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| - La pièce est composée de deux fragments principaux, assemblés par couture le long d’une lisière, et d’autres morceaux qui appartenaient, à l'origine, à une chasuble. Le décor est constitué de palmettes disposées en quinconce, sur la partie supérieure desquelles s’appuient des couples d’animaux, girafes (?) broutant une tige feuillue ou aigles affrontés. L’ensemble de la composition s’enlève ton sur ton sur fond vert, tandis que les têtes, pattes et sabots des animaux, le disque placé sur l’aile des oiseaux, les fleurons contenus dans les palmettes et les feuilles recourbées sur le dos des quadrupèdes sont brochés d’or.
Les inventaires médiévaux mentionnent ce type de soierie qu’ils désignent sous le terme de diasprum, ou « diapre ». Le diapre est un lampas, à fond taffetas ou à fond double-étoffe, avec une trame de soie lancée et un filé or (ou argent) broché, liés aussi en taffetas. D'abord blanc, il apparaît ensuite dans divers coloris, soit monochrome, soit bicolore. Entre la fin du XIIIe siècle et la fin du XIVe siècle, les ateliers de la ville de Lucques, notamment, s’étaient spécialisés dans la réalisation de ces étoffes prestigieuses sur lesquelles des palmettes ornementales s’épanouissent entre des couples d’animaux affrontés, oiseaux — aigles, perroquets, paons — ou quadrupèdes — gazelles, lions, parfois des animaux fantastiques, griffons, dragons et basilics —.
Les cordelines des lisières, l’usage de fils de soie cuite (c’est-à-dire teinte après décreusage) de torsion Z pour les deux chaînes, le nombre et la proportion des fils de chaîne désignent, pour les fragments du musée des Tissus, une production italienne de la meilleure qualité, généralement attribuée à ces ateliers lucquois. Un pluvial du Museo di Palazzo Venezia, à Rome (inv. P. V. 10642), présente une étoffe, rouge à l’origine, très comparable aux fragments lyonnais par ses caractéristiques techniques et ses motifs. La chasuble funéraire de l’évêque Nikolaus Schiner († 1510), découverte dans la cathédrale de Sion, constitue également une variante de couleur rouge de cette étoffe. Une chasuble du Museo dell’Opera del Duomo de Sienne, une seconde chasuble du Musée historique de Berne (inv. 36) et une tunicelle de la même collection (inv. 35) en offrent des versions de couleur blanche. Des fragments ornés de dessins similaires, enfin, sont conservés au musée du Bargello, à Florence (de couleur verte ; coll. Franchetti, n° 604) et au musée national du Moyen Âge-Thermes et hôtel de Cluny, à Paris (de couleur crème pour Cl. 3060 ; bicolore, vert et rose, pour Cl. 14087 a-c, mais d’une qualité moindre). Les mêmes motifs pouvaient donc être interprétés dans une gamme de coloris variée et dans des qualités différentes. Les règlements du métier de la soie à Lucques font état, entre 1376 et 1381, d'une distinction entre diaspini, de qualité supérieure, et diaspinecti, de qualité moindre.
Les travaux menés sur les documents royaux anglais relatifs à la garde-robe d’Édouard III et la découverte, en 1998, dans la collégiale Saint-Agricol d’Avignon, d’un diapre qui enveloppait les reliques placées dans le maître-autel de l’église, données en 1321 par le pape Jean XXII, permettent d’avancer le premier tiers du XIVe siècle comme date probable d’exécution des fragments lyonnais. Les soieries de grand luxe exportées par les marchands lucquois connaissent alors un immense succès dans toute l’Europe.
Maximilien Durand (fr)
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