"N\u00E9 en 1773 de Matthieu Chuard, ma\u00EEtre charpentier, et de Claudine Teillard, Jean-Marie Chuard devient fabricant de soieries. De son \u00E9pouse Fleurie-Aspasie Bouchet, il a quatre enfants, Claudine-Zo\u00E9 et Marie-\u00C9milie, n\u00E9e en 1806, Claude-\u00C9lis\u00E9e, n\u00E9 en 1808, et Claude-Adrien, n\u00E9 en 1815. D\u00E8s 1811, la maison Chuard et Cie fournit le Garde-Meuble imp\u00E9rial : la maison r\u00E9alise un damas \u00E0 \u00E9toiles et fleurs imp\u00E9riales en cramoisi (Paris, Mobilier national, inv. GMMP 1432 bis), en vert (inv. GMMP 1722 bis) et en jaune et blanc (inv. GMMP 1432 pour la tenture, GMMP 1433 pour la bordure neuf pouces ; GMMP 1434/1 pour le talon quatre pouces ; 1434/2 pour la bordure pour si\u00E8ges deux pouces six lignes ; GMMP 1434/3 pour la bordure pour si\u00E8ges deux pouces ;\u00A0GMMP 1434/4 pour la bordure pour si\u00E8ges un pouce quatre lignes)\u00A0pour trois meubles de divers appartements du Palais de Versailles ; un damas jaune, lilas et blanc, \u00E0 grecques et hortensias pour un premier salon de l'appartement de l'Imp\u00E9ratrice au Palais de Versailles (Paris, Mobilier national, inv. GMMP 1456 pour la tenture ; GMMP 1458/1 pour la bordure neuf pouces pour tenture et rideaux ; GMMP 1458/2, GMMP 1458/3 et 1458/4 pour les bordures pour si\u00E8ges en largeur trois pouces, un pouce neuf lignes et un pouce trois lignes) ;\u00A0des bordures pour tenture (largeur neuf pouces) et pour si\u00E8ges (largeur trois pouces, un pouce neuf lignes et un pouce trois lignes) en brocart or et vert, \u00E0 rais-de-c\u0153ur, culots et rosettes, pour un arri\u00E8re-cabinet d'appartement d'honneur au Palais de Versailles (Paris, Mobilier national, inv. GMMP 55, GMMP 70/1, GMMP 70/2 et GMMP 71) ; un damas bleu et jaune, \u00E0 corbeilles et \u00E9toiles, pour le deuxi\u00E8me salon de l'Empereur au Palais de Versailles (Paris, Mobilier national, inv. GMMP 1047/1 pour la tenture, GMMP 1047/2 pour les si\u00E8ges, GMMP 743 pour la bordure neuf pouces, GMMP 744/1, GMMP 744/2 et GMMP 744/2 pour les bordures pour si\u00E8ges en largeur trois pouces, un pouce neuf lignes et un pouce trois lignes) ; un damas vert, lilas, blanc et or, \u00E0 corbeilles et \u00E9toiles pour le deuxi\u00E8me salon de l'Imp\u00E9ratrice au Palais de Versailles (Paris, Mobilier national, inv. GMMP 1720 pour la tenture, GMMP 1269 pour les si\u00E8ges, GMMP 734 pour la bordure neuf pouces,\u00A0 GMMP 735, GMMP 736, GMMP 737 pour les bordures pour si\u00E8ges en largeur trois pouces, un pouce neuf lignes et un pouce trois lignes) ; des bordures en velours jaune, fond vert, \u00E0 losanges et culots pour deux salons de ministres ou de grands officiers au Palais de Versailles (Paris, Mobilier national, inv. GMMP 762 en largeur neuf pouces, GMMP 763 en largeur quatre pouces, GMMP 764, GMMP 765 et GMMP 766 pour si\u00E8ges en largeur\u00A0deux pouces six lignes, deux pouces et un pouce quatre lignes) ; des bordures en cannetill\u00E9 bleu \u00E0 cornes d'abondance pour deux arri\u00E8re-cabinets de l'Empereur et de l'Imp\u00E9ratrice au Palais de Versailles (Paris, Mobilier national, inv. GMMP 941 en largeur neuf pouces, GMMP 942, 943 et 945 en largeur trois pouces, un pouce neuf lignes et un pouce trois lignes). En 1812, la maison Chuard et Cie re\u00E7oit encore la commande d'un damas cama\u00EFeu vert \u00E0 couronnes de fleurs et papillons pour la Salle des Exercices du Pavillon des Enfants de France au Palais des Tuileries (Paris, Mobilier national, inv. GMMP 932 et Lyon, mus\u00E9e des Tissus, inv. MT 29156.1 et MT 29156.2\u00A0pour la tenture ; Paris, Mobilier national, inv. GMMP 868 et Lyon, mus\u00E9e des Tissus, inv. MT 26956.3\u00A0pour la bordure onze pouces ; Paris, Mobilier national, inv. GMMP 869 pour la\u00A0bordure neuf pouces ; GMMP 870/1 pour la bordure quatre pouces, GMMP 870/2 pour la bordure un pouce neuf lignes d'\u00E9cussons\u00A0; GMMP 1657 pour les rideaux).\u00A0\u00A0\nEn 1819, \u00E0 l'Exposition des produits de l'industrie fran\u00E7aise qui se tient au Louvre, la maison Chuard et Cie pr\u00E9sente des \u00E9toffes qui sont tr\u00E8s remarqu\u00E9es. Le Rapport du jury central de l'Exposition indique (p. 50)\u00A0: \u00AB MM. Chuard et compagnie, de Lyon. Les \u00E9toffes de soie, or et argent, pour tentures, qu'ils ont envoy\u00E9es, sont d'une fabrication plus parfaite que celles du m\u00EAme genre qu'on ex\u00E9cutait pr\u00E9c\u00E9demment. Les d\u00E9coupures en sont fines et les dessins bien fondus. On y remarque des m\u00E9daillons fabriqu\u00E9s avec le tissu, invention heureuse et qui produit un bel effet. Le jury a accord\u00E9 une m\u00E9daille d'or \u00E0 MM. Chuard et compagnie.\u00A0\u00BB\nLes \u00AB m\u00E9daillons fabriqu\u00E9s avec le tissu \u00BB d\u00E9signent les panneaux incrust\u00E9s sur une grande tenture avec tableaux r\u00E9serv\u00E9s repr\u00E9sentant des paysages et des animaux. Cette derni\u00E8re a \u00E9t\u00E9 acquise par le mus\u00E9e des Tissus \u00E0 l'issue de\u00A0l'Exposition universelle de 1900, avec un ensemble d'\u00E9toffes r\u00E9alis\u00E9es par la maison Bissardon, Cousin et Bony ou par la maison Chuard et Cie sous l'Empire et les premi\u00E8res ann\u00E9es de la Restauration. On sait que Pierre-Toussaint D\u00E9chazelle avait c\u00E9d\u00E9 son fonds, \u00E0 une date inconnue, \u00E0 Charles Corderier qui s'associa sous l'Empire \u00E0 Marie-Jacques Lemire. En 1832-1833, Corderier et Lemire reprirent la fabrique de Chuard, qui lui-m\u00EAme avait repris le fonds Bissardon, enrichi des archives de Marie-Olivier Desfarges. Lemire poursuivit son activit\u00E9 sous la raison sociale Lemire et Cie, puis Lemire p\u00E8re et fils. En 1865, la manufacture connaissant des difficult\u00E9s, elle fut vendue, avec tout son fonds d'archives, \u00E0 Antoine Lamy et Auguste Giraud. En 1900, \u00C9douard Lamy, fils d'Antoine,\u00A0s'associait \u00E0 Romain Gautier. C'est \u00C9douard Lamy qui c\u00E9da au mus\u00E9e un ensemble d'\u00E9toffes produites par ces diff\u00E9rentes maisons.\nLe panneau est constitu\u00E9 de trois laizes compl\u00E8tes et de deux demi-laizes, aux extr\u00E9mit\u00E9s, et de deux bordures en partie sup\u00E9rieure et inf\u00E9rieure. Les coutures sont ex\u00E9cut\u00E9es au point devant au moyen de soie bleu fonc\u00E9. Les laizes sont en lampas taille-douce, fond cannetill\u00E9, \u00E0 r\u00E9serves (pour incrustation), r\u00E9alis\u00E9 en soie, de fil\u00E9 et de fris\u00E9 m\u00E9talliques dor\u00E9s. Le fond de la tenture\u00A0pr\u00E9sente une teinte profonde de bleu, obtenue gr\u00E2ce \u00E0 l'invention du chimiste Jean-Michel Raymond (1766-1837), le fameux \u00AB bleu Raymond \u00BB ou bleu au prussiate de fer, qui avait valu une m\u00E9daille d'or \u00E0 son inventeur \u00E0 cette m\u00EAme Exposition des produits de l'industrie fran\u00E7aise de 1819. Il est sem\u00E9 de rosaces, tandis que se d\u00E9tachent deux cadres rectangulaires monumentaux \u00E0 consoles orn\u00E9es de figures de\u00A0z\u00E9phyrs engain\u00E9s d'acanthe, oppos\u00E9s autour d'une palmette et supportant des guirlandes de vigne, et surmont\u00E9s d'une corbeille de fruits et de grappes de raisin, flanqu\u00E9e de cygnes. Des tableaux, tiss\u00E9s en lampas, fond satin, broch\u00E9 \u00E0 plusieurs lats li\u00E9s en taffetas, tout en soie, ont \u00E9t\u00E9 incrust\u00E9s apr\u00E8s tissage par broderie au pass\u00E9 plat en relief sur carton. Ils repr\u00E9sentent deux paysages, l'un montrant un combat de taureaux, l'autre, des chevaux, qui reproduisent des peintures \u00E0 l'huile d'un des ma\u00EEtres de l'\u00E9cole lyonnaise de peinture de paysage et animali\u00E8re, Jean-Antoine Duclaux (1783-1868). L'un des deux tableaux reproduits, Deux taureaux jouant ensemble sur le devant d'un paysage, a \u00E9t\u00E9 ex\u00E9cut\u00E9 en 1819\u00A0et pr\u00E9sent\u00E9 au Salon parisien cette m\u00EAme ann\u00E9e avec d'autres peintures de l'artiste, qui lui valurent une nouvelle m\u00E9daille d'or. Le tableau est aujourd'hui conserv\u00E9 au mus\u00E9e des Beaux-Arts de Lyon (inv. A 94).\nLes deux bordures sont ex\u00E9cut\u00E9es en lampas taille-douce, fond cannetill\u00E9,\u00A0en soie et fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9. Elles pr\u00E9sentent une suite de palmettes alternant avec des touffes de feuilles et des rosettes. Le mus\u00E9e des Tissus conserve \u00E9galement une bordure de cette tenture, fond cramoisi (inv. MT 8623.2.1 et MT 8623.2.2), qui montre la possibilit\u00E9 de faire varier les coloris pour ces productions prestigieuses.\nLes archives de la maison Prelle conservent une laize de cette tenture avant l'incrustation du tableau (Prelle II 33769 ;\u00A0 L'Art de la soie. Prelle, 1752-2002. Des ateliers lyonnais aux palais parisiens, Paris, mus\u00E9e Carnavalet, 2002, n\u00B0 102, p. 105).\nLa tenture est v\u00E9ritablement un chef-d'\u0153uvre d'ex\u00E9cution,\u00A0tout autant\u00A0qu'une d\u00E9monstration de ma\u00EEtrise technique. Elle met en \u0153uvre plusieurs innovations r\u00E9centes, comme le r\u00E9gulateur mis au point par Gabriel Dutillieu (1757-1828)\u00A0en 1809 (voir la\u00A0laize de tenture intitul\u00E9e\u00A0Le G\u00E9nie de la Fabrique lyonnaise conserv\u00E9e au mus\u00E9e des Tissus, inv.\u00A0MT 2837,\u00A0qui est probablement la premi\u00E8re \u00E9toffe tiss\u00E9e au moyen du r\u00E9gulateur), permettant d'assurer une parfaite r\u00E9gularit\u00E9 de tissage, y compris pour de grands dessins, ou comme l'emploi d'une teinture nouvelle, le bleu Raymond. Elle associe le model\u00E9 des dessins ex\u00E9cut\u00E9s\u00A0en lampas taille-douce et la finesse des tableaux broch\u00E9s, reproductions de peintures.\nD'autres \u00E9toffes pr\u00E9sent\u00E9es par la maison Chuard et Cie \u00E0 l'Exposition des produits de l'industrie fran\u00E7aise semblent avoir surv\u00E9cu. Les archives de la manufacture Prelle conservent deux laizes de tenture assembl\u00E9s, en lampas taille-douce broch\u00E9 deux ors, fond cannetill\u00E9 (Prelle, II 33771 ; L'Art de la soie. Prelle, 1752-2002. Des ateliers lyonnais aux palais parisiens, Paris, mus\u00E9e Carnavalet, 2002, n\u00B0 106, p. 108), qui pr\u00E9sentent, sur un fond cramoisi,\u00A0un r\u00E9seau losang\u00E9 ton sur ton, compos\u00E9 par des branches d'\u00E9pine antique et ponctu\u00E9 par de grandes rosaces, contenant des rosaces de moyenne taille encadr\u00E9es de rosettes ; dans la partie inf\u00E9rieure, un cartel trait\u00E9 en taille-douce enferme un couple d'Amours, tenant dans leurs mains un papillon. Sur chaque cartel se dresse une base carr\u00E9e, orn\u00E9e d'une couronne de laurier et\u00A0sur\u00E9lev\u00E9e par des griffes de lion. Des rhytons, termin\u00E9s par une t\u00EAte de bouc, s'adossent \u00E0 cette base, qui soutient un vase \u00E0 l'antique, dont la panse est couverte de feuilles d'acanthe, garni d'un bouquet de fleurs. Des guirlandes fleuries, attach\u00E9es aux anses des vases, les lient les uns aux autres, sur chaque laize, et soutiennent une lyre. Dans la bordure sup\u00E9rieure court un rinceau d'acanthe qui abrite des Amours par couples adoss\u00E9s, l'un tendant un papillon \u00E0 l'Amour du couple suivant, l'autre refusant le papillon du couple pr\u00E9c\u00E9dent. Le chef de pi\u00E8ce de cette tenture indique \u00AB CHUARD . ET . CE . A . LYON . 1819 . \u00BB Le mus\u00E9e des Tissus conserve un exemplaire de la bordure r\u00E9alis\u00E9e pour cette tenture (inv. MT 8623.1).\nIl conserve \u00E9galement une autre tenture pr\u00E9sent\u00E9e par la maison Chuard et Cie \u00E0 l'Exposition des produits de l'industrie fran\u00E7aise de 1819, en lampas taille-douce broch\u00E9, fond cannetill\u00E9 vert, o\u00F9 s'affrontent dans un m\u00E9daillon semi-circulaire des lions, dans un m\u00E9daillon m\u00E9dian circulaire des coqs et dans un cartouche rectangulaire des b\u00E9liers (inv. MT 26963). Les archives de la maison Prelle conservent deux l\u00E9s de cette m\u00EAme tenture, fond cramoisi, avec le chef de pi\u00E8ce indiquant \u00AB CHUARD . ET . CE . A . LYON . 1819 . \u00BB (Prelle, II 32679 ; L'Art de la soie, op. cit., n\u00B0 103, p. 106-107).\u00A0\nLa raison sociale de la maison Chuard et Cie est suivie jusqu'en 1823, puis elle devient Chuard, Delore et Cie (en 1827, elle obtient un rappel de m\u00E9daille d'or de 1819 \u00E0 l'Exposition des produits de l'industrie fran\u00E7aise), jusqu'en 1830. \u00C0 cette date, Jean-Marie Chuard se retire des\u00A0affaires. Il est\u00A0mentionn\u00E9 comme \u00AB ancien fabricant \u00BB d\u00E8s janvier 1830, puis comme \u00AB\u00A0rentier\u00A0\u00BB \u00E0 partir de 1832. Son associ\u00E9, Alexis Delore,\u00A0quitte la maison pour cr\u00E9er la soci\u00E9t\u00E9\u00A0Delore et B\u00E9nazet, de 1832 \u00E0 1838.\u00A0En 1833, probablement, Jean-Baptiste Chuard (1806-1862), le neveu de Jean-Marie Chuard, et le fils de ce dernier, Claude-\u00C9lis\u00E9e (1808-1854), s'associent sous la raison commerciale Chuard fils et neveu jusqu'en 1850.\nMaximilien Durand"@fr . "2021-02-10T00:00:00"^^ . . .