"La chasuble dite ang\u00E9lique, est une rare variante brod\u00E9e de l'ornement\u00A0extraordinaire, tiss\u00E9,\u00A0con\u00E7u par Joseph-Alphonse Henry (1836-1913) d\u00E8s 1888-1889, et r\u00E9alis\u00E9 entre 1891 et 1906 pour l'ensemble des pi\u00E8ces qui le composent. Cet ornement a \u00E9t\u00E9 commercialis\u00E9 par la maison Henry J.-A., puis par ses successeurs, Truchot J. et Grassis (1908-1919) puis Truchot J. et\u00A0Cie jusqu'au Concile de Vatican II probablement. La soci\u00E9t\u00E9 a cess\u00E9 son activit\u00E9 en 1977. Les h\u00E9ritiers de cette soci\u00E9t\u00E9 ont fait don de\u00A0cette chasuble et d'un ensemble de pi\u00E8ces remarquables constituant le fonds d'archive de la maison Henry-Truchot au mus\u00E9e des Tissus. \nLes \u00E9l\u00E9ments principaux de cet ornement, chasuble, dalmatiques et chape,\u00A0d\u00E9clinent un programme iconographique particuli\u00E8rement soign\u00E9.\u00A0Celui-ci\u00A0a \u00E9t\u00E9 command\u00E9 en 1888-1889 par Joseph-Alphonse Henry\u00A0au peintre\u00A0Gaspard Poncet (1820-1892), artiste religieux qui a fourni de nombreux mod\u00E8les de verri\u00E8res, de mosa\u00EFques, de peintures (\u00E9glise Saint-Nizier, basilique Notre-Dame de Fourvi\u00E8re, caveau de saint Pothin \u00E0 l'h\u00F4pital de l'Antiquaille, par exemple) ou des programmes pour l'orf\u00E8vrerie (pour Armand-Calliat, notamment). La maison Henry J.-A., qui avait succ\u00E9d\u00E9 en 1867 \u00E0 la maison Henry Fr\u00E8res (Alphonse et Charles) et Jouve (Hippolyte),\u00A0sp\u00E9cialis\u00E9e dans les ornements d'\u00E9glises, dorure et soieries pour ameublement, avait \u00E9t\u00E9 distingu\u00E9e d'une m\u00E9daille d'argent \u00E0 l'Exposition universelle de Paris en 1867, d'une m\u00E9daille d'or \u00E0 l'Exposition maritime internationale du Havre en 1868, d'une m\u00E9daille d'honneur \u00E0 l'Exposition religieuse de Rome en 1870 et d'un dipl\u00F4me d'honneur \u00E0 l'Exposition internationale de Lyon en 1872, d'une m\u00E9daille de progr\u00E8s et d'une m\u00E9daille de m\u00E9rite \u00E0 l'Exposition universelle de Vienne en 1873 et d'une m\u00E9daille d'or \u00E0 l'Exposition universelle de Paris de 1878.\nLe mus\u00E9e des Tissus conserve\u00A0cinq dessins pr\u00E9paratoires de la chasuble appartenant \u00E0 l'ornement dit\u00A0ang\u00E9lique ou aux anges (inv. MT 49282, MT 49283.1, MT 49283.2, MT 49283.3\u00A0et MT 49284). Trois dessins (inv. MT 49283.1, MT 49283.2 et\u00A0MT 49283.3) figurent le devant de la chasuble, dans sa forme \u00AB fran\u00E7aise \u00BB, c'est-\u00E0-dire avec encolure trap\u00E9zo\u00EFdale et galons verticaux divisant la composition en trois zones. Un dessin repr\u00E9sente le haut du dos de la chasuble de forme \u00AB fran\u00E7aise \u00BB, c'est-\u00E0-dire avec croix dans le dos\u00A0(inv. MT 49282). Le mus\u00E9e des Tissus conserve par ailleurs un exemplaire de l'ornement ang\u00E9lique\u00A0avec chasuble de forme \u00AB fran\u00E7aise \u00BB (inv. MT 36332), bourse (inv. MT 36331), voile de calice (inv. MT 36333), manipule (inv. MT 36334) et \u00E9tole (inv. MT 36335). Le quatri\u00E8me dessin pr\u00E9paratoire de Gaspard Poncet\u00A0(inv. MT 49284) pr\u00E9voit une variante pour une encolure de chasuble de type \u00AB\u00A0espagnol \u00BB (devant de la chasuble) n\u00E9cessitant une autre mise en carte.\u00A0Le mus\u00E9e des Tissus conserve un exemplaire de chasuble de type \u00AB\u00A0espagnol \u00BB (inv. MT 51441.2) qui\u00A0fait partie d'un ornement complet, comprenant une chape (inv. MT 51441.1), deux dalmatiques avec leur collet\u00A0(inv. MT 51441.3.1\u00A0avec MT 51441.3.2, et MT 51441.4.1 avec MT 51441.4.2), trois manipules (inv. MT 51441.5.1, MT 51441.5.2 et MT 51441.5.3), une \u00E9tole (inv. MT 51441.7) et deux \u00E9toles diaconales (inv. MT 51441.6.1 et MT 51441.6.2), un voile hum\u00E9ral (inv. MT 51441.8) et un voile de calice (inv. MT 51441.9). Tous ces exemplaires sont ex\u00E9cut\u00E9s en lampas fond satin,\u00A0deux lats de lanc\u00E9 (et trame d\u2019accompagnement), li\u00E9s en serg\u00E9 et \u00E0 plusieurs effets, au moyen de\u00A0soie, de fil\u00E9 et de lame m\u00E9talliques dor\u00E9s, de fil\u00E9, de lame et de fris\u00E9 m\u00E9talliques argent\u00E9s. La dominante or de l'ornement ang\u00E9lique a contribu\u00E9 \u00E0 assurer son succ\u00E8s.\nLa transcription des dessins en mise en carte, sur papier r\u00E9gl\u00E9 de dix en dix,\u00A0a \u00E9t\u00E9 confi\u00E9e \u00E0 Christophe Gerbaud pour \u00EAtre ex\u00E9cut\u00E9s au moyen d'un m\u00E9tier \u00E9quip\u00E9 de m\u00E9canique Verdol. Le livre de cartons de la maison Henry, conserv\u00E9 dans les archives de la maison Prelle, \u00E0 Lyon,\u00A0indique sous le num\u00E9ro de patron 2327 que les premi\u00E8res tirelles d'\u00E9chantillon pour le devant de la \u00AB chasuble aux anges \u00BB\u00A0datent du 26 mars 1889 (pour le dos) et du 31 ao\u00FBt 1889 (pour le devant). Lors de l'Exposition universelle de Paris, en 1889, la maison J.-A. Henry est gratifi\u00E9e d'un Grand prix, mais la chasuble\u00A0ang\u00E9lique n'est pas pr\u00E9sent\u00E9e \u00E0 cette occasion. Elle sera r\u00E9v\u00E9l\u00E9e en 1891, avec son \u00E9tole, son manipule, son voile de calice et sa bourse. Le premier exemplaire a \u00E9t\u00E9 port\u00E9 par Joseph-Alfred, cardinal Foulon (1823-1893), archev\u00EAque de Lyon, pour la c\u00E9r\u00E9monie du jour de P\u00E2ques \u00E0 la primatiale Saint-Jean. Elle est d\u00E9crite par James Condamin dans un article intitul\u00E9 \u00AB\u00A0La Chasuble ang\u00E9lique\u00A0\u00BB, publi\u00E9 dans la Revue hebdomadaire du dioc\u00E8se de Lyon,\u00A0le 5 juin 1891 (p. 794-796) : \u00AB La Chasuble ang\u00E9lique, ainsi appel\u00E9e parce que des groupes d'anges y forment tous les motifs de d\u00E9coration qui accompagnent le sujet principal, n'est rien moins dans son ensemble qu'une magnifique page de peinture, o\u00F9 le tissage en brocart d'or a remplac\u00E9 le travail du pinceau.\nImaginez une toile de l'\u00C9cole de Sienne ou des primitifs de Florence d\u00E9tach\u00E9e de son cadre et transpos\u00E9e sur une riche \u00E9toffe de soie. D'une part, au dos de la chasuble, l'artiste a esquiss\u00E9 une de ces sc\u00E8nes \u00E9vang\u00E9liques si famili\u00E8res aux ma\u00EEtres de la Renaissance. Au bas du tableau, en effet, sur la sainte montagne, les ap\u00F4tres entourent la Vierge, les yeux fix\u00E9s sur Notre Seigneur qui monte\u00A0vers les\u00A0cieux. \u00C0 la partie sup\u00E9rieure, le Ma\u00EEtre ouvre les bras pour b\u00E9nir, sa physionomie s'\u00E9l\u00E8ve sur un nimbe de gloire, et il occupe le centre d'un second groupe o\u00F9 plane le Saint-Esprit surmont\u00E9 de la figure symbolique de Dieu le P\u00E8re. Entre les deux sujets, des anges, aux ailes d\u00E9ploy\u00E9es et aux robes flottantes, portent une banderole o\u00F9 se lisent les mots Gloria in excelsis Deo, pendant que de toutes parts accourent, en rangs serr\u00E9s, des phalanges de ch\u00E9rubins, de s\u00E9raphins et d'esprits c\u00E9lestes pour adorer le Fils de Dieu et c\u00E9l\u00E9brer sa gloire sur divers instruments de musique. \nD'autre part, le devant de la chasuble est consacr\u00E9 \u00E0 chanter le po\u00E8me de Marie. C'est la Vierge ici qui triomphe :\u00A0l'Enfant J\u00E9sus entre les bras, elle se d\u00E9tache d'un nimbe d'argent, sur un fond d'or plus p\u00E2le ;\u00A0tout autour s'\u00E9chelonnent de nouveaux groupes d'anges qui pr\u00E9ludent \u00E0 leur concert \u00E0 la M\u00E8re du Sauveur :\u00A0Mater Salvatoris, tel est, en effet, le th\u00E8me du motif harmonieux que deux d'entre eux, portant des banderoles, indiquent \u00E0 leurs fr\u00E8res. \nEnfin, aux entournures des \u00E9paules, pour relier les deux grandes sc\u00E8nes d\u00E9j\u00E0 indiqu\u00E9es, des myriades d'anges, j'allais dire des \"semis\" de t\u00EAtes ang\u00E9liques comme perdues et noy\u00E9es dans l'infini de l'espace, m\u00E9nagent heureusement la transition, et sauvegardent \u00E0 la fois les exigences du go\u00FBt et les droits de la perspective.\nL'\u00E9tole, le manipule, le voile et la bourse sont trait\u00E9s de la m\u00EAme mani\u00E8re : partout des anges qui adorent et qui chantent ; partout des inscriptions succinctes et suggestives, emprunt\u00E9es aux cantiques de la c\u00E9leste J\u00E9rusalem et qui s'enroulent aux spirales des banderoles ; partout, en un mot, l'id\u00E9e de la R\u00E9demption et du sacrifice, comme, par exemple, dans cette repr\u00E9sentation de l'Agneau sans tache, au centre de l'hostie qui occupe le milieu du voile du calice.\nVoil\u00E0 pour la description sommaire des sujets, et en quelque sorte, pour la gen\u00E8se m\u00EAme de l'\u0153uvre.\nVoici maintenant pour son ex\u00E9cution. Dans un travail aussi complexe et o\u00F9 concourent un grand nombre de personnages, ce n'est pas un facile probl\u00E8me \u00E0 r\u00E9soudre que de bien m\u00E9nager les effets de perspective, de donner \u00E0 chaque sc\u00E8ne sa valeur r\u00E9elle et d'harmoniser l'ensemble de mani\u00E8re \u00E0 ce que tout s'y d\u00E9tache sans confusion. D'ordinaire, pour atteindre ce r\u00E9sultat, on s'aide principalement du bosselage et l'on arrive, avec des oppositions de creux et de reliefs, \u00E0 mettre en saillie les parties du dessin qu'on veut accentuer. Dans la Chasuble ang\u00E9lique,\u00A0comme dans toute \u0153uvre d'art indiscutablement belle, le moyen employ\u00E9 a \u00E9t\u00E9 plus sobre : c'est avec de simples traits de soie brune, \u00E0 l'imitation du travail des m\u00E9daillons et des ciselures \u00E0 petit relief, que les reliefs ont \u00E9t\u00E9 obtenus ; l'art ici s'est donc moqu\u00E9 de l'art et, comme chez le vieil Hom\u00E8re, o\u00F9, avec cette na\u00EFvet\u00E9 charmante, les costumes et les armures suffisent \u00E0 repr\u00E9senter l'histoire des h\u00E9ros et des dieux, l'auteur a r\u00E9ussi, avec le minimum de proc\u00E9d\u00E9s, \u00E0 \"brocateler\" ses tableaux et \u00E0 leur donner le maximum de v\u00E9rit\u00E9 et de vie. Si j'ajoute que la contexture de cette chasuble est un brocart d'or fin, j'en aurai vraisemblablement assez dit pour faire comprendre que la richesse du fond r\u00E9pond aux magnificences de la forme et que, dans la Chasuble ang\u00E9lique, tout concourt \u00E0 faire, selon la tr\u00E8s juste remarque d'un critique anglais, une \u0153uvre unique et exquise : This unique and exquisite specimen of rich Gold Brocade !\nLa soierie lyonnaise, chacun le sait, n'en est plus, en l'esp\u00E8ce, \u00E0 compter ses triomphes : la sup\u00E9riorit\u00E9 de ses produits, c\u00E9l\u00E8bre dans tout l'univers, est partout incontest\u00E9e, et il y aurait un volume \u00E0 \u00E9crire sur les g\u00E9n\u00E9reux efforts tent\u00E9s par nos fabricants et sur les merveilleux r\u00E9sultats qu'ils ont obtenus. Ce n'est donc, en r\u00E9alit\u00E9, qu'un nouveau chef-d'\u0153uvre, ajout\u00E9 \u00E0 tant d'autres, dont M. J.-A. Henry vient d'enrichir notre manufacture d'\u00E9toffes religieuses ; mais encore fallait-il l'en f\u00E9liciter hautement et l'en remercier.\nSi j'excepte le don d'un de ces beaux calices sign\u00E9s d'Armand-Caillat \u2014 car ici encore la signature dit tout \u2014, je ne vois pas vraiment quel plus royal cadeau que la Chasuble ang\u00E9lique l'on pourrait offrir \u00E0 un jeune pr\u00EAtre, pour son ordination, ou encore \u00E0 un v\u00E9t\u00E9ran du sacerdoce, pour ses noces d'or. Peut-\u00EAtre y songera-t-on d\u00E9sormais, dans les familles et dans les paroisses, maintenant qu'on sera \u00E9difi\u00E9 sur l'existence de cet admirable travail, et sur sa valeur intrins\u00E8que. Les paroisses auront d'ailleurs d'autant plus de raisons d'y penser que M. J.-A. Henry se pr\u00E9occupe, en ce moment, de compl\u00E9ter bient\u00F4t son ornement par la cr\u00E9ation d'une chape, de dalmatiques, d'une \u00E9tole pastorale et d'un hum\u00E9ral qui seront ex\u00E9cut\u00E9s dans le m\u00EAme go\u00FBt et avec le m\u00EAme perfection.\nTout le monde souhaiterait, comme l'auteur de ce rapide aper\u00E7u, qu'il ne nous les fasse point trop attendre.\u00A0\u00BB \n\u00C0 l'Exposition universelle, internationale et coloniale\u00A0 de Lyon, en 1894, Joseph-Alphonse Henry expose l'exemplaire de la chasuble ang\u00E9lique non pas tiss\u00E9 en soie, or et argent, mais brod\u00E9. De forme \u00AB fran\u00E7aise \u00BB, cette chasuble, dont le d\u00E9cor est ex\u00E9cut\u00E9 par Marie-Anne Leroudier\u00A0(1838-1908), a \u00E9t\u00E9 conserv\u00E9e par le fabricant, puis par ses successeurs et leurs descendants, avant de rejoindre r\u00E9cemment, gr\u00E2ce \u00E0 la g\u00E9n\u00E9rosit\u00E9 de la famille Truchot, la collection du mus\u00E9e des Tissus, avec son \u00E9tole (inv. MT 2015.5.2) et sa bourse (inv. MT 2015.5.3), \u00E9galement brod\u00E9es. Elle rencontre un vif succ\u00E8s \u00E0 l'Exposition de 1894. Quatre ans plus tard, un ornement brod\u00E9 (comprenant une Chasuble ang\u00E9lique, une \u00E9tole, un manipule, un voile de calice, une bourse, une chape, un gr\u00E9mial, une pale, une mitre et un agenouilloir) est d'ailleurs command\u00E9 \u00E0 l'occasion de la nomination de monseigneur Joseph Rumeau (1849-1940)\u00A0au si\u00E8ge \u00E9piscopal d'Angers. L'ornement, ex\u00E9cut\u00E9 dans l'atelier de broderie de Marie-Anne Leroudier,\u00A0est livr\u00E9 au d\u00E9but de l'ann\u00E9e 1899, pour un montant total de plus de trente mille francs or. Propri\u00E9t\u00E9 de l'Association dioc\u00E9saine, il est\u00A0aujourd'hui conserv\u00E9 au Palais \u00E9piscopal d'Angers. Avec la chasuble du mus\u00E9e des Tissus, pr\u00E9sent\u00E9e en 1894, c'est le seul exemplaire brod\u00E9 du mod\u00E8le ang\u00E9lique.\nMarie-Anne Haug est n\u00E9e \u00E0 Belfort en 1838. Ses parents s'\u00E9tablirent \u00E0 Lyon alors qu'elle \u00E9tait encore enfant. Elle fut envoy\u00E9e \u00E0 l'\u00E9cole des S\u0153urs Saint-Charles des Brotteaux, o\u00F9 elle se fit remarquer pour son intelligence vive et son aptitude aux travaux d'aiguille. Elle compl\u00E9ta son apprentissage chez une brodeuse. En 1862, elle \u00E9pousait le dessinateur Jean Leroudier, collaborateur r\u00E9gulier de Joseph-Alphonse Henry. Gr\u00E2ce \u00E0 lui, elle commen\u00E7a \u00E0 r\u00E9unir une belle collection d'\u00E9toffes anciennes qui servirent son inspiration. Elle se fit inscrire au cours municipal de dessin dirig\u00E9 par Clotilde Ailliod. Deux ans apr\u00E8s son mariage, elle monta un atelier de broderie, sp\u00E9cialis\u00E9, entre autres, dans la restauration des pi\u00E8ces anciennes, assurant sa r\u00E9putation aupr\u00E8s des collectionneurs de Lyon, de Paris et de l'\u00E9tranger. Mais sa nature la poussait \u00E0 cr\u00E9er elle-m\u00EAme. L'une de ses premi\u00E8res \u0153uvres fut un portrait de son \u00E9poux Jean Leroudier, en m\u00E9daillon. D\u00E8s 1867, elle participe \u00E0 toutes les grandes manifestations internationales. Cette ann\u00E9e-l\u00E0, \u00E0 l'Exposition universelle de Paris, Marie-Anne Leroudier est gratifi\u00E9e d'une Mention honorable comme collaborateur de la maison Lamy et Giraud. \u00C0 l'Exposition universelle de Lyon, en 1872, elle obtient une M\u00E9daille de bronze comme collaborateur de la maison Henry J.-A., et deux autres M\u00E9dailles de bronze \u00E0 Paris, en 1878, la premi\u00E8re comme exposante et la seconde comme collaborateur de la maison Chatel et Tassinari. \u00C0 l'Exposition des Arts d\u00E9coratifs de Lyon, en 1884, elle obtient une M\u00E9daille d'or. L'ann\u00E9e suivante, c'est une autre M\u00E9daille d'or, qui fut la plus haute r\u00E9compense accord\u00E9e \u00E0 la broderie, qui lui est d\u00E9cern\u00E9e \u00E0 l'Exposition universelle d'Anvers. En 1887, \u00E0 la neuvi\u00E8me Exposition de l'Union centrale des Arts d\u00E9coratifs, \u00E0 Paris, elle obtient une M\u00E9daille d'excellence, seule m\u00E9daille accord\u00E9e pour le groupe \u00AB Broderies, dentelles et passementeries \u00BB. Elle triomphe \u00E0 nouveau \u00E0 l'Exposition universelle de Paris en 1889 avec la s\u00E9rie des panneaux inspir\u00E9s par Les douze mois grotesques de Claude III Audran, pour lesquels elle obtient une M\u00E9daille d'or dans la section des Arts lib\u00E9raux. La s\u00E9rie compl\u00E8te est aujourd'hui conserv\u00E9e au mus\u00E9e des Tissus (inv. MT 31206.1 \u00E0 MT 31206.12). L'auteur du compte rendu de l'Exposition universelle de 1889 publi\u00E9 par Adrien Storck et Henri Martin d\u00E9crit ainsi l'artiste : \u00AB Toute menue, figure expressive \u00E9clair\u00E9e par des yeux vifs qui p\u00E9tillent lorsqu'on parle avec elle de son art, sourcils noirs et cheveux l\u00E9gers que semble recouvrir la poudre du XIXe si\u00E8cle, voil\u00E0 notre brodeuse au physique. Une femme vaillante, la voil\u00E0 au moral. \u00BB En 1892, elle faisait partie du comit\u00E9 d'organisation de l'Exposition des Arts de la femme qui se tint au Palais de l'Industrie. Elle fut aussi membre des comit\u00E9s d'admission \u00E0 l'Exposition universelle de 1900. En 1888, la municipalit\u00E9 lyonnaise d\u00E9cidait de cr\u00E9er un cours municipal de broderie. La direction en fut confi\u00E9e \u00E0 Marie-Anne Leroudier, \u00E0 laquelle fut adjointe sa fille a\u00EEn\u00E9e, Jeanne-Marie-Catherine, \u00E9pouse Guillermet. Parmi les productions les plus remarquables de Marie-Anne Leroudier, on compte, en ameublement, les tentures de l'Op\u00E9ra de Paris et diff\u00E9rents ameublements tr\u00E8s riches pour les maisons de Paris \u2014 Fourdinois ou Krieger, par exemple \u2014 ou de Marseille \u2014 Blanqui \u2014 ; en v\u00EAtement, des costumes artistiques et arch\u00E9ologiques pour la maison Worth, et des robes et manteaux de cour pour la reine de Gr\u00E8ce et l'imp\u00E9ratrice de Russie ; en ornements d'\u00E9glise, la chasuble offerte par les Lyonnais au pape Pie IX, en 1869, la banni\u00E8re des d\u00E9put\u00E9s pour Paray-le-Monial, un ornement complet pour Notre-Dame-de-la-D\u00E9livrande \u00E0 Douvres-la-D\u00E9livrande, une banni\u00E8re pour l'archev\u00EAch\u00E9 de Lyon, la chasuble offerte par les catholiques de Lyon pour le jubil\u00E9 du pape L\u00E9on XIII, un devant d'autel pour la m\u00E9tropole de Ia\u0219i (ou Jassy) en Roumanie ; plusieurs tableaux brod\u00E9s reproduisant des peintures c\u00E9l\u00E8bres, dont un Christ en croix d'apr\u00E8s Van Dyck achet\u00E9 par la Chambre de Commerce pour son mus\u00E9e (inv. MT 23954) ; et bien s\u00FBr, la version brod\u00E9e, exceptionnelle, de l'ornement ang\u00E9lique.\nQuand se tient l'Exposition de 1894, Joseph-Alphonse Henry n'a pas encore r\u00E9alis\u00E9 les \u00E9l\u00E9ments qui devaient compl\u00E9ter la chasuble\u00A0ang\u00E9lique et ses accessoires, \u00E0 savoir les dalmatiques et la chape annonc\u00E9es d\u00E8s 1891. Outre l'exemplaire brod\u00E9 de la chasuble\u00A0ang\u00E9lique, la vitrine de la maison Henry pr\u00E9sente alors\u00A0: une chasuble en velours cramoisi, brod\u00E9 au point de Venise, sur la croix de laquelle se d\u00E9tache la croix du milieu contenant un m\u00E9daillon avec la Communion de saint Jean, aussi brod\u00E9e par Marie-Anne Leroudier sur un dessin de son \u00E9poux, Jean Leroudier\u00A0; une mitre de style gothique, sur fond cul de d\u00E9 d'or fin, avec personnages brod\u00E9s au petit point (les Sept dons du Saint-Esprit figur\u00E9s par sept s\u00E9raphins, les m\u00EAmes s\u00E9raphins ornant \u00E9galement le bord inf\u00E9rieur de la mitre ; c'est le mod\u00E8le ex\u00E9cut\u00E9 pour l'ornement brod\u00E9 de monseigneur Rumeau \u00E0 Angers, conserv\u00E9 au Palais \u00E9piscopal de cette ville) ; une chape, \u00E0 fond brocart d'or fin, \u00E0 m\u00E9daillons repr\u00E9sentant le concert des anges (le mus\u00E9e des Tissus en conserve un exemplaire, inv. MT 38673), aux orfrois et au chaperon en couchure relev\u00E9e, identiques \u00E0 ceux de grand pontifical de Lourdes (le chaperon orn\u00E9 de la sc\u00E8ne de la Nativit\u00E9) ; un panneau brod\u00E9 au point trembl\u00E9 formant le fond de la vitrine repr\u00E9sentant la Vierge \u00E0 l'Enfant entre sainte Marie-Madeleine, sainte Agn\u00E8s, sainte Marguerite, sainte Brigitte, sainte Catherine de Sienne, sainte Marie-Madeleine de'Pazzi, sainte Th\u00E9r\u00E8se d'Avila et sainte \u00C9lisabeth de Hongrie ; le drapeau offert par le comit\u00E9 de la presse de Lyon et de la r\u00E9gion \u00E0 l'empereur de Russie, \u00E0 l'occasion du passage des marins russes \u00E0 Lyon, avant son envoi au tsar ; un panneau fond velours cramoisi, brod\u00E9 au point boucl\u00E9, reproduisant une \u00E9toffe trouv\u00E9e \u00E0 Aix-la-Chapelle ; un brocart \u00E0 anges, fond azur, sem\u00E9 d'\u00E9toiles d'argent, avec des m\u00E9daillons gothiques o\u00F9 se d\u00E9tachent des groupes de trois anges chantant et s'accompagnant sur des instruments divers, en soie nuanc\u00E9e ; une \u00E9toffe pour meuble, fond cr\u00E8me, travers\u00E9 par une dentelle d'or, sur lequelle se d\u00E9tache des bouquets d'orchid\u00E9es ; une \u00E9toffe avec d\u00E9cor d'orchid\u00E9es ; et des \u00E9toffes pour meubles et pour robes \u00E0 d\u00E9cor Louis XV et Louis XVI.\nEn 1897, Joseph-Alphonse Henry compl\u00E8te la chasuble\u00A0ang\u00E9lique par les dalmatiques annonc\u00E9es, avec leurs accessoires. Elles sont tiss\u00E9es sur le mod\u00E8le fourni par Gaspard Poncet d\u00E8s 1888-1889. Le mus\u00E9e des Tissus conserve \u00E9galement les dessins pr\u00E9paratoires pour le devant de la dalmatique avec la Nativit\u00E9 (inv. MT 49285.1) et pour le dos avec la sc\u00E8ne montrant J\u00E9sus parmi les docteurs (inv. MT 49285.2), ainsi que pour le devant de la tunique avec la sc\u00E8ne de la Remise des clefs \u00E0 saint Pierre (inv. MT 49286.2 et MT 49286.3) et du dos avec l'Entr\u00E9e \u00E0 J\u00E9rusalem (inv. MT 49286.1). La date de leur ex\u00E9cution,\u00A0qui \u00E9tait rest\u00E9e incertaine, est aujourd'hui connue avec certitude gr\u00E2ce au chef de pi\u00E8ce sign\u00E9 et dat\u00E9\u00A0conserv\u00E9 sur les laizes des deux dalmatiques non mont\u00E9es r\u00E9cemment entr\u00E9es dans les collections du mus\u00E9e des Tissus (inv. MT 2015.5.4 et MT 2015.5.5) avec le don de la famille Truchot. Il n'existe aucune version brod\u00E9e de ces dalmatiques, puisque le pontifical de monseigneur Rumeau, \u00E0 Angers, ne les avait pas int\u00E9gr\u00E9es.\nD\u00E8s 1898, le mod\u00E8le de la chape est d\u00E9j\u00E0 \u00E9labor\u00E9, toujours sur des dessins de Gaspard Poncet, m\u00EAme si aucun croquis pr\u00E9paratoire n'a \u00E9t\u00E9 conserv\u00E9.\u00A0En effet, un exemplaire brod\u00E9 de la chape fait partie de l'ornement command\u00E9 pour monseigneur Joseph Rumeau, livr\u00E9 en 1899. \u00C0 l'Exposition universelle de 1900, Joseph-Alphonse Henry est gratifi\u00E9 d'un Grand prix pour la qualit\u00E9 des \u00E9toffes qu'il pr\u00E9sente. L'inscription tiss\u00E9e sous le chaperon des exemplaires conserv\u00E9s de\u00A0la chape ang\u00E9lique, \u00AB GRAND PRIX/ E . U . PARIS 1900\u00A0\u00BB, indique qu'elle a \u00E9t\u00E9 pr\u00E9sent\u00E9e \u00E0 cette occasion et admir\u00E9e par le jury. James Condamin, qui avait consacr\u00E9 d\u00E9j\u00E0 un article \u00E0 la chasuble ang\u00E9lique\u00A0en 1891, publie un autre texte sur la chape ang\u00E9lique, cette fois, dans la Semaine religieuse du dioc\u00E8se de Lyon de 1906 (p. 472-475). Cet article a \u00E9t\u00E9 r\u00E9dig\u00E9 \u00E0 l'occasion du sacre de monseigneur Louis-Jean D\u00E9chelette (1848-1920), \u00E9v\u00EAque auxiliaire de Lyon, pour lequel les anciens \u00E9l\u00E8ves du coll\u00E8ge\u00A0Sainte-Marie de Saint-Chamond lui ont offert un exemplaire de la Chape ang\u00E9lique. Monseigneur D\u00E9chelette l'a ensuite laiss\u00E9 \u00E0 la sacristie de la primatiale, o\u00F9 il est toujours conserv\u00E9, avec la\u00A0Chasuble ang\u00E9lique de monseigneur Foulon.\nL'ornement ang\u00E9lique complet comprend alors, en 1900, une chasuble, de forme \u00AB fran\u00E7aise \u00BB ou \u00AB espagnole \u00BB, ses accessoires,\u00A0\u00E9tole, manipule, voile de calice et bourse, deux dalmatiques (en r\u00E9alit\u00E9, une dalmatique et une tunique), avec leurs accessoires, et une chape avec son chaperon et ses orfrois. En 1906, l'ornement ang\u00E9lique\u00A0a \u00E9t\u00E9 encore enrichi d'un antependium, orn\u00E9 de la Mission des Ap\u00F4tres. Le mus\u00E9e des Tissus en conserve deux exemplaires (inv. MT 28297,\u00A0acquis\u00A0de Joseph-Alphonse Henry lui-m\u00EAme, et inv. MT 2015.5.6, donn\u00E9 par la famille Truchot). C'est le seul \u00E9l\u00E9ment de l'ensemble ang\u00E9lique\u00A0qui n'a pas \u00E9t\u00E9 r\u00E9alis\u00E9 sur\u00A0un dessin de Gaspard Poncet. Joseph-Alphonse Henry reproduit ici une gravure de l'artiste Johann Evangelist Klein (1823-1883) publi\u00E9 dans l'\u00E9dition du Missale Romanum de Friedrich Pustet (1798-1882) de Ratisbonne, datant de 1884.\nL'exemplaire brod\u00E9 de la chasuble ang\u00E9lique, particuli\u00E8rement pr\u00E9cieux, est sans aucun doute le t\u00E9moignage le plus \u00E9clatant de la collaboration de Joseph-Alphonse Henry avec les meilleurs artistes, Gaspard Poncet pour le dessin et MArie-Anne Leroudier pour la broderie.\nMaximilien Durand"@fr . . . "2021-02-10T00:00:00"^^ .