. . "Un meuble en velours chin\u00E9, fond pourpre, \u00E0 couronnes de pavots et de myrte et \u00E9toiles, ainsi qu'un damas cramoisi \u00E0 couronnes et \u00E9toiles, un damas blanc \u00E0 couronnes et \u00E9toiles et un damas cramoisi, \u00E0 feuilles de vigne,\u00A0 avaient \u00E9t\u00E9 command\u00E9s \u00E0 Camille Pernon \u00E0 l'occasion du couronnement, en l'an XII (1804), par Hector-Martin Lefuel, conservateur du Mobilier imp\u00E9rial. Les trois premi\u00E8res \u00E9toffes \u00E9taient destin\u00E9es \u00E0 la Chambre de parade de l'Empereur au Palais de Saint-Cloud, le damas cramoisi \u00E0 feuilles de vigne, au \u00AB Tr\u00F4ne de Sa Saintet\u00E9 aux Tuileries. \u00BB\nLa commande avait \u00E9t\u00E9 pass\u00E9e sans l'accord de G\u00E9raud-Christophe-Michel Duroc qui, le 18 germinal an XIII (8 avril 1805) \u00E9crivait \u00E0 Charles-Pierre Claret, comte de Fleurieu, intendant g\u00E9n\u00E9ral de la Maison de l'Empereur : \u00AB Je vous envoie encore une petite note de Mr Pernon. Vous verrez qu'il lui sera d\u00FB encore de l'argent, c'est un objet \u00E0 r\u00E9gler et qui m\u00E9rite bien toute votre attention, il para\u00EEt que lorsque l'on a besoin au Garde-Meuble on se permet et on s'est permis de lui commander sans en pr\u00E9venir personne. \u00BB Le 29 flor\u00E9al suivant (19 mai 1805), Duroc pr\u00E9cisait \u00E0 Fleurieu : \u00AB Mr Lefuel a cru devoir et pouvoir commander lui-m\u00EAme \u00E0 la fabrique de Mr Pernon des \u00E9toffes qui font partie du compte g\u00E9n\u00E9ral de sa fourniture et qui l'ont augment\u00E9 par cons\u00E9quent. \u00BB \u00C9tienne-Jacques Calmelet, administrateur du Mobilier imp\u00E9rial du 3 novembre 1804 au 4 f\u00E9vrier 1806, perdit son poste \u00E0 cause de cette n\u00E9gligence de Lefuel, \u00AB pour avoir permis de faire pendant l'an XIII une d\u00E9pense de 31.330 fr. 76 pour augmenter l'ameublement du Palais de St Cloud sans y \u00EAtre autoris\u00E9 et sans qu'il y eut un cr\u00E9dit ouvert pour cet objet. \u00BB\nCamille Pernon avait commenc\u00E9 la fabrication des \u00E9toffes. Il devait l'interrompre bient\u00F4t pour des raisons qu'il expliquait lui-m\u00EAme \u00E0 Lefuel le 17 vend\u00E9miaire an XIII (9 octobre 1804) : \u00AB On s'est trouv\u00E9 arr\u00EAt\u00E9 dans l'ex\u00E9cution des objets qui ont rapport au lit :\u00A01\u00B0) parce que la forme de celui existant aujourd'hui ne para\u00EEt pas convenable \u00E0 un lit de parade ; 2\u00B0) parce que la chambre actuelle para\u00EEt trop petite pour contenir la balustre n\u00E9cessaire \u00E0 l'entourage d'un pareil lit, que d'ailleurs sa forme qui se rapproche de celle d'un belv\u00E9d\u00E8re ayant quatre fen\u00EAtres et trois portes n'est pas celle d'une chambre \u00E0 coucher. Son Excellence le G\u00E9n\u00E9ral Duroc paraissait s'arr\u00EAter sur le choix de celle qui la suit qui serait effectivement convenable \u00E0 un pareil emploi, il sera n\u00E9cessaire pour compl\u00E9ter cet objet de fixer par une r\u00E9solution d\u00E9finitive le parti \u00E0 prendre. \u00BB Pernon sugg\u00E9rait que, en attendant, \u00AB cet objet pourrait peut-\u00EAtre [...] servir pour la formation du Tr\u00F4ne de Sa Saintet\u00E9. \u00BB Lefuel r\u00E9pondit n\u00E9gativement le 3 brumaire an XIII (25 octobre 1804) : \u00AB Cette disposition est impraticable d'abord parce que cette \u00E9toffe \u00E9tant tr\u00E8s riche exigerait beaucoup de d\u00E9penses pour les accessoires, ensuite [...] le local \u00E9tant bas et resserr\u00E9, cette m\u00EAme \u00E9toffe ne produirait pas l'effet qu'on doit en attendre dans une pi\u00E8ce aussi \u00E9tendue qu'on l'a suppos\u00E9e lorsque les dessins en ont \u00E9t\u00E9 arr\u00EAt\u00E9s. \u00BB\nLes \u00E9toffes d\u00E9j\u00E0 fabriqu\u00E9es par Pernon furent livr\u00E9es au Garde-Meuble d\u00E8s le 18 fructidor an XII et jusqu'au 27 flor\u00E9al an XIII (5 septembre 1804-17 mai 1805). Elles comprenaient : cent trentre-sept m\u00E8tres quinze centim\u00E8tres de velours chin\u00E9 pour tenture et lit \u00E0 cent cinquante francs le m\u00E8tre ; onze m\u00E8tres cinquante-sept centim\u00E8tres de velours pour si\u00E8ges \u00E0 soixante-quinze francs le m\u00E8tre ; soixante-cinq m\u00E8tres dix-sept centim\u00E8tres en velours brod\u00E9 en or relev\u00E9, \u00E0 trois cent soixante francs le m\u00E8tre pour bordure de tenture, deux de neuf pouces, soit cent trente m\u00E8tres trente-quatre centim\u00E8tres de bordure courante ; neuf m\u00E8tres cinquante de velours brod\u00E9 en or relev\u00E9, \u00E0 cent quatre-vingts francs le m\u00E8tre, pour bordure de si\u00E8ges, quatre de trois pouces six lignes, soit trente-huit m\u00E8tres cinquante centim\u00E8tres de bordure courante ; deux m\u00E8tres quinze centim\u00E8tres de velours brod\u00E9 or relev\u00E9, \u00E0 huit francs soixante-quinze le m\u00E8tre, pour bordure de dossiers, huit de deux pouces, soit dix-sept m\u00E8tres vingt centim\u00E8tres de bordure courante ; trente-quatre \u00E9cussons velours brod\u00E9 en or relev\u00E9, dessin \u00E0 palmes et chiffre NB, \u00E0 deux chemins pour tenture, \u00E0 trente-quatre francs l'\u00E9cusson ; cent quatre-vingt-onze m\u00E8tres vingt-sept centim\u00E8tres de damas double corps cramoisi, dessin \u00E0 couronnes et \u00E9toiles, pour porti\u00E8res et rideaux, \u00E0 dix-huit francs le m\u00E8tre ; cent quarante-deux m\u00E8tres vingt-six centim\u00E8tres de brocart or fond cramoisi fin, dessin \u00E0 palmes et \u00E9toiles, \u00E0 cent quatre-vingts francs le m\u00E8tre, pour bordure de rideaux, deux de neuf pouces, soit deux cent quatre-vingt-quatre m\u00E8tres quatre-vingt-douze centim\u00E8tres de bordure courante ; cent quarante-trois m\u00E8tres quatre-vingt-douze centim\u00E8tres de damas double corps fond blanc, dessin \u00E0 couronnes et \u00E9toiles, pour rideaux de crois\u00E9e, \u00E0 seize francs le m\u00E8tre.\nLa laize conserv\u00E9e au mus\u00E9e des Tissus\u00A0constitue un \u00E9chantillon destin\u00E9 \u00E0 montrer l'effet de la bordure brod\u00E9e avec la tenture chin\u00E9e. Camille Pernon travaille alors avec le chineur Joseph-Beno\u00EEt Richard, dit \u00AB a\u00EEn\u00E9. \u00BB Ce dernier, avant la R\u00E9volution, travaillait d\u00E9j\u00E0 avec \u00C9tienne Pernon (1719-1803), le p\u00E8re de Camille, qui le consid\u00E9rait comme le seul chineur capable d'ex\u00E9cuter des pi\u00E8ces exceptionnelles, comme le velours de dix-sept couleurs d'une aune de large\u00A0r\u00E9alis\u00E9 en 1780 pour Catherine II de Russie et command\u00E9, en 1785, par le Garde-Meuble de la Couronne\u00A0(inv. MT 24821 et MT 2847). En 1793, Joseph-Beno\u00EEt Richard \u00E9migra en Suisse, d'abord, puis \u00E0 Berlin o\u00F9 il poursuivit son activit\u00E9 de chineur,\u00A0toujours associ\u00E9 \u00E0 son fr\u00E8re Pierre Richard, dit \u00AB\u00A0cadet. \u00BB En 1796, Joseph-Beno\u00EEt Richard revint \u00E0 Lyon. Peu de temps apr\u00E8s, vers 1798,\u00A0il produisait les premiers portraits en velours chin\u00E9 de l'histoire de la Fabrique, ceux de Fr\u00E9d\u00E9ric le Grand (inv. MT 2161 et MT 34274.1), de Fr\u00E9d\u00E9ric-Guillaume III (inv. MT 1148) et de Louise de Prusse (inv. MT 1149 et MT 34274.2). Mais il connut de graves difficult\u00E9s financi\u00E8res comme en t\u00E9moigne une p\u00E9tition du Bureau consultatif du Commerce, port\u00E9e par Camille Pernon, pr\u00E9cis\u00E9ment, et\u00A0pr\u00E9sent\u00E9e au ministre de l'Int\u00E9rieur Jean-Antoine Chaptal qui le montre\u00A0\u00AB \u00E2g\u00E9 de 75 ans, retir\u00E9 \u00E0 la campagne, d\u00E9vid(ant) la soie pour vivre, et gagn(ant) \u00E0 peine, en quinze heures de travail, la modique somme de six sous par jour. L'aspect de sa mis\u00E8re \u00E9tonne et refroidit l'ouvrier tent\u00E9 d'imaginer et de produire. \u00BB Le 4 pluvi\u00F4se an X, Jean-Antoine Chaptal, apr\u00E8s avoir assist\u00E9 \u00E0 une s\u00E9ance de l'Ath\u00E9n\u00E9e, \u00E0 Lyon, visita quelques manufactures. Il se rendit notamment \u00AB dans l'atelier du cit(oyen) Lasalle, il combla d'\u00E9loges et de marques d'affection ce respectable vieillard, encore plein de feu, de g\u00E9nie et de sensibilit\u00E9. Sur le v\u0153u du Bureau consultatif de commerce, il accorda une gratification annuelle de 600 fr(ancs) au cit(oyen) Beno\u00EEt Richard, inventeur de l'art de chiner les \u00E9toffes. \u00BB Au m\u00EAme moment, l'activit\u00E9 de Camille Pernon commen\u00E7ait \u00E9galement \u00E0 refleurir, et c'est tout naturellement que la collaboration entre les deux hommes reprit. D\u00E8s 1801-1802, Joseph-Beno\u00EEt Richard, relev\u00E9 de ses difficult\u00E9s financi\u00E8res gr\u00E2ce \u00E0 l'aide de l'\u00C9tat, entamait gr\u00E2ce \u00E0 Camille Pernon la seconde partie de sa carri\u00E8re de chineur. En 1802, il fut charg\u00E9 de chiner le meuble command\u00E9 au fabricant pour la Salle des Ambassadeurs du Palais de Saint-Cloud, sur un dessin de Jean-Fran\u00E7ois Bony. Le mus\u00E9e des tissus conserve la mise en carte de ce meuble (inv. MT 40478). Elle comporte une inscription indiquant : \u00AB Mise en carte/ donn\u00E9e par\u00A0Mr Richard Fils/ Cette Carte chin\u00E9e par/\u00A0Mr Richard perre (sic) lui a valu une pention (sic)/ de Napol\u00E9on premier/ en 1804. \u00BB Les collections conservent aussi une laize de ce meuble (inv. MT 24808.1) et un \u00E9l\u00E9ment de bordure (inv. MT 24808.2). La r\u00E9alisation de ce meuble valut \u00E0 Joseph-Beno\u00EEt Richard une nouvelle gratification de l'Empereur. Le compte rendu de la visite de Napol\u00E9on\u00A0Ier et de l'imp\u00E9ratrice Jos\u00E9phine \u00E0 Lyon, en 1805, indique, en effet, que, parmi les nombreuses lib\u00E9ralit\u00E9s conc\u00E9d\u00E9es par l'Empereur \u00E0 la ville et \u00E0 ses habitants le lundi de P\u00E2ques, il accorda \u00AB une pension\u00A0(...)\u00A0de trois cents fr(ancs) au sieur Richard, chineur (...).\u00A0\u00BB La sollicitude du Premier Consul, puis de l'Empereur, explique pourquoi on conserve un portrait de Napol\u00E9on chin\u00E9 par Richard, produit en 1806\u00A0(inv. MT 34255).\nLa largeur exceptionnelle du velours (quarante pouces ou 11/12), la hauteur du rapport de dessin (cinquante centim\u00E8tres)\u00A0et la complexit\u00E9 du motif, des couronnes de pavot alternant avec des couronnes de myrte, les unes et les autres contenant une \u00E9toile \u00E0 six branches, sur un fond sem\u00E9 d'\u00E9toiles \u00E0 six branches, encadr\u00E9es par six \u00E9toiles \u00E0 quatre branches, d\u00E9signent les ateliers de Joseph-Beno\u00EEt Richard pour ce velours fond pourpre chin\u00E9 mordor\u00E9 brun.\nPour le dessin\u00A0lui-m\u00EAme, on reconna\u00EEt le travail de Jean-Fran\u00E7ois Bony (1754-1825), c\u00E9l\u00E8bre dessinateur de fabrique, brodeur, fabricant et occasionnellement peintre de fleurs. On sait qu'il collabora de mani\u00E8re privil\u00E9gi\u00E9e avec Camille Pernon pour les commandes du Premier Consul d\u00E8s 1802, puis pour celles de l'Empereur. Le mus\u00E9e des Tissus conserve plusieurs dessins ou gouaches pr\u00E9paratoires pour ces commandes, ainsi qu'un carnet de dessins (inv. MT 27638) utilis\u00E9 par l'artiste entre 1802 et 1816, dans lequel figurent des croquis\u00A0relatifs \u00E0 la production de ces \u00E9toffes. Aux folios 43 et 99, par exemple, appara\u00EEt le motif de l'\u00E9toile encadr\u00E9e d'autres \u00E9toiles ou contenue dans une couronne fleurie. Le motif de la couronne de myrte, par ailleurs, est r\u00E9current dans le travail de l'artiste.\nL'\u00E9chantillon de broderie qui simule une bordure sur la laize de velours du mus\u00E9e des Tissus pr\u00E9sente aussi toutes les caract\u00E9ristiques du travail de Jean-Fran\u00E7ois Bony, tant dans le dessin lui-m\u00EAme (les palmettes\u00A0contenues dans un arc en ogive, li\u00E9es par des ornements \u00E0 des bouquets apparaissent, par exemple, aux folios 73 et 127 du carnet de dessins) que dans les techniques mises en \u0153uvre. Le mus\u00E9e des Tissus conserve de nombreux exemples de broderies issues des ateliers de Jean-Fran\u00E7ois Bony, pour tentures, pour \u00E9crans ou pour l'habillement qui permettent d'identifier les particularit\u00E9s de leur production. Sur la laize de velours, les broderies sont ex\u00E9cut\u00E9es en fil\u00E9 m\u00E9tallique or (lame enroul\u00E9e en S sur une \u00E2me en poil de soie Z, cr\u00E8me), en fris\u00E9 \u00E9galement or (lame enroul\u00E9e en S, \u00E0 demi-couvert, sur une \u00E2me en ond\u00E9 de soie poil enroul\u00E9 en Z sur un fil de forte torsion Z, jaune clair)\u00A0au pass\u00E9 plat de fils m\u00E9talliques en relief sur une \u00E9paisseur de fils de soie blanche au pass\u00E9 plat au dessous (en diagonale direction S pour la soie et en diagonale Z pour les fils m\u00E9talliques), et en cannetilles\u00A0au point lanc\u00E9 sur cordon. Diff\u00E9rents \u00E9l\u00E9ments sont par ailleurs appliqu\u00E9s, paillons, paillons brod\u00E9s de cannetille, paillons estamp\u00E9s argent et\u00A0petits paillons en cupule dor\u00E9s. Ces mat\u00E9riaux, leur association et les techniques de\u00A0mise en \u0153uvre\u00A0sont caract\u00E9ristiques des broderies issues des ateliers de Jean-Fran\u00E7ois Bony.\nLe dessin retenu pour la bordure neuf pouces (24 centim\u00E8tres) de la tenture\u00A0a finalement \u00E9t\u00E9 diff\u00E9rent de celui qui appara\u00EEt sur l'essai du mus\u00E9e des Tissus. Il pr\u00E9sente, en effet, une suite de palmettes alternant avec des couronnes de\u00A0laurier, s\u00E9par\u00E9es par des enroulements, contenues entre deux files d'\u00E9toiles (Paris, Mobilier national, inv. GMMP 704). En revanche, le dessin \u00E0 palmettes invers\u00E9es et bouquets de fleurs a bien \u00E9t\u00E9 retenu, simplifi\u00E9, pour les broderies des bordures trois pouces six lignes (9,5 centim\u00E8tres) pour si\u00E8ges (patron n\u00B0 312 ; Paris, Mobilier national, inv. GMMP 702).\nEn 1807, les \u00E9toffes livr\u00E9es pour la Chambre de parade de l'Empereur \u00E0 Saint-Cloud n'avaient toujours pas \u00E9t\u00E9 utilis\u00E9es.\u00A0Celles qui ornaient le Cabinet de l'Empereur dans ce m\u00EAme Palais, en revanche, aussi livr\u00E9es par Camille Pernon, \u00E9taient d\u00E9color\u00E9es. Le 7 septembre 1807, Duroc pr\u00E9cisait \u00E0 l'intendant g\u00E9n\u00E9ral de la Maison de l'Empereur, Pierre-Antoine-No\u00EBl-Bruno Daru : \u00AB Le Salon ou Cabinet de l'Empereur est \u00E0 changer totalement pour en faire la pi\u00E8ce la plus riche. Il faut donc y mettre un meuble et une tenture compl\u00E8te avec rideaux et porti\u00E8res en beau velours ou un riche brocard de Lyon. \u00BB Le 16 avril 1808, Alexandre Desmazis, administrateur du Mobilier imp\u00E9rial, \u00E9tablissait un \u00AB aper\u00E7u de la d\u00E9pense n\u00E9cessaire pour placer, conform\u00E9ment aux ordres de l'Empereur, dans le cabinet de S. M. \u00E0 St Cloud tel qu'il est, le velours cramoisi chin\u00E9, bordure velours rehauss\u00E9 d'or, lequel se trouve au Garde-Meuble, les porti\u00E8res, moulures, rideaux et si\u00E8ges compris. \u00BB Le 7 mai 1808, Daru transmettait \u00E0 l'Empereur un rapport donnant l'aper\u00E7u des d\u00E9penses : \u00AB Votre Majest\u00E9 a ordonn\u00E9 que l'on profit\u00E2t de son absence pour meubler le salon ou cabinet de l'Empereur, \u00E0 St Cloud, avec une \u00E9toffe en velours chin\u00E9 de Lyon qu'elle a d\u00E9sign\u00E9e, et qui existe dans les magasins du Garde-Meuble. J'ai l'honneur de transmettre \u00E0 Votre Majest\u00E9 l'\u00E9tat par aper\u00E7u pr\u00E9sent\u00E9 par l'administrateur du Mobilier de la d\u00E9pense que cet ameublement doit occasionner. Cette d\u00E9pense est \u00E9valu\u00E9e \u00E0 47.995 f 70 en employant pour la tenture l'\u00E9toffe telle qu'elle est. Mais l'intention de Votre Majest\u00E9 \u00E9tant que ce salon soit le plus riche du Palais, M. Desmazis propose de semer l'\u00E9toffe d'Abeilles brod\u00E9es en or fin, pour \u00E9gayer et enrichir la tenture qui est sombre et peu riche par elle-m\u00EAme : dans ce cas la d\u00E9pense s'\u00E9l\u00E8verait \u00E0 25.000 f de plus ; ce qui porterait le total \u00E0 72.995 f 70. \u00BB Les cr\u00E9dits \u00E9tant \u00E9puis\u00E9s, le projet d'ameublement du Grand Cabinet fut report\u00E9 au budget de 1809.\nEn 1810, le changement n'\u00E9tait toujours pas r\u00E9alis\u00E9 et, le 15 f\u00E9vrier, Desmazis \u00E9crivait \u00E0 Daru : \u00AB Sa Majest\u00E9 voulant que son Cabinet soit tr\u00E8s richement meubl\u00E9 [...], je propose deux projets diff\u00E9rents pour cet ameublement, le 1er serait fait avec l'\u00E9toffe telle qu'elle existe dans les magasins du Mobilier avec la bordure en brocard or mais, cette \u00E9toffe employ\u00E9e sans \u00EAtre relev\u00E9e par une broderie serait d'un effet triste et peu agr\u00E9able. Suivant ce projet la d\u00E9pense ne s'\u00E9l\u00E8verait qu'\u00E0 128.753 f 17 c et cet ameublement pourrait \u00EAtre termin\u00E9 au 20 mars.\nD'apr\u00E8s le 2e projet, l'\u00E9toffe serait tr\u00E8s richement brod\u00E9e et l'ameublement en r\u00E9pondant aux vues de Sa Majest\u00E9 serait d'un effet magnifique et la d\u00E9pense s'\u00E9l\u00E8verait pour ce 2e projet \u00E0 la somme de 160.000 f. C'est-\u00E0-dire 31.246,83 de plus que dans le premier, mais ne pourrait \u00EAtre\u00A0termin\u00E9 que dans six mois.\u00A0\u00BB Dans ce projet, le velours devait \u00EAtre brod\u00E9 en fil\u00E9, cannetilles et paillons or, les \u00E9cussons au chiffre NB \u00E0 d\u00E9broder et rebroder \u00E0 la lettre N.\nLe 17 f\u00E9vrier, l'Empereur refusait les deux propositions. Le 4 juin 1812, Jean-Baptiste Nomp\u00E8re, comte de Champagny, duc de Cadore, intendant g\u00E9n\u00E9ral de la Maison de\u00A0l'Empereur, approuvait le nouveau devis \u00E9tabli par Alexandre Maigret, tapissier. La proposition de Desmazis de faire semer le velours chin\u00E9 d'abeilles brod\u00E9es or fin n'avait pas \u00E9t\u00E9 retenue. On avait d\u00E9cid\u00E9 de d\u00E9broder le chiffre NB sur les \u00E9cussons et de rebroder une rosace en or de Paris, et de broder en or fin, d'apr\u00E8s le dessin accept\u00E9, le velours pour deux fauteuils de repr\u00E9sentation, les plate-bandes de quatre fauteuils, six chaises, vingt-quatre ployants, deux tabourets et les bordures de l'\u00E9cran et du paravent. Maigret \u00E9tait charg\u00E9 de la confection, la maison Picot, \u00E0 Paris, de la broderie.\nL'ameublement du Grand Cabinet de l'Empereur fut livr\u00E9 par Maigret le 15 avril 1813 et envoy\u00E9 \u00E0 Saint-Cloud le 6 mai suivant. Le 9 juillet, le Mobilier imp\u00E9rial avait demand\u00E9 dix-huit chaises suppl\u00E9mentaires, les \u00E9toffes provenant des coupons de la tenture. Elles furent livr\u00E9es le 10 novembre 1813 et envoy\u00E9es \u00E0 Saint-Cloud le 22.\nLe d\u00E9cor du Grand Cabinet de l'Empereur resta en place jusqu'en 1839. Les si\u00E8ges rentr\u00E8rent alors au Garde-Meuble, la tenture, les cantonni\u00E8res et les draperies en 1840.\nLe d\u00E9p\u00E8cement des \u00E9toffes\u00A0fut conserv\u00E9 au Mobilier national et, en 1920, une partie fut\u00A0utilis\u00E9e pour le d\u00E9cor de la Chambre de Napol\u00E9on \u00E0 Malmaison. En 1968, les \u00E9toffes rentr\u00E8rent au Mobilier national.\u00A0\nPr\u00E9cieux t\u00E9moin de l'\u00E9laboration des commandes imp\u00E9riales, la laize du mus\u00E9e des Tissus est le seul exemplaire qui subsiste du processus de validation. Elle a probablement \u00E9t\u00E9 ex\u00E9cut\u00E9e pour permettre de juger de l'effet de la bordure brod\u00E9e associ\u00E9e avec la tenture. Elle correspond \u00E0 une \u00E9tape interm\u00E9diaire, puisque l'on a vu que le dessin a finalement \u00E9t\u00E9 retenu pour la bordure des si\u00E8ges, et non celle de la tenture elle-m\u00EAme.\nMaximilien Durand"@fr . "2021-02-10T00:00:00"^^ .