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  • Le velours a été offert à la Chambre de Commerce par le fabricant lui-même qui l'avait présenté à la deuxième Exposition universelle, organisée à Paris par Napoléon III en 1855. La Chambre en fit don à son jeune musée d'Art et d'Industrie en 1863, peu de temps avant son ouverture au public. Le velours est un chef-d'œuvre d'exposition, destiné à démontrer l'excellence de la maison qui l'a produit. C'est la raison pour laquelle figurent, en partie inférieure, en plus de la date de production, les noms du fabricant, Félix Fontaine, du dessinateur, Nicolas Romain, et du tisseur, C.-M. Joannin. La laize, large de quatre-vingt-dix centimètres et haute de cent trente centimètres, comprend sept chaînes, une chaîne pièce en soie noire (organsin S de deux bouts Z, fil double), et six corps (chaîne poil, organsin S de deux bouts), dont deux suivis (noir et gris), un suivi et imprimé à disposition (blanc, avec une partie imprimée en jaune pour les fleurs de lis du blason) et trois interrompus (rouge, vermillon et bleu). Les six corps de la chaîne poil constituent à la fois les boucles et les poils du velours « broderie » sur la face, et les poils de l'envers. Les trames sont en soie (assemblé sans torsion apparente de deux bouts d'organsin, de torsion S de deux bouts Z) noire ou, ponctuellement, rouge dans les chefs de pièce. Le tissage est exécuté au moyen d'un fond taffetas. Outre le nombre de corps utilisés pour le velours et l'impression à disposition d'un de ces corps, blanc dans la totalité de la pièce et jaune au chef du blason, qui constituent déjà une difficulté technique sur un velours de cette largeur, le tissage est surtout remarquable par le fait qu'il est exécuté comme une peluche double-face, avec un velours ciselé (à la fois bouclé et frisé) sur la face, les poils ayant la même hauteur que les boucles (velours dit « broderie »), et un velours coupé sur l'envers. Pourtant, le dessin n'est pas réversible et il n'est conçu que pour être apprécié par la face. Cette difficulté supplémentaire, qui consiste à couper tous les poils sur le même côté, nécessite, pour faire passer une partie de ceux-ci sur l'envers, d'introduire au cours du tissage une trame supplémentaire, de même que s'il s'agissait du passage d'un fer sous le tissu. Le tissage achevé, la trame est arrachée par l'un de ses bouts, entraînant avec elle, à l'envers de l'étoffe, les poils sur lesquels elle avait été passée. C'est ce qui explique la hauteur plus importante des poils sur l'envers et l'apparition, par touches, sur l'ensemble de la surface de l'envers, du corps blanc, en boucles ou en poils. Puisque le velours n'a pas été conçu pour être vu sur l'envers, cette opération a surtout pour objet de donner une plus grande densité à l'étoffe et d'accentuer la netteté du dessin formé par l'alternance des différents corps. Ce dessin est lui aussi particulièrement remarquable pour un velours. Les armes de Lyon, surmontées d'une couronne crénelée, se détachent sur une guirlande de fleurs où sont piquées des palmes et des plumes de paon. On s'étonnera peut-être de voir figurer à l'Exposition universelle de Paris, en 1855, les armes de Lyon, de gueules, au lion d'argent, comportant un chef cousu de France. Félix Fontaine, au moment où il faisait établir le dessin de ce chef-d'œuvre d'exposition, s'était inquiété de devoir faire figurer, au chef d'azur, les fleurs de lis des Rois de France. Le 6 décembre 1854, il adressait un courrier au Président de la Chambre de Commerce de Lyon, conservé dans les archives de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Lyon, dans lequel il sollicitait son avis sur cette question : « Monsieur le Président de la Chambre de Commerce de Lyon, J'ai eu l'honneur de vous informer de mon projet de fabriquer les armes de Lyon, en velours façonné, pour l'Exposition universelle de 1855. Au moment de me mettre à l'œuvre, j'éprouve un certain embarras. Les seules armes authentiques de la ville seraient encore celles qui lui ont été accordées par une loi de Louis XVIII, qui n'a pas été rapportée. Elles portent le lion d'argent armé, sur fond de gueules, surmonté de trois fleurs de lis sur fond d'azur. Ces mêmes armes figurent, il est vrai, sur le piédestal de la statue équestre de Napoléon Ier. Toutefois, avant d'entreprendre un travail d'une certaine importance qui nécessitera quelques frais, je désirerais connaître l'opinion de la Chambre de Commerce afin de m'y conformer. Veuillez, Monsieur le Président, m'éclairer sur le parti que je dois prendre pour la partie héraldique de mon œuvre, je vous en serais très reconnaissant. Agréez, Monsieur le Président, les sentiments de profond respect et de haute considération de votre humble et obéissant serviteur, F. Fontaine. » Le 20 décembre 1854, le Président de la Chambre de Commerce transmettait la question au Préfet du Rhône. Le 28 décembre suivant, le sous-préfet du Rhône, répondait au Président de la Chambre de Commerce : « Monsieur le Président, Alors que Lyon était capitale du royaume de Bourgogne, les armoiries étaient de gueules au lion d'argent. Lorsque cette ville fut réunie à la couronne de France, elles furent de gueules, au lion d'argent, au chef cousu de France. Lyon perdit ses armoiries en 1789. L'Empire les lui restitua en les composant : de gueules, au lion d'argent, au chef cousu des bonnes villes du premier ordre. À cette époque, le chef était semé d'abeilles au lieu des fleurs de lis. Une ordonnance du Roi du 26 septembre 1814 ayant autorisé les villes et communes à reprendre les armoiries qui leur avaient été attribuées par les Rois de France, celles de Lyon furent de nouveau de gueules, au lion d'argent, au chef cousu de France semé de fleurs de lis. Cette ordonnance n'ayant pas été abrogée, les armes de Lyon restent telles qu'elles sont déterminées par les lettres patentes conservées aux archives de cette ville. C'est ainsi d'ailleurs que le dessin en a été transmis tout récemment à M. le Ministre de la marine et des colonies, qui veut bien orner des armes lyonnaises et donner le nom de la ville de Lyon à un vaisseau à vapeur en construction au port de Brest. Je n'ai pas appris que son Excellence ait fait subir à ces armes de modification que leur chef serait peut-être susceptible de recevoir par le régime impérial. Ces explications, Monsieur le Président, répondent à la demande contenue dans votre lettre du 20 de ce mois. Recevez, Monsieur le Président, l'assurance de ma considération la plus distinguée. Pour le sénateur, chargé de l'administration du Rhône empêché, le sous-préfet de Lyon, secrétaire général pour l'administration délégué. » L'exceptionnel tour de force technique que représente l'exécution de ce velours ne semble pas avoir été perçu par les commentateurs de l'Exposition universelle, puisqu'aucun compte rendu de l'événement ne semble le mentionner. Il ne fait que confirmer la qualité de l'exposition de Félix Fontaine, qui reçoit une médaille de première classe pour ses « velours et rubans, velours façonnés, de bien meilleur goût et d'un prix égal aux produits similaires de l'étranger. » Il faut rappeler qu'à cette même Exposition de 1855, la maison Furnion père et fils était gratifiée d'une médaille d'honneur pour un « velours peluche à deux faces, sans envers, véritable innovation, et deux superbes tableaux tissés représentant les empereurs Napoléon Ier et Napoléon III. » Ces derniers, des velours ciselés quadruple corps dit velours « broderie », sont particulièrement remarqués. Ils sont conservés au musée des Tissus (inv. MT 42745 et MT 42746), ainsi que le dessin préparatoire à la mise en carte du Portrait de Napoléon Ier (inv. MT 2014.0.26), de la main d'Auguste Malpertuy (1823-1897), le dessinateur de la maison Furnion père et fils, décoré à cette même Exposition universelle d'une médaille de seconde classe pour son « habileté » et sa « bonne moralité. » Nicolas Romain, dessinateur, présenté par Félix Fontaine, obtint lui aussi une médaille de seconde classe pour son « talent », son « zèle » et son « ancienneté » ; cette distinction est sans doute l'écho de l'admiration qu'avait suscitée, auprès du jury de l'Exposition universelle, la composition du panneau de velours aux armes de Lyon. Un second exemplaire du même velours est conservé au musée des Tissus (inv. MT 36271). Il a été donné en octobre 1974 par le Syndicat des fabricants de soierie pour enrichir la collection. Maximilien Durand (fr)
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