"2021-02-10T00:00:00"^^ . . "L'\u00E9chantillon, qui pr\u00E9sente une lisi\u00E8re sur son c\u00F4t\u00E9 gauche, s'inspire, par ses couleurs et son d\u00E9cor, des lampas italiens broch\u00E9s d'or de la fin du XVIe si\u00E8cle et de la premi\u00E8re moiti\u00E9 du XVIIe si\u00E8cle.\u00A0Sur un fond carmin se d\u00E9ploie un r\u00E9seau form\u00E9 par des palmettes, dispos\u00E9es en quinconce, prolong\u00E9es par des enroulements de cuirs d\u00E9coup\u00E9s et par des tigelles feuillues. L'\u00E9chantillon se distingue n\u00E9anmoins singuli\u00E8rement par l'usage de\u00A0trames de verre lanc\u00E9es, de couleur jaune, imitant les trames en or broch\u00E9es des originaux, associ\u00E9es aux trames de coton du fond. Il s'agit ici d'un des premiers exemples des \u00AB tissus de verre \u00BB, invent\u00E9s et commercialis\u00E9s par Ignace-Charles-Romain Dubus-Bonnel, fabricant sp\u00E9cialis\u00E9 dans la teinture du fil,\u00A0\u00E0 partir de 1836-1837. \nUn premier brevet d'invention de cinq ans (n\u00B0 10674) avait \u00E9t\u00E9 pris le 29 d\u00E9cembre 1836 par Dubus-Bonnel et son associ\u00E9 Wattel-Bajeux,\u00A0n\u00E9gociant \u00E0\u00A0Roubaix, \u00AB pour le tissage du verre rendu mall\u00E9able par la vapeur, pur ou m\u00E9lang\u00E9 avec la soie, laine, coton ou lin. \u00BB Le proc\u00E9d\u00E9, alors totalement in\u00E9dit, est d\u00E9crit dans le brevet :\u00A0\n\u00AB Le verre ordinaire est soumis \u00E0 l'action du feu produit par une lampe d'\u00E9mailleur, pour \u00EAtre fil\u00E9 tr\u00E8s fin sur une roue, et il est ensuite plac\u00E9 dans une caisse o\u00F9 l'on introduit de la vapeur \u00E0 la plus haute temp\u00E9rature possible. Le verre, sortant par une tr\u00E8s petite ouverture, se d\u00E9vide sur une navette, elle-m\u00EAme br\u00FBlante ou chauff\u00E9e de 40\u00B0 \u00E0 50\u00B0 C. Le verre est ensuite tiss\u00E9 sur un m\u00E9tier \u00E0 la Jacquard, dans un appartement chauff\u00E9 de 30\u00B0 \u00E0 35\u00B0 R\u00E9aumur. Le peigne et le rot d'acier sont pos\u00E9s sur un tube en cuivre chauff\u00E9 de m\u00EAme \u00E0 80\u00B0 ; cela suffit pour rendre le verre fil\u00E9 mall\u00E9able au point de le tisser comme la soie et autres produits avec lesquels il peut \u00EAtre r\u00E9uni. \u00BB \nLa technique fut rapidement perfectionn\u00E9e, comme en t\u00E9moigne le brevet d'addition et de perfectionnement pris\u00A0le\u00A017 ao\u00FBt 1837. Par la m\u00EAme occasion, le brevet \u00E9tait prorog\u00E9 de dix ans, jusqu'au 29 d\u00E9cembre 1851. Le 19 d\u00E9cembre 1837, enfin, Dubus-Bonnel devenait cessionnaire de tous les droits de son associ\u00E9 sur le brevet qu'ils avaient pris ensemble le 29 d\u00E9cembre 1836. Les dispositions principales du brevet d'addition et de perfectionnement \u00E9taient les suivantes : \u00AB Le perfectionnement consiste \u00E0 ne plus utiliser ni vapeur, ni chaleur pour le tissage du verre. Le verre, d'abord fil\u00E9 \u00E0 la lampe d'\u00E9mailleur, est ensuite pos\u00E9 par m\u00E8ches (de 2 \u00E0 3 millim\u00E8tres environ de grosseur, et longues de toute la largeur du tissu) sur une barre en bois l\u00E9ger qui contient une gorge propre \u00E0 retenir les fils de verre. Cette barre, large de 4 centim\u00E8tres et longue de 3 m\u00E8tres environ, est garnie de roulettes, afin de glisser sur la cha\u00EEne comme une navette. Un support en bois est garni d'un couloir dans lequel glisse la barre de bois, avant que d'\u00EAtre lanc\u00E9e sur le m\u00E9tier \u00E0 la Jacquard. Une corde est attach\u00E9e \u00E0 la barre, et la fait revenir \u00E0 son point de d\u00E9part, apr\u00E8s qu'elle a eu distribu\u00E9 le verre sur le m\u00E9tier. Travail. \u2014 Un\u00A0aide-ouvrier, apr\u00E8s avoir plac\u00E9 une m\u00E8che de verre sur la barre, la lance entre les fils de cha\u00EEne. L'ouvrier qui est sur le m\u00E9tier saisit le verre ; l'aide retire la barre au moyen de la corde, et, tandis qu'il la garnit d'une autre m\u00E8che de verre, le tisserand ex\u00E9cute son travail. Il est facile de comprendre que ce moyen tr\u00E8s simple doit activer la fabrication de l'\u00E9toffe et la perfectionner par sa r\u00E9gularit\u00E9. Il fallait auparavant employer des crochets, dont le moindre inconv\u00E9nient \u00E9tait de d\u00E9chirer les fils de cha\u00EEne.\u00A0\u00BB\nD\u00E8s le d\u00E9but de l'ann\u00E9e 1837, Ignace Dubus-Bonnel\u00A0soumet ses \u00E9toffes de verre \u00E0 l'Exposition annuelle de l'Association lilloise, dont le compte rendu\u00A0a \u00E9t\u00E9 publi\u00E9 dans la\u00A0Revue du Nord. Archives de l'ancienne Flandre, tome 2 (p. 110) : \u00AB Un brevet d'invention a d\u00E9j\u00E0 signal\u00E9 \u00E0 l'int\u00E9r\u00EAt g\u00E9n\u00E9ral l'importante d\u00E9couverte de M. Dubus ; quant \u00E0 nous, membres d'une commission sp\u00E9ciale des arts du dessin, qu'il nous soit permis de rappeler \u00E0 cet habile industriel combien le bon go\u00FBt du dessin et le choix des formes dans les ornements ajoute au prix de la mati\u00E8re, quelque pr\u00E9cieuse qu'elle soit.\u00A0\u00BB\u00A0\nLes \u00E9toffes de verre sont\u00A0soumises \u00E9galement \u00E0 la Soci\u00E9t\u00E9 des Enfants du Nord, soci\u00E9t\u00E9 savante et litt\u00E9raire qui se r\u00E9unit \u00E0 Paris. Elles y suscitent des commentaires plus enthousiastes, comme l'indique le t\u00E9moignage d'un de ses membres, Pierre-Th\u00E9odore Virlet d'Aoust, publi\u00E9 dans L'\u00C9cho du monde savant et l'Herm\u00E8s. Journal analytique des nouvelles et des cours scientifiques, 4e ann\u00E9e (n\u00B0 208), 1\u00E8re division, Sciences physiques et historiques, n\u00B0 59, du 15 f\u00E9vrier 1837 : \n\u00AB\u00A0Il y a cent ans \u00E0 peine que quiconque e\u00FBt dit qu'on pouvait tisser le verre, la mati\u00E8re qui para\u00EEt la moins flexible et la moins susceptible de se pr\u00EAter \u00E0 un travail m\u00E9canique de ce genre, aurait pass\u00E9, aux yeux de bien du monde, pour un illumin\u00E9 ou pour un fou ; ce probl\u00E8me vient cependant d'\u00EAtre compl\u00E8tement r\u00E9alis\u00E9 par M. Dubus-Bonnel, de Lille, qui a pr\u00E9sent\u00E9 \u00E0 la Soci\u00E9t\u00E9 des Enfants du Nord, lors de sa derni\u00E8re r\u00E9union g\u00E9n\u00E9rale, divers tissus de verre qui l'emportent de beaucoup par l'\u00E9clat des couleurs et les reflets de la lumi\u00E8re sur tout ce que la laine et la soie r\u00E9unies \u00E0 l'or et \u00E0 l'argent peuvent offrir de plus brillant. Aussi semble-t-il, apr\u00E8s cela, que d\u00E9sormais, dans les temps modernes o\u00F9 les arts et l'industrie r\u00E9alisent chaque jour tant de choses regard\u00E9es jusqu'alors comme impossibles, il n'y ait plus de limites o\u00F9 le g\u00E9nie de l'homme ne puisse atteindre. Qu'on se figure un appartement tout d\u00E9cor\u00E9 avec des tentures en \u00E9toffes de verre et resplendissant de lumi\u00E8res ; il \u00E9galera tout ce que l'imagination peut concevoir de plus brillant ; il r\u00E9alisera en un mot les merveilles des palais enchant\u00E9s des contes des Milles et une nuits ; car les lumi\u00E8res, en se jouant et en se r\u00E9fl\u00E9chissant en tous sens \u00E0 travers le tissu transparent auquel on peut donner toutes les couleurs comme toutes les nuances lui donnera l'apparence d'un appartement tout en perles, en nacre ou en diamants, ou compos\u00E9 de grenats, de saphirs, de topazes, de rubis, d'\u00E9meraudes, d'am\u00E9thystes, etc., ou bien enfin de toutes ces pierres pr\u00E9cieuses r\u00E9unies et combin\u00E9es de mille mani\u00E8res diff\u00E9rentes, se mariant et se jouant en \u00E9toiles, en rosaces, en bouquets, en guirlandes, en festons et\u00A0en ondulations gracieuses et vari\u00E9es \u00E0 l'infini. Les anciens n'eussent pas manqu\u00E9 de d\u00E9cerner des couronnes \u00E0 l'inventeur de pareilles merveilles ; nous nous bornerons, nous, dans ce si\u00E8cle d'indiff\u00E9rence, \u00E0 engager M. Dubus-Bonnel \u00E0 poursuivre son \u0153uvre avec pers\u00E9v\u00E9rance, persuad\u00E9 que ses \u00E9toffes, dont nous avons pu constater la solidit\u00E9 et la parfaite flexibilit\u00E9, n'\u00E9tant pas sujettes \u00E0 se ternir comme tous les autres tissus, pr\u00E9sentent ce qui vaut peut-\u00EAtre beaucoup mieux un grand avenir industriel, surtout si, comme il nous l'a assur\u00E9, il peut les livrer \u00E0 des prix tr\u00E8s mod\u00E9r\u00E9s.\u00A0\u00BB\nLa m\u00EAme ann\u00E9e,\u00A0Ignace Dubus-Bonnel re\u00E7oit une m\u00E9daille d'or de la reine Marie-Am\u00E9lie qui voit les tissus de verre expos\u00E9s dans le Passage de l'Op\u00E9ra.\n\u00C9tabli d\u00E9sormais au 97, rue de Charonne, Ignace Dubus-Bonnel sollicite l'examen de ses tissus et ornements en verre par la Soci\u00E9t\u00E9 d'encouragement pour l'industrie nationale.\u00A0\u00C0 l'Exposition des produits de l'industrie fran\u00E7aise de 1839, ses \u00E9toffes de verre sont tr\u00E8s remarqu\u00E9es, comme en t\u00E9moigne le Rapport du jury central (p. 314) : \u00AB Il nous reste \u00E0 signaler un nouveau genre de broderie qui se fabrique au m\u00E9tier \u00E0 la Jacquart, et qui, n'ayant pu \u00EAtre class\u00E9 parmi les tissus ordinaires, \u00E0 cause de son excentricit\u00E9 m\u00EAme, trouvera, par une sorte d'analogie, sa place naturelle \u00E0 la suite des tissus de luxe dont il vient d'\u00EAtre question : nous voulons parler des \u00E9toffes dites de verre, expos\u00E9es par M. Dubus-Bonnel. Plusieurs membres de la commission des tissus ont \u00E9t\u00E9 visiter, dans le faubourg Saint-Antoine, les ateliers de fabrication de cet inventeur. Tout son secret consiste dans un moyen fort simple de donner au verre \u00E9tir\u00E9 \u00E0 la lampe une flexibilit\u00E9 qui permet de l'employer comme fil de trame. Ce fil peut \u00EAtre color\u00E9 en jaune, en bleu, en vert, par les proc\u00E9d\u00E9s ordinaires de l'art du verrier. Ainsi pr\u00E9par\u00E9 et employ\u00E9 \u00E0 faire des broch\u00E9s par\u00A0le m\u00E9tier \u00E0 la Jacquart, le fil de verre imite avec un avantage apparent l'or et l'argent, et pr\u00E9sente des reflets qu'on ne trouve pas toujours dans les plus magnifiques brocarts. M. Dubus-Bonnel s'en est servi pour obtenir des \u00E9toffes-tentures, des ornements d'\u00E9glise, des garnitures de fauteuils, sur lesquels il est \u00E0 craindre qu'on ne puisse s'asseoir avec une parfaite s\u00E9curit\u00E9, jusqu'\u00E0 ce que l'inventeur ait fait dispara\u00EEtre certaines efflorescences inqui\u00E9tantes. Tel qu'il est, cet essai hardi a paru au jury digne d'encouragement.\u00A0\u00BB Le m\u00EAme rapport pr\u00E9cise, un peu plus loin (p. 321) :\u00A0\u00AB M. Dubus-Bonnel, \u00E0 Paris, est l'inventeur des tissus de verre dont on vient de parler. L'effet de ces tissus a \u00E9t\u00E9 g\u00E9n\u00E9ralement admir\u00E9 ; ils brillent de l'\u00E9clat le plus vif, et il y a lieu d'esp\u00E9rer que l'usage en pr\u00E9vaudra pour la fabrication des ornements d'\u00E9glise, peut-\u00EAtre aussi pour les tentures fines, qui lancent de v\u00E9ritables feux \u00E0 la clart\u00E9 des bougies. Un salon ainsi \u00E9clair\u00E9 a \u00E9t\u00E9 visit\u00E9 par l'un des rapporteurs \u00E0 la commission des tissus, et lui a paru m\u00E9riter les \u00E9loges qui en avaient \u00E9t\u00E9 faits. M. Dubus-Bonnel a d'ailleurs re\u00E7u, surtout de l'\u00E9tranger, un tr\u00E8s grands nombre de commandes, qu'il s'occupe \u00E0 r\u00E9aliser par le m\u00E9tier \u00E0 la Jacquart. Le jury d\u00E9cerne \u00E0 l'inventeur une mention honorable.\u00A0\u00BB\nL'Exposition de 1839 consacre l'invention d'Ignace Dubus-Bonnel. Elle lui vaut une commande du gouvernement pour les draperies du\u00A0char fun\u00E8bre\u00A0de l'Empereur Napol\u00E9on Ier\u00A0durant la c\u00E9r\u00E9monie du Retour des Cendres, plusieurs commandes \u00E9trang\u00E8res et des\u00A0mentions dans diverses publications scientifiques, mais aussi dans des journaux, en France et \u00E0 l'\u00E9tranger. Le Recueil de la Soci\u00E9t\u00E9 polytechnique ou Recueil industriel, manufacturier, agricole et commercial, de la Salubrit\u00E9 publique et des Beaux-Arts, et des actes de l'administration propres \u00E0 encourager les diverses branches de l'\u00E9conomie publique, publi\u00E9 en 1840,\u00A0par exemple,\u00A0montre l'engouement que suscitent les \u00E9toffes de verre de Dubus-Bonnel\u00A0(p. 89-91)\u00A0:\u00A0\u00AB C'est avec un int\u00E9r\u00EAt d'\u00E0 propos que nous rappellerons ici les \u00E9loges m\u00E9rit\u00E9s que le public a accord\u00E9, lors de la derni\u00E8re exposition, aux produits si remarquables et si curieux \u00E0 la fois de MM. (sic) Dubus-Bonnel. En attendant que, dans le premier volume de la Description de cette exposition, que nous ne tarderons pas \u00E0 faire para\u00EEtre, nous puissions consacrer un long article \u00E0 cette invention, nous nous contenterons de f\u00E9liciter l'administration des pompes fun\u00E8bres d'avoir eu le bon go\u00FBt de vouloir que le char fun\u00E8bre qui doit transporter les cendres de Napol\u00E9on f\u00FBt d\u00E9cor\u00E9 avec les \u00E9toffes de cette manufacture. Nul doute que le grand homme, qui a tant enrichi la France, et qui a vers\u00E9 dans ses coffres tant de millions, ne m\u00E9rit\u00E2t bien que l'or et l'argent massif fussent employ\u00E9s aux d\u00E9corations indiqu\u00E9es par le programme des c\u00E9r\u00E9monies. Mais, d'une part, le cr\u00E9dit ouvert par les Chambres tra\u00E7ait des limites, et, de l'autre, le temps accord\u00E9 pour les travaux \u00E9tait trop court pour qu'on tent\u00E2t de mettre, par exemple, en broderies\u00A0d'or tout ce qui semblait l'exiger. Il fallait donc y suppl\u00E9er d'une mani\u00E8re heureuse et chercher \u00E0 faire illusion \u00E0 ces milliers d'yeux d'une foule qui contemplera le char fun\u00E8bre... Tout indiquait, pour ce choix, les \u00E9toffes si moelleuses et si brillantes que MM. Dubus-Bonnel sont parvenus \u00E0 fabriquer dans leurs ateliers. Le tr\u00E8s beau dessin, qu'on doit aux talents si bien connus de MM. Visconti et Labrousse (sic), sera rendu avec une perfection\u00A0admirable. Nous en avons d\u00E9j\u00E0 vu une partie ; et si quelques rayons du soleil d'Austerlitz viennent \u00E0 \u00E9clairer cette sc\u00E8ne fun\u00E8bre, le reflet des draperies fabriqu\u00E9es permettra aux plus incr\u00E9dules de croire qu'on a sem\u00E9 l'or \u00E0 pleines mains. Un de nos correspondants nous a fait part d'une anecdote qui prouve jusqu'\u00E0 quel point MM. Dubus-Bonnel sont parvenus \u00E0 fasciner les yeux. Il n'est certes pas de pays o\u00F9 l'on appr\u00E9cie\u00A0mieux qu'en Orient les tissus d'or et d'argent ; c'est le n\u00E9cessaire indispensable de tout ameublement. S. M. le roi des Fran\u00E7ais a eu l'id\u00E9e d'envoyer\u00A0en pr\u00E9sent au schah de Perse, par la derni\u00E8re ambassade, plusieurs tentures ex\u00E9cut\u00E9es en verre fil\u00E9. Elles ont \u00E9t\u00E9 re\u00E7ues avec un empressement marqu\u00E9 par ce souverain ; mais, malgr\u00E9 toutes les assurances donn\u00E9es par les personnes de l'ambassade, le schah est rest\u00E9 convaincu qu'on le trompait en lui disant que les tissus offerts n'\u00E9taient pas brod\u00E9s\u00A0en or. Il n'a jamais pu se rendre compte de ces merveilles de l'art... On voit que si les distances n'\u00E9taient pas si grandes, MM. Dubus et Bonnel pourraient assurer leur fortune, en \u00E9tablissant un d\u00E9p\u00F4t \u00E0 Ispahan ou \u00E0 Bagdad. Ajoutons enfin que des souverains bien connus en Europe par leur go\u00FBt, tels que le roi de Bavi\u00E8re, ont voulu juger de l'effet de ces belles tentures, en en faisant d\u00E9corer les salles de leurs palais.\u00A0\u00BB\nLa Revue du Nord de la France, dans un article intitul\u00E9 \u00AB\u00A0Coup d'\u0153il sur l'industrie fran\u00E7aise, \u00E0 propos de l'Exposition\u00A0\u00BB, dans la 5e livraison publi\u00E9e en juillet 1839, r\u00E9serve les m\u00EAmes louanges aux tissus de verre r\u00E9v\u00E9l\u00E9s \u00E0 l'Exposition de 1839 (tome second, Lille, 1840, p. 300)\u00A0: \u00AB C'est avec un plaisir bien vif et m\u00EAme avec un certain orgueil que nous avons vu, durant tout le cours de l'exposition, la foule se porter devant les tissus de verre que fabrique notre compatriote, M. Dubus-Bonnel. Chacun s'\u00E9bahissait \u00E0 la vue de ses tentures o\u00F9 la substance la plus friable, teinte des plus belles couleurs, s'est assouplie \u00E0 l'exc\u00E8s. On peut louer sans restriction les dessins et les dispositions de ces belles productions d'une industrie \u00E0 peine naissante et d\u00E9j\u00E0 parvenue \u00E0 une rare perfection. Le verre, aussi \u00E9blouissant que l'or, conserve une transparence toute particuli\u00E8re qui doit faire un grand effet \u00E0 la lueur des bougies. Les encouragements et les r\u00E9compenses ne peuvent manquer de prouver \u00E0 M. Dubus-Bonnel que le gouvernement s'associe \u00E0 l'admiration g\u00E9n\u00E9rale. \u00BB\n\u00C0 l'issue de l'Exposition, les \u00E9toffes de verre pouvaient \u00EAtre command\u00E9es \u00E0 la Maison de Commission Lassalle, comme en t\u00E9moigne la livraison du 1er juin 1839 du Journal des Modes (p. 272-273) : \u00AB Si vous avez des salles d'apparat \u00E0 meubler, \u00E0 qui pouvez-vous mieux vous adresser qu'\u00E0 M. Lassalle en relation avec M. Bonnel, l'inventeur des tissus de verre ? Vous seriez roi ou empereur que je vous d\u00E9fierais de trouver de plus somptueuses, de plus flexibles, de plus \u00E9clatantes \u00E9toffes que ces merveilleux tissus : le prodige, le nec plus ultra de l'exposition de 1839. Et pour les ornements d'\u00E9glise, pour les chasubles, pour les \u00E9toles, pour les chapes, ailleurs vous ne trouverez rien qui soit aussi magnifique. Je ne sais encore de quel c\u00F4t\u00E9 s'\u00E9coulera le plus de tissus de verre, mais j'oserais parier que ce sera vers les sanctuaires. \u00C0 tant de splendeur, des prix si mod\u00E9r\u00E9s, c'est l\u00E0 qu'est le miracle. Parmi les pi\u00E8ces que j'ai le plus admir\u00E9es, il y en avait trois qui m'ont sembl\u00E9 tout \u00E0 fait incomparables et sans pareilles : une gros bleu de roi \u00E0 ramages d'or, une vert et argent, et la troisi\u00E8me brun avec arabesques d'or. Tout Paris sait aujourd'hui que M. Dubus-Bonnel a tendu un salon avec ses tissus de verre : on y est admis, on le visite \u00E0 la lueur des lustres et l'on reste \u00E9bloui de tant d'\u00E9clat et stup\u00E9fait de la mod\u00E9ration du prix, car ces \u00E9toffes, qui r\u00E9sistent sans s'alt\u00E9rer \u00E0 l'action du gaz et de l'humidit\u00E9, ces deux grands ennemis des dorures, ne se vendent pas plus cher que les soieries ordinaires. Depuis cette belle d\u00E9couverte, les demandes ne cessent d'arriver \u00E0 l'inventeur. M. Lassalle a examin\u00E9 avec un soin extr\u00EAme ces \u00E9toffes, je m'explique le soin qu'il a mis \u00E0 les \u00E9tudier par le d\u00E9sir qu'il a de les employer lorsque MM. les eccl\u00E9siastiques s'adresseront \u00E0 lui pour avoir des ornements d'autel. \u00BB\nCherchant, en effet, \u00E0 d\u00E9velopper la branche des ornements d'\u00E9glise, Ignace Dubus-Bonnel adresse au pape Gr\u00E9goire XVI une \u00E9tole et une chasuble r\u00E9alis\u00E9es en tissus de verre. Une autre chasuble r\u00E9alis\u00E9e par Dubus-Bonnel, d\u00E9pos\u00E9e par la commune de Cornieville, est aujourd'hui conserv\u00E9e au mus\u00E9e d'Art sacr\u00E9 de Saint-Mihiel, dans la Meuse (inv. DC 2001-0010-1-2).\nLes nouvelles \u00E9toffes suscitent cependant\u00A0aussi des\u00A0r\u00E9serves. On se souvient des encouragements \u00E0 perfectionner le dessin des \u00E9toffes formul\u00E9s par la commission r\u00E9unie par l'Association lilloise\u00A0pour juger les \u0153uvres pr\u00E9sent\u00E9es \u00E0 leur exposition de 1837, et celles d'Adolphe Blanqui, rapporteur de l'Exposition des produits de l'industrie fran\u00E7aise de 1839,\u00A0qui redoutait l'usage et l'attouchement des \u00E9toffes de verre pour la sant\u00E9. En Belgique, des \u00E9chantillons des tissus de verre invent\u00E9s par Ignace Dubus-Bonnel furent pr\u00E9sent\u00E9s \u00E0 l'Exposition des produits de l'industrie nationale de 1841 par la\u00A0maison Fretigny et Cie ; ils ne convainquent pas\u00A0le rapporteur de l'\u00E9v\u00E9nement,\u00A0\u00C9douard Perrot, dans sa Revue de l'Exposition des produits de l'industrie nationale publi\u00E9e \u00E0 Bruxelles\u00A0la m\u00EAme ann\u00E9e (p. 88)\u00A0: \u00AB Puisque nous voici arriv\u00E9s arriv\u00E9s \u00E0 la fin de notre revue des tissus de toute esp\u00E8ce, nous citerons, ne f\u00FBt-ce que pour m\u00E9moire, l'\u00E9cran en tissu de verre et de soie de MM. Fretigny et Cie, de Gand, auxquels il faut savoir gr\u00E9 de l'envoi de cet \u00E9chantillon d'un produit qui a excit\u00E9 en France un certain int\u00E9r\u00EAt de curiosit\u00E9. M. Dubus-Bonnel, de Lille, \u00E0 qui l'on doit cette invention, fait de ces tissus tout en verre ; le jury de l'Exposition de 1839 les a mentionn\u00E9s honorablement ; il avait \u00E9t\u00E9 frapp\u00E9 de l'\u00E9clat que jetait aux lumi\u00E8res un salon garni de tentures de tissus de verre ; mais tout cela ne fait pas que cette fabrication soit, \u00E0 notre avis, destin\u00E9e \u00E0 prendre de l'importance. S'il devait en \u00EAtre ainsi, MM. Fretigny et Cie nous ont dans tous les cas donn\u00E9 la certitude qu'il serait facile \u00E0 la Belgique d'y participer. \u00BB\nLa commande des draperies du char fun\u00E8bre de Napol\u00E9on Ier avait cependant assur\u00E9 une grande publicit\u00E9 aux \u00E9toffes de verre. Le mus\u00E9e des Tissus conserve plusieurs \u00E9l\u00E9ments de l'\u00E9toffe utilis\u00E9e\u00A0pour la c\u00E9r\u00E9monie du\u00A015 d\u00E9cembre 1840 (MT 35086). Les autres \u00E9toffes de la production de Dubus-Bonnel conserv\u00E9es dans les collections publiques sont \u00E9videmment bien moins connues, et plus rares. L'\u00E9chantillon du mus\u00E9e des Tissus pr\u00E9sente donc un grand int\u00E9r\u00EAt. Il avait \u00E9t\u00E9 acquis par Jules Reybaud (1807-1872), dessinateur de fabrique, auteur des portraits tiss\u00E9s de Philippe de Lasalle (MT 7912), d'Antoine Berjon (inv. MT 7910) et de Jean-Fran\u00E7ois Bony (inv. MT 7911) qui ont \u00E9t\u00E9 pr\u00E9sent\u00E9s \u00E0 l'Exposition universelle de 1855, et d'Alexandre de Humboldt, ex\u00E9cut\u00E9 l'ann\u00E9e suivante, qui valut \u00E0 l'artiste une lettre flatteuse du mod\u00E8le lui-m\u00EAme et une m\u00E9daille d'or du roi de Prusse Fr\u00E9d\u00E9ric-Guillaume IV. Jules Reybaud avait constitu\u00E9 un cabinet, dans lequel il avait r\u00E9uni une collection remarquable qui comprenait des \u0153uvres appartenant au domaine des beaux-arts (peintures, gravures, lithographies), des arts appliqu\u00E9s \u00E0 l'industrie (peintures, dessins) des c\u00E9ramiques europ\u00E9ennes, chinoises et japonaises, des \u00E9toffes, du Moyen \u00C2ge jusqu'au Second Empire, des papiers peints et des objets d'art. La renomm\u00E9e, \u00E0 Lyon, de ce cabinet \u00E9tait grande : il fut visit\u00E9 par le mar\u00E9chal de Castellane, par le cardinal de Bonald et par le s\u00E9nateur Va\u00EFsse qui y accompagna le roi de Bavi\u00E8re, Maximilien II. La collection de Jules Reybaud a \u00E9t\u00E9 acquise en int\u00E9gralit\u00E9 par la Chambre de Commerce de Lyon, en 1862,\u00A0pour son mus\u00E9e d'Art et d'Industrie fond\u00E9 en 1856. Elle constitue, encore aujourd'hui, l'un des apports majeurs de la collection du mus\u00E9e, puisqu'elle avait \u00E9t\u00E9 r\u00E9unie par un connaisseur \u00E9clair\u00E9.\u00A0L'\u00E9chantillon de tissus de verre faisait partie de ce cabinet r\u00E9uni par Jules Reybaud.\u00A0\u00A0\nMaximilien Durand"@fr . .