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| - Le Premier Consul « voulant encourager les manufactures de Lyon fit en l'an X (1802) la commande d'un ameublement complet pour St Cloud à Mr Pernon. » Parmi ces étoffes figuraient le brocart or rayé jonquille et bleu, dessin turc, destiné à la Chambre de Joséphine Bonaparte. Toutefois, le 19 prairial an X (8 juin 1802), Michel Duroc, alors gouverneur du Palais, faisait savoir à Pierre-François-Léonard Fontaine, architecte du Gouvernement : « Le 1er Consul désire être installé à St Cloud dans la première décade de Thermidor prochain — faire hâter les travaux qui restent à faire pour les peintures et les dorures de manière que l'on puisse y mettre bientôt les tentures et les meubles. Comme les étoffes qui doivent être fabriquées à Lyon ne peuvent pas encore être prêtes de longtemps, vous employerez pour la décoration des grands appartements des tableaux, des tapisseries des Gobelins et les plus belles tentures qui restent encore dans le mobilier du Gouvernement. [...] La magnificence doit être réservée exclusivement pour les Grands appartements. Outre les appartements du 1er Consul et de Made Bonaparte, voici je crois comme vous devez désigner les appartements de représentation. Au haut du Grand escalier Salle des huissiers, ensuite Sallon de Mars, Grande Gallerie, Sallon de Diane. De l'autre côté, Salle du Conseil d'État, Salle des Consuls et enfin bibliothèque. »
Du 21 vendémiaire au 4 floréal an XIII (13 octobre 1804 au 24 avril 1805), Camille Pernon livra au Garde-Meuble : 192 mètres 38 de brocart or rayé jonquille et bleu pour tenture, à 150 francs le mètre ; 234 mètres 05 de damas blanc rosé pour rideaux du lit, blanc blanc pour rideaux de croisée, à 17 francs le mètre ; 107 m 75 de brocart fond satin gros bleu dessin mosaïque pour canapés, fauteuils, etc., à 144 francs le mètre ; 107 mètres 77 de brocart or fond ponceau fin, talon fond gros bleu fin, dessin anneaux et branches de myrte pour bordure de tenture, à 2 chemins de 9 pouces (soit 215 mètres 54 de bordure courante), à 160 francs le mètre ; 51 mètres 47 de brocart or fond ponceau fin, dessin à suite de couronnes et d'étoiles, pour bordures de rideaux, à 3 chemins de 4 pouces (soit 154 mètres 41 de bordure courante), à 160 francs le mètre ; 36 mètres 22 de brocart or fond ponceau fin, dessin semblable à celui des bordures de rideaux, pour bordures de sièges, à 4 chemins de 3 pouces 6 lignes (soit 144 mètres 88 de bordure courante), à 160 francs le mètre ; 30 mètres 42 de brocart or fond ponceau fin, dessin à suite d'étoiles, pour bordures de dossiers de fauteuils, à 6 chemins de 1 pouce 9 lignes (soit 182 mètres 52 de bordure courante) à 160 francs le mètre ; 13 mètres 36 de brocart or fond ponceau fin, dessin à couronnes, pour 68 écussons de tenture, à 120 francs le mètre ; et 8 lés de mousseline brodée en filet or. Les étoffes ayant effectivement été livrées après l'installation du Palais demeurèrent au Garde-Meuble en attente d'autres affectations.
Le 25 septembre 1806, Camille Pernon demandait que lui soit confiés, pour les présenter à l'Exposition des produits de l'Industrie française, des échantillons du brocart or rayé jonquille et bleu pour tenture, de la bordure pour tenture, des bordures à trois et quatre chemins pour sièges et le damas blanc pour rideaux. Le Rapport du jury sur les produits de l'industrie française , pour la Section 2 Étoffes de soie (p. 29), indique : « M. Camille Pernon, de Lyon, a exposé plusieurs produits de sa fabrication, parmi lesquels on a remarqué des coussins en brocart or relevé, et des brocarts or et argent, sans envers, faisant partie des présents destinés au Grand-Seigneur. » Le fabricant a été gratifié d'une Médaille d'or.
En 1808, lors de l'aménagement de l'appartement de l'Impératrice aux Tuileries, une note concernant sa Chambre à coucher au rez-de-chaussée signale qu'« il y a au Garde-Meuble une étoffe de Lyon qui a été commandée par S. M. l'Impératrice Elle-même pour cette pièce sur un dessin Turc à bandes et que S. M. ne trouve plus de son goût. Cette étoffe pourrait servir dans d'autres Palais. »
L'étoffe fut finalement affectée à l'aménagement du Palais de Compiègne. En 1807, le château avait reçu un ameublement provisoire, car l'Empereur paraissait « être dans l'intention d'aller passer quelques jours à Compiègne dans le mois de Septembre. » En 1808, un budget de six cent mille francs fut allouer « de manière qu'avec cette somme et celle qui a été accordée en 1807, il y ait une bonne partie du palais entièrement habitable et à laquelle il n'y ait plus rien à faire. [...] En 1809, S. M. accordera les fonds pour achever. » Joséphine ne pouvant prendre possession de son Grand Appartement sur le jardin, à la suite de celui de l'Empereur, parce que les travaux étaient inachevés, allait occuper provisoirement l'ancien Appartement de Marie-Antoinette. Le tapissier Jean-René Flamand reçut les étoffes en avril, juin et août 1808. Sa soumission ayant été acceptée par Alexandre Desmazis le 7 février 1809, il confectionna une tenture en brocart rayé jonquille, dessin turc ; trois rideaux de croisée en pou de soie blanc, trois bandeaux en damas blanc encadré de galon grec ; un lit à impériale avec estrade en damas blanc encadré de brocart, avec draperies, écharpes, bandeaux et courtepointe ; la couchette garnie de brocart pour sièges, un marchepied en damas blanc entouré de galon grec ; deux méridiennes à bois recouvert, six fauteuils meublants en bois doré, six fauteuils courants, douze chaises, deux tabourets de pieds, un écran, tous également en bois doré, recouverts de brocart or fond bleu. C'est seulement après le séjour du roi Charles IV d'Espagne et sa suite au château de Compiègne, entre juin 1808 et avril 1809 que l'ensemble confectionné par Flamand a été mis en place dans l'appartement occupé par le souverain.
Après avoir été celle de Joséphine, la Chambre devint celle du Roi de Rome en 1811, puis, en 1817, celle du comte d'Artois. Le décor en est resté inchangé jusqu'au Second Empire. En 1857, il fut remplacé par le satin blanc broché soie nuée, dessin à lyre, corbeille, lilas et couronne de roses commandé en 1811 à Bissardon, Cousin et Bony pour le troisième grand salon de l'appartement de l'Impératrice au Palais de Versailles (inv. MT 26967 et MT 27571).
Le musée des Arts décoratifs de Lyon conserve un projet à la gouache pour le damas double corps fond blanc rosé pour rideaux du lit de Joséphine Bonaparte, dessin à large bande gros de Tours, petites couronnes entrelacées, suite de palmettes et ornements (inv. MAD 3135) de la main de Jean-François Bony (1754-1825), célèbre dessinateur de fabrique, brodeur, fabricant et occasionnellement peintre de fleurs.
On sait que la collaboration entre Jean-François Bony et Camille Pernon est importante à partir de l'an X et de la commande pour Saint-Cloud. Le musée des Tissus conserve un carnet de dessins de Jean-François Bony (inv. MT 27638) dans lequel figurent plusieurs esquisses pour des étoffes commandées en l'an X (1802) par le Premier Consul pour ses appartements et les pièces d'apparat au Palais de Saint-Cloud : on y trouve, en effet, des croquis pour le damas cramoisi à feuilles de chêne pour la Salle du Conseil d'État (folio 13), pour la bordure transversale et un autre pour la bordure montante pour la Salle de la Bibliothèque du Premier Consul (folio 13 ; inv. MT 3087) et pour le damas vert à palmes et couronnes de lierre et d'olivier pour cette même Salle de la Bibliothèque (folio 16). Un autre dessin, qu'il convient de rendre à Jean-François Bony, conservé au musée des Arts décoratifs de Lyon, concerne un projet de siège pour le Petit Salon de Joséphine Bonaparte à Saint-Cloud (inv. MAD 3133).
Cette collaboration fut extrêmement fructueuse, comme le rappelle François-Marie de Fortis, l'auteur du Voyage pittoresque et historique à Lyon, aux environs et sur les rives de la Saône et du Rhône, lorsqu'il publie dans son second tome, en 1822, la lettre d'un Lyonnais qui lui fait remarquer des imprécisions qu'il a commises : « Vous avez dit qu'il (François Grognard) avait été l'associé de M. Camille Pernon, c'est une erreur ; il n'a été que son commis voyageur : tout ce qui tient à ce fabricant célèbre, qui occupa un rang distingué dans nos manufactures, doit être essentiellement exact. M. Grognard ne fut jamais connu à Lyon, ni comme chef de manufacture, ni comme dessinateur, et ce n'est point M. Grognard, comme vous l'avez dit, qui fut le collaborateur de M. Camille Pernon, c'est M. Boni (sic), habile dessinateur, qui contribua beaucoup par ses talents au succès de M. Pernon. »
Maximilien Durand (fr)
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