"Le samit a \u00E9t\u00E9 tiss\u00E9 sur une cha\u00EEne poil Z, de couleur beige, en pi\u00E8ce et en liage, avec une proportion de un fil pi\u00E8ce pour un fil de liage (19-20 fils de chaque cha\u00EEne par centim\u00E8tre). Les trames, bleu vert et jaune, sont en assembl\u00E9 de plusieurs bouts sans torsion apparente. Elles sont pass\u00E9es par un coup de chaque lat (60\u00A0pass\u00E9es au centim\u00E8tre), les fils de liage croisant en serg\u00E9 de 2 lie 1, direction S, par pass\u00E9e. Les d\u00E9coupures sont de un fil pi\u00E8ce en hauteur et de\u00A0deux ou trois\u00A0pass\u00E9es en largeur.\nLe d\u00E9cor est form\u00E9 par le premier lat bleu vert qui constitue le fond et un second jaune, pour les motifs. La soierie pr\u00E9sentait un r\u00E9seau losang\u00E9, dessin\u00E9 par des tigelles feuillues. Les intersections\u00A0des mailles du r\u00E9seau sont marqu\u00E9es par un losange contenant un losange polylob\u00E9, qui enferme lui-m\u00EAme des losanges imbriqu\u00E9s. Dans les compartiments d\u00E9finis par les mailles du r\u00E9seau alternent des octolobes contenant un pique et des carr\u00E9s quadrilob\u00E9s contenant une fleur de lys stylis\u00E9e.\nL'usage de soie beige, tordue en Z, avec une proportion de un fil pi\u00E8ce pour un fil de liage, en cha\u00EEne, et une densit\u00E9 de cette derni\u00E8re relativement faible par rapport au nombre \u00E9lev\u00E9 de pass\u00E9es, le tissage avec une direction en S de la diagonale du serg\u00E9 des liages et au moyen de lats suivis, et les irr\u00E9gularit\u00E9s produites aux passages entre fond et motifs par le d\u00E9calage entre le travail du tisseur et celui du tireur de lacs, rel\u00E8vent de la m\u00EAme tradition textile que bon nombre des soieries d\u00E9couvertes dans les s\u00E9pultures d'Antino\u00E9, essentiellement durant les campagnes de 1897 et 1898.\nDans le cas pr\u00E9sent, le changement de pas des lisses de liage effectu\u00E9 apr\u00E8s le passage du premier lat et entre deux coups appartenant \u00E0 la m\u00EAme d\u00E9coupure trame provoque deux irr\u00E9gularit\u00E9s de construction. Lorsque le second lat se substitue au premier sur les m\u00EAmes fils, un intervalle se produit entre le dernier coup de la trame bleu vert du fond et de la trame jaune du d\u00E9cor. Cet intervalle analogue \u00E0 celui que produirait une trame manquante est le r\u00E9sultat du passage de deux coups cons\u00E9cutifs \u00E0 l'envers. Lorsque, au contraire, le premier lat se substitue au second, le dernier coup de la trame jaune et le premier coup de la trame bleu vert se r\u00E9unissent et sont li\u00E9s dans le m\u00EAme pas des fils de liage.\nLes soieries\u00A0exhum\u00E9es \u00E0 Antino\u00E9\u00A0se r\u00E9partissent en deux ensembles : le groupe des soieries bicolores, auquel appartient cet exemplaire, et celui des samits tiss\u00E9s \u00E0 trois lats ou plus, g\u00E9n\u00E9ralement quatre ou cinq, dont certains latt\u00E9s ou interrompus. Le premier groupe est caract\u00E9ris\u00E9 par un fond bleu vert (inv. MT 26812.27, MT 26812.34\u00A0et MT 2013.0.54) ou rouge (inv. MT 26812.17, MT 26812.28, MT 26812.29, MT 26812.30, 26812.33, MT 40335.1 et MT 40335.2), parfois bleu noir (inv. MT 26812.4). Le plus souvent, les d\u00E9cors sont organis\u00E9s en r\u00E9seaux losang\u00E9s, trac\u00E9s par des tigelles ou des rinceaux feuillus, ponctu\u00E9s d'\u00E9l\u00E9ments g\u00E9om\u00E9triques, enfermant des m\u00E9daillons de formes vari\u00E9es, eux-m\u00EAmes orn\u00E9s. La composition peut cependant \u00EAtre plus \u00E9labor\u00E9e (inv. MT 26812.5). Dans les deux cas, elle r\u00E9v\u00E8le une grande d\u00E9pendance aux mod\u00E8les d\u00E9coratifs de l'art de l'Empire romain d'Orient. Un sous-groupe, rattach\u00E9 aux soieries bicolores, doit \u00EAtre mentionn\u00E9 : il comprend des samits dits \u00AB mi-soie \u00BB puisqu'ils m\u00EAlent, en trame, de la soie et de la laine tr\u00E8s fine (inv. MT 28519.4 et MT 40309, d\u00E9pos\u00E9s au mus\u00E9e du Louvre, MT 2013.0.6 et\u00A0MT 25234).\nLe second groupe, plus diversifi\u00E9 dans son iconographie, r\u00E9unit des soieries aux motifs complexes, souvent inspir\u00E9s par le r\u00E9pertoire sassanide. Dans quelques exemplaires qui constituent un sous-groupe, les cha\u00EEnes, teintes en brun-rouge, soulignent encore l'importance des mod\u00E8les import\u00E9s de la Perse. Pourtant, les caract\u00E9ristiques techniques ne correspondent pas aux habitudes de l'Asie\u00A0centrale, et les motifs sont fortement r\u00E9interpr\u00E9t\u00E9s dans le go\u00FBt purement byzantin. Les coloris utilis\u00E9s sont g\u00E9n\u00E9ralement le bleu fonc\u00E9, le blanc ou l'ivoire, l'ocre ou le rouge, le vert clair et parfois le bleu clair.\nL'homog\u00E9n\u00E9it\u00E9 technique des deux groupes est tr\u00E8s importante. Ils peuvent \u00EAtre attribu\u00E9s \u00E0 un m\u00EAme centre de production, vraisemblablement les ateliers m\u00EAmes de la ville d'Antino\u00E9, et \u00E0 une p\u00E9riode comprise entre le milieu du Ve si\u00E8cle et les premi\u00E8res d\u00E9cennies du VIIe si\u00E8cle, comme l'indiquent les datations au radiocarbone qui ont \u00E9t\u00E9 effectu\u00E9es sur des exemplaires du mus\u00E9e du Louvre, de la collection Katoen Natie \u00E0 Anvers ou de la Fondation Abegg \u00E0 Riggisberg. L'histoire de l'\u00E9volution des techniques de tissage dans le Bassin m\u00E9diterran\u00E9en confirme\u00A0cette fourchette, puisque l'innovation permettant de travailler depuis l'envers du tissu avec trois lats ou plus semble avoir \u00E9t\u00E9 introduite dans le courant du Ve si\u00E8cle.\nLa soierie a \u00E9t\u00E9 reproduite \u00E0 l'aquarelle par Th\u00E9ophile Thomas (1846-1916), peintre et dessinateur de costumes de sc\u00E8ne, et son dessin a \u00E9t\u00E9 publi\u00E9 dans \u00C9toffes byzantines, coptes, romaines, etc. du IVe au Xe si\u00E8cle, dans la s\u00E9rie Mat\u00E9riaux et documents d'Art d\u00E9coratif de l'\u00E9diteur Armand Gu\u00E9rinet, paru \u00E0 Paris au d\u00E9but du XXe si\u00E8cle (sans date), \u00E0 la planche 14 avec l'indication \u00AB B 109. N\u00E9cropole romaine \u00BB : on reconna\u00EEt donc la soierie pr\u00E9sent\u00E9e dans le meuble \u00E0 volets au mus\u00E9e Guimet de Paris en 1898 issue de la n\u00E9cropole B, tombe 109, d\u00E9crite par l'arch\u00E9ologue Albert Gayet dans le catalogue de l'exposition comme une \u00AB bande de soie bleue, losanges esquiss\u00E9s par des rinceaux foliac\u00E9s ; au centre, un motif \u00E9toil\u00E9 avec fleuron inscrit. \u00BB De la tombe B 109 provenaient aussi une \u00AB t\u00EAte de S\u00E9rapis, basalte noir \u00BB, expos\u00E9e dans la treizi\u00E8me vitrine de l\u2019exposition de 1898, et les fragments de\u00A0deux autres\u00A0soieries, une \u00AB bande de soie verte, losanges esquiss\u00E9s par des cha\u00EEnages de petits carr\u00E9s jaunes, orneman\u00E9s ; au centre, un petit losange semblable \u00BB et une \u00AB bande de soie saumon, m\u00E9daillons jaunes, orneman\u00E9s \u00BB. Seule la premi\u00E8re de ces trois bandes a pu \u00EAtre identifi\u00E9e avec certitude dans les collections du mus\u00E9e des Tissus. D\u00E9coup\u00E9e en bande \u00E9troite, elle garnissait probablement un luxueux v\u00EAtement, manteau, chemise ou robe.\nMaximilien Durand"@fr . . "2021-02-10T00:00:00"^^ . .