"En 1843, le minist\u00E8re de l'Agriculture et du Commerce profita de l'annonce de l'envoi d'une ambassade en Chine pour mettre sur pied une mission commerciale \u00E0 destination de ce pays. L'ambassade, plac\u00E9e sous la direction du ministre pl\u00E9nipotentiaire Th\u00E9odose de Lagren\u00E9e, avait pour but la n\u00E9gociation et la signature d'un trait\u00E9 franco-chinois d'amiti\u00E9 et de commerce, qui mette la France sur un pied d'\u00E9galit\u00E9 avec ses concurrents britanniques et am\u00E9ricains. En effet, depuis 1757, Canton \u00E9tait le seul port chinois ouvert aux marchands \u00E9trangers qui ne pouvaient y commercer qu'en passant par l'interm\u00E9diaire de n\u00E9gociants chinois agr\u00E9\u00E9s. En 1842, la d\u00E9faite de la Chine dans la premi\u00E8re guerre de l'Opium entra\u00EEna l'ouverture, par le trait\u00E9 de Nankin, de quatre nouveaux ports chinois, Amoy (actuelle Xiamen), Fuzhou, Ningbo et Shanghai, au commerce avec les Anglais, ainsi que la cession de l'\u00EEle de Hong-Kong \u00E0 la Couronne britannique. La m\u00EAme ann\u00E9e, les \u00C9tats-Unis obtinrent les m\u00EAmes droits commerciaux et juridictionnels, par la signature du trait\u00E9 de Wangxia. L'objectif de la mission fran\u00E7aise en Chine \u00E9tait donc d'obtenir les m\u00EAmes avantages que ses rivaux. \nSollicit\u00E9 par plusieurs Chambres de Commerce, le ministre de l'Agriculture et du Commerce, Fran\u00E7ois Guizot, organisa une d\u00E9l\u00E9gation commerciale pour accompagner cette mission diplomatique conduite par Lagren\u00E9e. Il invita les Chambres des r\u00E9gions poss\u00E9dant des industries importantes \u00E0 r\u00E9unir les tarifs et \u00E9chantillons des principaux produits et \u00E0 lui soumettre la candidature d'un d\u00E9l\u00E9gu\u00E9 charg\u00E9 de le repr\u00E9senter au cours de la mission. En d\u00E9pit de la candidature d\u00FBment motiv\u00E9e qui lui avait \u00E9t\u00E9 adress\u00E9e par Isidore Hedde (1801-1880), fabricant de rubans de Saint-\u00C9tienne, la Chambre de Commerce de Lyon tarda \u00E0 r\u00E9pondre \u00E0 la demande du minist\u00E8re qui lui r\u00E9clamait la d\u00E9signation d'un d\u00E9l\u00E9gu\u00E9 \u00E0 l'industrie des soies et soieries. Devant cette carence, Guizot nomma Hedde, le repr\u00E9sentant de la Chambre de Saint-\u00C9tienne, d\u00E9l\u00E9gu\u00E9 aux soies et soieries. Natalis Rondot (1821-1902) fut choisi par la Chambre de Reims comme d\u00E9l\u00E9gu\u00E9 \u00E0 l'industrie laini\u00E8re, Jean-Michel Auguste Haussmann (1815-1874) nomm\u00E9 repr\u00E9sentant de la Chambre de Colmar pour les cotons et toiles peintes et \u00C9douard Renard (1812-1898), d\u00E9l\u00E9gu\u00E9 pour l'industrie de Paris (vins, tissus et articles divers). La Chambre de Commerce de Rouen, associ\u00E9e comme repr\u00E9sentante des moyens de transport, se montra particuli\u00E8rement r\u00E9active \u00E0 l'annonce du minist\u00E8re et transmit aux d\u00E9l\u00E9gu\u00E9s un v\u00E9ritable cahier des charges, r\u00E9sumant ses attentes concernant la mission. Elle souhaitait que ces derniers r\u00E9alisent une v\u00E9ritable \u00E9tude de march\u00E9, comprenant une analyse de la concurrence, un rapport sur les conditions commerciales en Chine, ainsi qu'une \u00E9tude technique concernant diverses industries, dont celles de la porcelaine, de la m\u00E9tallurgie et de la teinturerie, mais aussi de l'agriculture. \nLe 20 f\u00E9vrier 1844, les quatre d\u00E9l\u00E9gu\u00E9s commerciaux embarqu\u00E8rent \u00E0 Brest \u00E0 bord de la corvette \u00E0 vapeur l'Archim\u00E8de. Apr\u00E8s plus de six mois de voyages ponctu\u00E9s d'escales en Espagne, en Afrique, en Inde, \u00E0 Singapour, aux Philippines et en Cochinchine, la mission arriva finalement \u00E0 Macao le 24 ao\u00FBt, accompagn\u00E9e de l'ambassadeur Lagren\u00E9e qui l'avait rejointe \u00E0 Manille. Les n\u00E9gociations de ce dernier d\u00E9bouch\u00E8rent sur la signature, le 24 septembre 1844, du trait\u00E9 de Huangpu, qui offrait aux Fran\u00E7ais la libert\u00E9 de commercer dans les cinq ports \u00AB ouverts. \u00BB Le 18 octobre, la d\u00E9l\u00E9gation gagnait Canton, qui resta la base arri\u00E8re de ses exp\u00E9ditions en direction des quatre ports nouvellement ouverts, mais \u00E9galement au-del\u00E0, \u00E0 travers les provinces c\u00F4ti\u00E8res du sud de la Chine. La mission des d\u00E9l\u00E9gu\u00E9s commerciaux consistait \u00E0 trouver d'\u00E9ventuels d\u00E9bouch\u00E9s pour les produits de l'industrie fran\u00E7aise, tout en enqu\u00EAtant sur les productions chinoises qui pouvaient int\u00E9resser les marchands et industriels fran\u00E7ais. Avant le d\u00E9part de la mission, Hedde avait recueilli des renseignements et des \u00E9chantillons sur l'industrie fran\u00E7aise de la soie, afin de conna\u00EEtre les besoins des fabricants et de pouvoir se renseigner sur les d\u00E9bouch\u00E9s possibles des soieries fran\u00E7aises et lyonnaises en particulier sur le march\u00E9 chinois. Ces \u00E9chantillons furent montr\u00E9s en Chine, afin de mesurer l'int\u00E9r\u00EAt qu'ils \u00E9taient susceptibles de susciter aupr\u00E8s des locaux, mais non distribu\u00E9s pour ne pas encourager la copie. Au cours des mois pass\u00E9s en Chine, les d\u00E9l\u00E9gu\u00E9s r\u00E9unirent une importante documentation, constitu\u00E9e de notes, de dessins, de mod\u00E8les r\u00E9duits et d'observations de toutes sortes, mais aussi de sp\u00E9cimens de nature vari\u00E9e, min\u00E9raux, v\u00E9g\u00E9taux, cocons, graines de m\u00FBrier, substances tinctoriales, textiles et autres produits de l'industrie chinoise, porcelaines, alcools, tabacs, sucreries... L'\u00E9tude de ces documents devait permettre de renseigner les industriels fran\u00E7ais sur les produits et techniques employ\u00E9s par leurs concurrents chinois. Hedde commanda aux ateliers de peinture situ\u00E9s dans les factoreries de Canton des dessins repr\u00E9sentant les diff\u00E9rentes \u00E9tapes du travail de la soie. On doit notamment ces illustrations aux artistes cantonais Tingqua, Sunqua et Youqua, r\u00E9put\u00E9s pour leurs peintures d'exportation. La rencontre de missionnaires, diplomates, marchands et fonctionnaires, chinois et \u00E9trangers, permit aux d\u00E9l\u00E9gu\u00E9s d'obtenir les renseignements et sauf-conduits n\u00E9cessaires \u00E0 leurs d\u00E9placements et \u00E0 leurs enqu\u00EAtes. Leurs excursions en dehors des villes ouvertes par les trait\u00E9s n'en \u00E9taient pas moins hasardeuses, dans une Chine encore tr\u00E8s peu habitu\u00E9e \u00E0 la pr\u00E9sence \u00E9trang\u00E8re. Ainsi, c'est d\u00E9guis\u00E9 en Chinois, tonsur\u00E9 et coiff\u00E9 d'une calotte \u00E0 laquelle \u00E9tait fix\u00E9e une tresse postiche, qu'Hedde se rendit \u00E0 Suzhou, le 30 octobre 1845, pour visiter les manufactures de soie imp\u00E9riales. Cette visite m\u00E9morable du d\u00E9l\u00E9gu\u00E9 aux soies et soieries \u00E0 Suzhou fit l'objet d'une peinture comm\u00E9morative qui fut retranscrite, en 1848, \u00E0 la demande de la Chambre de Commerce de Saint-\u00C9tienne, sur un ruban tiss\u00E9 par le fabricant Peyret d'apr\u00E8s un dessin de Balan\u00E7ard (inv. MT 46000). \nLe 22 d\u00E9cembre, Hedde, Rondot, Haussmann et Renard abandonn\u00E8rent leurs quartiers de Canton pour rejoindre l'\u00EEle de Formose (Taiwan), puis celle de Hong-Kong, depuis laquelle ils quitt\u00E8rent la Chine, le 6 janvier 1846, \u00E0 bord de l'Alcm\u00E8ne. Ils arriv\u00E8rent en France au mois de mai de la m\u00EAme ann\u00E9e. Au retour de la mission commerciale, plusieurs expositions furent organis\u00E9es \u00E0 Paris (1846), Lyon (1847) et Saint-\u00C9tienne (1848), afin de montrer au public, mais surtout aux marchands et industriels, les objets et \u00E9chantillons rapport\u00E9s. Ces expositions industrielles pr\u00E9sent\u00E8rent quelques dix mille objets, et donn\u00E8rent lieu chacune \u00E0 l'\u00E9dition d'un catalogue. \nLa premi\u00E8re de ces expositions, organis\u00E9e \u00E0 l'initiative du minist\u00E8re de l'Agriculture et du Commerce et de la Chambre de Commerce de Paris, eut lieu dans les salles de l'\u00C9cole sup\u00E9rieure de la ville de Paris pour l'instruction primaire, rue Neuve-Saint-Laurent, du 21 juillet au 20 ao\u00FBt 1846. Elle accueillait le public les mardi, mercredi, jeudi et vendredi, de dix heures \u00E0 seize heures. Le catalogue en r\u00E9partit les objets en cinq sections, en fonction de l'industrie dont ils rel\u00E8vent et du d\u00E9l\u00E9gu\u00E9 qui en avait la charge : l'industrie cotonni\u00E8re (Haussmann), l'industrie laini\u00E8re (Rondot), l'industrie des soies et soieries (Hedde) et l'industrie parisienne (Renard), plus une cinqui\u00E8me consacr\u00E9e aux \u00AB vins, eaux-de-vie, sucres, tabacs, etc. \u00BB (plac\u00E9e sous la responsabilit\u00E9 de Rondot). \nContrairement \u00E0 cette premi\u00E8re exposition parisienne qui portait sur tous les domaines couverts par la mission, celles qui se tiennent \u00E0 Lyon et \u00E0 Saint-\u00C9tienne les ann\u00E9es suivantes ne pr\u00E9sentent que les objets relatifs \u00E0 l'industrie de la soie : outils, mod\u00E8les r\u00E9duits de m\u00E9tiers \u00E0 tisser, \u00E9chantillons textiles, cocons, graines de vers \u00E0 soie et de m\u00FBrier et mati\u00E8res tinctoriales. L'exposition de Lyon, \u00E0 la demande de la Chambre de Commerce, fut organis\u00E9e par Hedde, qui assura \u00E9galement la r\u00E9daction de son catalogue. Inaugur\u00E9e le 13 juillet 1847, elle se tint, pendant six mois, dans la salle de min\u00E9ralogie du Palais Saint-Pierre, pr\u00EAt\u00E9e par la Ville. Les quelques dix mille objets, appartenant au Gouvernement, \u00E0 Hedde ou \u00E0 divers collectionneurs priv\u00E9s, y \u00E9taient pr\u00E9sent\u00E9s sous deux mille trente-trois num\u00E9ros. L'exposition \u00E9tait accessible au public les mardi et mercredi de onze heures \u00E0 seize heures et aux fabricants de soieries les vendredi et samedi aux m\u00EAmes heures, sur pr\u00E9sentation d'une carte adress\u00E9e \u00E0 domicile. La lev\u00E9e de dessins d'\u00E9toffes y \u00E9tait autoris\u00E9e pour certaines soci\u00E9t\u00E9s qui en avaient fait la demande et pour les seules \u0153uvres appartenant au Gouvernement (pr\u00E9c\u00E9d\u00E9es de la lettre G dans le catalogue), les lundi et jeudi de neuf heures \u00E0 onze heures. Le succ\u00E8s de l'exposition fut tel que de nombreux visiteurs s'unirent pour offrir un banquet en l'honneur de son organisateur, Isidore Hedde. \nLa troisi\u00E8me exposition des produits de la mission en Chine fut r\u00E9alis\u00E9e \u00E0 Saint-\u00C9tienne, \u00E0 l'initiative de la Chambre de Commerce et aux frais de l'administration municipale. Isidore Hedde fut \u00E0 nouveau sollicit\u00E9 pour la r\u00E9daction du catalogue. Mais il s'agissait cette fois-ci d'un v\u00E9ritable catalogue raisonn\u00E9 et comment\u00E9, et non plus d'une simple nomenclature comme cela avait \u00E9t\u00E9 le cas l'ann\u00E9e pr\u00E9c\u00E9dente pour l'exposition de Lyon. Inaugur\u00E9e le 1er mars 1848, l'exposition de Saint-\u00C9tienne, sise dans la salle dite du Mus\u00E9e de l'H\u00F4tel de Ville, \u00E9tait ouverte au public les dimanche et lundi, de onze heures \u00E0 seize heures, et aux fabricants, sur pr\u00E9sentation d'une carte, les mardi et jeudi. La Chambre de Commerce de Lyon avait octroy\u00E9 \u00E0 Isidore Hedde la somme de dix-neuf mille francs afin qu'il r\u00E9unisse au cours de sa mission en Chine une collection d'\u00E9chantillons et mod\u00E8les des produits ou proc\u00E9d\u00E9s de l'industrie chinoise qui lui paraissaient les plus remarquables. Cette collection \u00E9tait destin\u00E9e \u00E0 servir d'objet d'\u00E9tude aux soyeux lyonnais. Mais le ministre de l'Agriculture et du Commerce en avait d\u00E9cid\u00E9 autrement et entendait conserver ces objets pour la cr\u00E9ation d'un mus\u00E9e central \u00E0 Paris. \nD\u00E8s 1846, la Chambre de Lyon avait r\u00E9clam\u00E9 au minist\u00E8re sa part des \u00E9chantillons et objets rapport\u00E9s de Chine. Devant l'insistance de la Chambre, le ministre conc\u00E9da finalement l'organisation des expositions temporaires de Lyon et de Saint-\u00C9tienne. Apr\u00E8s quoi, les objets rejoignirent, en 1849, les collections du mus\u00E9e des Arts et M\u00E9tiers de Paris. Mais la Chambre de Lyon, \u00E0 force de pers\u00E9v\u00E9rance, finit par obtenir gain de cause et re\u00E7ut, \u00E0 la fin de l'ann\u00E9e 1849, une partie des objets r\u00E9unis par la mission, \u00E9chantillons et albums relatifs \u00E0 la production et au tissage de la soie. Ils furent d\u00E9pos\u00E9s au mus\u00E9e industriel du Conseil des Prud'hommes. Ils y furent conserv\u00E9s jusqu'\u00E0 l'ouverture, en 1864, du mus\u00E9e d'Art et d'Industrie, anc\u00EAtre du mus\u00E9e des Tissus. D'autres objets issus de la mission et ayant appartenu \u00E0 la collection de Natalis Rondot entr\u00E8rent par ailleurs dans les collections du mus\u00E9e \u00E0 diff\u00E9rentes \u00E9poques. Cet insigne de rang de fonctionnaire Qing provient du don fait par la Chambre de Commerce au mus\u00E9e des objets collect\u00E9s pendant la mission commerciale en Chine. Deux autres insignes ont \u00E9galement rejoint les collections dans cette circonstance (inv. MT 9207 et MT 9209). Ils sont mentionn\u00E9s dans le catalogue de l'exposition de Lyon, en 1847, aux num\u00E9ros 1750 et 1762 (\u00AB 1750. G. [pour \u00AB Gouvernement \u00BB] Quatre plastrons, kom-po-tseu, en k\u00E9-sz, c'est-\u00E0-dire broch\u00E9s espoulin\u00E9s, en soie et plumes d'oiseaux. Les h\u00E9rons, aux ailes ouvertes, indiquent qu'ils sont destin\u00E9s pour officiers de\u00A01re et\u00A02e classes. Ils sont port\u00E9s sur la poitrine et sur le dos \u00BB et \u00AB 1762. G. Quatre kom-po-tseu, dans le genre du n\u00B0 1750 \u00BB), et dans le catalogue de l'exposition de Saint-\u00C9tienne, en 1848, au num\u00E9ro 705 (\u00AB Kin-pou-tz', plastrons h\u00E9raldiques en k\u00E9-tz', tissu dans le genre du pr\u00E9c\u00E9dent, dont les trames sont quelquefois form\u00E9es de plumes d'oiseaux. Ces plastrons sont port\u00E9s sur le dos et la poitrine par les personnages de distinction \u00BB). \nCet insigne de rang de fonctionnaire civil Qing se compose de deux \u00E9l\u00E9ments cousus ensemble, composant\u00A0une partie centrale ainsi qu\u2019une bordure \u00E0 d\u00E9cor g\u00E9om\u00E9trique dor\u00E9. La premi\u00E8re figure une aigrette debout se d\u00E9tachant sur un fond dor\u00E9. L\u2019aigrette est tourn\u00E9e vers la gauche et repose sur sa patte gauche, les ailes d\u00E9ploy\u00E9es, contrairement \u00E0 l\u2019oiseau en vol en usage sous les Ming. Cet oiseau se situe sur un promontoire rocheux au centre d\u2019un paysage compos\u00E9 en partie inf\u00E9rieure d\u2019une mer agit\u00E9e ainsi que de nuages chi de couleur bleue et rouge, au centre de trois massifs rocheux s\u00E9par\u00E9s les uns des autres par des vagues stylis\u00E9es et en partie sup\u00E9rieure de nuages chi ainsi que d\u2019un soleil rouge. \nCe carr\u00E9 de mandarin comprend une pluralit\u00E9 de symboles ayant une vocation \u00E0 la fois b\u00E9n\u00E9fique pour le propri\u00E9taire et repr\u00E9sentative des qualit\u00E9s de celui-ci. Ainsi, divers objets flottent sur l\u2019\u00E9tendue aquatique rel\u00E8vent d\u2019une iconographie confucianiste. En ce sens, l\u2019un des huit objets pr\u00E9cieux du confucianisme est pr\u00E9sent : la sap\u00E8que (symbole d\u2019aisance financi\u00E8re) se situe sur la gauche du promontoire central. Certains \u00E9l\u00E9ments du paysage sont aussi porteurs d\u2019un sens m\u00E9taphorique. \u00C0 partir des massifs rocheux lat\u00E9raux s\u2019\u00E9panouissent en effet trois vari\u00E9t\u00E9s notables de plantes : la pivoine arbustive (caract\u00E9risant l\u2019honneur, la noblesse et la sant\u00E9) et le lingzhi (l\u2019immortalit\u00E9 ou la long\u00E9vit\u00E9) \u00E0 gauche, le narcisse (symbole d\u2019immortalit\u00E9 ou de bonheur) et le p\u00EAcher (l\u2019immortalit\u00E9) \u00E0 droite. Cette division botanique entre le narcisse et la pivoine au sein du carr\u00E9 est de mise depuis la fin du XVIIe si\u00E8cle. \n Une autre iconographie chinoise est d\u00E9cryptable au sein de la composition : cinq chauves-souris, dont la traduction, fu, en chinois est homophone de \u00AB bonheur \u00BB, se situent de part et d\u2019autre de l\u2019aigrette. \n L\u2019environnement dans lequel \u00E9volue l\u2019aigrette est lui aussi significatif, et particuli\u00E8rement fr\u00E9quent au XIXe si\u00E8cle dans la composition des paysages des carr\u00E9s de mandarins. Cet ensemble comprend ainsi les flots en partie inf\u00E9rieure, puis trois rocs avec l\u2019oiseau et les cieux \u00E9voqu\u00E9s par les nuages de couleur bleue. En partie sup\u00E9rieure gauche, le soleil rouge symbolise l\u2019Empereur et domine les \u00E9l\u00E9ments : l\u2019eau, la terre et les cieux. Par ailleurs, l\u2019aigrette se tourne vers l\u2019astre solaire, ceci illustrant l\u2019all\u00E9geance que le fonctionnaire pr\u00EAte \u00E0 l\u2019Empereur. Cette orientation de l\u2019oiseau se retrouve en outre sur la quasi-totalit\u00E9 des carr\u00E9s de mandarins.\nCe carr\u00E9 de mandarin constitue un t\u00E9moignage du rang atteint par un fonctionnaire de la Chine des Qing au XIXe si\u00E8cle. Bien avant cette p\u00E9riode, la Chine a connu un fonctionnement politique diff\u00E9rent de celui de l\u2019Occident, notamment par le biais de sa bureaucratie extr\u00EAmement hi\u00E9rarchis\u00E9e, remontant au plus tard \u00E0 la dynastie Qin (221-207 av. J.-C.). Les fonctionnaires, appel\u00E9s plus commun\u00E9ment \u00AB mandarins \u00BB composant cette derni\u00E8re se trouvaient sous l\u2019\u00E9gide de l\u2019Empereur et \u00E9taient en charge des affaires d\u2019\u00C9tat. Si la s\u00E9lection des fonctionnaires du pays a connu quelques changements, elle garde tout de m\u00EAme un caract\u00E8re continu pendant 1300 ans, de 605 \u00E0 1905, par le truchement de l\u2019institutionnalisation de l\u2019examen. Celui-ci se fonde sur les connaissances d\u00E9tenues par les candidats \u00E0 propos des Classiques de Confucius (551-479 av. J.-C., dates incertaines), entre autres lors de dissertations. Selon le r\u00E9sultat obtenu \u00E0 l\u2019examen, un rang particulier est attribu\u00E9 au candidat. Le niveau atteint par le fonctionnaire n\u00E9ophyte est signal\u00E9 par plusieurs indicateurs de rangs, dont participe le \u00AB carr\u00E9 de mandarin \u00BB ou insigne de rang. L\u2019origine de la forme carr\u00E9e de l\u2019insigne de rang serait \u00E0 attribuer aux Yuan (1279-1368). Ces derniers auraient effectivement import\u00E9 la coutume du port d\u2019un empi\u00E8cement carr\u00E9 formulant alors l\u2019indication du statut social. Plusieurs sources conduisent \u00E0 cette hypoth\u00E8se : d\u2019une part, une illustration du texte Shilin Guangji permet d\u2019identifier un fonctionnaire mongol portant un tissu carr\u00E9 sur la partie post\u00E9rieure de sa toge. D\u2019autres exemples mat\u00E9riels existent : la Plum Blossoms Gallery de Hong Kong a pu conserver un badge de vingt-neuf centim\u00E8tres sur trente figurant un cerf et datant du XIIIe si\u00E8cle. Au-del\u00E0 des pi\u00E8ces retrouv\u00E9es au sein de sites fun\u00E9raires, une sculpture retrouv\u00E9e \u00E0 Yangqunmiao constitue l\u2019attestation tridimensionnelle du port de l\u2019insigne carr\u00E9. L\u2019utilisation de la forme carr\u00E9e de l\u2019insigne de rang des fonctionnaires pourrait \u00E9galement \u00EAtre justifi\u00E9e par la distinction de forme op\u00E9r\u00E9e entre les terrasses circulaires des autels d\u00E9di\u00E9s aux d\u00E9it\u00E9s sup\u00E9rieures - Shang Di notamment \u2013 et les plateformes carr\u00E9es des autels consacr\u00E9s aux d\u00E9it\u00E9s d\u2019importance moindre. Les sites sacrificiels de P\u00E9kin, reconstruits sous Yongle entre 1403 et 1424 ont conserv\u00E9 cette distinction formelle entre certaines terrasses de la partie Sud de la Cit\u00E9 Interdite ; le temple du paradis, avec ses terrasses circulaires contraste avec son \u00E9quivalent, l\u2019autel de l\u2019agriculture, de forme carr\u00E9e. \nParall\u00E8lement \u00E0 la tr\u00E8s probable origine Yuan de la forme carr\u00E9e de l\u2019insigne, la technique de r\u00E9alisation du badge conserv\u00E9 dans les collections du mus\u00E9e des Tissus, la tapisserie de type kesi, aurait \u00E9galement \u00E9t\u00E9 import\u00E9e par les populations du Nord. Les tisserands Liao et Jin ont en effet permis un transfert de cette technique aux Song du Nord qui lui donn\u00E8rent une prosp\u00E9rit\u00E9 av\u00E9r\u00E9e gr\u00E2ce au patronage de la cour imp\u00E9riale. \nSous les Ming (1368-1644), la pi\u00E8ce de tissu est le plus souvent cousue en paire sur l\u2019avers et le revers de la robe du mandarin, tandis qu\u2019elle prend place sur un sur-manteau de cour (ou surplis), bufu, durant la dynastie Qing. Ce changement de support explique notamment qu\u2019\u00E0 partir de la derni\u00E8re dynastie imp\u00E9riale chinoise les insignes composant la paire ne sont pas tout \u00E0 fait semblables.\nL\u2019insigne avec l'aigrette du mus\u00E9e des Tissus \u00E9tait port\u00E9 sur le devant du bufu puisqu'il est divis\u00E9 en deux parties en son centre pour respecter l'ouverture du surplis. Le mus\u00E9e des Tissus ne conserve pas le pendant, d'une pi\u00E8ce, qui devait se trouver dans le dos.\nL\u2019identification du rang du mandarin propri\u00E9taire de ce carr\u00E9 est permise par une r\u00E8glementation progressive de l\u2019iconographie des insignes d\u2019\u00C9tat. Sous le r\u00E8gne de l\u2019Empereur Hongwu, en 1391, il fut d\u00E9fini que les fonctionnaires, selon qu\u2019ils fussent civils ou militaires, devaient porter sur leur pi\u00E8ce de tissu une esp\u00E8ce animali\u00E8re pr\u00E9cise. Les oiseaux, symboles d\u2019\u00E9l\u00E9gance et de raffinement, \u00E9taient l\u2019apanage des fonctionnaires civils, alors que les insignes de militaires \u00E9taient orn\u00E9s d\u2019animaux f\u00E9roces. Neuf rangs furent mis en place pour chaque cat\u00E9gorie de mani\u00E8re stricte \u00E0 partir de 1527, ceci permettant de conna\u00EEtre l\u2019importance du personnage concern\u00E9. \nL\u2019exemplaire\u00A0du mus\u00E9e des Tissus\u00A0pr\u00E9sente en son centre une aigrette tourn\u00E9e vers l'\u00E9paule droite du propri\u00E9taire, ceci impliquant que le pendant post\u00E9rieur portait une aigrette tourn\u00E9e vers l'\u00E9paule gauche. Il appartenait donc \u00E0 un fonctionnaire civil de sixi\u00E8me rang. Les \u00E9pouses de mandarins avaient \u00E9galement le droit de porter l\u2019insigne, mais le regard de l\u2019oiseau \u00E9tait dirig\u00E9 vers l\u2019autre \u00E9paule, de sorte que lorsque les \u00E9poux \u00E9taient assis l\u2019un \u00E0 c\u00F4t\u00E9 de l\u2019autre, leurs oiseaux se fissent face. Les deux portraits d\u2019anc\u00EAtres r\u00E9alis\u00E9s durant la seconde moiti\u00E9 du XIXe si\u00E8cle (D979-3-2162 et D979-3-1563) conserv\u00E9s au mus\u00E9e des Confluences, \u00E0 Lyon,\u00A0illustrent assez bien ce positionnement des oiseaux.\nDurant les derni\u00E8res d\u00E9cennies de la dynastie Qing, de nombreux \u00E9v\u00E9nements politiques sont intervenus et ont \u00E9t\u00E9 vecteurs de changement \u00E0 propos des insignes de rangs. Suite \u00E0 la premi\u00E8re Guerre de l\u2019opium (entre 1839 et 1842) et parall\u00E8lement \u00E0 une croissance d\u00E9mographique importante ainsi qu\u2019\u00E0 une ascension \u00E9conomique et sociale des marchands, la production des insignes de rangs se fait de mani\u00E8re quasi-industrielle. Le gouvernement chinois met notamment en vente les charges de fonctionnaires afin de cr\u00E9er une rentr\u00E9e d\u2019argent. Les d\u00E9cors sont pr\u00E9par\u00E9s en amont puis le motif central est appos\u00E9 en fonction de la personne recevant la charge. Cette pratique est attest\u00E9e gr\u00E2ce \u00E0 la conservation dans certaines collections d\u2019exemplaires ne comprenant pas en leur sein d\u2019oiseau ou d\u2019animal f\u00E9roce (voir en ce sens le 30.75.903 au Metropolitan Museum de New York). \nPost\u00E9rieurement \u00E0 la seconde Guerre de l\u2019opium (entre 1856 et 1860) et \u00E0 la r\u00E9volte des Taiping (entre 1851 et 1864), un double effet est notable concernant les carr\u00E9s de mandarins : beaucoup de Chinois perdent foi en ce syst\u00E8me de rangs, alors que l\u2019iconographie des carr\u00E9s comprend de plus en plus de signes de chance et de plantes de bon augure. Ce ph\u00E9nom\u00E8ne de production massive a caus\u00E9 une lecture difficile des iconographies ainsi qu\u2019une compr\u00E9hension alt\u00E9r\u00E9e des rangs dans la seconde moiti\u00E9 du XIXe si\u00E8cle.\nL\u2019insigne conserv\u00E9 au mus\u00E9e des Tissus pr\u00E9sentant une oie sauvage\u00A0ne semble pas participer de cette p\u00E9riode de d\u00E9g\u00E9n\u00E9rescence iconographique puisque seuls\u00A0trois symboles\u00A0confucianistes sont \u00E9voqu\u00E9s. De plus, les nuages r\u00E9alis\u00E9s de mani\u00E8re continue ainsi que la sobri\u00E9t\u00E9 d'ensemble de la composition par rapport aux exemples ult\u00E9rieurs permettent de supposer une datation entre l'extr\u00EAme fin du XVIIIe si\u00E8cle et le premier tiers du XIXe si\u00E8cle. D'autres carr\u00E9s semblables, \u00E0 la fois dans leur retenue iconographique et dans leur composition, sont dat\u00E9s de cette m\u00EAme p\u00E9riode (voir, par exemple, l'insigne inv. 30.75.914 du Metropolitan Museum of Art de New York).\nAvec les deux autres carr\u00E9s de m\u00EAme provenance, l'insigne fait partie des plus anciens exemplaires de l'importante s\u00E9rie conserv\u00E9e au mus\u00E9e des Tissus.\nNicolas Lor, Maximilien Durand et H\u00E9l\u00E8ne Gascuel"@fr . "2021-02-10T00:00:00"^^ . . .