"2021-02-10T00:00:00"^^ . . . "Cet insigne de rang de fonctionnaire civil Qing se compose de trois parties : le carr\u00E9 lui-m\u00EAme comprenant une partie centrale ainsi qu\u2019une bordure \u00E0 d\u00E9cor g\u00E9om\u00E9trique, puis une seconde bordure de couleur marron fonc\u00E9e comprenant une fleur rose et verte au sommet. La partie centrale de l\u2019insigne figure un monarque du paradis se d\u00E9tachant sur un fond marron d\u00E9cor\u00E9 de volutes dor\u00E9es et de v\u00E9g\u00E9taux. Le monarque est tourn\u00E9 vers la gauche et repose sur sa patte gauche, les ailes d\u00E9ploy\u00E9es, contrairement \u00E0 l\u2019oiseau en vol en usage sous les Ming. Cet oiseau se situe sur un promontoire rocheux au centre d\u2019un paysage compos\u00E9 en partie inf\u00E9rieure d\u2019une mer agit\u00E9e ainsi que de nuages chi dor\u00E9s, au centre de trois massifs rocheux s\u00E9par\u00E9s les uns des autres par des vagues stylis\u00E9es et en partie sup\u00E9rieure de nuages chi ainsi que d\u2019un soleil rouge. \nCe carr\u00E9 de mandarin comprend plusieurs symboles ayant une vocation \u00E0 la fois b\u00E9n\u00E9fique pour le propri\u00E9taire et repr\u00E9sentative des qualit\u00E9s de celui-ci. Ainsi, divers objets flottent sur l\u2019\u00E9tendue aquatique ou dans les airs, et rel\u00E8vent alternativement d\u2019une iconographie bouddhique ou confucianiste. En ce sens, les huit symboles de bonne fortune du monde bouddhique sont \u00E0 signaler : dans le sens de rotation horaire sont pr\u00E9sents le dais (symbolisant la r\u00E9ussite dans les entreprises) et le lotus (la puret\u00E9 de l\u2019esprit), la roue de la Loi (le cycle d\u2019existences), l\u2019ombrelle (la dignit\u00E9), la conque (la voix), le poisson (l\u2019abondance), le n\u0153ud sans fin (la long\u00E9vit\u00E9) et le vase (l\u2019intelligence). \nDeux des huit objets pr\u00E9cieux du confucianisme sont \u00E9galement visibles : le corail, sur la gauche du promontoire central, et la corne de rhinoc\u00E9ros (la joie) sur la droite du m\u00EAme promontoire. Certains \u00E9l\u00E9ments du paysage sont aussi porteurs d\u2019un sens m\u00E9taphorique. \u00C0 partir des massifs rocheux lat\u00E9raux s\u2019\u00E9panouissent en effet deux vari\u00E9t\u00E9s notables de plantes : la pivoine arbustive (caract\u00E9risant l\u2019honneur, la noblesse et la sant\u00E9) \u00E0 gauche, le narcisse (symbole d\u2019immortalit\u00E9 ou de bonheur) \u00E0 droite. Cette division botanique entre le narcisse et la pivoine au sein du carr\u00E9 est de mise depuis la fin du XVIIe si\u00E8cle. \n D\u2019autres iconographies chinoises sont d\u00E9cryptables au sein de la composition : deux chauves-souris, dont la traduction, fu, en chinois est homophone de \u00AB bonheur \u00BB, se situent de part et d\u2019autre du monarque du paradis. Le caract\u00E8re shou ouvert (synonyme de long\u00E9vit\u00E9) de couleur dor\u00E9e est \u00E9galement pr\u00E9sent en frise sur la bordure du carr\u00E9. \n L\u2019environnement dans lequel \u00E9volue le monarque du paradis est lui aussi significatif, et particuli\u00E8rement fr\u00E9quent durant le XIXe si\u00E8cle dans la composition des paysages des carr\u00E9s de mandarins. Cet ensemble comprend ainsi les flots en partie inf\u00E9rieure, puis trois rocs avec l\u2019oiseau et les cieux \u00E9voqu\u00E9s par les nuages de couleur dor\u00E9e. En partie sup\u00E9rieure gauche, le soleil rouge symbolise l\u2019Empereur et domine les \u00E9l\u00E9ments : l\u2019eau, la terre et les cieux. Par ailleurs, le monarque du paradis se tourne vers l\u2019astre solaire, ceci illustrant l\u2019all\u00E9geance que le fonctionnaire pr\u00EAte \u00E0 l\u2019Empereur. Cette orientation de l\u2019oiseau se retrouve en outre sur la quasi-totalit\u00E9 des carr\u00E9s de mandarins. Ce carr\u00E9 de mandarin constituerait un t\u00E9moignage du rang atteint par un fonctionnaire de la Chine des Qing au XIXe si\u00E8cle. \nSous les Ming (1368-1644), la pi\u00E8ce de tissu est le plus souvent cousue en paire sur l\u2019avers et le revers de la robe du mandarin, tandis qu\u2019elle prend place sur un sur-manteau de cour (ou surplis), bufu, durant la dynastie Qing. Ce changement de support explique notamment qu\u2019\u00E0 partir de la derni\u00E8re dynastie imp\u00E9riale chinoise les insignes composant la paire ne sont pas tout \u00E0 fait semblables. \nL\u2019insigne MT 51064 \u00E9tait port\u00E9 sur le dos du bufu de son propri\u00E9taire puisqu\u2019il est complet. Le mus\u00E9e des Tissus ne conserve pas son pendant, mais celui-ci devait \u00EAtre divis\u00E9 en deux parties en son centre du fait de l\u2019ouverture du surplis sur le devant. \n \t L\u2019identification du rang du mandarin propri\u00E9taire de ce carr\u00E9 est permise par une r\u00E8glementation progressive de l\u2019iconographie des insignes d\u2019\u00C9tat. Sous le r\u00E8gne de l\u2019Empereur Hongwu, en 1391, il fut d\u00E9fini que les fonctionnaires, selon qu\u2019ils fussent civils ou militaires, devaient porter sur leur pi\u00E8ce de tissu une esp\u00E8ce animali\u00E8re pr\u00E9cise. Les oiseaux, symboles d\u2019\u00E9l\u00E9gance et de raffinement, \u00E9taient l\u2019apanage des fonctionnaires civils, alors que les insignes de militaires \u00E9taient orn\u00E9s d\u2019animaux f\u00E9roces. Neuf rangs furent mis en place pour chaque cat\u00E9gorie de mani\u00E8re stricte \u00E0 partir de 1527, ceci permettant de conna\u00EEtre l\u2019importance du personnage concern\u00E9. L\u2019exemplaire \u00E9tudi\u00E9 pr\u00E9sente en son centre un monarque du paradis tourn\u00E9 vers l\u2019\u00E9paule gauche du propri\u00E9taire, ceci impliquant que son hypoth\u00E9tique pendant ant\u00E9rieur illustre un monarque tourn\u00E9 vers l\u2019\u00E9paule droite. Cette information permet de penser qu\u2019il appartenait \u00E0 un fonctionnaire civil de neuvi\u00E8me rang. \nLes \u00E9pouses de mandarins avaient \u00E9galement le droit de porter l\u2019insigne, mais le regard de l\u2019oiseau \u00E9tait dirig\u00E9 vers l\u2019autre \u00E9paule, de sorte que lorsque les \u00E9poux \u00E9taient assis l\u2019un \u00E0 c\u00F4t\u00E9 de l\u2019autre, leurs oiseaux se fissent face. Les deux portraits d\u2019anc\u00EAtres r\u00E9alis\u00E9s durant la seconde moiti\u00E9 du XIXe si\u00E8cle (inv. D979-3-2162 et D979-3-1563) conserv\u00E9s au mus\u00E9e des Confluences illustrent assez bien ce positionnement des oiseaux. \n\t Durant les derni\u00E8res d\u00E9cennies de la dynastie Qing, de nombreux \u00E9v\u00E9nements politiques sont intervenus et ont \u00E9t\u00E9 vecteurs de changement \u00E0 propos des insignes de rangs. Suite \u00E0 la premi\u00E8re guerre de l\u2019opium (entre 1839 et 1842) et parall\u00E8lement \u00E0 une croissance d\u00E9mographique importante ainsi qu\u2019\u00E0 une ascension \u00E9conomique et sociale des marchands, la production des insignes de rangs se fait de mani\u00E8re quasi-industrielle. Le gouvernement chinois met notamment en vente les charges de fonctionnaires afin de cr\u00E9er une rentr\u00E9e d\u2019argent. Les d\u00E9cors sont pr\u00E9par\u00E9s en amont puis le motif central est appos\u00E9 en fonction de la personne recevant la charge. Cette pratique est attest\u00E9e gr\u00E2ce \u00E0 la conservation dans certaines collections d\u2019exemplaires ne comprenant pas en leur sein d\u2019oiseau ou d\u2019animal f\u00E9roce (voir, par exemple,\u00A0le carr\u00E9 inv. 30.75.903 conserv\u00E9 au Metropolitan Museum of Art de New York). \nPost\u00E9rieurement \u00E0 la seconde guerre de l\u2019opium (entre 1856 et 1860) et \u00E0 la r\u00E9volte des Taiping (entre 1851 et 1864), un double effet est notable concernant les carr\u00E9s de mandarins : beaucoup de chinois perdent foi en ce syst\u00E8me de rangs, alors que l\u2019iconographie des carr\u00E9s comprend de plus en plus de signes de chance et de plantes de bon augure. Ce ph\u00E9nom\u00E8ne de production massive a caus\u00E9 une lecture difficile des iconographies ainsi qu\u2019une compr\u00E9hension alt\u00E9r\u00E9e des rangs dans la seconde moiti\u00E9 du XIXe si\u00E8cle. L\u2019insigne conserv\u00E9 au mus\u00E9e des Tissus pr\u00E9sentant un monarque du paradis en son sein participe de cette p\u00E9riode et constitue un des derniers t\u00E9moignages d\u2019une production de carr\u00E9s de mandarins sous la dynastie Qing. \nIl s\u2019agit, par la mise en \u0153uvre de sa composition tripartite, ainsi que par son accumulation iconographique, d\u2019un exemple caract\u00E9ristique de la seconde moiti\u00E9 du XIXe si\u00E8cle. L\u2019int\u00E9r\u00EAt croissant de l\u2019Occident et les premiers d\u00E9veloppements du tourisme en Chine ont permis la collecte ou l\u2019achat d\u2019insignes de rang. L\u2019exemplaire du mus\u00E9e des Tissus a \u00E9t\u00E9 l\u2019objet d\u2019une collecte en Asie par la m\u00E8re d'Yves Castagnol,\u00A0le donateur,\u00A0Edm\u00E9e Dufour, \u00E9pouse d'\u00C9mile Castagnol, qui fut membre de l\u2019\u00C9cole fran\u00E7aise d\u2019Extr\u00EAme-Orient.\nContrairement \u00E0 la plupart des insignes conserv\u00E9s au mus\u00E9e des Tissus, certains carr\u00E9s ont \u00E9t\u00E9 produits soit \u00E0 destination des touristes, soit ont \u00E9t\u00E9 r\u00E9employ\u00E9s dans une vis\u00E9e purement d\u00E9corative et occidentale, dans l\u2019ornement de sacs ou de coussins. Il est probable que l\u2019insigne MT 51064 ait \u00E9t\u00E9 utilis\u00E9 de cette mani\u00E8re en Occident, \u00E0 l\u2019instar de l\u2019insigne MT 51069. \nNicolas Lor"@fr .