"2021-02-10T00:00:00"^^ . "La laize, conserv\u00E9e avec ses lisi\u00E8res, pr\u00E9sente un fond satin bleu clair, orn\u00E9 de sujets en velours biche clair. Un sem\u00E9 de fleurons occupe le fond, sur lequel se d\u00E9tache, en partie inf\u00E9rieure, une couronne de feuilles stylis\u00E9es, qui enferme un cartouche rehauss\u00E9 d'ornements et de guirlandes de perles et surmont\u00E9 d'un vase antique, \u00E0 la panse godronn\u00E9e. \u00C0 l'int\u00E9rieur du cartouche se trouve un foudre ail\u00E9 d'o\u00F9 jaillissent des \u00E9clairs. Dans la partie sup\u00E9rieure est un cartouche de forme carr\u00E9e, \u00E0 la bordure enrichie d'ornements, qui contient une ath\u00E9nienne embras\u00E9e encadr\u00E9e par deux vases de type aigui\u00E8re, garnis de fleurs.\nLe panneau fut acquis \u00E0 l'issue de l'Exposition universelle, avec un ensemble d'\u00E9toffes r\u00E9alis\u00E9es par la maison Bissardon, Cousin et Bony ou par la maison Chuard et Cie sous l'Empire et les premi\u00E8res ann\u00E9es de la Restauration. On sait que Pierre-Toussaint D\u00E9chazelle avait c\u00E9d\u00E9 son fonds, \u00E0 une date inconnue, \u00E0 Charles Corderier qui s'associa sous l'Empire \u00E0 Marie-Jacques Lemire. Entre 1829 et 1834, Corderier et Lemire reprirent la fabrique de Chuard, qui lui-m\u00EAme avait repris le fonds Bissardon, enrichi des archives de Marie-Olivier Desfarges. Lemire poursuivit son activit\u00E9 sous la raison sociale Lemire et Cie, puis Lemire p\u00E8re et fils. En 1865, la manufacture connaissant des difficult\u00E9s, elle fut vendue, avec tout son fonds d'archives, \u00E0 Antoine Lamy et Auguste Giraud. En 1900, \u00C9douard Lamy, fils d'Antoine, s'associait \u00E0 Romain Gautier. La m\u00EAme ann\u00E9e, il vendait plusieurs \u00E9toffes cr\u00E9\u00E9es par la maison Bissardon, Cousin et Bony au conservateur du mus\u00E9e des Tissus. C'est le cas, par exemple, de la laize de velours cisel\u00E9 bleu lam\u00E9 or \u00E0 rosaces et plantes imp\u00E9riales command\u00E9e en 1811 pour le deuxi\u00E8me salon d'appartement d'honneur au Palais de Versailles (inv. MT 26957), mais aussi d'une tenture fond satin cramoisi velours cisel\u00E9 blanc (inv. MT 26965) et de plusieurs bordures (voir, par exemple, inv. MT 26956.14). \nRaymond Cox d\u00E9couvrit ces \u00E9toffes en pr\u00E9parant l'Exposition centennale de la Soierie, pr\u00E9vue par le Comit\u00E9 d'installation de la Classe 83 \u00AB Soie et tissus de soie \u00BB pour l'Exposition universelle. Cette manifestation comprenait deux sections. La premi\u00E8re, r\u00E9trospective, sans classement m\u00E9thodique, montrait diff\u00E9rents sp\u00E9cimens de textiles du XVIIIe si\u00E8cle. La seconde, install\u00E9e chronologiquement, plus directement li\u00E9e \u00E0 la programmation des Mus\u00E9es centennaux de l'Exposition universelle, donnait une vision continue des \u00E9volutions de l'industrie de la soie depuis la R\u00E9volution.\nLyon, presque exclusivement, fournit les mat\u00E9riaux de cette exposition. Pour les p\u00E9riodes ant\u00E9rieures, la Chambre de Commerce de la ville avait pr\u00E9sent\u00E9 les aquarelles r\u00E9alis\u00E9es \u00E0 partir des collections du mus\u00E9e historique des Tissus par Raymond Cox, son conservateur, et qui avaient servi \u00E0 illustrer l'ouvrage L'Art de d\u00E9corer les Tissus. Ces aquarelles, donn\u00E9es depuis par leur auteur au mus\u00E9e, portent le num\u00E9ro d'inventaire MT 26886. \nLe mus\u00E9e historique des Tissus avait \u00E9videmment largement contribu\u00E9 par ses pr\u00EAts au succ\u00E8s de l'Exposition centennale. Raymond Cox, rapporteur du Comit\u00E9 d'installation, qui consacre un ouvrage \u00E0 cette manifestation, Mus\u00E9e r\u00E9trospectif de la Classe 83 Soie et tissus de soie \u00E0 l'Exposition universelle internationale de 1900, \u00E0 Paris. Rapport du Comit\u00E9 d'installation, publi\u00E9 \u00E0 Paris en 1900, indique : \u00AB MM. Bouvard et Burel, Chatel et Tassinari, Lamy et Gautier, Albert Martin, Piotet et Roque ont fourni les mat\u00E9riaux rassembl\u00E9s pour l'Exposition centennale de la Soierie. Nous n'avons eu qu'\u00E0 puiser parmi tant de documents conserv\u00E9s pieusement et toujours plus nombreux de g\u00E9n\u00E9rations en g\u00E9n\u00E9rations dans les archives de ces maisons, des plus consid\u00E9rables de la fabrique lyonnaise. Toutes d'ailleurs ont leur tr\u00E9sor particulier que leur envieraient bien des institutions officielles : c'est l\u00E0 leur plus merveilleux outil, l\u00E0 que leur science d'industriel-artiste se retrempe et pr\u00E9pare l'avenir. M. l'administrateur du Garde-Meuble a bien voulu, lui aussi, mettre \u00E0 notre disposition quelques beaux sp\u00E9cimens \u00BB (p. 28-29).\nLa laize figurait dans les vitrines r\u00E9alis\u00E9es par la maison Lamy et Gautier pour illustrer la p\u00E9riode du Consulat. L'attribution \u00E0 la maison Bissardon, Cousin et Bony n'\u00E9tait alors pas connue. Pourtant, les caract\u00E9ristiques techniques de la pi\u00E8ce et la nature du dessin ne laissent aucun doute sur son ex\u00E9cution. La maison Bissardon, Cousin et Bony est n\u00E9e de l'association des cousins Andr\u00E9 Bissardon et Jean-Pierre Bissardon, dit \u00AB Bissardon-L\u00E8ques \u00BB, du nom de son \u00E9pouse Jeanne-Catherine L\u00E8ques, c\u00E9l\u00E8bres fabricants de soieries et notamment de velours, souvent enrichis de fil\u00E9s ou de lames m\u00E9talliques, or ou argent, avec Jean-Fran\u00E7ois Bony (1754-1825), fameux dessinateur de fabrique, brodeur, fabricant d'\u00E9toffes et occasionnellement peintre de fleurs. Cette association date de 1811. Elle avait pour objet de r\u00E9pondre aux grandes commandes imp\u00E9riales annonc\u00E9es par Napol\u00E9on Ier pour venir en aide \u00E0 la Fabrique lyonnaise, fortement affect\u00E9e par la crise de 1810, et pour mener son projet de r\u00E9am\u00E9nagement du Palais de Versailles. Elle prit fin d\u00E9finitivement avec la mort de Jean-Pierre Bissardon en 1816.\nDurant ces ann\u00E9es de collaboration, Jean-Fran\u00E7ois Bony a imagin\u00E9 de nombreux dessins pour meubles riches, souvent en velours, dont le mus\u00E9e des Tissus conserve plusieurs esquisses \u00E0 la mine de plomb ou \u00E0 la gouache. Plusieurs sont r\u00E9unies dans un carnet de dessins (inv. MT 27638) qu'il a commenc\u00E9 dans les premi\u00E8res ann\u00E9es du Consulat et surtout utilis\u00E9 durant les ann\u00E9es de son association avec les cousins Bissardon (1811-1815). Les derniers projets sont relatifs au s\u00E9jour \u00E0 Lyon de Marie-Caroline de Bourbon-Siciles, duchesse de Berry, en 1816.\nAu folio 101 de ce carnet appara\u00EEt un croquis \u00E0 la mine de plomb, accompagn\u00E9 de l'inscription \u00AB fond bleu \u00BB, qui est manifestement le dessin pr\u00E9paratoire pour une tenture, comme l'indiquent les lignes verticales parall\u00E8les qui permettent habituellement \u00E0 Jean-Fran\u00E7ois Bony de poser sa composition, mat\u00E9rialisant les lisi\u00E8res et l'axe de sym\u00E9trie vertical de la laize dans son travail. Un cartouche carr\u00E9, rehauss\u00E9 d'ornements, assez inhabituel dans les productions de cette \u00E9poque. On trouve, en revanche, des cartouches enrichis d'ornements, peints \u00E0 la gouache, sur un projet de meuble au folio 164 et au folio 167. Ces diff\u00E9rentes esquisses ont pr\u00E9sid\u00E9 \u00E0 l'\u00E9laboration du d\u00E9cor de la laize conserv\u00E9e au mus\u00E9e des Tissus. \nPar son iconographie et la disposition inhabituelle de ses sujets, elle peut aussi \u00EAtre rapproch\u00E9e de plusieurs autres projets de meubles contenus dans le carnet, aux folios 61 (projet de bordure avec un foudre aux \u00E9clairs jaillissants), 110 (cartouches dont l'un contient un foudre ail\u00E9, avec des \u00E9clairs jaillissants), 111 (cartouche et couronne de feuillage superpos\u00E9s) et 117 (cartouches superpos\u00E9s, \u00AB fond jaune/ liser\u00E9 blanc/ bordure fond jaune/ bleu, baguette de couleur \u00BB). \nCe carnet de dessins confirme l'attribution de la laize \u00E0 la maison Bissardon, Cousin et Bony que laissaient d\u00E9j\u00E0 supposer sa provenance, le fonds Lamy et Gautier, et les analyses technique et stylistique de l'\u00E9toffe. On ignore malheureusement les circonstances de sa cr\u00E9ation, et \u00E0 qui ce meuble en velours \u00E9tait destin\u00E9, puisque les archives de la maison ont disparu.\nMaximilien Durand"@fr . . .