomb\u00E9e du m\u00E9tier, la toile a \u00E9t\u00E9 gratt\u00E9e sur les deux faces, dans le sens de la cha\u00EEne, vraisemblablement au moyen de chardons. Les poils extraits par le cardage \u00E9taient ensuite couch\u00E9s par un mouvement de va-et-vient dissimulant totalement le fond de l'\u00E9toffe sous une nappe de longues m\u00E8ches ondul\u00E9es. Le tailleur a dessin\u00E9 son plan de coupe de mani\u00E8re \u00E0 \u00E9conomiser l'\u00E9toffe pr\u00E9cieuse. Le corps du manteau, en une pi\u00E8ce, occupe la majeure partie de la laize. Il comprend le dos, avec ses deux \u00E9chancrures concaves qui ajustent le v\u00EAtement aux omoplates et le resserrent \u00E0 la taille, l'\u00E9paulement, avec les emmanchures d\u00E9finies par les lisi\u00E8res, et le devant, avec ses \u00E9chancrures convexes, destin\u00E9es \u00E0 se rabattre contre celles du dos. Dans le droit-fil de l'\u00E9toffe r\u00E9serv\u00E9e par les \u00E9chancrures concaves, le tailleur a plac\u00E9 les deux manches. L'assemblage commence avant la d\u00E9coupe de l'ouverture sur l'avant et de l'encolure. Les \u00E9chancrures de l'avant et du dos sont ourl\u00E9es d'un petit rentr\u00E9, plac\u00E9 \u00E0 l'int\u00E9rieur des assemblages. Le bord de l'\u00E9chancrure du devant vient se positionner par-dessus celui de l'\u00E9chancrure du dos. Les manches sont mont\u00E9es aux emmanchures par un assemblage bord \u00E0 bord, chacune des parties ayant \u00E9t\u00E9 ourl\u00E9e pr\u00E9alablement d'un repli de couture. Des rentr\u00E9s r\u00E9tr\u00E9cissent la manche, mais les ressources d'\u00E9toffe n'ont \u00E9t\u00E9 ni coup\u00E9es ni cousues \u00E0 cet endroit. Le cylindre est ferm\u00E9 jusqu'\u00E0 l'angle form\u00E9 par l'\u00E9vasement du bas de la manche qui reste provisoirement ouvert. Il sera referm\u00E9 apr\u00E8s l'application du d\u00E9cor. Le tailleur a d\u00E9coup\u00E9 l'ouverture du manteau, avec le grand revers sur le c\u00F4t\u00E9 droit et l'encolure rectangulaire, apr\u00E8s l'assemblage du corps du manteau. Dans les chutes de la laize ont \u00E9t\u00E9 taill\u00E9es les pi\u00E8ces qui constituent le col et compl\u00E8tent les revers. Sur le c\u00F4t\u00E9 droit, le grand revers est augment\u00E9, dans l'angle sup\u00E9rieur, par une pi\u00E8ce triangulaire et, sur son pourtour, par une languette formant bordure. Sur le revers gauche, il reste les vestiges d'une seconde languette. Ces \u00E9l\u00E9ments sont cousus \u00E9toffe sur \u00E9toffe apr\u00E8s avoir \u00E9t\u00E9 bord\u00E9s d'un repli de couture. On assure ensuite la finition des bords du manteau par un repli tourn\u00E9 vers l'ext\u00E9rieur. Tout autour du col et en bordure des revers, sur la face et l'envers, sont appliqu\u00E9es deux s\u00E9ries de trois cordelettes de lin qui donnent de la tenue et de l'aplomb \u00E0 ces parties du v\u00EAtement. Le col peut ainsi se positionner convenablement sur la nuque, le grand revers droit s'ouvre naturellement sur la poitrine et le revers gauche tombe sans faux pli. Les cordelettes sont recouvertes par une bande de fine toile de laine beige ros\u00E9. Leur relief est d\u00E9gag\u00E9 par huit rangs de points devant. Entre les deux s\u00E9ries de c\u00F4tes ainsi cr\u00E9\u00E9es est appliqu\u00E9e une fine bande de samit \u00AB\u00A0mi-soie \u00BB brun et cr\u00E8me. Un autre samit \u00AB\u00A0mi-soie \u00BB rouge et jaune a plus largement \u00E9t\u00E9 utilis\u00E9 pour l'essentiel des parements. Il pr\u00E9sente un d\u00E9cor de feuilles cordiformes, dress\u00E9es sur un petit podium. Une bande rectangulaire couvrait tout l'int\u00E9rieur du revers droit, dissimulant ses coutures d'assemblage. Elle \u00E9tait augment\u00E9e par une seconde bande, plus courte, plac\u00E9e en \u00E9querre contre l'angle inf\u00E9rieur de la premi\u00E8re. Le revers gauche \u00E9tait orn\u00E9 d'une grande bande plac\u00E9e en miroir. Ainsi, quand le manteau \u00E9tait port\u00E9 avec le revers droit ouvert, le d\u00E9cor formait deux parements identiques de chaque c\u00F4t\u00E9 de la poitrine. Un fragment de samit visible pr\u00E8s de l'\u00E9paule droite indique que l'encolure devait \u00EAtre encadr\u00E9e par une large application, probablement comparable, dans sa disposition, \u00E0 celle qui est conserv\u00E9e sur le grand fragment du manteau de l'occupant de la tombe B 79, conserv\u00E9 au mus\u00E9e du Louvre (inv. E 29226). Des galons \u00E9troits, d\u00E9coup\u00E9s dans la m\u00EAme \u00E9toffe, couvrent les coutures du dos et les bords du manteau. Le bas des manches, enfin, \u00E9tait bord\u00E9 par un galon de toile de laine beige ros\u00E9, moins fine que celle des revers et du col, et par une bande de samit \u00AB\u00A0mi-soie \u00BB jaune et rouge. Une attache est conserv\u00E9e \u00E0 l'int\u00E9rieur du devant droit et \u00E0 quelques centim\u00E8tres du d\u00E9cor qui orne le revers. Elle est constitu\u00E9e d'une toile de lin roulot\u00E9e pour former une bride et fix\u00E9e au fond de toile par un morceau de samit \u00AB\u00A0mi-soie \u00BB recouvert d'une toile de laine tr\u00E8s fine. Il est \u00E9vident qu'elle n'avait pas pour fonction de rapprocher les deux devants bord \u00E0 bord ni de fermer le manteau. La largeur du v\u00EAtement aux \u00E9paules ne le permet pas. En revanche, on a pu y faire passer une cha\u00EEnette m\u00E9tallique, une bride de cuir ou une \u00E9toffe pour barrer la poitrine, \u00E9viter au v\u00EAtement de glisser en arri\u00E8re et, peut-\u00EAtre, suspendre un bijou. Le manteau de l'occupant de la tombe B 139 pr\u00E9sente de nombreuses similitudes avec l'exemplaire extrait de la tombe B 288, \u00E9galement conserv\u00E9 au mus\u00E9e des Tissus (inv. MT 47554). Les toiles de laine de ch\u00E8vre cachemire dans lesquelles ils ont \u00E9t\u00E9 taill\u00E9s ont des caract\u00E9ristiques techniques identiques, de m\u00EAme que leur traitement apr\u00E8s tissage. Leur confection a suivi les m\u00EAmes \u00E9tapes de calcul du plan de d\u00E9coupe, de taille, d'assemblage, et leurs parements sont con\u00E7us selon la m\u00EAme logique, avec un renfort au niveau du col et des revers constitu\u00E9s de cordelettes de lin recouvertes de toile fine de couleur beige ros\u00E9, bord\u00E9es par des galons. Albert Gayet, \u00E0 propos du v\u00EAtement issu de la tombe B 139, parle de \u00AB\u00A0ganses couliss\u00E9es\u00A0\u00BB pour les d\u00E9crire. Enfin, de larges applications d'\u00E9toffe pr\u00E9cieuse garnissaient les \u00E9paules, l'int\u00E9rieur du revers droit, destin\u00E9 \u00E0 rester ouvert sur la poitrine, et l'ext\u00E9rieur du revers gauche, le bas des manches, les bordures du manteau et les coutures du dos. Des analyses effectu\u00E9es sur la laine rouge du samit \u00AB\u00A0mi-soie \u00BB ont r\u00E9v\u00E9l\u00E9 qu'elle avait \u00E9t\u00E9 teinte avec de la cochenille d'Arm\u00E9nie. L'un des fragments du manteau de l'occupant de la tombe B 139, conserv\u00E9 au mus\u00E9e du Louvre (inv. E 31916), a \u00E9t\u00E9 soumis a des datations au radiocarbone. Les r\u00E9sultats indiquent une fourchette comprise entre 420 et 600 pour la laine et entre 340 et 540 pour le samit. Ils sont l\u00E9g\u00E8rement d\u00E9cal\u00E9s, mais avec une zone commune comprise entre 420 et 540. Cette fourchette est tout \u00E0 fait compatible avec les datations obtenues pour les autres exemplaires de manteaux en laine gratt\u00E9e de couleur turquoise, comme les fragments du manteau extrait de la tombe B 79,\u00A0compris entre 430 et 620, ou les exemplaires berlinois situ\u00E9s entre 428 et 600 pour l'un, et 443 et 637 pour le second. On sait que le tissage couch\u00E9 de samits bicolores d'une grande finesse, avec un dessin \u00E9troit et allong\u00E9, est bien attest\u00E9 dans la production m\u00E9diterran\u00E9enne, et plus particuli\u00E8rement \u00E9gyptienne, depuis le milieu du Ve si\u00E8cle et jusque dans la premi\u00E8re moiti\u00E9 du VIIe si\u00E8cle. Dans la m\u00EAme tombe B 139, Albert Gayet a d\u00E9couvert un \u00AB\u00A0soulier, terre cuite\u00A0\u00BB et une \u00AB\u00A0fibula, bronze\u00A0\u00BB, tous deux pr\u00E9sent\u00E9s dans la treizi\u00E8me vitrine de l'exposition tenue au mus\u00E9e Guimet en 1898.\nMaximilien Durand"@fr .