. . "Le fragment conserv\u00E9 au mus\u00E9e des Tissus appartient au fonds ancien de la collection, il a \u00E9t\u00E9 inventori\u00E9 en janvier 1965 avec la description suivante : \u00AB Satin liser\u00E9 broch\u00E9. D\u00E9cor de fortes tiges enracin\u00E9es, d\u2019oiseaux et de personnages, polychrome sur fond ivoire. France, Louis XV. \u00BB La laize n'est pas conserv\u00E9e dans la totalit\u00E9 de sa largeur (le fragment conserv\u00E9 mesure soixante-dix-huit centim\u00E8tres de haut et cinquante-quatre centim\u00E8tres de large ;\u00A0il est donc n\u00E9anmoins\u00A0possible de reconstituer le motif dans son int\u00E9gralit\u00E9), mais le rapport de dessin, de grandes dimensions, peut \u00EAtre \u00E9valu\u00E9 : il\u00A0mesure pr\u00E8s de soixante-deux centim\u00E8tres de haut pour quarante-deux centim\u00E8tres de large, soit un chemin. L\u2019organisation du motif, qui s'\u00E9panouit sur un fond clair,\u00A0est r\u00E9p\u00E9titive et lin\u00E9aire sur la laize mais le motif lui-m\u00EAme est asym\u00E9trique. \nSur une terrasse flottante d\u2019o\u00F9 pendent deux tiges ramifi\u00E9es \u00E0 petites feuilles trilob\u00E9es prennent place deux groupes de trois moutons \u00E0 la toison \u00E9paisse, le premier se reposant les pattes repli\u00E9es et le second paissant le long des bordures enherb\u00E9es. \u00C0 droite, un chien de berger se tient aux aguets, tout occup\u00E9 \u00E0 suivre le vol d\u2019un oiseau de feu \u00E0 longue queue et long cou, pattes hautes et bec en lames de ciseaux. Surplombant ces sc\u00E8nes, un berger, coiff\u00E9 d\u2019un chapeau \u00E0 large bord, sa gourde-calebasse en bandouli\u00E8re, est v\u00EAtu \u00E0 la fran\u00E7aise d\u2019un habit \u00E0 pans \u00E9vas\u00E9s, d\u2019une culotte resserr\u00E9e sous les genoux et d\u2019une paire de bas. Il se tient debout, immobile, la jambe gauche en avant, les bras fl\u00E9chis et le visage baiss\u00E9 vers ses mains jointes s\u2019appuyant sur le sommet de son b\u00E2ton piqu\u00E9 droit \u00E0 ses pieds. Au centre, se d\u00E9ploie une tige pr\u00E9sentant plusieurs esp\u00E8ces de feuilles, de fleurs et de fruits formant des groupes successifs. \u00C0 la base du plant, deux larges feuilles d\u00E9coup\u00E9es couvrent la sc\u00E8ne pastorale. Au-dessus, quatre fleurs aux p\u00E9tales dentel\u00E9s, chacune d\u2019une couleur diff\u00E9rente, s\u2019\u00E9panouissent en rayonnant dans diverses directions. Au centre, une premi\u00E8re ramification, vers la gauche, supporte deux types de feuilles diff\u00E9rentes, les unes gaufr\u00E9es, les autres lanc\u00E9ol\u00E9es et se termine par trois fleurs \u00E0 la corolle tombante \u00E9voquant des hibiscus en fin de floraison. Au-dessus du berger, une tigelle s\u2019offre comme perchoir \u00E0 un second oiseau de feu, les ailes \u00E9ploy\u00E9es et la t\u00EAte tourn\u00E9e vers la droite. Il semble abrit\u00E9 par trois feuilles similaires \u00E0 celles positionn\u00E9es \u00E0 la naissance de la tige qui se d\u00E9double une derni\u00E8re fois \u00E0 cet endroit. Vers la gauche, s\u2019enroulent et s\u2019\u00E9tirent une succession de tigelles portant diff\u00E9rentes esp\u00E8ces de fruits et de fleurs : grenades, \u0153illets \u00E0 feuilles gaufr\u00E9es, \u0153illets \u00E0 feuilles lanc\u00E9ol\u00E9es et fleur \u00E0 p\u00E9tales dentel\u00E9s. Vers la droite, trois groupes de fruits turgescents au profil de grenades sont couronn\u00E9s par deux fleurs en forme de lanternes chinoises \u00E0 p\u00E9tales h\u00E9riss\u00E9s de petites pointes. Enfin, derri\u00E8re le berger, un double rinceau de feuilles gaufr\u00E9es se termine d\u2019un c\u00F4t\u00E9, par une grappe de jasmin au feuillage lanc\u00E9ol\u00E9, et de l\u2019autre, par un bouton et deux fleurs dont les p\u00E9tales forment une sorte d\u2019entonnoir, encadr\u00E9es \u00E9galement de feuilles lanc\u00E9ol\u00E9es. \nL\u2019organisation des diff\u00E9rents \u00E9l\u00E9ments du motif, leurs \u00E9chelles respectives, sans rapport avec le r\u00E9el, et leurs couleurs, cr\u00E9e un motif ornemental dont l\u2019impression d\u2019ensemble \u00E9voque une treille de jardin. Les diagonales dessin\u00E9es par les branches et les tigelles ne permettent pas une lecture pr\u00E9cise des d\u00E9tails \u00E0 une distance normale d\u2019appr\u00E9ciation dans le cas o\u00F9 cette laize aurait \u00E9t\u00E9 tiss\u00E9e pour une robe. L\u2019id\u00E9e qui a pr\u00E9valu au dessin de ce motif n\u2019est pas anim\u00E9e d\u2019un souci de naturalisme comme cela pouvait \u00EAtre le cas dans la production lyonnaise des ann\u00E9es 1733-1735 dans la lign\u00E9e de Jean Revel. Ici, il s\u2019agit davantage de produire un dessin de fantaisie qui n\u2019est ni une pastorale, \u00E0 proprement parler, ni m\u00EAme une chinoiserie. Cette imbrication de genres orientaux et europ\u00E9ens participe encore d\u2019une esth\u00E9tique rocaille tout en amor\u00E7ant le go\u00FBt de la seconde moiti\u00E9 du XVIIIe si\u00E8cle pour une forme d\u2019exotisme th\u00E9\u00E2tral o\u00F9 le pittoresque projette le spectateur dans une dimension propre au r\u00EAve et au plaisir. Les couleurs employ\u00E9es cr\u00E9ent un ensemble harmonieux. Le model\u00E9 des volumes, les effets de profondeur et d\u2019\u00E9paisseur des diff\u00E9rents \u00E9l\u00E9ments sont produits par la juxtaposition d\u2019un ton clair et d\u2019un ton fonc\u00E9 d\u2019une m\u00EAme teinte, parfois rehauss\u00E9s de blanc ou de noir. Les effets picturaux obtenus par l\u2019emploi des \u00AB points rentr\u00E9s \u00BB ou effet \u00AB bercl\u00E9 \u00BB laissent ici la place \u00E0 des effets proches de l\u2019impression avec l\u2019utilisation majoritaire d\u2019aplats de couleurs. La recherche des dessinateurs se porte davantage sur l\u2019\u00E9vocation d\u2019un univers propice \u00E0 susciter l\u2019\u00E9tonnement et le ravissement en mettant en sc\u00E8ne des univers \u00E0 la fois po\u00E9tiques, \u00E9tranges, voire inqui\u00E9tants. C\u2019est ce que l\u2019on retrouve, \u00E0 la m\u00EAme \u00E9poque, dans l\u2019esth\u00E9tique des jardins chinois d\u00E9crite par William Chambers, architecte, dans son ouvrage paru en 1757, Designs of Chinese Buildings, Furniture, Dresses, Machines, and Ustensiles (p. 15) : \u00AB The perfection of their gardens consists in the number, beauty, and diversity of these scenes. The Chinese gardeners, like the European painters, collect from nature the most pleasing objects, which they endeavour to combine in such manner, as not only to appear to the best advantage separately, but likewise to unite in forming an elegant and striking whole. Their artists distinguish three different species of scenes, to which they give appellations of pleasing, horrid, and enchanted. [La perfection de leurs jardins r\u00E9side dans le nombre, la beaut\u00E9 et la diversit\u00E9 de ces perspectives. Les jardiniers chinois, comme les peintres europ\u00E9ens, extraient de la nature les objets les plus agr\u00E9ables qu\u2019ils s\u2019efforcent de traduire s\u00E9par\u00E9ment de la plus belle mani\u00E8re tout en cr\u00E9ant un ensemble \u00E9l\u00E9gant et saisissant. Leurs artistes distinguent trois types d\u2019environnements diff\u00E9rents qu\u2019ils qualifient d\u2019agr\u00E9able, d\u2019effrayant et d\u2019envo\u00FBtant.] \u00BB \nUne autre \u0153uvre lui est tout \u00E0 fait comparable dans les collections du mus\u00E9e des Tissus, il s\u2019agit d\u2019un fragment de soierie \u00E0 d\u00E9cor de pastorale et d\u2019architecture environn\u00E9es de longues tiges fleuries (inv. MT 25085) tandis qu\u2019un autre fragment de la m\u00EAme \u00E9toffe, appartenant \u00E0 la collection d\u2019\u00E9toffes et de papiers peints de la Manufacture Le Manach \u00E0 Tours, est pass\u00E9e en vente le 9 d\u00E9cembre 2009 \u00E0 l\u2019H\u00F4tel Drouot \u00E0 Paris sous le num\u00E9ro de lot 167 ainsi d\u00E9crit : \u00AB Curieux documents de lampas \u00E0 typologie de pastorales et chinoiseries, milieu XVIIIe si\u00E8cle, fond satin cr\u00E8me broch\u00E9 de soie multicolore avec d\u00E9cors de v\u00E9g\u00E9tations, sc\u00E8nes champ\u00EAtres et animaux exotiques : ph\u00E9nix, chinois et son ombrelle, caravans\u00E9rail, chamelier et ses b\u00EAtes devant architecture \u00E0 coupole, 68 x 50 cm, p\u00E2tre jouant de la fl\u00FBte pr\u00E8s d\u2019un chameau et d\u2019un ph\u00E9nix sur carton ; berger avec ses moutons et oiseaux de feu (incomplets, sur carton). Ces \u00E9toffes calandr\u00E9es sont parfois appel\u00E9es \u201Ccircassiennes\u201D, le dernier mod\u00E8le identique, MHTL inv. 33686 \u00BB (p. 35 et repr. p. 36).\nClaire Berthommier"@fr . "2021-02-10T00:00:00"^^ .