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| - La laize a été acquise en 1862 avec une grande partie de la collection de François Bert, professeur de théorie. Dans l'inventaire manuscrit de la collection conservé au musée des Tissus, qui a permis de préparer l'inscription des œuvres sur le livre d'inventaire, elle est décrite comme un « panneau de tenture de satin blanc, broché chenille et soie nuancée ; décor chinois, fleurs dans un vase fond bleu, oiseaux, personnages, etc. Dessin de Philippe de Lasalle. » L'attribution du dessin à Philippe de Lasalle (1723-1804) et, parfois, du tissage à Camille Pernon (1753-1808), qui a été reprise par quelques auteurs du XXe siècle, témoigne surtout de la qualité du décor et de celle de l'exécution du tissage, un satin broché à plusieurs lats de soie et de chenille ne comprenant pas moins de vingt-quatre coloris.
La laize superpose trois motifs distincts, chacun disposé sur une terrasse d'où jaillissent des branches ou des feuilles qui assurent la transition avec le registre inférieur.
Le registre principal, dans la partie inférieure de la laize, présente un faisan doré (Chrysolophus pictus), aussi appelé « faisan de la Chine », reconnaissable à son plumage coloré — la tête et la colerette orange, le haut du dos vert, les ailes bleues, le corps rouge, le croupion jaune vif et la queue marbrée de beige et de noir — et à sa huppe qui lui revient sur le haut de la nuque. Il se tient penché vers l'avant, la queue dressée, sur une terrasse rocheuse d'où jaillissent des fleurs de fantaisie et une branche chargée de fleurs chinoises. Au second plan, un parapet de pierre soutient un vase chinois fleuri, posé dans un cache-pot. À l'arrière-plan, s'épanouissent, sur un rocher, une touffe de longues feuilles, deux grosses fleurs chinoises et des branches chargées de fruits évoquant des mûres.
Au-dessus, un deuxième registre moins important en hauteur présente un plan d'eau, encadré d'une palissade. Des feuilles et des fleurs le bordent. Un îlot supporte un arbre de fantaisie, dont la frondaison est évoquée par une inflorescence colorée, et un pavillon chinois. Un Chinois sur une barque vogue sur l'eau.
Au registre supérieur, une terrasse naturelle abrite, sous un arbre portant fleurs et fruits stylisés, une scène chinoise : une femme joue avec un oiseau qu'elle a momentanément libéré de sa cage, sur laquelle elle s'appuie, tandis que, sous un petit pavillon, un homme joue du luth. Des fleurs de fantaisie et des branches de prunus naissent de la terrasse. Sur la plus grande des branches, un oiseau exotique est perché.
Le décor montre l'appropriation, par les dessinateurs de la Fabrique lyonnaise, des motifs proposés dans les ouvrages d'histoire naturelle (pour la représentation du faisan doré) et les recueils d'ornements (pour les scènes de chinoiseries mais aussi les fleurs « chinoises »). On reconnaît, notamment, l'influence des dessins gravés de Jean-Baptiste Pillement (1728-1808) dans cette tenture. Le joueur de luth, notamment, est directement emprunté au Recueil de Plusieurs Jeux d'Enfants Chinois, inventé et dessiné par Jean Pillement, et gravé par Pierre-Charles Canot, de même que le motif du pavillon sous lequel il repose. Ils sont ici combinés sous une forme nouvelle, et associés à d'autres poncifs issus de ces modèles et réinterprétés par les dessinateurs de fabrique. Le musée des Tissus conserve également la bordure correspondante, où s'épanouit une guirlande sinueuse portant de grosses fleurs chinoises, des fruits de mûrier et des fleurs de prunus, où sont perchés des oiseaux exotiques (inv. MT 2897).
Une tradition orale récente, qui a été relayée dans la bibliographie des dernières décennies, veut que ce panneau ait été réalisé pour orner l'une des pièces de l'hôtel de Lacroix-Laval, à Lyon, qui accueille depuis 1925 le musée des Arts décoratifs. Aucune archive, évidemment, ne vient étayer cette hypothèse. Un exemplaire similaire, qui faisait partie du fonds d'étoffes anciennes de la maison parisienne Hamot, a été acquis en 1997 par la Fondation Abegg, à Riggisberg (inv. Nr. 5022).
La tenture a été retissée à plusieurs reprises au cours du XXe siècle, comme en témoignent, par exemple, une laize du musée de la Mode et du Textile aux Arts décoratifs de Paris (inv. 13271), un retissage de la maison Tassinari et Chatel datant de 1902 ou celui, exécuté dans les années 1920, par la maison new-yorkaise Schumacher (New York, The Schumacher Collection, inv. 41SW).
Maximilien Durand (fr)
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