Les fragments de cette « soierie de manchette » présentent une organisation du décor comparable à celle des exemplaires extraits des tombes B 253 (inv. MT26818.18), B 158 (inv. MT 26812.12) et B 264 (inv. MT 26812.6), auxquels il faut ajouter une dernière soierie sans provenance connue, conservée au musée national du Moyen Âge-Thermes et hôtel de Cluny, à Paris (inv. Cl. 21959). Sur la manchette extraite de la tombe B 218, comme sur celle issue de la tombe B 158, le décor est traité en vert, ivoire, jaune clair et bleu foncé sur un fond ocre. Les autres présentent un champ principal bleu et un décor ocre, vert et ivoire. La bordure supérieure n'est plus conservée. Elle est restituée sur une aquarelle de Jules-Paul Gérard publiée en 1906 dans L'Art décoratif, revue mensuelle d'Art contemporain. Elle avait cependant déjà disparu au moment de l'exposition au musée Guimet en 1898, comme en témoigne une autre aquarelle du même artiste et une gouache d'Émile Chazot, datée de 1909 et publiée en 1913, dont le musée du Louvre conserve les originaux. Sur la bande inférieure court un feston, dont les écoinçons contiennent un petit cœur. Ses pointes se terminent par un pendentif fleuronné. Il encadre un alignement de palmettes et de corbeilles fleuries stylisées. Au-dessus, sur une bande bleu foncé, bordée par deux filets ivoire, alternent des losanges au cœur pointé, prolongés par des fleurs de lys, et des étoiles à huit branches, elles aussi pointées, comprises entre quatre pois. Le registre principal s'orne de larges palmettes à cinq lobes. Un médaillon constitue le cœur de palmette. Il est bordé, dans sa moitié supérieure, d'un bandeau perlé. Un buste s'inscrit dans le médaillon, qui porte une couronne rehaussée de cabochons, des pendants d'oreilles et un costume orné de motifs en forme de gouttes sur les épaules et de chevrons sur la poitrine. De ses épaules jaillissent deux tiges sinueuses, terminées par une feuille cordiforme. D'autres tiges sinueuses soulignent la base du médaillon ou surgissent entre les feuilles de la palmette. Ces dernières abritent des dauphins, affrontés autour d'une nervure centrale en chevrons. Des lions nimbés, adossés, la gueule retournée vers la palmette, passent en partie inférieure. Le champ est régulièrement timbré de fleurs à huit pétales, dressées sur une tige feuillue, et de palmettes. Albert Gayet reconnaissait dans cet exemplaire le croisement des influences qui caractérise le vestiaire des élégants d'Antinoé. La soierie « a des médaillons enfermant des têtes d'impératrices byzantines : mais la palme qui les surmonte, avec ses dauphins, est strictement syrienne, tandis que les lions nimbés que l'on voit au-dessous appartiennent, eux, au répertoire chinois. » Malgré la délicatesse de son répertoire, c'est bien d'une tombe masculine que cette soierie a été exhumée. L'exposition de 1898 présentait, en effet, dans la quinzième vitrine, le masque funéraire de son propriétaire, un « homme âgé, visage blanc, légèrement coloré de rose », qui « donne un profil absolument romain ». La manchette de soie, qui recouvrait un support de cuir, a peut-être été découverte lors de la deuxième campagne. Dans le bref compte rendu de ses découvertes qu'il publie en 1897, Albert Gayet mentionne des soieries ornées dans le style « assyrien », et d'autres sur lesquelles « il y a des arbres, des oiseaux et des têtes d'hommes et de femmes dans des médaillons ». Le masque en plâtre était d'ailleurs présenté dans une vitrine consacrée aux fouilles antérieures et à l'oasis de « Khirgeh ». La datation au radiocarbone de l'exemplaire issu de la tombe B 264, qui donne une moyenne pour le support de laine et le manchon de cuir comprise entre 420 et 550, et les caractéristiques techniques du groupe, qui révèlent une parfaite maîtrise du tissage debout, par l'envers de l'étoffe, au moyen de quatre lats de décor, permettent de proposer une datation entre la fin du Ve siècle et la seconde moitié du VIe siècle pour ces soieries.
Maximilien Durand