En 1843, le ministère de l'Agriculture et du Commerce profita de l'annonce de l'envoi d'une ambassade en Chine pour mettre sur pied une mission commerciale à destination de ce pays. L'ambassade, placée sous la direction du ministre plénipotentiaire Théodose de Lagrenée, avait pour but la négociation et la signature d'un traité franco-chinois d'amitié et de commerce, qui mette la France sur un pied d'égalité avec ses concurrents britanniques et américains. En effet, depuis 1757, Canton était le seul port chinois ouvert aux marchands étrangers qui ne pouvaient y commercer qu'en passant par l'intermédiaire de négociants chinois agréés. En 1842, la défaite de la Chine dans la première guerre de l'Opium entraîna l'ouverture, par le traité de Nankin, de quatre nouveaux ports chinois, Amoy (actuelle Xiamen), Fuzhou, Ningbo et Shanghai, au commerce avec les Anglais, ainsi que la cession de l'île de Hong-Kong à la Couronne britannique. La même année, les États-Unis obtinrent les mêmes droits commerciaux et juridictionnels, par la signature du traité de Wangxia. L'objectif de la mission française en Chine était donc d'obtenir les mêmes avantages que ses rivaux.
Sollicité par plusieurs Chambres de Commerce, le ministre de l'Agriculture et du Commerce, François Guizot, organisa une délégation commerciale pour accompagner cette mission diplomatique conduite par Lagrenée. Il invita les Chambres des régions possédant des industries importantes à réunir les tarifs et échantillons des principaux produits et à lui soumettre la candidature d'un délégué chargé de le représenter au cours de la mission. En dépit de la candidature dûment motivée qui lui avait été adressée par Isidore Hedde (1801-1880), fabricant de rubans de Saint-Étienne, la Chambre de Commerce de Lyon tarda à répondre à la demande du ministère qui lui réclamait la désignation d'un délégué à l'industrie des soies et soieries. Devant cette carence, Guizot nomma Hedde, le représentant de la Chambre de Saint-Étienne, délégué aux soies et soieries. Natalis Rondot (1821-1902) fut choisi par la Chambre de Reims comme délégué à l'industrie lainière, Jean-Michel Auguste Haussmann (1815-1874) nommé représentant de la Chambre de Colmar pour les cotons et toiles peintes et Édouard Renard (1812-1898), délégué pour l'industrie de Paris (vins, tissus et articles divers). La Chambre de Commerce de Rouen, associée comme représentante des moyens de transport, se montra particulièrement réactive à l'annonce du ministère et transmit aux délégués un véritable cahier des charges, résumant ses attentes concernant la mission. Elle souhaitait que ces derniers réalisent une véritable étude de marché, comprenant une analyse de la concurrence, un rapport sur les conditions commerciales en Chine, ainsi qu'une étude technique concernant diverses industries, dont celles de la porcelaine, de la métallurgie et de la teinturerie, mais aussi de l'agriculture.
Le 20 février 1844, les quatre délégués commerciaux embarquèrent à Brest à bord de la corvette à vapeur l'Archimède. Après plus de six mois de voyages ponctués d'escales en Espagne, en Afrique, en Inde, à Singapour, aux Philippines et en Cochinchine, la mission arriva finalement à Macao le 24 août, accompagnée de l'ambassadeur Lagrenée qui l'avait rejointe à Manille. Les négociations de ce dernier débouchèrent sur la signature, le 24 septembre 1844, du traité de Huangpu, qui offrait aux Français la liberté de commercer dans les cinq ports « ouverts. » Le 18 octobre, la délégation gagnait Canton, qui resta la base arrière de ses expéditions en direction des quatre ports nouvellement ouverts, mais également au-delà, à travers les provinces côtières du sud de la Chine. La mission des délégués commerciaux consistait à trouver d'éventuels débouchés pour les produits de l'industrie française, tout en enquêtant sur les productions chinoises qui pouvaient intéresser les marchands et industriels français. Avant le départ de la mission, Hedde avait recueilli des renseignements et des échantillons sur l'industrie française de la soie, afin de connaître les besoins des fabricants et de pouvoir se renseigner sur les débouchés possibles des soieries françaises et lyonnaises en particulier sur le marché chinois. Ces échantillons furent montrés en Chine, afin de mesurer l'intérêt qu'ils étaient susceptibles de susciter auprès des locaux, mais non distribués pour ne pas encourager la copie. Au cours des mois passés en Chine, les délégués réunirent une importante documentation, constituée de notes, de dessins, de modèles réduits et d'observations de toutes sortes, mais aussi de spécimens de nature variée, minéraux, végétaux, cocons, graines de mûrier, substances tinctoriales, textiles et autres produits de l'industrie chinoise, porcelaines, alcools, tabacs, sucreries... L'étude de ces documents devait permettre de renseigner les industriels français sur les produits et techniques employés par leurs concurrents chinois. Hedde commanda aux ateliers de peinture situés dans les factoreries de Canton des dessins représentant les différentes étapes du travail de la soie. On doit notamment ces illustrations aux artistes cantonais Tingqua, Sunqua et Youqua, réputés pour leurs peintures d'exportation. La rencontre de missionnaires, diplomates, marchands et fonctionnaires, chinois et étrangers, permit aux délégués d'obtenir les renseignements et sauf-conduits nécessaires à leurs déplacements et à leurs enquêtes. Leurs excursions en dehors des villes ouvertes par les traités n'en étaient pas moins hasardeuses, dans une Chine encore très peu habituée à la présence étrangère. Ainsi, c'est déguisé en Chinois, tonsuré et coiffé d'une calotte à laquelle était fixée une tresse postiche, qu'Hedde se rendit à Suzhou, le 30 octobre 1845, pour visiter les manufactures de soie impériales. Cette visite mémorable du délégué aux soies et soieries à Suzhou fit l'objet d'une peinture commémorative qui fut retranscrite, en 1848, à la demande de la Chambre de Commerce de Saint-Étienne, sur un ruban tissé par le fabricant Peyret d'après un dessin de Balançard (inv. MT 46000).
Le 22 décembre, Hedde, Rondot, Haussmann et Renard abandonnèrent leurs quartiers de Canton pour rejoindre l'île de Formose (Taiwan), puis celle de Hong-Kong, depuis laquelle ils quittèrent la Chine, le 6 janvier 1846, à bord de l'Alcmène. Ils arrivèrent en France au mois de mai de la même année. Au retour de la mission commerciale, plusieurs expositions furent organisées à Paris (1846), Lyon (1847) et Saint-Étienne (1848), afin de montrer au public, mais surtout aux marchands et industriels, les objets et échantillons rapportés. Ces expositions industrielles présentèrent quelques dix mille objets, et donnèrent lieu chacune à l'édition d'un catalogue.
La première de ces expositions, organisée à l'initiative du ministère de l'Agriculture et du Commerce et de la Chambre de Commerce de Paris, eut lieu dans les salles de l'École supérieure de la ville de Paris pour l'instruction primaire, rue Neuve-Saint-Laurent, du 21 juillet au 20 août 1846. Elle accueillait le public les mardi, mercredi, jeudi et vendredi, de dix heures à seize heures. Le catalogue en répartit les objets en cinq sections, en fonction de l'industrie dont ils relèvent et du délégué qui en avait la charge : l'industrie cotonnière (Haussmann), l'industrie lainière (Rondot), l'industrie des soies et soieries (Hedde) et l'industrie parisienne (Renard), plus une cinquième consacrée aux « vins, eaux-de-vie, sucres, tabacs, etc. » (placée sous la responsabilité de Rondot).
Contrairement à cette première exposition parisienne qui portait sur tous les domaines couverts par la mission, celles qui se tiennent à Lyon et à Saint-Étienne les années suivantes ne présentent que les objets relatifs à l'industrie de la soie : outils, modèles réduits de métiers à tisser, échantillons textiles, cocons, graines de vers à soie et de mûrier et matières tinctoriales. L'exposition de Lyon, à la demande de la Chambre de Commerce, fut organisée par Hedde, qui assura également la rédaction de son catalogue. Inaugurée le 13 juillet 1847, elle se tint, pendant six mois, dans la salle de minéralogie du Palais Saint-Pierre, prêtée par la Ville. Les quelques dix mille objets, appartenant au Gouvernement, à Hedde ou à divers collectionneurs privés, y étaient présentés sous deux mille trente-trois numéros. L'exposition était accessible au public les mardi et mercredi de onze heures à seize heures et aux fabricants de soieries les vendredi et samedi aux mêmes heures, sur présentation d'une carte adressée à domicile. La levée de dessins d'étoffes y était autorisée pour certaines sociétés qui en avaient fait la demande et pour les seules œuvres appartenant au Gouvernement (précédées de la lettre G dans le catalogue), les lundi et jeudi de neuf heures à onze heures. Le succès de l'exposition fut tel que de nombreux visiteurs s'unirent pour offrir un banquet en l'honneur de son organisateur, Isidore Hedde.
La troisième exposition des produits de la mission en Chine fut réalisée à Saint-Étienne, à l'initiative de la Chambre de Commerce et aux frais de l'administration municipale. Isidore Hedde fut à nouveau sollicité pour la rédaction du catalogue. Mais il s'agissait cette fois-ci d'un véritable catalogue raisonné et commenté, et non plus d'une simple nomenclature comme cela avait été le cas l'année précédente pour l'exposition de Lyon. Inaugurée le 1er mars 1848, l'exposition de Saint-Étienne, sise dans la salle dite du Musée de l'Hôtel de Ville, était ouverte au public les dimanche et lundi, de onze heures à seize heures, et aux fabricants, sur présentation d'une carte, les mardi et jeudi. La Chambre de Commerce de Lyon avait octroyé à Isidore Hedde la somme de dix-neuf mille francs afin qu'il réunisse au cours de sa mission en Chine une collection d'échantillons et modèles des produits ou procédés de l'industrie chinoise qui lui paraissaient les plus remarquables. Cette collection était destinée à servir d'objet d'étude aux soyeux lyonnais. Mais le ministre de l'Agriculture et du Commerce en avait décidé autrement et entendait conserver ces objets pour la création d'un musée central à Paris.
Dès 1846, la Chambre de Lyon avait réclamé au ministère sa part des échantillons et objets rapportés de Chine. Devant l'insistance de la Chambre, le ministre concéda finalement l'organisation des expositions temporaires de Lyon et de Saint-Étienne. Après quoi, les objets rejoignirent, en 1849, les collections du musée des Arts et Métiers de Paris. Mais la Chambre de Lyon, à force de persévérance, finit par obtenir gain de cause et reçut, à la fin de l'année 1849, une partie des objets réunis par la mission, échantillons et albums relatifs à la production et au tissage de la soie. Ils furent déposés au musée industriel du Conseil des Prud'hommes. Ils y furent conservés jusqu'à l'ouverture, en 1864, du musée d'Art et d'Industrie, ancêtre du musée des Tissus. D'autres objets issus de la mission et ayant appartenu à la collection de Natalis Rondot entrèrent par ailleurs dans les collections du musée à différentes époques. Cet insigne de rang de fonctionnaire Qing provient du don fait par la Chambre de Commerce au musée des objets collectés pendant la mission commerciale en Chine. Deux autres insignes ont également rejoint les collections dans cette circonstance (inv. MT 9207 et MT 9209). Ils sont mentionnés dans le catalogue de l'exposition de Lyon, en 1847, aux numéros 1750 et 1762 (« 1750. G. [pour « Gouvernement »] Quatre plastrons, kom-po-tseu, en ké-sz, c'est-à-dire brochés espoulinés, en soie et plumes d'oiseaux. Les hérons, aux ailes ouvertes, indiquent qu'ils sont destinés pour officiers de 1re et 2e classes. Ils sont portés sur la poitrine et sur le dos » et « 1762. G. Quatre kom-po-tseu, dans le genre du n° 1750 »), et dans le catalogue de l'exposition de Saint-Étienne, en 1848, au numéro 705 (« Kin-pou-tz', plastrons héraldiques en ké-tz', tissu dans le genre du précédent, dont les trames sont quelquefois formées de plumes d'oiseaux. Ces plastrons sont portés sur le dos et la poitrine par les personnages de distinction »).
Cet insigne de rang de fonctionnaire civil Qing se compose de deux éléments cousus ensemble, composant une partie centrale ainsi qu’une bordure à décor géométrique doré. La première figure une aigrette debout se détachant sur un fond doré. L’aigrette est tournée vers la gauche et repose sur sa patte gauche, les ailes déployées, contrairement à l’oiseau en vol en usage sous les Ming. Cet oiseau se situe sur un promontoire rocheux au centre d’un paysage composé en partie inférieure d’une mer agitée ainsi que de nuages chi de couleur bleue et rouge, au centre de trois massifs rocheux séparés les uns des autres par des vagues stylisées et en partie supérieure de nuages chi ainsi que d’un soleil rouge.
Ce carré de mandarin comprend une pluralité de symboles ayant une vocation à la fois bénéfique pour le propriétaire et représentative des qualités de celui-ci. Ainsi, divers objets flottent sur l’étendue aquatique relèvent d’une iconographie confucianiste. En ce sens, l’un des huit objets précieux du confucianisme est présent : la sapèque (symbole d’aisance financière) se situe sur la gauche du promontoire central. Certains éléments du paysage sont aussi porteurs d’un sens métaphorique. À partir des massifs rocheux latéraux s’épanouissent en effet trois variétés notables de plantes : la pivoine arbustive (caractérisant l’honneur, la noblesse et la santé) et le lingzhi (l’immortalité ou la longévité) à gauche, le narcisse (symbole d’immortalité ou de bonheur) et le pêcher (l’immortalité) à droite. Cette division botanique entre le narcisse et la pivoine au sein du carré est de mise depuis la fin du XVIIe siècle.
Une autre iconographie chinoise est décryptable au sein de la composition : cinq chauves-souris, dont la traduction, fu, en chinois est homophone de « bonheur », se situent de part et d’autre de l’aigrette.
L’environnement dans lequel évolue l’aigrette est lui aussi significatif, et particulièrement fréquent au XIXe siècle dans la composition des paysages des carrés de mandarins. Cet ensemble comprend ainsi les flots en partie inférieure, puis trois rocs avec l’oiseau et les cieux évoqués par les nuages de couleur bleue. En partie supérieure gauche, le soleil rouge symbolise l’Empereur et domine les éléments : l’eau, la terre et les cieux. Par ailleurs, l’aigrette se tourne vers l’astre solaire, ceci illustrant l’allégeance que le fonctionnaire prête à l’Empereur. Cette orientation de l’oiseau se retrouve en outre sur la quasi-totalité des carrés de mandarins.
Ce carré de mandarin constitue un témoignage du rang atteint par un fonctionnaire de la Chine des Qing au XIXe siècle. Bien avant cette période, la Chine a connu un fonctionnement politique différent de celui de l’Occident, notamment par le biais de sa bureaucratie extrêmement hiérarchisée, remontant au plus tard à la dynastie Qin (221-207 av. J.-C.). Les fonctionnaires, appelés plus communément « mandarins » composant cette dernière se trouvaient sous l’égide de l’Empereur et étaient en charge des affaires d’État. Si la sélection des fonctionnaires du pays a connu quelques changements, elle garde tout de même un caractère continu pendant 1300 ans, de 605 à 1905, par le truchement de l’institutionnalisation de l’examen. Celui-ci se fonde sur les connaissances détenues par les candidats à propos des Classiques de Confucius (551-479 av. J.-C., dates incertaines), entre autres lors de dissertations. Selon le résultat obtenu à l’examen, un rang particulier est attribué au candidat. Le niveau atteint par le fonctionnaire néophyte est signalé par plusieurs indicateurs de rangs, dont participe le « carré de mandarin » ou insigne de rang. L’origine de la forme carrée de l’insigne de rang serait à attribuer aux Yuan (1279-1368). Ces derniers auraient effectivement importé la coutume du port d’un empiècement carré formulant alors l’indication du statut social. Plusieurs sources conduisent à cette hypothèse : d’une part, une illustration du texte Shilin Guangji permet d’identifier un fonctionnaire mongol portant un tissu carré sur la partie postérieure de sa toge. D’autres exemples matériels existent : la Plum Blossoms Gallery de Hong Kong a pu conserver un badge de vingt-neuf centimètres sur trente figurant un cerf et datant du XIIIe siècle. Au-delà des pièces retrouvées au sein de sites funéraires, une sculpture retrouvée à Yangqunmiao constitue l’attestation tridimensionnelle du port de l’insigne carré. L’utilisation de la forme carrée de l’insigne de rang des fonctionnaires pourrait également être justifiée par la distinction de forme opérée entre les terrasses circulaires des autels dédiés aux déités supérieures - Shang Di notamment – et les plateformes carrées des autels consacrés aux déités d’importance moindre. Les sites sacrificiels de Pékin, reconstruits sous Yongle entre 1403 et 1424 ont conservé cette distinction formelle entre certaines terrasses de la partie Sud de la Cité Interdite ; le temple du paradis, avec ses terrasses circulaires contraste avec son équivalent, l’autel de l’agriculture, de forme carrée.
Parallèlement à la très probable origine Yuan de la forme carrée de l’insigne, la technique de réalisation du badge conservé dans les collections du musée des Tissus, la tapisserie de type kesi, aurait également été importée par les populations du Nord. Les tisserands Liao et Jin ont en effet permis un transfert de cette technique aux Song du Nord qui lui donnèrent une prospérité avérée grâce au patronage de la cour impériale.
Sous les Ming (1368-1644), la pièce de tissu est le plus souvent cousue en paire sur l’avers et le revers de la robe du mandarin, tandis qu’elle prend place sur un sur-manteau de cour (ou surplis), bufu, durant la dynastie Qing. Ce changement de support explique notamment qu’à partir de la dernière dynastie impériale chinoise les insignes composant la paire ne sont pas tout à fait semblables.
L’insigne avec l'aigrette du musée des Tissus était porté sur le devant du bufu puisqu'il est divisé en deux parties en son centre pour respecter l'ouverture du surplis. Le musée des Tissus ne conserve pas le pendant, d'une pièce, qui devait se trouver dans le dos.
L’identification du rang du mandarin propriétaire de ce carré est permise par une règlementation progressive de l’iconographie des insignes d’État. Sous le règne de l’Empereur Hongwu, en 1391, il fut défini que les fonctionnaires, selon qu’ils fussent civils ou militaires, devaient porter sur leur pièce de tissu une espèce animalière précise. Les oiseaux, symboles d’élégance et de raffinement, étaient l’apanage des fonctionnaires civils, alors que les insignes de militaires étaient ornés d’animaux féroces. Neuf rangs furent mis en place pour chaque catégorie de manière stricte à partir de 1527, ceci permettant de connaître l’importance du personnage concerné.
L’exemplaire du musée des Tissus présente en son centre une aigrette tournée vers l'épaule droite du propriétaire, ceci impliquant que le pendant postérieur portait une aigrette tournée vers l'épaule gauche. Il appartenait donc à un fonctionnaire civil de sixième rang. Les épouses de mandarins avaient également le droit de porter l’insigne, mais le regard de l’oiseau était dirigé vers l’autre épaule, de sorte que lorsque les époux étaient assis l’un à côté de l’autre, leurs oiseaux se fissent face. Les deux portraits d’ancêtres réalisés durant la seconde moitié du XIXe siècle (D979-3-2162 et D979-3-1563) conservés au musée des Confluences, à Lyon, illustrent assez bien ce positionnement des oiseaux.
Durant les dernières décennies de la dynastie Qing, de nombreux événements politiques sont intervenus et ont été vecteurs de changement à propos des insignes de rangs. Suite à la première Guerre de l’opium (entre 1839 et 1842) et parallèlement à une croissance démographique importante ainsi qu’à une ascension économique et sociale des marchands, la production des insignes de rangs se fait de manière quasi-industrielle. Le gouvernement chinois met notamment en vente les charges de fonctionnaires afin de créer une rentrée d’argent. Les décors sont préparés en amont puis le motif central est apposé en fonction de la personne recevant la charge. Cette pratique est attestée grâce à la conservation dans certaines collections d’exemplaires ne comprenant pas en leur sein d’oiseau ou d’animal féroce (voir en ce sens le 30.75.903 au Metropolitan Museum de New York).
Postérieurement à la seconde Guerre de l’opium (entre 1856 et 1860) et à la révolte des Taiping (entre 1851 et 1864), un double effet est notable concernant les carrés de mandarins : beaucoup de Chinois perdent foi en ce système de rangs, alors que l’iconographie des carrés comprend de plus en plus de signes de chance et de plantes de bon augure. Ce phénomène de production massive a causé une lecture difficile des iconographies ainsi qu’une compréhension altérée des rangs dans la seconde moitié du XIXe siècle.
L’insigne conservé au musée des Tissus présentant une oie sauvage ne semble pas participer de cette période de dégénérescence iconographique puisque seuls trois symboles confucianistes sont évoqués. De plus, les nuages réalisés de manière continue ainsi que la sobriété d'ensemble de la composition par rapport aux exemples ultérieurs permettent de supposer une datation entre l'extrême fin du XVIIIe siècle et le premier tiers du XIXe siècle. D'autres carrés semblables, à la fois dans leur retenue iconographique et dans leur composition, sont datés de cette même période (voir, par exemple, l'insigne inv. 30.75.914 du Metropolitan Museum of Art de New York).
Avec les deux autres carrés de même provenance, l'insigne fait partie des plus anciens exemplaires de l'importante série conservée au musée des Tissus.
Nicolas Lor, Maximilien Durand et Hélène Gascuel