"Le d\u00E9cor de ce taffetas broch\u00E9 est r\u00E9alis\u00E9 \u00E0 deux chemins \u00E0 pointe, c'est-\u00E0-dire qu'il est tiss\u00E9 en miroir, autour d'un axe central. La cha\u00EEne est\u00A0en soie organsin \u00E0 deux bouts, tordus en S,\u00A0blanche jasp\u00E9e bleu p\u00E2le (61 fils par centim\u00E8tres).\u00A0La trame de fond, \u00E0 cinq bouts sans torsion appr\u00E9ciable, est blanche, et les trames broch\u00E9es, de faible torsion S,\u00A0sont \u00E0 trois bouts (brun fonc\u00E9) ou quatre bouts (vert, vert olive, bleu-vert, bleu-p\u00E2le, jaune, jaune p\u00E2le, brun, beige ros\u00E9, rose p\u00E2le, orange p\u00E2le, saumon, rouge orang\u00E9, brun-rouge, cr\u00E8me).\u00A0Le taffetas est form\u00E9 par tous les fils et par tous les coups de la trame de fond. Le dessin est r\u00E9alis\u00E9 par les trames broch\u00E9es, li\u00E9es en serg\u00E9 de 3 lie 1 par le cinqui\u00E8me des fils (d\u00E9coupure de 4 fils et une pass\u00E9e) et reposant sur le taffetas du fond. La laize a conserv\u00E9 ses lisi\u00E8res (cordelines de 8 fils \u00E0 bouts multiples, de couleur blanche jasp\u00E9e bleu p\u00E2le, de rouge orang\u00E9 ou de couleurs diverses) et les mignonettes (60 fils simples croisant en taffetas par la trame du fond). \nLe d\u00E9cor cr\u00E9ait, sur la hauteur totale d'une laize, un effet de compartiments superpos\u00E9s. Une soierie de ce type \u00E9tait donc tr\u00E8s certainement destin\u00E9e \u00E0 un usage comme tenture. Le rapport de dessin (28,2 cm de largeur pour 54,5 \u00E0 56,5 cm de hauteur) montre\u00A0un arbre jaillissant d'une terrasse au naturel o\u00F9 poussent des touffes de feuilles, des roses et des pavots. Des fruits m\u00FBrs jonchent le sol. Les branches de l'arbre supportent des grappes de feuilles, de grosses fleurs de fantaisie et des fruits, figues, poires, grenades, abricots et raisins, par exemple. Sur une branche en partie sup\u00E9rieure est perch\u00E9 un oiseau, \u00E0 proximit\u00E9 duquel prend place un petit cypr\u00E8s couvert de fleurs et entour\u00E9 de touffes fleuries.\nCe d\u00E9cor est\u00A0repr\u00E9sentatif\u00A0de la production des soieries vers 1730, o\u00F9 l'int\u00E9r\u00EAt pour les dessins de fleurs ou de fruits est renouvel\u00E9. Les motifs issus de la nature sont agenc\u00E9s dans des compositions savamment \u00E9tudi\u00E9es, o\u00F9 les essences les plus diverses sont juxtapos\u00E9es, associ\u00E9es parfois \u00E0 des fleurs de pure fantaisie,\u00A0et trait\u00E9es\u00A0de mani\u00E8re disproportionn\u00E9e et essentiellement d\u00E9corative.\u00A0Le renouvellement des dessins s'accompagne \u00E9videmment d'un soin tout particulier apport\u00E9 aux coloris des trames qui constituent le d\u00E9cor, et \u00E0 leurs occurrences sur l'ensemble de la laize. \nPar ailleurs, on d\u00E9c\u00E8le \u00E9galement, sur le taffetas broch\u00E9 du mus\u00E9e des Tissus, l'int\u00E9r\u00EAt croissant des dessinateurs pour les motifs exotiques. Il est visible dans l'aspect de certains fruits ou celui des\u00A0fleurs de fantaisie mais surtout dans la pr\u00E9sence du cypr\u00E8s qui est un motif r\u00E9current des \u00E9toffes persanes, particuli\u00E8rement en vogue dans les premi\u00E8res d\u00E9cennies du XVIIIe si\u00E8cle. \nLe taffetas broch\u00E9 peut donc \u00EAtre situ\u00E9 sans aucun doute vers les ann\u00E9es 1725-1735.\u00A0Pourtant, il a \u00E9t\u00E9 attribu\u00E9\u00A0\u00E0 la fin du XVIIe si\u00E8cle ou au d\u00E9but du XVIIIe si\u00E8cle (Bouzard [Marie], La soierie lyonnaise du XVIIIe si\u00E8cle au XXe si\u00E8cle, Lyon, 1999, n\u00B0 2, p. 15). Le m\u00EAme auteur propose aussi d'y reconna\u00EEtre une production lyonnaise. Il est vrai que la France, et plus particuli\u00E8rement Lyon, dominaient la production europ\u00E9enne de soieries \u00E0 cette \u00E9poque. Mais les nouveaux dessins \u00E9labor\u00E9s en France ainsi que les grandes tendances stylistiques s'exportaient vite. C'est pourquoi il est parfois difficile de distinguer les centres de production de ces \u00E9toffes d\u00E9cor\u00E9es, qui \u00E9taient aussi tiss\u00E9es\u00A0en Angleterre, en Hollande, en Allemagne, en Su\u00E8de, en Italie, en Sicile, en Espagne et jusqu'en Russie. Les caract\u00E9ristiques techniques de la pi\u00E8ce et la largeur de la\u00A0laize\u00A0semblent pourtant exclure une production fran\u00E7aise. Le d\u00E9cor, qui ne comporte pas d'effet de \u00AB points rentr\u00E9s \u00BB (autrement appel\u00E9s \u00AB effet de bercl\u00E9 \u00BB), la gamme des couleurs et la construction m\u00EAme du rapport de dessin\u00A0d\u00E9signent\u00A0plus probablement une\u00A0\u00E9toffe espagnole.\nD'autres exemplaires du m\u00EAme textile sont conserv\u00E9s \u00E0 Lyon, au mus\u00E9e des Tissus (inv. MT 26610.1), \u00E0 Riggisberg, \u00E0 la Fondation Abegg (inv. Nr. 3978), et \u00E0 Chicago, \u00E0 l'Art Institute of Chicago (inv. 1990.220).\nMaximilien Durand"@fr . . . "2021-02-10T00:00:00"^^ .