"\u00C0 l'Exposition religieuse\u00A0organis\u00E9e\u00A0\u00E0 Rome en 1870 \u00E0 l'occasion du Concile de Vatican, la maison Henry J.-A., sp\u00E9cialis\u00E9e dans les ornements d'\u00E9glises, dorure et soieries pour ameublement,\u00A0est gratifi\u00E9e d'une m\u00E9daille d'honneur. Elle avait\u00A0succ\u00E9d\u00E9 en 1867 \u00E0 la maison Henry Fr\u00E8res (Alphonse et Charles) et Jouve (Hippolyte). La m\u00EAme ann\u00E9e, elle \u00E9tait distingu\u00E9e d'une m\u00E9daille d'argent \u00E0 l'Exposition universelle de Paris, et, en 1868, d'une m\u00E9daille d'or \u00E0 l'Exposition maritime internationale du Havre.\nLa\u00A0vitrine de la maison Henry J.-A. \u00E0 l'Exposition d'Art religieux de Rome est d\u00E9crite dans le compte rendu de l'\u00E9v\u00E9nement publi\u00E9 par l'abb\u00E9 Charles-Louis Decl\u00E8ves \u00E0 Bruxelles et Paris, en 1870, sous le titre Art religieux-Industrie. L\u2019Exposition romaine. \u00C9tudes, qui mentionne, notamment, d'autres \u0153uvres conserv\u00E9es au mus\u00E9e des Tissus, comme la croix de chasuble brod\u00E9e orn\u00E9e de la Transfiguration (inv. MT 2015.5.20) ou celle avec la repr\u00E9sentation de la Trinit\u00E9 (inv. MT 2015.5.24 et MT 2015.5.25). En revanche, la chasuble brod\u00E9e \u00E0 \u00E9pis et raisins n'est pas cit\u00E9e par l'auteur, mais elle est bri\u00E8vement mentionn\u00E9e par Xavier Barbier de Montault, alors cam\u00E9rier d'honneur du pape Pie IX et membre du jury de l'Exposition, dans\u00A0sa critique publi\u00E9e dans\u00A0la Revue du monde catholique : \u00AB M. Henry est tr\u00E8s in\u00E9gal dans ses broderies. Il en a de m\u00E9diocres et de banales, comme sa chasuble \u00E0 \u00E9pis et raisins ; de nuances heurt\u00E9es et d\u2019un go\u00FBt \u00E9quivoque, par exemple, sa chasuble des Sacrements ; mais il faut s\u2019incliner devant le chaperon de chape o\u00F9 figure le couronnement de Marie, \u0153uvre irr\u00E9prochable si l\u2019artiste, plus soigneux de l\u2019iconographie des hautes \u00E9poques du Moyen \u00C2ge, avait donn\u00E9 au Christ un nimbe crucif\u00E8re et enlev\u00E9 les chaussures de ses pieds [...]\u00BB (\u00AB L\u2019Exposition religieuse \u00E0 Rome (huiti\u00E8me article). V\u00EAtements eccl\u00E9siastiques \u00BB, Revue du monde catholique. Recueil politique, scientifique, historique et litt\u00E9raire, dixi\u00E8me ann\u00E9e, t. XXX, 1870, p. 588-589). Le mus\u00E9e des Tissus conserve \u00E9galement\u00A0la chasuble des Sacrements\u00A0mentionn\u00E9e par Xavier Barbier de Montault (inv. MT 2015.5.34), ainsi que\u00A0deux exemplaires du\u00A0devant de la chasuble \u00E0 \u00E9pis et raisins, brod\u00E9s sur\u00A0taffetas moir\u00E9\u00A0(inv. MT 2015.5.28 et MT 2015.5.29) avec un autre exemplaire du\u00A0devant du m\u00EAme mod\u00E8le \u00E0 \u00E9pis et raisins, brod\u00E9 sur\u00A0gros de Tours\u00A0moir\u00E9 (inv. MT 2015.5.26).\nMalgr\u00E9 les critiques de Xavier Barbier de Montault, la chasuble \u00E0 \u00E9pis et raisins montre l'int\u00E9r\u00EAt tout particulier que Joseph-Alphonse Henry (1836-1913), qui dirige la maison Henry J.-A., d\u00E9veloppe pour la broderie et pour le renouvellement de cette derni\u00E8re appliqu\u00E9e aux ornements d'\u00E9glises. La laize de taffetas moir\u00E9e \u00E0 l'antique est doubl\u00E9e d'une toile de lin assez serr\u00E9e pour soutenir la broderie et servir de doublure. Un dessin pr\u00E9paratoire est trac\u00E9 sur l'\u00E9toffe, qui guide le travail de broderie. La croix de la chasuble est d\u00E9finie par une broderie au pass\u00E9 plat et point de tige imitant un galon fa\u00E7onn\u00E9 rouge orn\u00E9 de tr\u00E8fles dor\u00E9s cern\u00E9s de noir. Ce registre est encadr\u00E9 par un fil de chenille de soie en couchure et un rang de perles enfil\u00E9es, puis par une bordure en fil\u00E9 m\u00E9tallique \u00E9troite et une autre plus large,\u00A0brod\u00E9e au pass\u00E9 en relief sur support, aussi en fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9.\u00A0\n\u00C0 la crois\u00E9e des branches de la croix, un m\u00E9daillon appliqu\u00E9 en \u00E9toffe sans envers trame, base satin de 8, en soie et fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9, accueille un d\u00E9cor de broderie en relief sur support,\u00A0r\u00E9alis\u00E9 en cannetille et cannetille fris\u00E9e dor\u00E9es et cordonnet de soie, formant le monogramme IHS entrelac\u00E9\u00A0avec une croix \u00E0 branches \u00E9gales, fleuronn\u00E9es. Un gros cordon en broderie sur support\u00A0entoure le m\u00E9daillon. Il est festonn\u00E9\u00A0en broderie de cordonnet de soie et de fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9, avec perles ench\u00E2ss\u00E9es dans des fils de cannetille dor\u00E9e.\u00A0\nDans le champ des branches de la croix, un d\u00E9cor de broderie en cordonnet de soie polychrome au point de tige, pass\u00E9 plat et pass\u00E9 empi\u00E9tant, et en couchure par\u00A0deux fils, r\u00E9alis\u00E9e\u00A0en\u00A0fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9, cordonnet de soie et fil\u00E9 m\u00E9tallique lamin\u00E9, avec des\u00A0points de fixation en diagonale, en effet de taffetas, et des points de couleur plus serr\u00E9s (fa\u00E7on \u00AB or nu\u00E9 \u00BB, donnant un effet de relief), dessine une succession de sarments de vigne, charg\u00E9s d'une grappe de raisin, et d'\u00E9pis en bouquet. Les feuilles de vignes sont alternativement mordor\u00E9es et vertes ; dans le premier cas, le raisin est rouge, dans le second, mordor\u00E9. Des losanges guilloch\u00E9s assurent la liaison des diff\u00E9rents sarments. Dans le champ de la chasuble, un sem\u00E9 de croix \u00E0 branches \u00E9gales est ex\u00E9cut\u00E9 en cordonnet de soie, fil\u00E9 m\u00E9tallique dor\u00E9 et perles ench\u00E2ss\u00E9es dans un fil de cannetille dor\u00E9e.\nL'iconographie est \u00E9videmment eucharistique. Les techniques de broderies, qui rappellent celles de la fin du Moyen \u00C2ge et de la Renaissance, l'\u00AB or nu\u00E9 \u00BB,\u00A0notamment, sont particuli\u00E8rement caract\u00E9ristiques des recherches de la maison Henry J.-A. dans ce domaine \u00E0 partir des ann\u00E9es 1870.\nLe dos de chasuble, non d\u00E9coup\u00E9, avec les autres \u00E9l\u00E9ments du m\u00EAme mod\u00E8le conserv\u00E9s au mus\u00E9e des Tissus, les orfrois de la chasuble aux Sept Sacrements et les croix brod\u00E9es pr\u00E9sent\u00E9es \u00E0 l'Exposition d'Art religieux de Rome en 1870 ont \u00E9t\u00E9 g\u00E9n\u00E9reusement donn\u00E9s au mus\u00E9e des Tissus par la famille Truchot, h\u00E9riti\u00E8re de la maison Henry J.-A., avec un ensemble exceptionnel de pi\u00E8ces conserv\u00E9es dans les archives familiales qui avaient \u00E9t\u00E9 pr\u00E9sent\u00E9es par la maison et prim\u00E9es lors de diff\u00E9rentes manifestations nationales ou internationales. Elles sont particuli\u00E8rement pr\u00E9cieuses au vu de l'histoire remarquable de la maison, mais aussi par ce qu'elles r\u00E9v\u00E8lent de l'activit\u00E9 de broderie de l'entreprise Henry J.-A., tr\u00E8s importante mais paradoxalement mal repr\u00E9sent\u00E9e dans les collections publiques et mal connue, en l'absence d'archives conserv\u00E9es pour cette branche de la production.\n\u00C0 l'Exposition internationale de Lyon en 1872, la maison Henry J.-A. obtient une m\u00E9daille d'honneur. L'ann\u00E9e suivante, \u00E0 l'Exposition universelle de Vienne, elle est gratifi\u00E9e d'une m\u00E9daille de progr\u00E8s, puis d'une m\u00E9daille d'or \u00E0 celle de Paris, en 1878. La maison obtient un Grand Prix \u00E0 l'Exposition universelle de Paris, en 1889, Joseph-Alphonse Henry \u00E9tant d\u00E9cor\u00E9 de la croix de la L\u00E9gion d'honneur, et\u00A0un autre Grand Prix \u00E0 celle de 1900. En 1907, Joseph-Alphonse Henry c\u00E8de l'entreprise \u00E0 ses neveux, Jean Truchot et Andr\u00E9 Grassis.\u00A0Ils la dirigent ensemble, selon les axes d\u00E9velopp\u00E9s par Joseph-Alphonse Henry (la maison utilise l'appellation \u00AB\u00A0ancienne maison Henry J.-A.\u00A0\u00BB dans ses documents administratifs et commerciaux et continue de fournir les patrons qui ont assur\u00E9 le succ\u00E8s de l'entreprise) jusqu'en 1919, Jean Truchot restant alors seul \u00E0 la t\u00EAte de l'\u00E9tablissement sous la raison commerciale Truchot J., puis, en 1925, Truchot J. et Cie. La maison continue d'accumuler les r\u00E9compenses sous la raison Truchot J. et Grassis puis Truchot J. En 1914, elle est membre du jury de l'Expoistion internationale de Lyon. Elle obtient un Grand Prix \u00E0 l'Exposition nationale de Strasbourg en 1919, un dipl\u00F4me d'honneur \u00E0 l'Exposition internationale des Arts d\u00E9coratifs et industriels modernes de Paris en 1925, un Grand Prix \u00E0 l'Exposition internationale de Leipzig et \u00E0 l'Exposition fran\u00E7aise de Madrid en 1927 (elle participe la m\u00EAme ann\u00E9e aux Expositions de Francfort et de Prague), \u00E0 l'Exposition internationale de Barcelone en 1919, \u00E0 celle de Li\u00E8ge et Anvers en 1930, un dipl\u00F4me d'honneur \u00E0 celle de Bruxelles en 1935. Jean Truchot est alors d\u00E9cor\u00E9 de la L\u00E9gion d'honneur. La Seconde Guerre mondiale, et plus encore le Concile de Vatican II, r\u00E9duisent consid\u00E9rablement les commandes d'ornements liturgiques. La maison Truchot J. et\u00A0Cie ferme d\u00E9finitivement en 1977.\nMaximilien Durand"@fr . . . "2021-02-10T00:00:00"^^ .