"2021-02-10T00:00:00"^^ . . . "Le meuble en velours vert cisel\u00E9 fond satin formant r\u00E9serves pour \u00EAtre rebrod\u00E9es en or, chenille et soie de diverses couleurs, a \u00E9t\u00E9 command\u00E9 \u00E0 la maison Bissardon, Cousin et Bony pour le cabinet de repos de l'Imp\u00E9ratrice au Palais de Versailles par soumission du 8 juin 1811, accept\u00E9e par Alexandre Desmazis le 14 et approuv\u00E9e par Pierre Daru le 20. Douze \u00E0 quatorze mois \u00E9taient n\u00E9cessaires pour la fabrication du velours.\nLe mus\u00E9e des Tissus conserve le projet initial du dessin de\u00A0la tenture. Il est contenu dans\u00A0un carnet de dessins\u00A0utilis\u00E9 par Jean-Fran\u00E7ois Bony entre 1802 et 1816 (inv. MT 27638).\u00A0Au folio 47, Jean-Fran\u00E7ois Bony a esquiss\u00E9 un projet \u00E0 la mine de plomb et \u00E0 la gouache, qui pr\u00E9sente des m\u00E9daillons or en forme de losange sur la pointe, avec une bordure perl\u00E9e, li\u00E9s par de longs culots d'o\u00F9 jaillissent trois fleurs. Un sem\u00E9 de fleurs compl\u00E8te le fond. Des losanges d'\u00E9pine antique, reliant les culots entre eux et enfermant les m\u00E9daillons \u00E0 sujet, ont \u00E9t\u00E9 ajout\u00E9s \u00E0 la mine de plomb, ainsi que des sujets dans les m\u00E9daillons, un carquois avec un arc et une fl\u00E8che entrecrois\u00E9s, une lyre accompagn\u00E9e de branches fleuries, une coquille enrichie d'ornements, supportant une guirlande, et un vase antique entre deux branches de laurier.\nDes annotations manuscrites accompagnent le projet. Les premi\u00E8res figurent sur le folio 46, en regard \u00E0 gauche.\u00A0Le dessinateur\u00A0pr\u00E9cise qu'il faut \u00AB faire cet article sur nos metier (sic) en 2 chemin (sic)/ a (sic) pointe tout brocher un lat dorure sur le/quel on fera broder des sujets \u00BB. En dessous du projet, sur la page de droite, on lit \u00AB fond satin vert \u00E9m\u00E9raude (sic) fonc\u00E9/ f(on)d blanc/ fond martre non fonc\u00E9 \u00BB.\u00A0C'est l'unique attestation, dans le carnet,\u00A0d'un meuble fond satin destin\u00E9 \u00E0 \u00EAtre rebrod\u00E9 apr\u00E8s tissage. C'est aussi le seul projet pour lequel la couleur \u00AB vert \u00E9meraude fonc\u00E9 \u00BB est mentionn\u00E9e.\u00A0On reconna\u00EEt donc la premi\u00E8re id\u00E9e pour le meuble en velours vert cisel\u00E9 destin\u00E9 au cabinet de repos de l'Imp\u00E9ratrice au Palais de Versailles, m\u00EAme si, en comparant le meuble ex\u00E9cut\u00E9 et le projet gouach\u00E9, on constate que le dessin a beaucoup \u00E9volu\u00E9. C'est bien souvent le cas pour les commandes imp\u00E9riales. On retrouve cependant l'organisation en compartiments (hexagonaux sur le meuble, et encadr\u00E9s, en haut et en bas, par deux grands m\u00E9daillons), les longs culots fleuris (ils sont dispos\u00E9s de mani\u00E8re \u00E0 former un r\u00E9seau losang\u00E9 sur le meuble), et jusqu'au m\u00E9daillon central, ajout\u00E9 \u00E0 la mine de plomb sur le projet, cantonn\u00E9 de deux culots d'acanthe, entre les compartiments, et le motif du vase entre deux branches en cam\u00E9e.\nSur la version d\u00E9finitive, le d\u00E9cor repr\u00E9sente un vase \u00E0 l'antique, contenu dans un hexagone, alternant avec une rosace dans des ornements et des couronnes de fleurs. Les \u00E9l\u00E9ments sont li\u00E9s entre eux par des culots et des fleurs, tandis que de\u00A0gr\u00EAles rinceaux animent le fond. La laize du mus\u00E9e des Tissus et la bordure qui l'accompagne ont \u00E9t\u00E9 enti\u00E8rement brod\u00E9es de soie nuanc\u00E9e, de chenille de soie, de fris\u00E9 et de fil\u00E9 m\u00E9talliques dor\u00E9s. Ce sont les seuls exemplaires connus qui comportent ce d\u00E9cor de broderie. Il s'agit tr\u00E8s certainement de l'essai qui a \u00E9t\u00E9 r\u00E9alis\u00E9 pour juger de l'effet des broderies sur les r\u00E9serves de satin. Le co\u00FBt trop important de l'op\u00E9ration et les d\u00E9lais d'ex\u00E9cution ont fait renoncer \u00E0 ce projet, et les \u00E9toffes envoy\u00E9es de Lyon le 15 octobre 1812 au Garde-Meuble\u00A0ont \u00E9t\u00E9\u00A0simplement r\u00E9alis\u00E9e en velours cisel\u00E9, non brod\u00E9. Elles comportaient 86 m\u00E8tres 40 de tenture \u00E0 48 francs le m\u00E8tre ; 56 m\u00E8tres 20 pour bordure de tenture 9 pouces \u00E0 deux chemins (soit 112 m\u00E8tres 40 de bordure courante), \u00E0 dessin formant une suite de losanges \u00E0 palmettes li\u00E9s par des rosaces et des ornements,\u00A0\u00E0 48 francs le m\u00E8tre ; 26 m\u00E8tres pour bordure de si\u00E8ges,\u00A0deux de 3 pouces (soit 52 m\u00E8tres de bordure courante), quatre de 1 pouce 9 lignes (soit 104 m\u00E8tres de bordure courante), deux de 1 pouce 3 lignes (soit 52 m\u00E8tres de bordure courante), \u00E0 48 francs le m\u00E8tre ; 25 m\u00E8tres 20 d'\u00E9toffe pour 12 fauteuils et\u00A012 chaises, dessin \u00E0 lyre pour dossiers, \u00E0 rosace et ornements de fleurs pour fonds de si\u00E8ges,\u00A0\u00E0 48 francs le m\u00E8tre\u00A0(Paris, Mobilier national, inv. GMMP 727 \u2014 tenture \u2014, GMMP 728 \u2014 si\u00E8ges \u2014, GMMP 3879 \u2014 bordures pour tentures \u2014, GMMP 729, GMMP 730 et GMMP 731 \u2014 bordures pour si\u00E8ges \u2014). Le mus\u00E9e des Tissus conserve \u00E9galement un \u00E9l\u00E9ment de bordure neuf pouces pour tenture, non brod\u00E9 (inv. MT 26959.2).\nLes \u00E9toffes ont \u00E9t\u00E9 expos\u00E9es \u00E0 l'air et au soleil avec succ\u00E8s du 5 novembre 1812 au 12 janvier 1813. La livraison fut enregistr\u00E9e au Journal du Garde-Meuble le 24 mars 1813. N\u00E9anmoins, le meuble en velours cisel\u00E9, fond satin, ne fut utilis\u00E9 ni sous l'Empire, ni sous la Restauration. Ce n'est qu'en 1838 que le tapissier Pr\u00E9vost utilisa pour la premi\u00E8re fois les bordures pour le Palais de l'\u00C9lys\u00E9e. C'est encore pour l'\u00C9lys\u00E9e, quand le palais devint la r\u00E9sidence du Prince-Pr\u00E9sident Louis-Napol\u00E9on Bonaparte, que le tapissier Ternisien utilisa tenture et bordures.\nLes \u00E9toffes avaient \u00E9galement servi en 1847 pour l'h\u00F4tel du Garde-Meuble (bordure 9 pouces) et pour le Service des Magasins (bordure 3 pouces). Entre 1850 et 1852, 53 m\u00E8tres 60 d'\u00E9toffe pour tenture ont \u00E9t\u00E9 utilis\u00E9s sans \u00EAtre port\u00E9s en sortie sur le livre d'inventaire du Garde-Meuble.\nL'essai de broderie pour tenture du cabinet de repos de l'Imp\u00E9ratrice a \u00E9t\u00E9 acquis \u00E0 l'issue de l'Exposition universelle de 1900, avec un ensemble d'\u00E9toffes r\u00E9alis\u00E9es par la maison Bissardon, Cousin et Bony ou par la maison Chuard et Cie sous l'Empire et les premi\u00E8res ann\u00E9es de la Restauration. On sait que Pierre-Toussaint D\u00E9chazelle avait c\u00E9d\u00E9 son fonds, \u00E0 une date inconnue, \u00E0 Charles Corderier qui s'associa sous l'Empire \u00E0 Marie-Jacques Lemire. Entre 1829 et 1834, Corderier et Lemire reprirent la fabrique de Chuard, qui lui-m\u00EAme avait repris le fonds Bissardon, enrichi des archives de Marie-Olivier Desfarges. Lemire poursuivit son activit\u00E9 sous la raison sociale Lemire et Cie, puis Lemire p\u00E8re et fils. En 1865, la manufacture connaissant des difficult\u00E9s, elle fut vendue, avec tout son fonds d'archives, \u00E0 Antoine Lamy et Auguste Giraud. En 1900, \u00C9douard Lamy, fils d'Antoine, s'associait \u00E0 Romain Gautier. On ne s'\u00E9tonnera donc pas que plusieurs \u00E9toffes cr\u00E9\u00E9es par la maison Bissardon, Cousin et Bony entre 1811 et 1815 aient rejoint les collections du mus\u00E9e des Tissus, par le truchement de la maison Lamy et Gautier. C'est le cas, par exemple, de la laize de velours cisel\u00E9 bleu lam\u00E9 or \u00E0 rosaces et plantes imp\u00E9riales command\u00E9e en 1811 pour le deuxi\u00E8me salon d'appartement d'honneur au Palais de Versailles (inv. MT 26957) acquis, lui aussi, apr\u00E8s l'Exposition universelle de 1900.\nMaximilien Durand"@fr .