"2021-02-10T00:00:00"^^ . . "Les circonstances de la cr\u00E9ation de ce panneau, dont le mus\u00E9e des Tissus poss\u00E8de deux autres exemplaires (inv. MT 24495 et MT 24591.3),\u00A0sont bien connues. Il s'agit d'une des premi\u00E8res r\u00E9alisations en soie d'Alg\u00E9rie, command\u00E9es pour \u00EAtre pr\u00E9sent\u00E9es \u00E0 l'Exposition universelle de Paris en 1855. Le Rapport sur les produits de l'Alg\u00E9rie \u00E0 l'Exposition universelle de 1855\u00A0publi\u00E9 par Edmond Bouvy, commissaire d\u00E9l\u00E9gu\u00E9 du ministre de la Guerre, indique que sur les instructions de\u00A0Louis Majorel, pr\u00E9fet d'Oran, \u00AB la maison Godemard, Meynier, Delacroix et compagnie,\u00A0\u00E0 Lyon,\u00A0a fait confectionner, avec des soies de la province d'Oran, plusieurs genre de tissus, tels que brocatelle turquoise et blanc, reps ondul\u00E9 vert et blanc, brocatelle mode et blanc, taffetas uni blanc, broch\u00E9 blanc et broch\u00E9 grenat pour rideaux, et enfin un magnifique groupe de fleurs broch\u00E9es sur un fond blanc, destin\u00E9 \u00E0 Sa Majest\u00E9 l'Imp\u00E9ratrice. Tous ces tissus \u00E9taient fort beaux et compl\u00E9taient l'enseignement\u00A0r\u00E9sultant de tissus fabriqu\u00E9s avec les soies de la province d'Oran. \u00BB D'autres maisons avaient \u00E9t\u00E9 sollicit\u00E9es pour faire la d\u00E9monstration de l'excellence des soies alg\u00E9riennes. \u00AB La maison Savoye, Ravier et Chanut\u00A0avait fabriqu\u00E9 des velours coup\u00E9s, 25 p. \u00E9meraude ; de la brocatelle antique, 72 c., noir et bluet ; du p\u00E9kin-brocatelle, 72 c., gris et blanc ; du taffetas uni, 64, bluet ; la maison Mathevon et Bouvard, de la veloutine, 75/100, mode et bluet, ; du p\u00E9kin, 90/100, blanc et rose broch\u00E9 nuance ; de la veloutine, 60/100,\u00A0noire et diverses couleurs ; de la brocatelle, 55/100, couleur d'or broch\u00E9 nuance ; la maison Lemire p\u00E8re et fils, de l'\u00E9toffe broch\u00E9e \u00E0 bouquets fond blanc ; la maison Heckel a\u00EEn\u00E9 et compagnie, du satin 57/100, gris fin cuit, et du satin Isly cuit. Tous ces tissus avaient \u00E9t\u00E9 fabriqu\u00E9s en vue de l'Exposition universelle, sur la commande de MM. James Bianchi et Duseigneur, et conform\u00E9ment aux instructions de M. Lautour-M\u00E9zerai, pr\u00E9fet d'Alger, par les habiles metteurs en \u0153uvre dont les noms viennent d'\u00EAtre cit\u00E9s, et qui se sont empress\u00E9s, avec un soin et un d\u00E9vouement dignes d'\u00E9loges, \u00E0 faire ressortir les qualit\u00E9s essentielles, solides et brillantes, des soies de l'Alg\u00E9rie. \u00BB \u00C0 l'issue de l'Exposition universelle, la maison Godemard, Meynier et Delacroix est gratifi\u00E9e d'une m\u00E9daille d'honneur dans la vingt-et-uni\u00E8me classe \u00AB Industrie des soies \u00BB : \u00AB Cette maison est une de celles qui ont port\u00E9 la fabrication des \u00E9toffes fran\u00E7aises au plus haut degr\u00E9 de perfection. Elle expose des soieries broch\u00E9es ou espoulin\u00E9es par le battant brocheur et par les proc\u00E9d\u00E9s nouveaux dus \u00E0 M. Meynier. Ses produits sont remarquables par la vari\u00E9t\u00E9 du dessin et des dispositions. \u00BB Prosper Meynier re\u00E7oit aussi, dans la septi\u00E8me classe \u00AB M\u00E9canique sp\u00E9ciale et mat\u00E9riel des manufactures de tissus \u00BB,\u00A0une grande m\u00E9daille d'honneur pour \u00AB plusieurs inventions m\u00E9caniques tr\u00E8s remarquables, dont la principale a pour objet et r\u00E9sultat de donner au fabricant des moyens faciles de produire, sur les \u00E9toffes de toute esp\u00E8ce, broch\u00E9es ou lanc\u00E9es, par la diversit\u00E9 des armures, les effets qu'on ne peut obtenir, avec les proc\u00E9d\u00E9s ordinaires, qu'en employant des m\u00E9tiers compliqu\u00E9s, qui rendent le travail de l'ouvrier aussi p\u00E9nible que lent, et qui entra\u00EEnent des frais doubles de ceux du syst\u00E8me Meynier. (...) Dans les \u00E9toffes riches, on divise ordinairement les fils de cha\u00EEne en petits faisceaux, dont chacun est pass\u00E9 \u00E0 travers les trous d'un seul maillon, et, par cons\u00E9quent, tous les fils du faisceau sont lev\u00E9s simultan\u00E9ment par le crochet qui supporte ce maillon. M. Meynier a eu l'heureuse id\u00E9e de diviser chaque faisceau en deux parties \u00E9gales ou in\u00E9gales, qui sont port\u00E9es par deux maillons suspendus, au moyen de leurs cordes d'arcades, au m\u00EAmpe crochet, et d'ajouter des cordes de secours suppl\u00E9mentaires qui attachent le maillon de gauche de chaque crochet au crochet voisin, et ainsi de suite pour tous les maillons et crochets \u00E0 gauche du m\u00E9tier ; chaque crochet enl\u00E8ve, en cons\u00E9quence, non seulement son propre faisceau de la cha\u00EEne, mais aussi la partie du faisceau \u00E0 droite que supporte le maillon voisin. Ainsi, le fil de trame passe alternativement entre les faisceaux et par le milieu de ces faisceaux, ce qui accro\u00EEt de beaucoup la finesse et la vari\u00E9t\u00E9 des liages du dessin. Voil\u00E0, en peu de mots, le principe que M. Meynier a diversifi\u00E9 de plusieurs mani\u00E8res dans ses applications pratiques, et qui a produit des r\u00E9sultats importants pour l'industrie lyonnaise. La seconde invention de cet habile m\u00E9canicien consiste dans des perfectionnements remarquables appliqu\u00E9s au battant brocheur qui porte son nom et a d\u00E9j\u00E0 rendu de notables services \u00E0 l'industrie du tissage. Ces am\u00E9liorations lui permettent de brocher sur des \u00E9tendues plus grandes qu'\u00E0 l'origine de l'emploi de ce battant. Les plus beaux effets de broch\u00E9 que l'on remarque dans la vitrine de MM. Godemard, Meynier et Delacroix r\u00E9sultent des ing\u00E9nieuses modifications auxquelles nous faisons allusion, aussi bien que de la riche et savante combinaison des dessins dus au dernier de ces trois associ\u00E9s. La troisi\u00E8me invention de M. Prosper Meynier concerne les perfectionnements apport\u00E9s \u00E0 la construction de la navette, et aux chasse-navettes qui permettent de transformer un m\u00E9tier ordinaire en un m\u00E9tier \u00E0 plusieurs pi\u00E8ces, avec des avantages qu'on n'avait pu atteindre jusqu'ici. Pour l'ensemble de ces perfectionnements et des services rendus \u00E0 l'industrie du tissage dans la ville de Lyon, le Jury a d\u00E9cern\u00E9 \u00E0 cet ing\u00E9nieux m\u00E9canicien une grande m\u00E9daille d'honneur. \u00BB Baptiste Fournier, chef d'atelier de la maison Godemard, Meynier et Delacroix, re\u00E7oit aussi une m\u00E9daille de deuxi\u00E8me classe pour son \u00AB habilet\u00E9 exceptionnelle \u00BB et son \u00AB\u00A0excellente conduite\u00A0\u00BB dans la vingt-et-uni\u00E8me classe \u00AB\u00A0Industrie des soies\u00A0\u00BB. Le panneau avec un bouquet fleuri, \u00AB d\u00E9di\u00E9 \u00E0 Sa Majest\u00E9 l'Imp\u00E9ratrice des Fran\u00E7ais \u00BB, est donc con\u00E7u comme un chef-d'\u0153uvre d'exposition qui r\u00E9v\u00E8le toutes les possibilit\u00E9s offertes par l'utilisation de soies alg\u00E9riennes, en provenance d'Oran, et par les am\u00E9liorations apport\u00E9es au m\u00E9tier par Prosper Meynier. Le dessin, d\u00E9licat, est d\u00FB \u00E0 Napol\u00E9on Delacroix. Le rapport de dessin est de trente-neuf centim\u00E8tres de haut sur vingt-six centim\u00E8tres de large (soit un chemin). Joseph G\u00E9rard, le critique auteur des Lettres d'un marchand de Paris sur l'exposition universelle des soieries publi\u00E9es \u00E0 Lyon en 1855 d\u00E9crit ainsi l'exposition de la maison Godemard, Meynier et Delacroix : \u00AB\u00A0En parcourant la rang\u00E9e immense des vitrines qui appartiennent \u00E0 MM. Godemard, Meynier et Delacroix d'une part, et \u00E0 MM. Mathevon et Bouvard de l'autre, nous nous sommes crus devant une exhibition de peinture. Avec plus d'attention, nous remarquons que c'est un parterre \u00E9maill\u00E9 des fleurs les plus vari\u00E9es et les plus coquettes qui soient au monde ; plus d'une fois, le soleil s'y est tromp\u00E9, et a trait\u00E9 ces pauvres fleurs comme de vraies fleurs, en faisant passer la fra\u00EEcheur de leur beaut\u00E9. Un papillon qui, d'avanture, se serait \u00E9gar\u00E9 dans ces vitrines qu'il aurait prises pour des serres se serait, comme le soleil, tromp\u00E9 \u00E0 leur d\u00E9licatesse, \u00E0 l'harmonieuse vivacit\u00E9 de leur coloris. Ce peu de vari\u00E9t\u00E9 de tons et d'effets tient, chez ces deux fabricants, \u00E0 l'emploi uniforme du broch\u00E9. MM. Godemard et Meynier, inventeurs d'un syst\u00E8me de montage de m\u00E9tiers qui promet une grande vari\u00E9t\u00E9 d'armures dans les articles de plusieurs fils \u00E0 la d\u00E9coupure, ont tir\u00E9 tout le parti possible de cette invention. C'est surtout par l'ing\u00E9nieux et \u00E9conomique emploi des moyens m\u00E9caniques que cette maison a \u00E9tabli sa sup\u00E9riorit\u00E9.\u00A0\u00BB Cinq ans apr\u00E8s la r\u00E9alisation de cette \u00E9toffe, lors de la venue de Napol\u00E9on III et Eug\u00E9nie \u00E0 Lyon, la maison renouvelle l'hommage qu'elle avait fait \u00E0 l'Imp\u00E9ratrice au cours de l'Exposition universelle en l'invitant \u00E0 brocher quelques fleurs sur un m\u00E9tier \u00E9quip\u00E9 du battant invent\u00E9 par Prosper Meynier. Ils avaient eu la pr\u00E9caution de faire tisser sur le bord de l'\u00E9toffe les mots suivants : \u00AB Ex\u00E9cut\u00E9 le 25 ao\u00FBt 1860 par l'Imp\u00E9ratrice \u00BB.\u00A0\u00AB l'Imp\u00E9ratrice, en poussant un ressort, ce qui ne demande que l'effort d'un seul doigt, a broch\u00E9 quelques fleurs avec une gr\u00E2ce infinie. Sa Majest\u00E9 avait conduit le battant-brocheur pendant que l'ouvri\u00E8re, pr\u00E9pos\u00E9e \u00E0 ce m\u00E9tier, mettait en mouvement l'ensemble de sa machine. Apr\u00E8s le d\u00E9part de Leurs Majest\u00E9s, on a demand\u00E9 \u00E0 cette jeune ouvri\u00E8re si elle avait \u00E9t\u00E9 beaucoup intimid\u00E9e par leur pr\u00E9sence et par le voisinage imm\u00E9diat de l'Imp\u00E9ratrice, et elle a fait cette r\u00E9ponse d'une d\u00E9licieuse bonhomie : \u201CMais non, pas trop, l'Imp\u00E9ratrice a tant d'affabilit\u00E9 ! Elle tenait joliment son battant ; elle a de la main ; c'est dommage qu'elle soit imp\u00E9ratrice ! Elle ferait une excellente canuse !\u201D \u00BB\nMaximilien Durand"@fr . .