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  • En 1884, Jean-Louis Bachelard et François-Adrien Devaux reprennent la maison Million, Servier et Cie, fondée en 1813. Elle deviendra officiellement, le 14 mai 1884, la maison Devaux et Bachelard, puis, suite au retrait de Devaux en 1892, la maison J. Bachelard et Cie. Etablie au 12, quai Saint-Clair et au 23, rue Royale, la maison Devaux et Bachelard traitait spécialement la haute nouveauté en tissus de soie unis, façonnés, velours et imprimés. Figurant parmi les maisons lyonnaises présentes aux grandes expositions, elle a obtenue les plus hautes récompenses : Médaille d’or aux Expositions universelles de Paris en 1855 et 1889, de Lyon en 1894, et à l’Exposition internationale industrielle d’Amsterdam en 1883 ; Grande médaille aux expositions universelles de Londres en 1862, de Paris en 1867, de Vienne en 1873, de Philadelphie en 1877 et de Melbourne en 1880. C’est d’ailleurs dans cette maison de renom que se rencontrent Charles Bianchini, François Férier et Pierre-François Atuyer. Ils fondent leur propre maison en décembre 1888 sous la raison commerciale Atuyer, Bianchini et Férier, et se voient décerner peu après une Médaille d’argent lors de l’Exposition universelle de Paris en 1889. Cette Exposition marque une date mémorable dans les annales de la Fabrique lyonnaise. La réussite des quatre-vingt huit exposants lyonnais fut reconnue unanimement par la critique, garantissant ainsi la suprématie de la Fabrique pour les étoffes luxueuses. La Chambre de Commerce de Lyon formule alors le projet de « perpétuer le souvenir de cette grande manifestation (…) et se propose de grouper dans une vitrine spéciale [de son musée d'Art et d'Industrie] (…) les types les plus remarquables des étoffes exposées à Paris ». Elle demande donc aux exposants de réserver « un ou plusieurs des échantillons les plus remarquables » qui ont figuré dans l’exposition parisienne. La maison Devaux et Bachelard répond positivement en envoyant des échantillons de sa vitrine qui contenait « de très jolies étoffes haute nouveauté, ainsi que des velours pour robes et confections et des armures ». La laize Pensées stylisées, un satin à plusieurs effets (deux lats de liseré vert et grenat, un lat de lancé laminé doré et trois lats de broché bleu, violet et rose), présente sur un fond or, des bouquets de trois pensées disposés en quinconce. On retrouve dans cette représentation les caractéristiques botaniques de la pensée sauvage ou Viola tricolor. Plus aérienne que les variétés prédominantes de pensées cultivées, elle présente des pétales irréguliers, un fruit en capsule subtrigone, et des feuilles oblongues. Les proportions de la plante ne sont néanmoins pas réellement respectées : les tiges et feuilles ont été réduites par rapport aux dimensions de la corolle. Les pensées sont ici bicolores, tour à tour bleues, roses ou violettes, avec une constante de couleurs or. La technique du brochage permet de faire ressortir les pétales des pensées en leur donnant leur couleur et du relief au motif. Les détails des nervures des pétales et des feuilles ainsi que des contours sont donnés par le liseré grenat compris dans la trame de fond, tout comme la couleur verte donnée aux éléments du feuillage. Le broché est réalisé principalement sur des métiers à mécanique Jacquard qui permettent un tissage complexe. Cette composition a exigé des montages particuliers et d’ingénieuses combinaisons pour l’accord des armures de fond. Les œuvres présentées à l’Exposition universelle de 1889 sont pour la plupart d’une grande dextérité artistique, certaines pièces constituant même de véritables prouesses de tissage. C’est un exemple à la fois représentatif du goût du dessin et de la tradition lyonnaise de l’ornementation florale. Adrien Storck, le commentateur de l'exposition des fabricants de soierie dans l'ouvrage Lyon à l’Exposition universelle de 1889, évoque l’essor d’une nouvelle ornementation et l’importance des motifs floraux dans les œuvres présentées à Paris : « Les créateurs de cette décoration nouvelle n'ont point cherché les fleurs impossibles, les feuillages fantastiques, les ornements bizarres. Ils ont regardé autour d'eux et trouvé, dans les fleurs de nos jardins, les gracieux modèles que la nature mettait sous leurs yeux. C'est cette simplicité et ce goût délicat qui ont frappé dans la décoration de la plus grande partie de nos étoffes à l'Exposition de 1889. La nature est prise sur le vif avec une sincérité, une véracité qui font illusion parfois. Si nous en exceptons les étoffes d'ameublement et quelques pentes de grande allure et de style noble, destinées à des traînes ou des manteaux de cour, nous retrouvons presque partout la flore qui nous charme chaque jour par sa variété infinie de formes et de tons ; cette flore dont les allures changeantes, capricieuses, dont les aspects, si divers dans les phases successives des saisons, sont une mine inépuisable de documents et de motifs. » La maison Devaux et Bachelard, spécialiste des sujets originaux, ne propose pas une composition naturaliste. Les formes simples des motifs sont inspirées de représentations anciennes, et la composition est d'inspiration relativement classique. Mais cette simplicité nouvelle suscite un commentaire enjoué d'Adrien Storck : « Ces pensées de forme hiératique nous font songer aux nobles dames d’antan, fermes en leurs chaires de bois sculpté, la figure sereine et sans expression, les mains symétriquement posées, la robe tombante en plis rigides, le hénin s’en allant fixer un point de l’axe de l’image. C’est de l’étoffe Moyen Âge, avec tous les caractères d’archaïsme appropriés à son but spécial ». Cette description imagée rappelle le recours constant, dans l’art de la tapisserie médiévale, au cadre végétal, tout particulièrement dans les tapisseries Mille fleurs. Ces dernières présentaient en arrière-plan un décor floral riche très en vogue aux XVe et XVIe siècles. La représentation de motifs figés, solennels, la netteté des contours, mais aussi le choix d’un fond or, participent de l’impression de majesté qui se dégage de cette pièce. L’historicisme et l’appel aux styles du passé sont dans le goût du XIXe siècle. La première moitié du siècle développe une admiration incessante pour la période du Moyen Âge et multiplie les inspirations gothiques, voire antérieures. Lors de l’Exposition universelle de 1889, certains fabricants exploitent aussi ce retour aux sources de l’histoire nationale. Cette inspiration est tout particulièrement visible chez les fabricants spécialisés dans les ornements d’église qui proposent des motifs stylisés, issus de l'art roman ou gothique. La référence au Moyen Âge est plus originale, en revanche, dans les étoffes destinées à l'habillement. Elle est ici tout à fait renouvelée par le choix même du motif, une fleur traitée au naturel, mais avec un effort de stylisation évident, posée sur un fond or. La maison Devaux et Bachelard affirme durant cet événement parisien sa capacité d’innovation et de renouvellement des motifs, comme en attestent, également les huit autres pièces concédées au musée d'Art et d'Industrie en 1889, parmi lesquelles Roseaux (inv. MT 24857), Lilas blancs (inv. MT 24858), Nuages et étoiles (inv. MT 24859), Arbre dépouillé et effet de neige (inv. MT 24860), Dahlia de Nangasaki (inv. MT 24862) et Lys Martagon (inv. MT 24863) sont les plus significatives de la modernité de la maison. Carole-Hélina Jacquet (fr)
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