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  • Le musée des Tissus conserve deux laizes (inv. MT 27696.1 et MT 27696.2) du retissage effectué par la maison Lamy et Gautier du célèbre meuble d'été de la Chambre de la Reine au château de Versailles, en gros de Tours blanc broché, dessin de fleurs nuées, rubans et plumes de paon, dit « Grand broché de la Reine », acquises en 1905 aux fabricants, en même temps qu'un retissage du satin broché chenille et soie, dessin mosaïque à ramages de feuillage pour le meuble d'hiver de la Chambre de la Comtesse d'Artois au château de Versailles (inv. MT 27695). Plusieurs étoffes historiques, issues des ateliers de broderie de Jean-François Bony ou des maisons Bissardon, Cousin et Bony ou Chuard, notamment, avaient déjà été acquises à Édouard Lamy et Romain Gautier, après l'Exposition universelle de Paris en 1900. Le livre d'inventaire du musée des Tissus a enregistré les deux laizes sous un même numéro, correspondant à « 4.70 m de lampas (sic) fond taffetas crème broché soies couleurs de grandes fleurs et rubans, d'après Philippe de Lasalle (copie). » On attribuait alors le dessin et l'exécution de l'étoffe au célèbre dessinateur, fabricant, marchand et inventeur Philippe de Lasalle (1723-1804). Les deux laizes sont d'ailleurs photographiées côte à côte par Léon Lebreton dans la première publication qui les concerne, dans l'ouvrage de Raymond Cox publié à Paris en 1905 intitulé Philippe de la Salle. Son œuvre au musée historique des Tissus de Lyon. Avec une notice sur l'auteur et des notes explicatives, à la planche XXIV. La commande originale, la destination de l'étoffe, le fabricant qui l'a exécutée et le dessinateur qui a fourni la composition de ce meuble ont depuis été identifiés, grâce aux travaux d'Henri Labbé de La Mauvinière (« Deux documents artistiques concernant la chambre de Marie-Antoinette à Versailles », Gazette des Beaux-Arts, 1, 1924, p. 313-316), de Pierre Verlet (Le mobilier royal français, t. I, Paris, 1945, p. 90-93) et de Charles Mauricheau-Beaupré, complétés par ceux de Chantal Gastinel-Coural, notamment (Soieries de Lyon. Commandes royales au XVIIIe siècle, Lyon, musée des Tissus, 1988, p. 65-68). L'étoffe était destinée à constituer le meuble d'été de la Chambre de Marie-Antoinette au château de Versailles. En 1770-1771, Claude-François Capin, tapissier ordinaire du Roi, avait confectionné un meuble d'été, pour la Dauphine, avec deux gros de Tours fond blanc brochés, l'un à ramages de volubilis, l'autre à ramages de chèvrefeuille dont le musée des Tissus conserve des éléments (inv. MT 26078, MT 26079 et MT 36373). Ils avaient été exécutés par Jean Charton fils en 1769-1770 sous la direction de Jacques Gondoin (1737-1818). Un riche meuble en gros de Tours broché fond tissu bleu à double fond blanc broché soie et or dessin à papillon fut commandé à Camille Pernon (1753-1808) qui fut mis en place dans la Chambre de la Reine le 26 avril 1786. Il n'y fut utilisé qu'un seul été, soit qu'il eût déplu à Marie-Antoinette, soit plutôt qu'il se fût mal accordée aux peintures de la Chambre. Une autre soierie fut commandée à Desfarges, tandis que le meuble de Pernon « à double fonds (sic) soie et or, fond tissu croisée bleue, dessein (sic) à guirlandes de branches et fruits de vigne en or et soie sorbecq, avec cartouche à platte bande (sic) et bouquets de fleurs sur fond blanc, médaillon idem et papillons au centre brodée en camée soie ; la bordure de ce meuble en 2 largeurs fond croisé lilas, dessein à palmettes et baguettes en or, bouquets de fleurs en coloris », était utilisé dès 1787 pour la Chambre de la Reine à Fontainebleau. Marie-Olivier Desfarges, né en 1742 d'un père officier de l'hôtel de ville de Lyon, avait été inscrit pour maître le 9 novembre 1774 sur présentation de son acte d'apprentissage reçu à Lyon le 30 novembre 1756 par Maître Pierre Moreau et de sa quittance d'apprentissage reçue par le même notaire le 27 décembre 1761. Il s'était associé, en 1774, avec le dessinateur René Michalet, sous la raison commerciale Olivier Desfarges et Cie. Michalet venait de quitter la maison Audras, Gaudin et Cie, avec laquelle il avait travaillé pendant dix-huit ans (de 1756 à 1774). Cette association dura vraisemblablement jusqu'en 1784, année où Desfarges, qui était établi rue Royale, reçut sa première commande du Garde-Meuble de la Couronne. Cette même année, il s'associa avec son frère cadet Antoine Desfarges (né vers 1749, apprenti de 1763 à 1768, puis compagnon) et Henri Biscarrat sous la raison commerciale Desfarges frères et Cie. L'association perdura jusqu'en 1788. L'acte de dissolution de la société précise qu'il a été fait un inventaire du fond de commerce et que les échantillons de production, conservés à Lyon et à Paris, reviennent à Marie-Olivier Desfarges. L'acte mentionne aussi l'existence de livres de comptes pour les matières et les marchandises fabriquées, ainsi que de livres répertoriant les échantillons. Rien ne semble subsister de tout cela. En 1791, Desfarges se présentait encore comme « négociant à Lyon. » On perd ensuite sa trace. À partir de 1801, seul Antoine Desfarges est mentionné comme membre du Conseil de préfecture, jusqu'en 1818. En 1784, Desfarges est assurément considéré comme un des principaux fabricants de Lyon. Quand le prince Henri de Prusse, frère de Frédéric le Grand, séjourne dans la ville sous le pseudonyme de comte d'Oels, entre le 3 et le 11 août 1784, il visite les manufactures les plus prestigieuses, à savoir celles de Philippe de Lasalle, de Camille Pernon, de Marie-Olivier Desfarges, de Nicolas-Jean-Louis Goussard de Fontebrune, des sieurs Bonnette et Dupin, et de quelques fabricants de chinés, parmi lesquels très certainement Joseph-Benoît Richard. De fait, quatre commandes ont été passées à Desfarges par le Garde-Meuble de la Couronne entre 1784 et 1788, auxquelles il faut ajouter deux commandes du Garde-Meuble de la Reine, dirigé par Pierre-Charles Bonnefoy-Duplan, passées en 1787. La première commande du Garde-Meuble de la Couronne a été livrée en 1785 (« treize lés de lustrine cramoisi et or, de la hauteur de dix pieds deux pouces pareille à l'échantillon pour la hauteur et le dessein du même sens et conforme pour le dessein et la couleur (...) », avec grandes et petites bordures, et « vingt feuilles de paravent dessein analogue aux sièges et suivant les patrons qui leur seront délivrés (...). L'étoffe nécessaire pour 24 chaises garnies fond et dossier conforme au dessein présenté suivant les patrons. L'Etoffe idem pour 24 autres chaises les dossiers semblables aux précédents les fonds à carreaux, plattes bandes et plattes formes, le tout suivant les patrons qui leur seront donnés par le tapissier du Roi (...). 2 feuilles d'écran idem suivant les patrons ») et utilisée pour le Cabinet de la Pendule et le Salon des Jeux de Versailles. René Michalet a très certainement fourni une partie des dessins. Rien ne subsiste de cette commande. Le 13 janvier 1786, Desfarges recevait une nouvelle commande comprenant trois articles. Pour le premier article, Desfarges devait exécuter douze feuilles de paravent, vingt dessus de ployants, les étoffes pour trois fauteuils, trois carreaux et deux feuilles d'écran en « lustrine brocard bleu et or » pour le Cabinet du Conseil du Roi à Versailles. Pour le deuxième article, « pour la réparation et couverture à neuf des sièges et paravents de la Chambre à coucher du Roi », Desfarges s'engageait à livrer « un damas lustrine bleu et or, ancien dessein pour sièges du meuble qui seront employés pour faire 5 feuilles de paravent et les contre dossiers des fauteuils. » Le fabricant s'était engagé aussi à « faire exécuter sur le même dessin et bien conforme » sept feuilles de paravent, dix-huit dessus de ployants, deux dessus de fauteuils, deux carreaux de fauteuils et deux feuilles d'écran. Pour le troisième article, destiné à faire une réserve pour le magasin du Garde-Meuble, Desfarges devait réaliser, « pour completter un meuble de chambre à coucher en lustrine brocard bleu et or », « 50 aunes d'Etoffe pour jonc (...) 24 dessus de ployants conformes à ceux ordonnés cy dessus pour le Cabinet du Conseil suivant le nouveau dessein du Sr Desfarges, 4 Dessus de fauteuil (...) conforme à ceux du Cabinet du Conseil, 4 feuilles d'écran (...) 24 feuilles pour deux paravents, 8 morceaux de dessus de carreaux pareils à ceux du Cabinet du Conseil (...). Plus il est nécessaire de fabriquer un damas bleu semé de bouquets détachés en dorure pour faire les rideaux du lit. » Les livraisons s'échelonnèrent de mars 1786 jusqu'à juillet 1787. Les étoffes, à l'exception de celles qui furent utilisées pour la Chambre du Roi à Fontainebleau, restèrent au magasin du Garde-Meuble. En 1786, Desfarges reçut la commande d'un meuble d'été en gros de Tours blanc broché, dessin nué et arabesques pour la Chambre de Louis XVI à Saint-Cloud, comprenant la tenture et les sièges, les grandes et les petites bordures, auxquelles vinrent s'ajouter un complément de bordures fond carrelé, bleu à dessin de tulipes et reines marguerites avec groupes de roses. Les étoffes nécessaires à la confection du meuble furent remises à Claude-François Capin en octobre 1787. Le meuble ne fut pas vendu à la Révolution. Il fut utilisé aux Tuileries dans la Chambre de Napoléon jusqu'en 1808. Le musée des Tissus en conserve plusieurs éléments, de tenture (MT 24229 et MT 24230) et de bordures (inv. MT 24228). C'est aussi en 1786 que fut commandé le meuble d'été de la Chambre de la Reine à Versailles. Il est probable que Marie-Antoinette elle-même fut consultée pour le dessin du nouveau meuble. En 1924, la publication, dans la Gazette des Beaux-Arts, de deux projets à la gouache sur papier crème pour la courtepointe du lit de la Reine et pour le traversin, le dossier du chantourné et le fond du lit de la Reine par Henri Labbé de La Mauvinière avait permis d'attribuer à Jean-François Bony (1754-1825) le dessin du meuble d'été de Marie-Antoinette. Les deux projets ont été acquis par le musée national des châteaux de Versailles et de Trianon en 1998 (inv. MV 8976 ; inv. dessins 1208 et MV 8977 ; inv. dessins 1209). C'est la première œuvre identifiée de la carrière du célèbre dessinateur, qui utilise ici, déjà, plusieurs éléments du répertoire décoratif qui le caractérise. C'est sous sa direction, également, qu'ont certainement été exécutées les parties brodées de ce meuble. Le fabricant exécuta, en effet, en gros de Tours broché fond blanc les étoffes pour tenture, portières et cantonnières (deux cent deux aunes en vingt-sept pouces de large, soit soixante-treize centimètres) accompagnées de bordures à dessin de fleurs, rose et lilas, sur fond carrelé vert pomme (grandes et moyennes bordures), ainsi que treize ployants. Les étoffes, brodées en soie nuancée sur fond gros de Naples, comprenaient un lit complet, un canapé, deux fauteuils, un paravent de douze feuilles et un écran. Les étoffes brochées atteignaient quatre-vingt-dix-neuf livres l'aune, tandis que les étoffes brodées coûtaient trois cent quinze livres l'aune. Une longue suite de discussions s'éleva entre Desfarges et le Garde-Meuble au sujet du règlement de cette commande et dura jusqu'en 1792, bien que le paiement en ait été achevé en septembre 1788. Joseph Savournin, contrôleur des fabriques, fut envoyé à Lyon afin de vérifier la dépense réelle de Desfarges et son bénéfice, puisque le fabricant réclamait plus que le prix arrêté. Les deux commandes du Garde-Meuble de la Reine, passées en 1787 par Bonnefoy-Duplan, concernent des meubles brodés destinés l'un à Compiègne, l'autre à Trianon. Là encore, la contribution de Jean-François Bony est très probable. Le premier, destiné au boudoir de Marie-Antoinette à Compiègne, était un « meuble fond violet à cartels de satin blanc, représentant des tableaux de chasse faits soigneusement, dont ils [Desfarges frères et Cie] ont fourni le satin, le fond du meuble violet brodé en camaïeu vert, blanc, jaune. Ce meuble consiste en un canapé, quatre fauteuils, deux chaises, un écran, un tabouret de pied à trois dossiers. » Le second meuble, exécuté pour la Chambre de la Reine au Petit Trianon, a été exécuté sur un basin uni livré par le marchand parisien Hiber, place du Palais-Royal. La broderie, réalisée par Desfarges, était « en laine fine sur Basin blanc nuée sur un dessein fort riche. » Le meuble comprenait un lit complet, des fauteuils, chaises, bergères, rideaux et draperies de croisées. Le meuble d'été de la Chambre de la Reine au château de Versailles décorait encore le lieu quitté par Marie-Antoinette le 6 octobre 1789. Il fut mis en vente et figure sous le n° 1 du Catalogue des meubles et effets précieux provenant de la ci-devant liste civile dont la vente eut lieu au château de Versailles le 1er messidor an II (19 juin 1794) : « Un grand meuble d'été complet, en gros de Tours broché, fond blanc, dessin de fleurs, plumes de paon et rubans nués. » Le meuble de la Reine ne trouva pas d'acquéreur. Retiré du château, il fut placé le 22 fructidor an II (8 septembre 1794) à l'hôtel du Garde-Meuble de Versailles, rue des Réservoirs, où le mentionne l'inventaire de « cloture du procès-verbal de vente et récolement des effets non vendus » à l'article 2529 : « Meuble de gros de Tours fond blanc, broché et brodé de fleurs de lilas, roses et autres avec des rubans entrelassés de queues de paon (...). » Une note indique : « Ce meuble est de la plus grande fraîcheur et de toute beauté, l'huissier florentin ne l'a prisé que douze mille livres, les enchères ont excédé cette estimation, mais comme les commissaires n'ont pas cru qu'elles ayent encore été portés a la valeur du meuble, ils l'ont fait retirer et pensent qu'il doit au moins être évalué vingt quatre mille livres. » Il est toujours au Garde-Meuble le 12 prairial an IV (31 mai 1796), puisqu'il est mentionné dans l'inventaire  des meubles restant à Versailles. Le gros de Tours à décor de fleurs nuées, rubans et plumes de paon fut utilisé sous l'Empire, tout d'abord au Palais de Saint-Cloud, dans le Salon des princes, puis à Fontainebleau, en 1806, dans l'appartement de Madame Mère, Letizia Bonaparte. Aujourd'hui, il reste peu d'éléments originaux de ce meuble exceptionnel.  Le musée des Tissus conserve plusieurs éléments de bordure treize pouces (inv. MT 1404, MT 2840.1 et MT 2840.2). En 1959, le musée national des châteaux de Versailles et Trianon a pu faire l'acquisition de la courtepointe brodée du lit de la Reine (inv. MV 3671), et quelques dépouilles du meuble original subsistent encore, au Mobilier national, à Paris, et dans de rares collections, publiques ou privées. Les deux laizes acquises par le musée des Tissus en 1905 ont été retissées par la maison Lamy et Gautier, c'est-à-dire probablement entre 1900 et 1905, à partir des documents originaux qui étaient encore en leur possession. On sait que Pierre-Toussaint Déchazelle avait cédé son fonds, à une date inconnue, à Charles Corderier qui s'associa sous l'Empire à Marie-Jacques Lemire. Entre 1829 et 1834, Corderier et Lemire reprirent la fabrique de Chuard, qui lui-même avait repris le fonds Bissardon, enrichi des archives de Marie-Olivier Desfarges. Lemire poursuivit son activité sous la raison sociale Lemire et Cie, puis Lemire père et fils. En 1865, la manufacture connaissant des difficultés, elle fut vendue, avec tout son fonds d'archives, à Antoine Lamy et Auguste Giraud. En 1900, Édouard Lamy, fils d'Antoine, s'associait à Romain Gautier. Maximilien Durand (fr)
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