. "La maison Henry J.-A., qui avait\u00A0succ\u00E9d\u00E9 en 1867 \u00E0 la maison Henry Fr\u00E8res (Alphonse et Charles) et Jouve (Hippolyte), sp\u00E9cialis\u00E9e dans les ornements d'\u00E9glises, dorure et soieries pour ameublement, s'est vite distingu\u00E9e aux grandes manifestations internationales pour la qualit\u00E9 de sa production et ses innovations : elle est\u00A0distingu\u00E9e d'une m\u00E9daille d'or \u00E0 l'Exposition maritime internationale du Havre en 1868, d'une m\u00E9daille d'honneur \u00E0 l'Exposition religieuse de Rome en 1870 et \u00E0 l'Exposition internationale de Lyon en 1872, d'une m\u00E9daille de progr\u00E8s et d'une m\u00E9daille de m\u00E9rite \u00E0 l'Exposition universelle de Vienne en 1873, d'une m\u00E9daille d'or\u00A0\u00E0 l'Expositions universelles de Paris de 1878 et d'un Grand prix aux Expositions universelles de Paris en 1889.\u00A0Joseph-Alphonse Henry (1836-1913)\u00A0est alors fait chevalier de la L\u00E9gion d'honneur.\u00A0En 1900, \u00E0 l'Exposition universelle de Paris, la maison est encore gratifi\u00E9e d'un Grand prix. En 1907, Joseph-Alphonse Henry c\u00E8de l'entreprise \u00E0 ses neveux, Jean Truchot et Andr\u00E9 Grassis. Ils la dirigent ensemble, selon les axes d\u00E9velopp\u00E9s par Joseph-Alphonse Henry (la maison utilise l'appellation \u00AB ancienne maison Henry J.-A. \u00BB dans ses documents administratifs et commerciaux et continue de fournir les patrons qui ont assur\u00E9 le succ\u00E8s de l'entreprise), jusqu'en 1919, Jean Truchot restant seul \u00E0 la t\u00EAte de l'\u00E9tablissement sous la raison commerciale Truchot J. puis, en 1925, Truchot J. et\u00A0Cie La maison continue d'accumuler les r\u00E9compenses, sous la raison Truchot J. et Grassis, puis Truchot J. En 1914, elle est membre du jury de l'Exposition internationale de Lyon. Elle obtient un Grand prix \u00E0 l'Exposition nationale de Strasbourg en 1919, un dipl\u00F4me d'honneur \u00E0 l'Exposition internationale des Arts d\u00E9coratifs et industriels modernes\u00A0de Paris en 1925, un Grand prix \u00E0 l'Exposition internationale de Leipzig\u00A0et \u00E0 l'Exposition fran\u00E7aise de Madrid en 1927 (elle participe la m\u00EAme ann\u00E9e aux Expositions de Francfort et de Prague), \u00E0 l'Exposition internationale de Barcelone en 1929, \u00E0 celle de Li\u00E8ge et Anvers en 1930, et un dipl\u00F4me d'honneur \u00E0 celle de Bruxelles en 1935. Jean Truchot est alors d\u00E9cor\u00E9 de la L\u00E9gion d'honneur. La Seconde Guerre mondiale, et plus encore le Concile de Vatican II, r\u00E9duisent consid\u00E9rablement les commandes d'ornements liturgiques. La maison Truchot J. et\u00A0Cie ferme d\u00E9finitivement en 1977.\nLa majorit\u00E9 des archives commerciales et textiles sont alors d\u00E9truites, \u00E0 l'exception de la documentation relative \u00E0 la production des \u00E9toffes fa\u00E7onn\u00E9es, c\u00E9d\u00E9e \u00E0 la maison Prelle, \u00E0 Lyon. En 2015, la famille Truchot a conc\u00E9d\u00E9 un important don au mus\u00E9e des Tissus, consistant en plusieurs pi\u00E8ces exceptionnelles qui avaient \u00E9t\u00E9 conserv\u00E9es dans les archives familiales. C'est le cas de cette laize tiss\u00E9e \u00E0 disposition pour les orfrois d'une chasuble \u00AB gothique \u00BB correspondant au patron 4058\u00A0qui a \u00E9t\u00E9 commercialis\u00E9 \u00E0 partir de 1910.\nLa chasuble du mus\u00E9e des Tissus est un mod\u00E8le r\u00E9alis\u00E9 par la maison Truchot J. et Cie. Elle est compos\u00E9e d'un tissu de fond cr\u00E9\u00E9 en septembre 1925 (sous le num\u00E9ro de patron 4901). Le livre des cartons conserv\u00E9 dans les archives de la maison Prelle, \u00E0 Lyon, mentionne un \u00AB brocart 2 lats, 3 chemins en 54 cm \u00BB, ex\u00E9cut\u00E9 sur m\u00E9canique Verdol d'apr\u00E8s un dessin de Pierrette Paquier, collaboratrice de la maison pendant pr\u00E8s de quarante ans, et auteur, notamment du dessin et de la mise en carte de l'antependium appartenant \u00E0 l'ornement ang\u00E9lique (dont le mus\u00E9e des Tissus conserve deux exemplaires, inv. MT 28297 et MT 2015.5.6). Le patron 4901 a \u00E9t\u00E9 retiss\u00E9 sur m\u00E9canique Jacquard en novembre 1925, puis en 1928, 1933 et 1948. Les fermoirs de style Art d\u00E9co de la chape\u00A0laissent entendre que la confection du\u00A0v\u00EAtement\u00A0peut sans doute \u00EAtre situ\u00E9e dans les ann\u00E9es 1930, tout comme la doublure jaune en satin cha\u00EEne, qualit\u00E9 \u00AB satinette \u00BB. La confection de cette chasuble a n\u00E9cessit\u00E9 cinq largeurs de laize (de cinquante-quatre centim\u00E8tres) plus deux morceaux suppl\u00E9mentaires pour les pointes des ailes du v\u00EAtement. \nSur un fond jaune\u00A0d'or, form\u00E9 par les flott\u00E9s cha\u00EEne du satin (de 8, par deux coups, d\u00E9cochement 3), deux lats de liser\u00E9 en soie rouge et en fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9 forment un d\u00E9cor (\u00E0 liage repris, en satin de 8, trame, par 1/8 des fils) de rinceaux fleuris couvrant tout l'espace du fond, et s'\u00E9cartant pour\u00A0dessiner des m\u00E9daillons o\u00F9 s'inscrivent trois anges. Ils sont\u00A0debout sur des nu\u00E9es contenant un croissant de lune. L'ange central, de face, pr\u00E9sente un calice surmont\u00E9 de l'hostie flamboyante. Son front est couronn\u00E9 d'une \u00E9toile. Ses ailes d\u00E9ploy\u00E9es sont crois\u00E9es derri\u00E8re sa t\u00EAte. Las deux anges qui l'encadrent, de profil, tiennent un \u00E9pi de bl\u00E9, \u00E0 senestre, et une grappe de raisin, \u00E0 dextre. Le th\u00E8me eucharistique de ce tissu aux anges explique le succ\u00E8s du mod\u00E8le aupr\u00E8s des clients eccl\u00E9siastiques : c'est de loin le type produit par la maison Truchot J. et Cie le plus repr\u00E9sent\u00E9 dans les\u00A0collections d'ornements liturgiques.\nIl est ici associ\u00E9 \u00E0 un chaperon et des orfrois, le patron n\u00B0 4058 du catalogue du fabriquant, qui appartiennent aussi aux grands succ\u00E8s commerciaux de la maison.\u00A0Tiss\u00E9s en lampas, fond satin (de 8, d\u00E9cochement 3),\u00A0au moyen d'un\u00A0lat de liser\u00E9 en soie, et d'un lat de lanc\u00E9 en fil\u00E9 m\u00E9tallique or (sur \u00E2me de coton), li\u00E9s en taffetas, et peint. Sous le num\u00E9ro de patron 4058 se regroupent, dans le livre des cartons,\u00A0les motifs des diff\u00E9rentes pi\u00E8ces d'un ornement complet, \u00E0 savoir : chaperons et orfrois de chape, croix dorsale et bande m\u00E9diane de chasuble \u00AB fran\u00E7aise \u00BB, devant, dos de chasuble \u00AB\u00A0gothique \u00BB, bandes verticales ou clavi et manches de dalmatiques et ornements pour accessoires. Le lat lanc\u00E9 or dessine les nimbes des personnages, leurs gloires rayonnantes, certains d\u00E9tails de leurs costumes et les encadrements ornementaux dans lesquels ils se tiennent. Le fond satin blanc est tiss\u00E9 au moyen de fils de soie assez \u00E9pais. Un second lat, liser\u00E9, cr\u00E9e le dessin, trait de contour et ombres.\u00A0Le fond blanc domine : il est, en effet,\u00A0destin\u00E9 \u00E0 \u00EAtre rehauss\u00E9 de couleurs, appliqu\u00E9es\u00A0\u00E0 la main. Les \u00E9toffes sont peintes directement sur l'endroit du satin, avec des colorants de synth\u00E8se m\u00E9tallif\u00E8res sp\u00E9cialement adapt\u00E9s aux textiles. Dilu\u00E9s et appliqu\u00E9s sur le tissu \u00E0 la mani\u00E8re d'une aquarelle, ils ne n\u00E9cessitaient pas d'\u00EAtre fix\u00E9s. Les carnations et les drap\u00E9s ont de fait un model\u00E9\u00A0tr\u00E8s proche de celui que permet la broderie dite \u00AB\u00A0peinture \u00E0 l'aiguille.\u00A0\u00BB Cette op\u00E9ration \u00E9tait d\u00E9sign\u00E9e, au sein de l'entreprise, comme le \u00AB\u00A0pinceautage. \u00BB Elle est caract\u00E9ristique des recherches de la maison Henry J.-A., puis Truchot J. et Grassis, puis Truchot J. et Cie, pour imiter les techniques plus co\u00FBteuses de broderie tout en maintenant la qualit\u00E9 de l'effet visuel des \u00E9toffes employ\u00E9es pour la liturgie.\nDeux iconographies pouvaient \u00EAtre choisies pour le chaperon de la chape : la Nativit\u00E9 ou la Trinit\u00E9, prenant place sous des arcatures encadr\u00E9es d'un rinceau v\u00E9g\u00E9tal. Dans la Nativit\u00E9, le Christ enfant, le visage rayonnant d'un nimbe crucif\u00E8re, repose sur un lit d'\u00E9pis de bl\u00E9. Il b\u00E9nit de la main droite. Marie et Joseph sont agenouill\u00E9s de part et d'autre de lui. Au centre apparaissent le b\u0153uf et l'\u00E2ne de la cr\u00E8che, et en partie sup\u00E9rieure, l'\u00E9toile de Bethl\u00E9em. Un phylact\u00E8re contient l'inscription : + HOZANNA GLORIA IN EXCELSIS ET PAX HOMINIBVS BONAE VOLVNTATIS, c'est-\u00E0-dire : \u00AB\u00A0Hosanna, gloire \u00E0 Dieu au plus haut des cieux et paix aux hommes de bonne volont\u00E9\u00A0\u00BB. Le mod\u00E8le avec la Trinit\u00E9 montre le Christ et le P\u00E8re rev\u00EAtus de tuniques blanches et drap\u00E9s dans des manteaux \u00E9carlates, les pieds pos\u00E9s sur la vo\u00FBte c\u00E9leste, le front ceint d'une couronne imp\u00E9riale, tenant ensemble le m\u00EAme livre sur lequel figure l'inscription : EGO SVM\u00A0 ALPHA ET OM[ega], c'est-\u00E0-dire : \u00AB\u00A0Je suis l'alpha et l'om\u00E9ga\u00A0\u00BB ; le Christ porte la croix dans sa main droite, le P\u00E8re, le sceptre fleurdelysi\u00E9 dans la gauche. Entre eux rayonne une gloire ou figure la colombe de l'Esprit-Saint aux ailes d\u00E9ploy\u00E9es. Le phylact\u00E8re indique : + GLORIA PATRI ET FILIO ET SPIRITUI SANCTO, \u00AB\u00A0Gloire au P\u00E8re, au Fils et au Saint-Esprit !\u00A0\u00BB C'est le mod\u00E8le retenu pour la chape du mus\u00E9e des Tissus.\nLes orfrois accompagnant le chaperon\u00A0accueillent deux arcatures superpos\u00E9es o\u00F9 prennent place, associ\u00E9s d'un orfroi \u00E0 l'autre, saint Pierre et saint Paul au registre sup\u00E9rieur, saint Jean l'\u00C9vang\u00E9liste et saint Jean-Baptiste au registre inf\u00E9rieur. En partie inf\u00E9rieure figurent des s\u00E9raphins sur fond de quadrilobe.\nLe mus\u00E9e des Tissus conserve\u00A0deux laizes tiss\u00E9es \u00E0 disposition du patron 4058 pour une chasuble \u00AB\u00A0gothique \u00BB, la premi\u00E8re avant pinceautage\u00A0(inv. MT 51311), la seconde, apr\u00E8s (inv. MT 2015.5.21).\u00A0\nDes galons de passementerie de\u00A0deux largeurs compl\u00E8tent la chape. Ils ont \u00E9t\u00E9 ex\u00E9cut\u00E9s en tissage fa\u00E7onn\u00E9, \u00E0 deux lats de liser\u00E9 et poil trainant, en\u00A0soie, fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9 et cordonnet de soie. Autour du chaperon se trouve \u00E9galement un galon de franges en cordonnet de fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9.\nL'\u00E9glise Saint-Pierre de Feug\u00E8res et l'\u00E9glise Saint-Martin de La Lande d'Airou conservent chacune une chape comparable (seul le tissu de fond est d'un type aux anges diff\u00E9rent), tandis que l'\u00E9glise Saint-Martin de Sacey ou l'\u00E9glise de la Trinit\u00E9 \u00E0 Paris pr\u00E9sentent les m\u00EAmes orfrois (tissus de fond diff\u00E9rents) mais le chaperon avec la Nativit\u00E9.\nMaximilien Durand"@fr . . "2021-02-10T00:00:00"^^ .