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  • Un meuble en velours chiné, fond pourpre, à couronnes de pavots et de myrte et étoiles, ainsi qu'un damas cramoisi à couronnes et étoiles, un damas blanc à couronnes et étoiles et un damas cramoisi, à feuilles de vigne,  avaient été commandés à Camille Pernon à l'occasion du couronnement, en l'an XII (1804), par Hector-Martin Lefuel, conservateur du Mobilier impérial. Les trois premières étoffes étaient destinées à la Chambre de parade de l'Empereur au Palais de Saint-Cloud, le damas cramoisi à feuilles de vigne, au « Trône de Sa Sainteté aux Tuileries. » La commande avait été passée sans l'accord de Géraud-Christophe-Michel Duroc qui, le 18 germinal an XIII (8 avril 1805) écrivait à Charles-Pierre Claret, comte de Fleurieu, intendant général de la Maison de l'Empereur : « Je vous envoie encore une petite note de Mr Pernon. Vous verrez qu'il lui sera dû encore de l'argent, c'est un objet à régler et qui mérite bien toute votre attention, il paraît que lorsque l'on a besoin au Garde-Meuble on se permet et on s'est permis de lui commander sans en prévenir personne. » Le 29 floréal suivant (19 mai 1805), Duroc précisait à Fleurieu : « Mr Lefuel a cru devoir et pouvoir commander lui-même à la fabrique de Mr Pernon des étoffes qui font partie du compte général de sa fourniture et qui l'ont augmenté par conséquent. » Étienne-Jacques Calmelet, administrateur du Mobilier impérial du 3 novembre 1804 au 4 février 1806, perdit son poste à cause de cette négligence de Lefuel, « pour avoir permis de faire pendant l'an XIII une dépense de 31.330 fr. 76 pour augmenter l'ameublement du Palais de St Cloud sans y être autorisé et sans qu'il y eut un crédit ouvert pour cet objet. » Camille Pernon avait commencé la fabrication des étoffes. Il devait l'interrompre bientôt pour des raisons qu'il expliquait lui-même à Lefuel le 17 vendémiaire an XIII (9 octobre 1804) : « On s'est trouvé arrêté dans l'exécution des objets qui ont rapport au lit : 1°) parce que la forme de celui existant aujourd'hui ne paraît pas convenable à un lit de parade ; 2°) parce que la chambre actuelle paraît trop petite pour contenir la balustre nécessaire à l'entourage d'un pareil lit, que d'ailleurs sa forme qui se rapproche de celle d'un belvédère ayant quatre fenêtres et trois portes n'est pas celle d'une chambre à coucher. Son Excellence le Général Duroc paraissait s'arrêter sur le choix de celle qui la suit qui serait effectivement convenable à un pareil emploi, il sera nécessaire pour compléter cet objet de fixer par une résolution définitive le parti à prendre. » Pernon suggérait que, en attendant, « cet objet pourrait peut-être [...] servir pour la formation du Trône de Sa Sainteté. » Lefuel répondit négativement le 3 brumaire an XIII (25 octobre 1804) : « Cette disposition est impraticable d'abord parce que cette étoffe étant très riche exigerait beaucoup de dépenses pour les accessoires, ensuite [...] le local étant bas et resserré, cette même étoffe ne produirait pas l'effet qu'on doit en attendre dans une pièce aussi étendue qu'on l'a supposée lorsque les dessins en ont été arrêtés. » Les étoffes déjà fabriquées par Pernon furent livrées au Garde-Meuble dès le 18 fructidor an XII et jusqu'au 27 floréal an XIII (5 septembre 1804-17 mai 1805). Elles comprenaient : cent trentre-sept mètres quinze centimètres de velours chiné pour tenture et lit à cent cinquante francs le mètre ; onze mètres cinquante-sept centimètres de velours pour sièges à soixante-quinze francs le mètre ; soixante-cinq mètres dix-sept centimètres en velours brodé en or relevé, à trois cent soixante francs le mètre pour bordure de tenture, deux de neuf pouces, soit cent trente mètres trente-quatre centimètres de bordure courante ; neuf mètres cinquante de velours brodé en or relevé, à cent quatre-vingts francs le mètre, pour bordure de sièges, quatre de trois pouces six lignes, soit trente-huit mètres cinquante centimètres de bordure courante ; deux mètres quinze centimètres de velours brodé or relevé, à huit francs soixante-quinze le mètre, pour bordure de dossiers, huit de deux pouces, soit dix-sept mètres vingt centimètres de bordure courante ; trente-quatre écussons velours brodé en or relevé, dessin à palmes et chiffre NB, à deux chemins pour tenture, à trente-quatre francs l'écusson ; cent quatre-vingt-onze mètres vingt-sept centimètres de damas double corps cramoisi, dessin à couronnes et étoiles, pour portières et rideaux, à dix-huit francs le mètre ; cent quarante-deux mètres vingt-six centimètres de brocart or fond cramoisi fin, dessin à palmes et étoiles, à cent quatre-vingts francs le mètre, pour bordure de rideaux, deux de neuf pouces, soit deux cent quatre-vingt-quatre mètres quatre-vingt-douze centimètres de bordure courante ; cent quarante-trois mètres quatre-vingt-douze centimètres de damas double corps fond blanc, dessin à couronnes et étoiles, pour rideaux de croisée, à seize francs le mètre. La laize conservée au musée des Tissus constitue un échantillon destiné à montrer l'effet de la bordure brodée avec la tenture chinée. Camille Pernon travaille alors avec le chineur Joseph-Benoît Richard, dit « aîné. » Ce dernier, avant la Révolution, travaillait déjà avec Étienne Pernon (1719-1803), le père de Camille, qui le considérait comme le seul chineur capable d'exécuter des pièces exceptionnelles, comme le velours de dix-sept couleurs d'une aune de large réalisé en 1780 pour Catherine II de Russie et commandé, en 1785, par le Garde-Meuble de la Couronne (inv. MT 24821 et MT 2847). En 1793, Joseph-Benoît Richard émigra en Suisse, d'abord, puis à Berlin où il poursuivit son activité de chineur, toujours associé à son frère Pierre Richard, dit « cadet. » En 1796, Joseph-Benoît Richard revint à Lyon. Peu de temps après, vers 1798, il produisait les premiers portraits en velours chiné de l'histoire de la Fabrique, ceux de Frédéric le Grand (inv. MT 2161 et MT 34274.1), de Frédéric-Guillaume III (inv. MT 1148) et de Louise de Prusse (inv. MT 1149 et MT 34274.2). Mais il connut de graves difficultés financières comme en témoigne une pétition du Bureau consultatif du Commerce, portée par Camille Pernon, précisément, et présentée au ministre de l'Intérieur Jean-Antoine Chaptal qui le montre « âgé de 75 ans, retiré à la campagne, dévid(ant) la soie pour vivre, et gagn(ant) à peine, en quinze heures de travail, la modique somme de six sous par jour. L'aspect de sa misère étonne et refroidit l'ouvrier tenté d'imaginer et de produire. » Le 4 pluviôse an X, Jean-Antoine Chaptal, après avoir assisté à une séance de l'Athénée, à Lyon, visita quelques manufactures. Il se rendit notamment « dans l'atelier du cit(oyen) Lasalle, il combla d'éloges et de marques d'affection ce respectable vieillard, encore plein de feu, de génie et de sensibilité. Sur le vœu du Bureau consultatif de commerce, il accorda une gratification annuelle de 600 fr(ancs) au cit(oyen) Benoît Richard, inventeur de l'art de chiner les étoffes. » Au même moment, l'activité de Camille Pernon commençait également à refleurir, et c'est tout naturellement que la collaboration entre les deux hommes reprit. Dès 1801-1802, Joseph-Benoît Richard, relevé de ses difficultés financières grâce à l'aide de l'État, entamait grâce à Camille Pernon la seconde partie de sa carrière de chineur. En 1802, il fut chargé de chiner le meuble commandé au fabricant pour la Salle des Ambassadeurs du Palais de Saint-Cloud, sur un dessin de Jean-François Bony. Le musée des tissus conserve la mise en carte de ce meuble (inv. MT 40478). Elle comporte une inscription indiquant : « Mise en carte/ donnée par Mr Richard Fils/ Cette Carte chinée par/ Mr Richard perre (sic) lui a valu une pention (sic)/ de Napoléon premier/ en 1804. » Les collections conservent aussi une laize de ce meuble (inv. MT 24808.1) et un élément de bordure (inv. MT 24808.2). La réalisation de ce meuble valut à Joseph-Benoît Richard une nouvelle gratification de l'Empereur. Le compte rendu de la visite de Napoléon Ier et de l'impératrice Joséphine à Lyon, en 1805, indique, en effet, que, parmi les nombreuses libéralités concédées par l'Empereur à la ville et à ses habitants le lundi de Pâques, il accorda « une pension (...) de trois cents fr(ancs) au sieur Richard, chineur (...). » La sollicitude du Premier Consul, puis de l'Empereur, explique pourquoi on conserve un portrait de Napoléon chiné par Richard, produit en 1806 (inv. MT 34255). La largeur exceptionnelle du velours (quarante pouces ou 11/12), la hauteur du rapport de dessin (cinquante centimètres) et la complexité du motif, des couronnes de pavot alternant avec des couronnes de myrte, les unes et les autres contenant une étoile à six branches, sur un fond semé d'étoiles à six branches, encadrées par six étoiles à quatre branches, désignent les ateliers de Joseph-Benoît Richard pour ce velours fond pourpre chiné mordoré brun. Pour le dessin lui-même, on reconnaît le travail de Jean-François Bony (1754-1825), célèbre dessinateur de fabrique, brodeur, fabricant et occasionnellement peintre de fleurs. On sait qu'il collabora de manière privilégiée avec Camille Pernon pour les commandes du Premier Consul dès 1802, puis pour celles de l'Empereur. Le musée des Tissus conserve plusieurs dessins ou gouaches préparatoires pour ces commandes, ainsi qu'un carnet de dessins (inv. MT 27638) utilisé par l'artiste entre 1802 et 1816, dans lequel figurent des croquis relatifs à la production de ces étoffes. Aux folios 43 et 99, par exemple, apparaît le motif de l'étoile encadrée d'autres étoiles ou contenue dans une couronne fleurie. Le motif de la couronne de myrte, par ailleurs, est récurrent dans le travail de l'artiste. L'échantillon de broderie qui simule une bordure sur la laize de velours du musée des Tissus présente aussi toutes les caractéristiques du travail de Jean-François Bony, tant dans le dessin lui-même (les palmettes contenues dans un arc en ogive, liées par des ornements à des bouquets apparaissent, par exemple, aux folios 73 et 127 du carnet de dessins) que dans les techniques mises en œuvre. Le musée des Tissus conserve de nombreux exemples de broderies issues des ateliers de Jean-François Bony, pour tentures, pour écrans ou pour l'habillement qui permettent d'identifier les particularités de leur production. Sur la laize de velours, les broderies sont exécutées en filé métallique or (lame enroulée en S sur une âme en poil de soie Z, crème), en frisé également or (lame enroulée en S, à demi-couvert, sur une âme en ondé de soie poil enroulé en Z sur un fil de forte torsion Z, jaune clair) au passé plat de fils métalliques en relief sur une épaisseur de fils de soie blanche au passé plat au dessous (en diagonale direction S pour la soie et en diagonale Z pour les fils métalliques), et en cannetilles au point lancé sur cordon. Différents éléments sont par ailleurs appliqués, paillons, paillons brodés de cannetille, paillons estampés argent et petits paillons en cupule dorés. Ces matériaux, leur association et les techniques de mise en œuvre sont caractéristiques des broderies issues des ateliers de Jean-François Bony. Le dessin retenu pour la bordure neuf pouces (24 centimètres) de la tenture a finalement été différent de celui qui apparaît sur l'essai du musée des Tissus. Il présente, en effet, une suite de palmettes alternant avec des couronnes de laurier, séparées par des enroulements, contenues entre deux files d'étoiles (Paris, Mobilier national, inv. GMMP 704). En revanche, le dessin à palmettes inversées et bouquets de fleurs a bien été retenu, simplifié, pour les broderies des bordures trois pouces six lignes (9,5 centimètres) pour sièges (patron n° 312 ; Paris, Mobilier national, inv. GMMP 702). En 1807, les étoffes livrées pour la Chambre de parade de l'Empereur à Saint-Cloud n'avaient toujours pas été utilisées. Celles qui ornaient le Cabinet de l'Empereur dans ce même Palais, en revanche, aussi livrées par Camille Pernon, étaient décolorées. Le 7 septembre 1807, Duroc précisait à l'intendant général de la Maison de l'Empereur, Pierre-Antoine-Noël-Bruno Daru : « Le Salon ou Cabinet de l'Empereur est à changer totalement pour en faire la pièce la plus riche. Il faut donc y mettre un meuble et une tenture complète avec rideaux et portières en beau velours ou un riche brocard de Lyon. » Le 16 avril 1808, Alexandre Desmazis, administrateur du Mobilier impérial, établissait un « aperçu de la dépense nécessaire pour placer, conformément aux ordres de l'Empereur, dans le cabinet de S. M. à St Cloud tel qu'il est, le velours cramoisi chiné, bordure velours rehaussé d'or, lequel se trouve au Garde-Meuble, les portières, moulures, rideaux et sièges compris. » Le 7 mai 1808, Daru transmettait à l'Empereur un rapport donnant l'aperçu des dépenses : « Votre Majesté a ordonné que l'on profitât de son absence pour meubler le salon ou cabinet de l'Empereur, à St Cloud, avec une étoffe en velours chiné de Lyon qu'elle a désignée, et qui existe dans les magasins du Garde-Meuble. J'ai l'honneur de transmettre à Votre Majesté l'état par aperçu présenté par l'administrateur du Mobilier de la dépense que cet ameublement doit occasionner. Cette dépense est évaluée à 47.995 f 70 en employant pour la tenture l'étoffe telle qu'elle est. Mais l'intention de Votre Majesté étant que ce salon soit le plus riche du Palais, M. Desmazis propose de semer l'étoffe d'Abeilles brodées en or fin, pour égayer et enrichir la tenture qui est sombre et peu riche par elle-même : dans ce cas la dépense s'élèverait à 25.000 f de plus ; ce qui porterait le total à 72.995 f 70. » Les crédits étant épuisés, le projet d'ameublement du Grand Cabinet fut reporté au budget de 1809. En 1810, le changement n'était toujours pas réalisé et, le 15 février, Desmazis écrivait à Daru : « Sa Majesté voulant que son Cabinet soit très richement meublé [...], je propose deux projets différents pour cet ameublement, le 1er serait fait avec l'étoffe telle qu'elle existe dans les magasins du Mobilier avec la bordure en brocard or mais, cette étoffe employée sans être relevée par une broderie serait d'un effet triste et peu agréable. Suivant ce projet la dépense ne s'élèverait qu'à 128.753 f 17 c et cet ameublement pourrait être terminé au 20 mars. D'après le 2e projet, l'étoffe serait très richement brodée et l'ameublement en répondant aux vues de Sa Majesté serait d'un effet magnifique et la dépense s'élèverait pour ce 2e projet à la somme de 160.000 f. C'est-à-dire 31.246,83 de plus que dans le premier, mais ne pourrait être terminé que dans six mois. » Dans ce projet, le velours devait être brodé en filé, cannetilles et paillons or, les écussons au chiffre NB à débroder et rebroder à la lettre N. Le 17 février, l'Empereur refusait les deux propositions. Le 4 juin 1812, Jean-Baptiste Nompère, comte de Champagny, duc de Cadore, intendant général de la Maison de l'Empereur, approuvait le nouveau devis établi par Alexandre Maigret, tapissier. La proposition de Desmazis de faire semer le velours chiné d'abeilles brodées or fin n'avait pas été retenue. On avait décidé de débroder le chiffre NB sur les écussons et de rebroder une rosace en or de Paris, et de broder en or fin, d'après le dessin accepté, le velours pour deux fauteuils de représentation, les plate-bandes de quatre fauteuils, six chaises, vingt-quatre ployants, deux tabourets et les bordures de l'écran et du paravent. Maigret était chargé de la confection, la maison Picot, à Paris, de la broderie. L'ameublement du Grand Cabinet de l'Empereur fut livré par Maigret le 15 avril 1813 et envoyé à Saint-Cloud le 6 mai suivant. Le 9 juillet, le Mobilier impérial avait demandé dix-huit chaises supplémentaires, les étoffes provenant des coupons de la tenture. Elles furent livrées le 10 novembre 1813 et envoyées à Saint-Cloud le 22. Le décor du Grand Cabinet de l'Empereur resta en place jusqu'en 1839. Les sièges rentrèrent alors au Garde-Meuble, la tenture, les cantonnières et les draperies en 1840. Le dépècement des étoffes fut conservé au Mobilier national et, en 1920, une partie fut utilisée pour le décor de la Chambre de Napoléon à Malmaison. En 1968, les étoffes rentrèrent au Mobilier national.  Précieux témoin de l'élaboration des commandes impériales, la laize du musée des Tissus est le seul exemplaire qui subsiste du processus de validation. Elle a probablement été exécutée pour permettre de juger de l'effet de la bordure brodée associée avec la tenture. Elle correspond à une étape intermédiaire, puisque l'on a vu que le dessin a finalement été retenu pour la bordure des sièges, et non celle de la tenture elle-même. Maximilien Durand (fr)
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