"Peu de temps apr\u00E8s la fin du royaume d'\u00C9trurie, en d\u00E9cembre 1807, Florence devint le chef-lieu du d\u00E9partement napol\u00E9onien de l'Arno ; en mai 1808, en application du d\u00E9cret du 19 f\u00E9vrier 1808 r\u00E9unissant \u00E0 la liste civile les domaines de la Couronne en Toscane, un auditeur au Conseil d'\u00C9tat, Jules de Canouville, vint prendre possession au nom de l'Empereur des biens et domaines de la Toscane au rang desquels figuraient le Palais Pitti, ancienne r\u00E9sidence des Grands-ducs et, en dernier lieu, de la reine r\u00E9gente d'\u00C9trurie, Marie-Louise de Bourbon. Tout naturellement ce Palais, promu au rang de r\u00E9sidence imp\u00E9riale, devint la r\u00E9sidence principale de la s\u0153ur de Napol\u00E9on Ier, \u00C9lisa Bonaparte, lorsque celle-ci fut nomm\u00E9e par la gr\u00E2ce de son fr\u00E8re Grande-Duchesse de Toscane par d\u00E9cret du 3 mars 1809. Son go\u00FBt du faste, son r\u00F4le de propagatrice du style officiel de l'Empire et la n\u00E9cessit\u00E9\u00A0pour chaque Palais de contenir un appartement pr\u00EAt \u00E0 recevoir les souverains \u00E0 l'occasion d'un voyage \u00E9ventuel firent m\u00FBrir rapidement la\u00A0d\u00E9cision de transformer et de moderniser une partie du\u00A0Palais pour son fr\u00E8re. Profitant du long s\u00E9jour qu'elle fit \u00E0 Paris pour le mariage de Napol\u00E9on Ier avec l'archiduchesse d'Autriche Marie-Louise de mars \u00E0 septembre 1810, elle s'entretint avec l'architecte Pierre-Fran\u00E7ois-L\u00E9onard Fontaine sur l'am\u00E9nagement d'un appartement pour l'Empereur et la nouvelle Imp\u00E9ratrice, et avec son fr\u00E8re\u00A0pour lui exposer la n\u00E9cessit\u00E9 de ces travaux. Elle mit en \u0153uvre son projet d\u00E8s son retour \u00E0 Florence. Elle s'\u00E9tait r\u00E9serv\u00E9 pour elle la partie sud des grands appartements du piano nobile donnant sur la Place Pitti et elle s'\u00E9tait fait am\u00E9nager un appartement confortable et moderne dans la M\u00E9ridienne. C'est donc tout naturellement qu'elle pr\u00E9voyait de r\u00E9server la partie nord du piano nobile \u00E0 ces nouveaux appartements.\nLe gros des travaux \u00E9tait achev\u00E9 \u00E0 la fin de l'ann\u00E9e 1813. D\u00E8s 1812, on d\u00E9finissait le d\u00E9cor de chaque pi\u00E8ce, ainsi que les \u00E9l\u00E9ments n\u00E9cessaires \u00E0 l'embellissement, \u00E0 l'ameublement et au confort des appartements. \nPour les \u00E9toffes, command\u00E9es en 1813,\u00A0on sollicita principalement les manufactures italiennes d'\u00E9toffes de Lucques et de Florence. La fabrique Piat, Lef\u00E8vre et fils de Tournai pr\u00E9senta cependant une soumission pour la confection de trois tapis, et la maison Jacquemet p\u00E8re et fils, sise au 111, place de l'Herberie, \u00E0 Lyon, une soumission pour une tenture en damas jonquille avec ornements mordor\u00E9s, orange et ponceau et pour une tenture en satin bleu Marie-Louise avec dessins repr\u00E9sentant des vases et autres petits sujets en velours cisel\u00E9 blanc destin\u00E9es aux Appartements de l'Imp\u00E9ratrice. La maison Jacquemet p\u00E8re et fils ayant fait faillite en 1813, c'est la maison Bissardon, Cousin et Bony qui r\u00E9alisa la tenture en satin bleu, livr\u00E9e \u00E0 Florence en 1814, sans succ\u00E8s \u00E0 cause des \u00E9v\u00E9nements (Pierre Arizzoli-Cl\u00E9mentel, \u00AB Une table \u00E9chiquier pour le Palais Pitti \u00BB, Antichit\u00E0 viva, 1983, 22, p. 61).\nLe mus\u00E9e des Tissus conserve un carnet de dessins de Jean-Fran\u00E7ois Bony (inv. MT 27638), commenc\u00E9 dans les premi\u00E8res ann\u00E9es du Consulat et utilis\u00E9 jusqu'aux premi\u00E8res ann\u00E9es de la Restauration, qui fut surtout employ\u00E9 par l'artiste durant ses ann\u00E9es d'association avec les cousins Bissardon, entre 1811 et 1816. Jean-Fran\u00E7ois Bony (1754-1825) est un c\u00E9l\u00E8bre dessinateur de fabrique, brodeur, fabricant et occasionnellement peintre de fleurs. Il collabore avec les cousins Andr\u00E9 et Jean-Pierre Bissardon, avant de s'associer avec eux pour r\u00E9pondre aux grandes commandes promises par Napol\u00E9on Ier pour redresser la Fabrique apr\u00E8s la crise de 1810 et pour mener son projet d'am\u00E9nagement du Palais de Versailles. Le carnet de dessins du mus\u00E9e des Tissus est un pr\u00E9cieux t\u00E9moin de l'activit\u00E9 prolifique de Jean-Fran\u00E7ois Bony, qui permet de pr\u00E9ciser les \u00E9tapes d'une carri\u00E8re encore mal connue.\nAux folio 62 et 63, le dessinateur a jet\u00E9 l'id\u00E9e d'un meuble en velours fond satin, dans lequel on reconna\u00EEt la tenture ex\u00E9cut\u00E9e pour les Appartements de l'Imp\u00E9ratrice. Sur la page de gauche (folio 62), il a trac\u00E9, \u00E0 son habitude, des lignes verticales \u00E0 la mine de plomb, parall\u00E8les \u00E0 la marge rouge,\u00A0qui lui permettent de poser sa composition en mat\u00E9rialisant l'axe de sym\u00E9trie de la laize et ses lisi\u00E8res. Ces lignes ont \u00E9t\u00E9 d\u00E9multipli\u00E9es dans ces trois zones, afin d'indiquer la pr\u00E9sence de \u00AB boyaux \u00BB, comme l'indique la l\u00E9gende \u00E9crite par deux fois sur ces traits. Le projet de tenture est aussi divis\u00E9 en deux dans le sens horizontal par un trait rapidement trac\u00E9, \u00E0 main lev\u00E9. La partie sup\u00E9rieure correspond sans doute \u00E0 une premi\u00E8re id\u00E9e, vite abandonn\u00E9e au profit de la seconde, en partie inf\u00E9rieure. Dans la premi\u00E8re version, des couronnes entrelac\u00E9es, cantonn\u00E9es de palmettes, alternent avec une palme sur le fond r\u00E9serv\u00E9 par les \u00AB boyaux \u00BB. La l\u00E9gende indique : \u00AB fond velour (sic)/ sujet satin\u00A0\u00BB. Dans la partie inf\u00E9rieure, trois formes de vases \u00E0 l'antique, parfois encadr\u00E9 de rameaux, apparaissent sur le fond. La l\u00E9gende pr\u00E9cise : \u00AB fond satin/ sujet velours \u00BB. Dans la colonne de droite, un dessin rapidement trac\u00E9 \u00E0 la plume donne l'id\u00E9e pour la \u00AB bordure \u00BB, comme l'indique l'inscription,\u00A0qui accompagne cette tenture. Une \u00E9toile \u00E0 cinq branches est cantonn\u00E9e de longues palmettes, l'une d'entre elles \u00E9tant prolong\u00E9e par une couronne.\nAu folio 63, Jean-Fran\u00E7ois Bony a indiqu\u00E9 toutes les variantes de couleurs envisag\u00E9es pour la tenture et pour sa bordure, dans la version sujets satin sur fond velours d'abord\u00A0: \u00AB boyaux verd (sic) second vel(ours) verd (sic) second \u2014 sujet satin blanc bordure/ ponceau vel(ours) martre./ boyaux ponceau \u2014 vel(ours) ponceau sujet satin blanc bordure verd (sic) et noir\u00A0\u00BB ; puis dans la version sujet velours sur fond satin : \u00AB boyaux ponceau satin ponceau sujet vel(ours) blanc \u2014 bordure jonquille et noir/ boyaux bleu satin bleu sujet vel(ours) blanc bordure orange et noir/ boyaux verd (sic) satin verd (sic) sujet vel(ours) blanc bordure cerise et noir./ boyau orange satin orange sujet vel(ours) martre bordure verd (sic) et noir./ boyau jonquille satin jonquille sujet vel(ours) martre bordure ponceau et blanc.\u00A0\u00BB\nLa version retenue pour les Appartements de l'Imp\u00E9ratrice au Palais Pitti pr\u00E9sentait un fond satin bleu Marie-Louise, sujets velours blancs. Le mus\u00E9e des Tissus conserve une laize incompl\u00E8te de ce d\u00E9cor, dont le mus\u00E9e national des ch\u00E2teaux de Malmaison et Bois-Pr\u00E9au conserve aussi un fragment (inv. MM 40.47. MM 1951 ; Soies tiss\u00E9es, soies brod\u00E9es chez l'imp\u00E9ratrice Jos\u00E9phine, mus\u00E9e national des ch\u00E2teaux de Malmaison et de Bois-Pr\u00E9au, 2002, n\u00B0 42, p. 41), tout comme les archives de la manufacture Prelle, \u00E0 Lyon. Il s'agit d'un velours simple corps cisel\u00E9 blanc, sur fond de satin bleu \u00E0 effet de reps alternatif (les \u00AB boyaux \u00BB du carnet de dessins). Sur le fond satin, des vases \u00E0 l'antique, du type vase fuseau ou aigui\u00E8re, orn\u00E9s d'un casque \u00E0 cimier ou d'une palmette en velours boucl\u00E9 sur fond de velours coup\u00E9, accompagn\u00E9s de rameau de ch\u00EAne ou de myrte, charg\u00E9s de fruits, alternent avec des foudres ail\u00E9s ou des ornements v\u00E9g\u00E9taux. Le r\u00E9pertoire d\u00E9coratif est pleinement celui de la seconde partie de l'Empire, apr\u00E8s le mariage de Napol\u00E9on Ier avec Marie-Louise. Destin\u00E9e aux Appartements de l'Imp\u00E9ratrice, cette tenture\u00A0est aussi une all\u00E9gorie de l'harmonie conjugale du couple imp\u00E9rial, puisqu'elle r\u00E9unit les attributs de Jupiter (foudre, ch\u00EAne)\u00A0et de\u00A0Mars (casque) avec ceux d'H\u00E9b\u00E9 (aigui\u00E8re) et de V\u00E9nus (myrte).\nElle est particuli\u00E8rement repr\u00E9sentative, aussi, de la\u00A0production de la maison Bissardon, Cousin et Bony.\u00A0Les cousins Bissardon, on le sait, s'\u00E9taient sp\u00E9cialis\u00E9s, d\u00E8s avant leur association avec Jean-Fran\u00E7ois Bony, dans la production de luxueux velours, parfois enrichis d'or ou d'argent. Le mus\u00E9e des Tissus conserve plusieurs laizes des velours produits par la maison Bissardon, Cousin et Bony, pour les Palais imp\u00E9riaux (inv. MT 26957, MT 29913\u00A0et MT 26959.1)\u00A0ou pour d'autres commanditaires (inv. MT 26698, MT 26698.2, MT 34504, MT 26960, MT 26965, MT 30931).\nIl conserve, en outre, la bordure qui compl\u00E8te la tenture des Appartements de l'Imp\u00E9ratrice au Palais Pitti (inv. MT 26956.10).\nMaximilien Durand"@fr . . . "2021-02-10T00:00:00"^^ .