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  • Le portrait représente l'Empereur Napoléon Ier, en buste, vers la gauche, vêtu de l'uniforme de colonel des chasseurs à cheval de la Garde impériale et coiffé du bicorne. La figure et la bordure d'encadrement, une guirlande formée d'une tresse à deux brins marquée à ses quatre angles du chiffre impérial, sont exécutées en velours ciselé brun foncé sur un fond de satin ivoire. Les réserves qui matérialisent les boutons de l'uniforme, et les oppositions de plages en velours bouclé ou frisé dessinent l'effigie impériale. Le portrait a été appliqué par broderie au point oblique, exécutée avec des lames de cuivre, sur un fond de taffetas blanc. Le livre d'inventaire du musée des Tissus, rédigé au moment de l'acquisition de la pièce en 1906, attribue ce velours à un certain Richard, dans lequel il faut reconnaître Joseph-Benoît Richard, dit « Richard aîné ». Dès la fin des années 1760, les frères Richard établirent à Lyon un commerce d'étoffes, spécialisé dans le chinage, établi quai de Retz. Joseph-Benoît (ou Benoît) Richard  est même considéré comme « l'inventeur du chinage » à Lyon. On lit, sous la plume de Jean-Antoine-François Ozanam, dans l'étude intitulée « Origine de la soie et des étoffes fabriquées avec cette matière » publiée dans La Revue du Lyonnais en 1836 : « En 1776, le S(ieu)r Richard, habile fabricant de notre ville, ayant reçu de l'Inde des taffetas chinés par impression, conçut l'idée de les imiter par un autre procédé qu'il inventa et ce nouveau genre d'étoffes eut une grande vogue. Bientôt, on parvint par le même moyen à exécuter des dessins réguliers et même des portraits, non seulement sur le taffetas, mais encore sur le velours. Ce genre tomba au bout de quinze ans. » L'auteur ajoute : « M. Capelin était renommé pour la solidité et la beauté de ses couleurs, surtout pour le bleu. Ce fut lui qui, avec Richard, dont nous avons parlé, trouva le moyen de teindre les chaînes de soie par parties pour fabriquer les étoffes chinées. » Joseph-Benoît Richard est maître-garde de la Communauté des teinturiers en soie, laine, coton et fil, et chineurs, en 1779. Pierre Richard, dit « cadet », ancien grenadier au régiment de Normandie pendant la guerre de Sept Ans (1757), revint à Lyon, sa patrie, en 1767, pour s'occuper de l'important atelier de chinage pour la soie établi quai de Retz. Les connaissances qu'il avait acquises en géométrie et en mécanique lui fournirent les moyens de perfectionner cet art, et bientôt l'atelier fut le plus célèbre de la fabrique lyonnaise. Il se maria en 1770 à Jeanne Gondret. Le couple n'eut qu'un enfant, Clémence Richard, qui, après avoir épousé Jean-Pierre Lortet en 1791, se fera connaître comme une célèbre botaniste après la Révolution. Pierre Richard est maître-garde de la Communauté des teinturiers en soie, laine, coton et fil et chineurs en 1790. On connaît mal la production des frères Richard avant la Révolution. Le musée des Tissus conserve, en revanche, un assignat en « tricot à chaîne et chiné » (inv. MT 10127), créé en 1792 grâce à l'association de Claude Jolivet, fabricant de bas de soie, et de Joseph-Benoît Richard, chineur. Il a été exécuté d'après un procédé breveté le 28 juillet 1791 par les sieurs Jolivet et Cochet, amélioré par le chinage de Richard pour répondre à un concours lancé en 1792 par la Direction pour la fabrication des assignats créée le 13 juin 1792.  En 1793, après le Siège de Lyon, Joseph-Benoît Richard émigre en Suisse d'abord, puis en Prusse. Il est à Berlin en 1794 et y développe sa spécialité, les étoffes chinées, toujours en association avec son frère Pierre Richard. Joseph-Benoît Richard a probablement choisi de s'établir en Prusse en raison de ses affinités avec la franc-maçonnerie. En 1796, quand les fabricants lyonnais qui avaient fui la Terreur revinrent à Lyon, Joseph-Benoît Richard reprit son activité et exécuta les premiers portraits chinés attestés dans l'histoire de la Fabrique. Le musée des Tissus conserve toute la série qui a été réalisée vers 1798, comprenant le portrait de Frédéric le Grand (inv. MT 2161 et MT 34274.1), de Frédéric-Guillaume III (inv. MT 1148) et de Louise de Prusse (inv. MT 1149 et MT 34274.4). Le choix des sujets ne doit pas surprendre. Le chineur était membre de la Loge du Parfait-Silence, séante à l'Orient de Lyon. La Loge, fondée en 1763 selon le rite écossais, s'établit en 1805 aux Brotteaux. L'engagement maçonnique de Frédéric le Grand et la protection apportée aux Loges de Prusse par son successeur expliquent le choix de ces trois personnalités. Par un édit du 20 octobre 1798, Frédéric-Guillaume III défendait les sociétés secrètes dans ses États excepté les trois Grandes Loges de la Vieille Prusse. C'est probablement pour commémorer cette décision du souverain qu'on été réalisés les trois effigies de Frédéric II, Frédéric-Guillaume III et Louise de Prusse. La jeunesse des deux derniers et la coiffure de la reine semblent confirmer cette datation dans les dernières années du XVIIIe siècle. Dans son ouvrage intitulé Des manufactures de soie et du mûrier publié à Paris en 1810, Étienne Mayet, associé aux Académies de Lyon et de Villefranche, ancien directeur des fabriques du roi de Prusse, ancien assesseur à la Chambre royale de Commerce et de manufactures, séante à Berlin, mentionne tout spécialement ces portraits : « (...) le sieur Richard, (...) par les combinaisons les plus adroites dans l'art du chinage, est parvenu récemment à représenter sur du velours uni des portraits et des figures d'une vérité frappante. » À son retour à Lyon, Joseph-Benoît Richard connaît cependant de graves difficultés financières, comme en témoigne une pétition du Bureau consultatif du Commerce présentée au ministre de l'Intérieur Jean-Antoine Chaptal : « Citoyen Ministre, Benoît richard, artiste industrieux, est le créateur de l'art de chiner les étoffes de soie à Lyon. Il l'a porté au plus haut degré de perfection : c'est lui qui a instruit et formé tous les ouvriers qui s'occupent de cette partie ; la plupart sont ses gendres ou ses enfants. Une fortune aisée fut le fruit de son travail ; il en jouissait lorsque les remboursements en assignats des capitaux qu'il avait placés l'ont réduit à la dernière misère. Cet homme essentiel qui, par son industrie, fit entrer en France plus de quinze à vingt millions de numéraire, âgé de 75 ans, retiré à la campagne, dévide la soie pour vivre, et gagne à peine, en quinze heures de travail, la modique somme de six sous par jour. L'aspect de sa misère étonne et refroidit l'ouvrier tenté d'imaginer et de produire. Nous vous présentons, citoyen Ministre, ce tableau affligeant, bien convaincus qu'il est dans votre pouvoir, et plus encore dans votre cœur, de venir au secours du malheureux qui a été utile à son pays, et qui n'a ni mérité ni pu prévoir ses malheurs. Une pension de cinq cents francs ferait vivre cet homme. Il vous bénirait, et nous serions flattés de vous avoir fourni cette occasion de satisfaire votre bienfaisance. Salut et respect. Signé Caminet, président ; F. Landoz ; K.-F. Baye ; Clle Pernon ; Bruyset aîné. »  Jean-Antoine Chaptal répondit sur-le-champ : « Je connaissais, Citoyens, les services rendus à la fabrique de Lyon par le cit(oyen) Benoît Richard ; je savais qu'il avait introduit dans cette ville l'art précieux de chiner les étoffes de soie ; mais j'étais loin de penser que cet artiste si estimable, après avoir enrichi sa patrie, fût réduit, à l'âge de 75 ans, à dévider de la soie pour fournir une pénible existence. Il appartient au Gouvernement de réparer, autant qu'il est en lui, l'effet malheureux des circonstances qui ont pesé sur le cit(oyen) Richard, et je le fais inscrire pour une gratification annuelle de six cents francs, à compter du 1er vendémiare an 10. Je m'estime heureux de pouvoir acquitter cette dette nationale envers un artiste aussi utile, et vous remercie de m'avoir présenté cet acte de justice. Je désire que vous trouviez, dans mon empressement à répondre à vos vues, une nouvelle preuve de l'intérêt que je porte à la fabrique de Lyon, et aux artistes qui en nourrissent la prospérité. Je vous salue. Signé Chaptal. » Le 4 pluviôse an X, Jean-Antoine Chaptal, après avoir assisté à une séance de l'Athénée, à Lyon, visita quelques manufactures. Il se rendit notamment « dans l'atelier du cit(oyen) Lasalle, il combla d'éloges et de marques d'affection ce respectable vieillard, encore plein de feu, de génie et de sensibilité. Sur le vœu du Bureau consultatif de commerce, il accorda une gratification annuelle de 600 fr(ancs) au cit(oyen) Benoît Richard, inventeur de l'art de chiner les étoffes. » En 1802, Joseph-Benoît Richard fut chargé de chiner le meuble commandé à Camille Pernon pour la Salle des Ambassadeurs du Palais de Saint-Cloud, sur un dessin de Jean-François Bony. Le musée des tissus conserve la mise en carte de ce meuble (inv. MT 40478). Elle comporte une inscription indiquant : « Mise en carte/ donnée par Mr Richard Fils /Cette Carte chinée par/ Mr Richard perre (sic) lui a valu une pention (sic)/ de Napoléon premier/ en 1804 ». Les collections conservent aussi une laize de ce meuble (inv. MT 24808.1) et un élément de bordure (inv. MT 24808.2). La réalisation de ce meuble valut à Joseph-Benoît Richard une nouvelle gratification de l'Empereur. Un compte rendu, adressé à Napoléon Ier au mois de germinal an XIII, indique : « Sire, en arrêtant ses regards sur les productions les plus distinguées de l'industrie lyonnaise, Votre Majesté l'a déjà puissamment encouragée, lui a donné un nouvel essor et assuré de nouveaux succès. Elle a daigné cependant conserver cette journée par des bienfaits multipliés. Elle a remarqué le nouveau métier du sieur Jacquart, qui supprime dans la fabrication des étoffes brochées et façonnées l'emploi de la tireuse, supprime aussi une quantité considérable de cordages et rend la fabrication beaucoup plus économique, invention ingénieuse de l'artiste mécanicien le plus habile que Lyon possède aujourd'hui dans son sein. Elle a daigné lui assurer une prime de 50 francs par chaque métier qu'il livrerait sans fabriquer. J'ai pensé justement que comme ce métier sera bientôt d'un usage général, il convenait de limiter à six années la délivrance d'une prime qui pourrait s'élever très haut si elle restait indéterminée pour sa durée. Votre Majesté a annoncé l'intention de remplacer les quatre ouvriers auxquels elle avait daigné accorder des pensions lors de son dernier passage, et qui sont morts dans l'intervalle. J'ai pris, relativement à ce choix, l'avis de la Chambre de Commerce. Elle m'a désigné d'abord Mme Lasalle, veuve d'un mécanicien célèbre auquel l'ancien gouvernement avait accordé une pension de 1500 livres, dont les découvertes furent de la plus haute importance pour les fabriques lyonnaises. Elle m'a désigné ensuite les frères Richard et Gaillard, ouvriers distingués, le premier comme chineur; le second pour la fabrication des étoffes brochées et façonnées, recommandables d'ailleurs par leur âge ou leur caractère. Enin elle m'a entretenu du sieur Gouin père, teinturier d'un grand talent, auteur d'un très beau noir qui porte son nom, que l'étranger ne peut imiter, qui est très précieux pour nos étoffes, et dont cet artiste conserve et veut ensevelir le secret. En accordant une pension à cet artiste, il était nécessaire de s'assurer, d'une part, que son procédé serait conservé et transmis, de l'autre, qu'il ne serait point publié... » Le compte rendu de la visite de Napoléon Ier et de l'impératrice Joséphine à Lyon, en 1805, indique, en effet, que, parmi les nombreuses libéralités concédées par l'Empereur à la ville et à ses habitants le lundi de Pâques, il accorda « une pension de cinq cents francs à la veuve de M. de la Salle, en récompense des inventions de feu son époux, comme très avantageuses aux fabriques de soie ; une autre de trois cents fr(ancs) au sieur Richard, chineur ; une autre de trois cents francs à Antoine Gaillard, ouvrier en étoffes brochées ; une autre de quatre cents francs au sieur Gonin père, teinturier, pour son procédé relatif à la teinture en noir ; une prime de cinquante francs à M. Jacquard, mécanicien, pour chaque métier de son invention qu'il montera et mettra en activité, pendant l'espace de six ans. » La sollicitude du Premier Consul, puis de l'Empereur, explique que Joseph-Benoît Richard s'est attaché à représenter, à plusieurs reprises, le portrait du souverain. Le Bulletin de Lyon n° 72 (10 septembre 1806) annonce que « M. Richard, chineur, pensionné du Gouvernement, vient de chiner et faire fabriquer en velours-soie le portrait de S. M. l'Empereur des Français et Roi d'Italie. Au bas du médaillon est cette inscription chinée : Napoléon le Grand. Les personnes qui voudraient acheter des exemplaires de ce médaillon et voir la fabrication du velours peuvent s'adresser à M. Richard, dans son atelier, quai du Rhône, n° 23, au 4e étage. » Le musée des Tissus conserve un exemplaire de ce portrait chiné de Napoléon Ier, entouré de symboles maçonniques (inv. MT 34255). Cette sollicitude est encore confirmée en 1809. Le Bulletin de Lyon n° 44 (3 juin 1809) publiait : « On a reçu à la Préfecture six brevets de pension viagère sur l'état, en faveur de M. Joseph-Benoît Richard, chineur ; de M. Laurent-André-Just Fornier dit Colonge, ex-inspecteur des vivres ; de Mme. Granchant, veuve Moisson ; de Mme. Chalon, veuve Michaud ; de Mme. Chevalet, veuve Benoît ; et de Mme. Nouvellet, veuve Faucher. Ces personnes, dont on ignore le domicile, sont invitées à se présenter à la Préfecture, au bureau de l'intérieur. La remise du Brevet qui les concerne leur sera faite en représentant le certificat d'inscription de la pension qui leur a été accordée. » Il n'est pas improbable d'imaginer que Joseph-Benoît Richard était attaché à la figure de Napoléon au point d'avoir fait réaliser, à côté des étoffes chinées dont il avait la spécialité et qu'il continue à produire pour honorer l'Empereur, de petits velours ciselé à l'effigie du « Réparateur de la Fabrique ». Le musée des Tissus en conserve d'ailleurs un second exemplaire, en velours ciselé grenat sur fond bleu foncé (inv. MT 34254), et le musée d'Art et d'Industrie de Saint-Étienne, un troisième (inv. 2006.85.17) en soie bleu pâle sur fond bleu foncé. On ignore la date de mort de Joseph-Benoît Richard. En 1812, il est encore mentionné parmi les membres de la Loge du Parfait Silence.  Maximilien Durand (fr)
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