used
| - La maison Bérard et Ferrand existe sous cette raison commerciale depuis 1870, date de l'association d'Ernest Bérard et de Pierre-Joseph Ferrand. Elle est établie au 2, quai de Retz. Elle est distinguée d'une Médaille d'encouragement à l'Exposition universelle de Vienne, en 1873, puis d'un Diplôme d'honneur à l'Exposition internationale industrielle d'Amsterdam, en 1883. Par décret du 26 septembre 1883, Ernest Bérard est aussi nommé chevalier de la Légion d'Honneur.
En 1884 se tient à Lyon l'Exposition des Arts décoratifs. Parmi les exposants, les fabricants de soierie sont évidemment bien représentés, par les maisons lyonnaises Bérard et Ferrand, Chavent père et fils, Emery, Espiard, Henry, Lamy et Giraud, Mathevon et Bouvard, J.-P. Millon, Servier et Cie, Ogier, Noyer et Cie, Peyrad, Tassinari et Chatel ainsi que par Florentin Poncet de Voiron. La maison Bérard et Ferrand expose vingt-huit modèles, des velours — un velours imprimé, un velours trois corps intitulé Cactus, un velours égyptien, un velours lamé, un velours trois corps intitulé Le Coq et un velours quatre corps —, des ottomans — Les Rhododendrons, ottoman imprimé, en deux versions, Primevères, ottoman broché, La Rose d'or, ottoman broché — et des « lampas » ou « satin » — Les Dahlias (« lampas »), Roses trémières (« lampas »), Guirlande de roses (« lampas »), en deux versions, Les Houx (« lampas broché »), Pivoines (« lampas »), Roses mousseuses (« satin broché »), Les Lilas (« lampas »), Fleurs de cerisier et coquelicot (« lampas broché », La Fée des roses (« lampas »), Fleur de pêcher (« lampas »), Iris (« lampas »), Perce-neige (« lampas »), La Reine Margot (« lampas »), un satin broché, Les Mûres (« satin broché »), en deux versions, et Œillets (« lampas »).
Plusieurs de ces modèles participent également à l'Exposition universelle de Paris, en 1889, à laquelle la maison Bérard et Ferrand est gratifiée d'un Grand prix. C'est le cas notamment du velours Cactus (inv. MT 24988) et des étoffes façonnées intitulées Lilas blanc (inv. MT 25004), Roses mousseuses (inv. MT 25005), Fleurs de pêcher (inv. MT 25006), Roses trémières (inv. MT 25008) et Pivoines (inv. MT 25009). C'est le cas aussi de Fleurs de cerisier et coquelicots.
L'échantillon, qui conserve un chef de pièce en taffetas, présente tous les traits qui ont distingué la maison Bérard et Ferrand à l'Exposition de 1889 comme un des acteurs majeurs du renouvellement de la production d'étoffes façonnées. Les laizes, destinées à l'habillement, sont généralement tissées en largeur de soixante centimètres. Les fleurs, traitées au naturel, forment d'élégantes jonchées sur le fond satin, dans de grands rapports de dessin — soixante-huit centimètres de haut dans ce cas pour cinquante-huit centimètres de large, soit un chemin — qui tiennent compte de la destination de l'étoffe et de l'effet que rendront les motifs avec l'ondoiement de la jupe et le jeu de la lumière sur les soies colorées.
Ernest Bérard, formé à l'École des Beaux-Arts de Lyon, a longtemps exercé le métier de dessinateur de fabrique. Il expose aussi régulièrement des toiles aux Salons de Lyon, entre 1878 et 1903. Adrien Storck, qui a écrit un compte rendu détaillé de la représentation des fabricants lyonnais à l'Exposition de 1889, décrit ainsi l'activité de la maison Bérard et Ferrand : « Dès 1872, dès l'époque où la mode parisienne revint aux étoffes façonnées, la maison Bérard et Ferrand prit la tête du mouvement qui ouvrit une ère nouvelle pour l'industrie lyonnaise. Désormais, elle se consacre à la confection d'étoffes merveilleuses, œuvres d'un goût exquis, qui ont été successivement admirées dans toutes les Expositions universelles. Robes magnifiques portées par les reines et les impératrices, dans les cérémonies de leurs couronnements, robes de nos grandes actrices, qui ont étincelé au feu de la rampe dans des créations célèbres, ces étoffes sont quelquefois de véritables tableaux d'art, et, il faut l'ajouter, des tableaux d'un prix élevé : quelques-unes de ces robes ont coûté de trois à cinq cents francs le mètre. Pour tisser ces étoffes merveilleuses, il faut un outillage industriel de premier ordre et, à côté des dessinateurs de grand talent, des ouvriers qui, eux aussi, sont de véritables artistes. Il est quelques-unes des étoffes sorties de la maison Bérard et Ferrand qui ont exigé, tant des patrons que de tous leurs collaborateurs, la solution des difficultés qui paraissent au premier abord insurmontables. »
Quand l'Exposition de 1889 se termine, Édouard Aynard, alors vice-président de la Chambre de Commerce de Lyon, est impressionné par les étoffes qu'il a vues. Il adresse le 9 octobre 1889 une lettre circulaire aux différents fabricants qui ont exposé à Paris. Il leur indique que l'Exposition lui est apparue « comme une date mémorable dans les annales de la Fabrique lyonnaise, par l'éclat qu'elle a jeté sur notre industrie et par les progrès qu'elle a révélés soit dans l'art du tissage, soit dans l'art appliqué aux étoffes de soie. » Il leur demande aussi d'accepter de donner au musée d'Art et d'Industrie un ou plusieurs échantillons, les plus remarquables qui avaient figuré à Paris. La maison Bérard et Ferrand est alors une des plus généreuses, puisqu'elle offre au musée vingt-trois laizes (inv. MT 24987 à MT 25009).
Maximilien Durand (fr)
|