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| - L'échantillon de broderie a conservé son montage original, dans une feuille de papier pliée en deux, aux bords rabattus pour protéger l'étoffe, qui était cousue à l'origine dans un livre de patrons. Il a perdu son numéro d'origine et a été réinventorié en 1970 ; il appartient néanmoins très certainement à l'ensemble de « cent trente-trois échantillons de broderie soie nuancée, paillettes, dorure et pierreries pour vêtements, d'une belle conservation, rel(iés) en 1 vol(ume) in-folio ; travail du commencement du XIXe siècle » (inv. MT 18499 à MT 18631) acquis de l'antiquaire Gallot, passage des Terreaux, en avril 1866 pour le jeune musée d'Art et d'Industrie fondé par la Chambre de Commerce de Lyon. S'il provient bien de ce volume, démantelé à son arrivée au musée, il permet d'attribuer à Jean-François Bony (1754-1825) l'ensemble des échantillons de broderie provenant de ce lot, car il comporte une indication manuscrite à l'encre, portée sur l'intérieur de la page de rabat, de la main de l'artiste. Le musée des Tissus conserve, en effet, plusieurs exemplaires de l'écriture de Jean-François Bony qui ne laissent aucun doute sur l'identité de l'auteur de la note, en particulier un carnet de dessins qu'il a utilisé entre 1802 et 1816, dans lequel figurent plusieurs annotations manuscrites (inv. MT 27638).
L'échantillon de broderie présente, par ailleurs, de très nombreuses similitudes avec les autres broderies de Jean-François Bony acquises en 1866 ou celles provenant des ventes des cabinet de Jules Reybaud, dessinateur de fabrique (inv. MT 1294), et de François Bert, professeur de théorie (tentures : inv. MT 2828, MT 2829, MT 2830 et MT 2832 ; tableaux brodés : inv. MT 3019 et MT 3020 ; échantillons pour gilets ou pour bas de robes : inv. MT 2831, MT 2948, MT 2949, MT 2950, MT 2952, MT 2953, MT 2955, MT 2956, MT 2957, MT 2959, MT 2960, MT 2961, MT 2962, MT 2964, MT 2965, MT 2966, MT 2967, MT 2969, MT 2999, MT 3000, MT 3001, MT 3002, MT 3003, MT 3006, MT 3007, MT 3008, MT 3009, MT 3023, MT 3024, MT 3025, MT 3026, MT 3027, MT 3030 et MT 3031), et qui avaient rejoint les collections quatre ans auparavant.
L'échantillon est exécuté sur un fond de toile de lin, qualité batiste. Des draperies festonnées ont été simulées par incrustation de tricot-chaîne à jours (ou « tricot dentelle ») en soie, brodées ton sur ton d'un semé de petits rameaux réalisé au crochet (point de Beauvais). Les draperies sont retenues par des applications de satin blanc, un losange pour les chutes latérales, une fleur à neuf pétales pour la chute centrale. Les applications de satin sont soulignées par des paillettes argent cousues en rivière et rehaussées de paillons également argent, découpés en losange, en amande ou de forme circulaire. La fleur de satin blanc retient, entre les chutes de draperies du centre, deux glands de passementerie en cannetille frisée, lame et frisé métallique argent. Des paillettes cousues en rivière soulignent les incrustations de tricot-chaîne à jours, simulent des franges le long des festons ou dessinent, au dessus de chaque losange de satin appliqué, deux grandes palmes symétriquement opposées. Une suite de rosettes faites de paillons argent correspond à la bordure inférieure du vêtement. Enfin, une guirlande de mousse, réalisée au point lancé en chenille de soie verte, court dans la partie supérieure des chutes de draperies, où elle est ponctuée de rosettes faites de paillettes et de paillons argent, et autour des applications de satin blanc.
Le goût pour les oppositions de matières en incrustation ou en application, l'usage de paillettes cousues en rivière, de paillons découpés en formes diverses, enfoncés en cupule ou simplement bombés, tout comme la science de la composition caractérisent le travail des ateliers de broderie de Jean-François Bony. Au cours de sa prolifique carrière de dessinateur, de fabricant, occasionnellement de peintre de fleurs, Jean-François Bony semble avoir exercé avec constance l'activité de brodeur. Le modèle La Prêtresse appartenait à un livre de patrons qui servaient aussi bien au négociant, pour consigner les modèles qu'il produisait, qu'au client, qui pouvait ainsi passer une commande adaptée à ses besoins ou ses désirs. Avec ces patrons pouvaient exister des gouaches représentant la robe tout entière. Le musée des Tissus conserve un exceptionnel ensemble de projets de robes à la mine de plomb, à l'aquarelle et à la gouache de la main de Jean-François Bony. Ces projets furent acquis en plusieurs lots et à plusieurs années de distance, mais ils révèlent une grande homogénéité. La première série, comprenant dix-neuf dessins (inv. MT 18794 à 18812), est entrée au musée sous la forme d’un volume in-folio aujourd’hui démembré, et dont la page de titre indique Recueil de Costumes & Dessins de Robes composés et peints par Bony : 4me cayiet (inv. MT 18794.1). L'acquisition de ces dessins a été effectuée auprès de Paul Desq, fabricant de soieries lyonnais, qui avait constitué une bibliothèque de première importance, dispersée en vente publique à Paris en 1866.
En 1879, la Chambre de Commerce de Lyon faisait l'acquisition pour son musée, auprès de Léon Brunswick, marchand établi au 76, rue de l'Hôtel de Ville, d'une « suite de 29 dessins originaux, aquarelles de Bony, représentant des costumes de femmes », portés à l'inventaire sous le numéro MT 23336 (inv. MT 23336.1 à MT 23336.29). Une suite de treize dessins inachevés (inv. MT 2014.0.7 à MT 2014.0.19) et un quatorzième, abouti (inv. MT 2014.0.20), complètent l'ensemble, qui s'élève donc à soixante-deux projets de robes.
Dans un cas au moins, un échantillon de bas de robe (inv. MT 18797.2) a pu être mis en relation avec l'un de ces projets (inv. MT 18797.1). Il s'agit d'une robe commandée à Jean-François Bony par la Ville de Lyon pour être offerte, à l'occasion de son mariage avec Napoléon Ier, à l'impératrice Marie-Louise. Le musée conserve quatre autres projets à la mine de plomb ou à la gouache relatifs à cette prestigieuse commande (inv. MT 2014.0.1, MT 2014.0.2, MT 2014.0.3 et MT 2014.0.4). La robe réalisée, en drap d'argent brodée d'or, n'est malheureusement pas conservée. Elle est cependant représentée par François, baron Gérard, sur le portrait en pied qu'il présenta au Salon de 1812 et qui est aujourd'hui conservé au Kunsthistorisches Museum de Vienne, à la Schatzkammer (inv. Nr. 8682). Une copie par Jean-Baptiste Paulin-Guérin est conservée au musée national du château de Versailles (inv. MV 4701). On y reconnaît exactement les motifs du bas de la robe avec sa bordure qui figurent sur les dessins de Jean-François Bony. La confrontation des esquisses, de l'échantillon de broderie et du tableau montrent la conformité des modèles conservés dans les livres de patrons des brodeurs avec les exemplaires réalisés.
Maximilien Durand (fr)
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